Aujourd’hui, on rencontre Anne-Hélène Dubray qui nous parle de ses beaux albums riches en détails. Ensuite, on découvre où et comment Gaëtan Dorémus dessine et crée.
L’interview du mercredi : Anne-Hélène Dubray
Quelles ont été les inspirations pour votre très bel album La Montagne ?
Pour La Montagne, j’avais envie de travailler sur de grandes images foisonnantes et de grandes scènes avec plein de personnages. Je me suis pas mal tournée vers la peinture pour voir le traitement de l’espace et de la couleur, les 36 vues du mont Fuji en particulier, à cause de la montagne bien sûr et des différentes atmosphères colorées. J’ai beaucoup regardé les miniatures persanes ou indiennes (j’avais vu de très belles fresques en Inde avec de grandes scènes de batailles où se mêlaient animaux et humains).
Il y a eu une grande phase de recherche sur la végétation, les animaux de chaque ère, l’histoire des villes, et une foule de petits détails (ce que mangeaient les hommes préhistoriques et comment on s’habillait en Mésopotamie) pour ensuite laisser place à une interprétation plus imaginaire.
C’est un livre qui a commencé avec des images, le texte est venu après pour souligner et animer certaines petites scènes et guider le regard du lecteur tout en l’amusant.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Mes études ne m’ont pas directement amenée à l’illustration. Après les Beaux-Arts j’ai d’abord été graphiste dans l’édition. Puis j’ai repris des études en littérature tout en donnant des cours d’arts plastiques. J’ai alors commencé la gravure et réalisé avec cette technique un premier livre illustré, Daphné (Esperluète). Puis j’ai rencontré Chloé Marquaire et Guillaume Griffon de l’Agrume pour un premier projet jeunesse. J’ai ainsi continué l’illustration et l’écriture, puis travaillé petit à petit pour d’autres domaines de l’illustration comme la presse, l’édition adulte ou la communication.
Vous illustrez pour la presse, pour l’édition, vous faites également un peu de microédition, est-ce que ce sont trois manières de travailler différentes ?
Pour la presse ou une commande en édition, on est amené à travailler sur des sujets qu’on ne connaît pas, j’aime beaucoup ça, il y a de la découverte et des contraintes très stimulantes. Pour mes projets personnels d’auteure, c’est un travail dans le temps, avec parfois beaucoup de recherches documentaires et graphiques, il faut apprendre à faire avec la liberté, c’est une chance, mais ça suscite des moments de doutes aussi. En micro édition, il faut porter le projet matériellement, on va jusqu’à produire un objet, on apprend plein de choses. Ces différentes pratiques s’alimentent les unes les autres.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescente ?
Mes parents s’intéressaient assez aux livres pour enfants et j’ai de bons souvenirs de lecture, avec un gout prononcé pour le loufoque, je pense à 333 fois fou de Salisbury Kent, La Maison hantée, Si les chiens et les chats étaient des dinosaures. Mais aussi à des livres poétiques comme L’œuf et la poule de Iela Mari. Ensuite j’ai adoré lire Roald Dahl. Puis j’ai eu une grande passion pour Picsou magazine, je dessinais très bien Donald sous toutes les coutures.
Adolescente, c’était la BD, les romans policiers et Boris Vian. J’aimerais beaucoup travailler sur une histoire policière d’ailleurs.
Auriez-vous quelques coups de cœur à nous faire partager ?
J’ai lu dernièrement Santa Fruta, de Delphine Perret et Sébastien Mourrain, qui est vraiment drôle et touchant ; et Le tunnel de Mari Kanstad Johnsen, j’adore son travail. Sinon, j’essaie d’avoir toujours un livre de Blex Bolex à portée de main, Les Saisons ou un tout petit livre sans paroles La longue vue, son art de la narration m’émerveille.
Travaillez-vous sur un projet particulier en ce moment ? Pouvez-vous nous en parler ?
Je travaille sur un nouveau livre jeunesse avec l’Agrume, c’est un abécédaire, avec des textes vivants et amusants je l’espère. Il sortira à l’automne prochain.
Bibliographie :
- La Montagne, L’Agrume (2017) que nous avons chroniqué ici.
- Les Farceurs, L’Agrume (2016).
- Daphné, Esperluète (2014).
Son site : http://annehelenedubray.fr
Quand je crée… Gaëtan Dorémus
Le processus de création est quelque chose d’étrange pour les gens qui ne sont pas créateur·trice·s eux-mêmes. Comment viennent les idées ? Et est-ce que les auteur·trice·s peuvent écrire dans le métro ? Les illustrateur·trice·s, dessiner dans leur salon devant la télé ? Peut-on créer avec des enfants qui courent à côté ? Faut-il de la musique ou du silence complet ? Régulièrement, nous demandons à des auteur·trice·s et/ou illustrateur·trice·s que nous aimons de nous parler de comment et où ils·elles créent. Cette semaine, c’est Gaëtan Dorémus qui nous parle de quand il crée.
Boulot
Je ne suis pas un artiste maudit qui erre sur les chemins de France à la recherche de l’inspiration, puis partirais m’isoler dans ma grotte pour « créer »… C’est mon activité, ma passion, mon travail. Comme un vrai travail. Je ne travaille pas la nuit ou n’importe quand : j’aspire à une vie sociale en dehors de mon activité d’illustrateur, et je me cale sur la vie autour de moi.
Train
Je réalise mes livres dans mon atelier, qui n’est pas une pièce de ma maison. J’ai besoin de trajets pour passer de ma vie professionnelle à mes autres vies, j’ai besoin de trajet pour que mes idées infusent et cheminent en moi. C’est pour cela que l’endroit où vraiment j’arrive à un maximum de concentration pour dérouler le fil d’une nouvelle histoire, c’est… le train. Ça se déplace, c’est calme, on est avec soi, son petit carnet, ses pensées, ses éventuelles notes précédentes. Mais ensuite tout se passe à l’atelier : ça bouge moins qu’un train, ce qui est nécessaire pour dessiner.
Radio
Je regarde/relis mes carnets ferroviaires pour développer mes projets de bouquins. J’écoute beaucoup de radio et de musique lorsque je dessine, pas lorsque je travaille sur le texte ou la narration. Le son d’une radio avec des gens qui parlent m’aide à lâcher prise je pense dans mon dessin, me permet d’évacuer la pointe d’angoisse du ratage de dessin, du mal fait, du dessin coincé. Mon éveil culturel, ma conscience politique se sont particulièrement nourris grâce à mes journées de travail, la radio allumée. En ce moment, je me délecte de Métronomique sur France Culture. Souvent en bas de mes dessins ou sur des post-its apparaissent des noms d’émissions, de musiciens, de livres à lire, de phrases entendues, d’idées-flash qui n’auront peut-être pas de suites immédiates. J’écoute des albums de musique, jamais des playlists aléatoires, j’aime à être immergé dans une ambiance sonore. Un disque c’est environ 45 minutes, ça structure mon travail, souvent je change de tâche lorsque je change de disque, ou je réponds à un mail ou deux pendant 5 minutes avant de lancer un autre album de musique.
Gaëtan Dorémus est auteur et illustrateur.
Bibliographie sélective :
- Les Goûters méga chouettes de Machinette, texte et illustrations, Albin Michel Jeunesse (2018).
- Tout doux, texte et illustrations, Rouergue (2018).
- ICI, texte et illustrations, La Ville Brûle (2017).
- Dans les dents !, illustration d’un texte de Denis Baronnet, Actes Sud Junior (2017).
- Minute papillon !, texte et illustrations, Rouergue (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Série Till, illustrations de texte de Philippe Lechermeier, Les fourmis rouges (2015-2016).
- Les Oreilles, texte et illustrations, Albin michel jeunesse (2016).
- La Maman de la maman de mon papa, texte et illustrations, Les fourmis rouges (2016).
- Mon bébé croco, texte et illustrations, Albin Michel Jeunesse (2015).
- Le miel des trois compères, illustration d’un texte de Richard Marnier, Le rouergue (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Vacarme, texte et illustrations, Notari (2014).
- Mon ami, texte et illustrations, Rouergue (2012).
- Tonio, texte et illustrations, Rouergue (2012).
- Ping Pong, texte et illustrations, Seuil jeunesse (2010).
Son site : https://gaetandoremus.com
Aime le papier bulles et les dinosaures.