Aujourd’hui, c’est Alexandra Pichard que nous recevons. J’ai beaucoup aimé Cher Bill, dont elle est l’auteur et l’illustratrice, et j’avais envie de revenir avec elle sur son parcours. À la suite de cette interview vous pourrez d’ailleurs tenter de gagner Cher Bill. Ensuite, c’est à Cécile Roumiguière que j’ai proposé de venir nous livrer ses coups de cœur et coups de gueule, en cette période où il y a tant de choses à dire. Bon mercredi à vous.
L’interview du mercredi : Alexandra Pichard
Parlez-nous de votre parcours.
J’ai eu envie d’illustrer des livres assez tôt. Vers 9 ou 10 ans, je m’étais même fait des cartes de visite sur Paintbrush. Dans cette optique, je suis entrée en Arts Appliqués, où j’ai découvert un large éventail de disciplines artistiques. Sans perdre de vue l’illustration, j’ai donc commencé des études de Design d’Espace, pensant qu’il serait possible de tout concilier. Quand j’ai compris qu’il fallait choisir, j’ai décidé de tenter l’entrée en équivalence en illustration des Arts Décoratifs de Strasbourg. J’ai eu mon diplôme en 2009.Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescente ?
Mes parents me lisaient les livres qu’ils empruntaient à la bibliothèque. Pour la plupart des classiques, des contes de Perrault à ceux d’Andersen, en passant par J.M Barrie et la Comtesse de Ségur. Je me souviens aussi des Histoires comme ça de Rudyard Kipling et des Contes de la rue Broca de Pierre Gripari. Quand j’ai su lire, il y avait sur ma table de chevet Le petit Nicolas de René Goscinnny et les livres de Roald Dahl.
Quelles techniques de dessin utilisez-vous ?
La plupart du temps, je dessine au Rotring noir ou à la plume et à l’encre de Chine. Je fais des aplats de couleur à l’encre, et j’assemble le tout sur l’ordinateur. Travailler sur Photoshop permet de conserver la matière des dessins d’origine tout en essayant différentes combinaisons colorées.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur Cher Bill, album dont vous êtes l’auteur et l’illustratrice ?
C’est un album épistolaire pour enfants. On y lit la correspondance imaginaire entre Bill le poulpe, et Oscar la fourmi. Comme chaque personnage appartient à une espèce différente, que l’un vit sous la mer et l’autre sur la terre, cela pique leur curiosité et donne lieu à quelques situations cocasses.
C’était en lisant un recueil de lettres pour adultes que l’envie m’est venue de faire ce livre. En m’arrêtant sur les photos des documents d’archives montrant les lettres manuscrites, les enveloppes d’origine avec timbres de l’époque et tampon de la Poste, je me suis dit que ce serait amusant de retrouver tout ça dans une correspondance fictive, destinée aux enfants.
Quels sont vos projets ?
Je prépare un nouveau livre pour enfants dont je viens d’écrire le texte. Dans cette histoire, on suivra un personnage qui se perd dans un arbre immense et curieusement habité.
Bibliographie :
- Puisque c’est comme ça je m’en vais, illustration d’un texte de Mim, Magnard Jeunesse (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Cher Bill, texte et illustration, Gallimard Jeunesse Giboulées (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Les soquettes blanches, illustration d’un texte de Vincent Cuvellier, Gallimard Jeunesse Giboulées (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Le livre qui fait parler les parents et les enfants : Mon corps et moi, illustration d’un texte de Sophie Coucharrière, Père Castor (2012).
- Être responsable, illustration d’un texte de Fabien Lamouche, Gallimard Jeunesse Giboulées (2011).
- Muette, illustration d’un texte d’Anne Cortey, Autrement (2011), que nous avons chroniqué ici.
- Nina et les oreillers, illustration d’un texte de Maylis de Kerangal, Hélium (2010), que nous avons chroniqué ici.
- Herman et Dominique, texte et illustrations, Thierry magnier (2009).
Le site d’Alexandra Pichard : http://alexandrapichard.com.
Concours :
Comme je vous le disais avant cette interview, grâce à Gallimard Jeunesse Giboulées je vais pouvoir offrir à l’un de vous le bel album Cher Bill. Pour participer au tirage au sort, parlez-moi en commentaire du rapport de vos enfants avec la correspondance (Écrivent-ils des lettres ? Ont-ils des correspondants ?). Vous pouvez aussi parler de votre rapport à la correspondance quand vous étiez enfants. Je tirerai au sort parmi vos réponses. Vous avez jusqu’à mardi 20 h, bonne chance à tous !
Le coup de cœur et le coup de gueule de… Cécile Roumiguière
Régulièrement, un acteur de l’édition jeunesse (auteur, illustrateur, éditeur…) nous parle de deux choses qui lui tiennent à cœur. Une chose qui l’a touché, ému ou qui lui a tout simplement plu et sur laquelle il veut mettre un coup de projecteur, et au contraire quelque chose qui l’a énervé. Cette semaine, c’est l’auteur Cécile Roumiguière qui nous livre son coup de cœur et son coup de gueule.
Coup de cœur, coup de gueule
Exercice périlleux en ce 12 janvier 2015, difficile de le traiter à la légère. Difficile de rester dans le “j’aime-j’aime pas” devant un de ces moments dont on sait qu’il y aura un avant et un après.
Coup de cœur quand je vois ces millions de personnes, toutes différentes, réunies dans un même élan, une même émotion, pour dire leur attachement à la liberté de parole.Coup de gueule quand je vois des politiques en profiter pour se refaire une virginité, ces mêmes qui laissent des gens vivre dans la misère, l’abandon, certains bafouant ouvertement la liberté et les droits de l’homme dans leur pays.
Coup de cœur devant cette parole spontanée, on se parle, on se sourit comme jamais. Pourvu que ça dure…
Coup de désespoir quand je lis les slogans racistes qui s’affichent, déjà, quand je vois la jubilation sur les murs des lepénistes.
Coup de cœur quand un vendeur de supérette devient un héros, au-delà des religions, des origines, humain, tout simplement.
Coup de gueule quand on liquide les machines à tuer que sont devenus ces hommes endoctrinés alors que la société avait le devoir de les juger pour rester digne de son nom de démocratie, de république.
Coup de cœur quand tant de personnes se mettent à dessiner, écrire, inventer. Coup de cœur à l’idée qu’on peut bouger, se montrer, réfléchir ensemble, agir. Et empêcher que ce grand élan de fraternité ne soit anéanti sous les bruits de bottes…
Coup de gueule face à l’info en continu, hypnotique, qui empêche tout recul, toute réflexion, et occulte le reste du monde quand il faudrait au contraire profiter de cette émotion hors du commun pour se poser des questions et trouver, chacun à sa mesure, des réponses constructives à donner à ce qui vient de se passer.
Coup de gueule encore quand on parle de religion, encore et toujours de religion, quand la seule façon de vivre ensemble, la seule façon de préserver la liberté de s’exprimer, qu’on soit athée ou qu’on croie en n’importe quel Dieu ou théière au ciel, c’est la laïcité, et que trop peu de personnes en parlent.
Coup de rage quand “Je suis Charlie” devient un slogan affiché sur tout ce que Charlie conchiait, la bourse et le NASDAQ, le Christ géant de Rio, l’Arc de Triomphe et les délires de conquête napoléoniens : la finance, la religion, l’armée. Cabu et ses potes, eux, auraient trouvé la force d’en faire rire, mais ils ne sont plus là.
Grand coup de cœur pour l’équipe de Charlie qui vient de boucler le prochain numéro !
Coup de fou rire quand j’imagine la tête que fera Schwarzenegger quand il lira le premier numéro de son abonnement à Charlie Hebdo…
Cécile Roumiguière est auteur.
Bibliographie :
- Sur un toit, un chat, illustré par Carole Chaix, À pas de loups (2014), que nous avons chroniqué ici.
- La Belle et la Bête, illustré par Aurélia Fronty, Belin Jeunesse (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Le fil de soie, illustré par Delphine Jacquot, Éditions Thierry Magnier (2013)
- Une princesse au palais, illustré par Carole Chaix, Éditions Thierry Magnier (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Ma sœur et moi, illustré par Bobi+Bobi, La joie de Lire (2012).
- Rouge Bala, illustré par Justine Brax, Milan (2011).
- Demain la lune, illustré par Olivier Tallec, Seuil Jeunesse (2009).
- L’enfant silence, illustré par Benjamin Lacombe, Seuil Jeunesse (2008).
- À l’ombre du tilleul, illustré par Sacha Poliakova, Gautier-Languereau (2005).
- L’école du désert, illustré par Claire Delvaux, Magnard Jeunesse (2004).
Retrouvez Cécile Roumiguière sur son site : http://www.cecileroumiguiere.com.