Alexandre Zouaghi est un tout jeune auteur qui a une vraie plume, il nous l’a prouvé avec deux superbes albums sortis chez HongFei. Il est non seulement talentueux mais c’est en plus quelqu’un d’extrêmement sympathique. J’ai eu envie de lui poser quelques questions, il a accepté de me répondre. À la suite de cette interview vous pourrez tenter de gagner son dernier album La légende du serpent blanc grâce aux éditions HongFei. Ensuite nous avons rendez-vous avec Delphine Beauvois, Claire Cantais et Marianne Zuzula avec qui on reviendra sur l’album On n’est pas des poupées. Bon mercredi à vous !
L’interview du mercredi : Alexandre Zouaghi

Photo de Maman Baobab
Parlez-nous de votre parcours ?
J’ai suivi une formation de sinologie à l’Université Paris VII où je me suis formé en langue et civilisation chinoise, pas grand-chose à voir avec la littérature de jeunesse ! La Chine me passionne depuis mes 7 ans, âge auquel j’ai commencé à apprendre le chinois ! Ma licence de chinois en poche, je me suis envolé pour Pékin pour une année universitaire avant de revenir en France valider mon master et passer mon CAPES. C’est durant cette année passée à l’autre bout du monde que j’ai commencé à m’intéresser à la littérature de jeunesse. La médiathèque française de mon université à Pékin avait un rayon bien fourni en littérature de jeunesse. J’y ai découvert beaucoup d’auteurs chinois et français et me suis complètement laissé porter par la magie du texte et des illustrations ! Aujourd’hui, j’enseigne le chinois au collège et au lycée et me laisse parfois, entre deux copies, le temps de m’adonner à ma deuxième passion : l’écriture.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescent ?
On ne lisait pas beaucoup de livres chez moi et ce n’est qu’au collège et au lycée que j’ai véritablement découvert les plaisirs de la lecture ! Comme beaucoup de jeunes adolescents, la saga Harry Potter y a joué pour beaucoup. Depuis, je me rattrape grâce à ma compagne, institutrice et grande lectrice depuis toujours, qui me fait redécouvrir, toujours avec plaisir, les grands classiques de la littérature de jeunesse et toutes les nouveautés qu’elle propose à ses propres élèves !
Comment est né le projet La légende du serpent blanc et comment s’est passé votre travail sur cet album ?
Le projet a commencé à prendre forme en 2012. Loïc Jacob et Chun-Liang Yeh des éditions Hongfei Cultures avec qui nous avions déjà publié L’auberge des ânes (illustré par Clémence Pollet) m’ont une nouvelle fois fait confiance pour adapter l’une des plus belles histoires d’amour chinoises. J’ai évidemment été très touché par leur sollicitation, d’autant plus que la part du texte pour cet album est bien plus importante que sur le précédent. J’ai donc travaillé plusieurs mois sur cette histoire afin de la rendre accessible aux jeunes lecteurs français tout en essayant de préserver la saveur et le caractère de ses origines chinoises. Cette histoire ancestrale véhicule un message de liberté d’aimer et de tolérance remis en cause dans notre société actuelle et il était important pour moi de le retranscrire avec justesse et sincérité. J’espère y être arrivé.
Parlez-nous de la collaboration avec Wang Yi ?
Depuis que je connais les éditions Hongfei Cultures, j’apprécie chacun des albums de Wang Yi, c’est l’une de mes illustratrices préférées. Nous nous sommes rencontrés à Montreuil il y a trois ans et sommes devenus amis depuis. Son univers poétique et enchanteur me touche tout particulièrement, j’aime la façon dont elle s’exprime au travers de ses illustrations, toujours avec beaucoup de grâce et de tendresse. Je suis plus qu’honoré d’avoir eu l’opportunité de travailler avec une artiste comme elle.
Quels sont vos projets ?
Les éditions Hongfei Cultures me portent depuis mes débuts dans l’écriture. C’est une belle relation qui nous lie et que nous allons poursuivre au travers de nouveaux projets ensemble l’année prochaine ! Cette fois, c’est un projet tout particulièrement original et inattendu sur lequel nous travaillons ! Mais chut…, je ne vous en dis pas plus 😉
Bibliographie :
- La légende du serpent blanc, texte illustré par Wang Yi, HongFei (2013), que nous avons chroniqué ici.
- L’auberge des ânes, coécrit avec Chun-Liang Yeh, illustré par Clémence Pollet, HongFei (2012), que nous avons chroniqué ici.
Comme je vous le disais avant cette interview, grâce aux éditions HongFei, je vais faire un chanceux parmi vous ! L’un de vous gagnera le magnifique La légende du serpent blanc (qui était d’ailleurs un de mes coups de cœur ce mois-ci). Pour participer, dites-moi, en commentaire, quelle est la légende qui vous a le plus marqué. Si vous n’en voyez pas, dites-le vous participerez quand même ! Vous avez jusqu’à lundi 20 h. Bonne chance à tous !
Parlez-moi de… On n’est pas des poupées
Une fois par mois, on revient sur un livre qu’on a aimé avec son auteur, éventuellement son illustrateur et son éditeur. L’occasion d’en savoir un peu plus sur un livre qui nous a plu. Cette semaine c’est On n’est pas des poupées (chroniqué ici), le « premier manifeste féministe » signé Delphine Beauvois et Claire Cantais sorti chez La ville brûle sur lequel j’ai eu envie de revenir.
Delphine Beauvois (auteur) :
Quand Marianne, des éditions La ville brûle, m’a proposé de travailler sur On n’est pas des poupées, mon premier manifeste féministe, j’ai été ravie – et un peu paniquée aussi ! Je ne voulais ni tomber dans la caricature ni édulcorer mon propos !!!
Combattre les clichés, les comportements sexistes et les inégalités garçons-filles, c’est ce que je fais quotidiennement, aussi bien dans ma pratique professionnelle (je suis enseignante) que dans mes activités militantes. Les stéréotypes de genre sont si profondément ancrés que les déconstruire dès le plus jeune âge est pour moi une priorité : les enfants sont, en fonction de leur genre, soumis à des injonctions très fortes, qui créent des inégalités, et ces inégalités en entraînant d’autres, les filles se retrouvent – ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres – pénalisées sur le marché du travail.
J’ai donc listé les clichés, les stéréotypes attribués aux filles (elles sont passives, craintives, calmes, douces, elles seront des mères, elles n’aiment pas les sciences…), avec pour objectif de les déconstruire et de les dénaturaliser, pour permettre aux enfants de comprendre qu’il n’y a rien de « normal » dans tout cela, que tout est construit. Lors des goûters philos que je fais dans les librairies qui m’invitent, je m’appuie également sur des pages de catalogues de jouets qui sont majoritairement d’un sexisme effrayant et j’essaie ainsi d’amener les enfants à réfléchir au fait « qu’on ne naît pas femme, on le devient » (Simone de Beauvoir).
Il s’agissait également pour moi de construire un ouvrage « partagé », par là j’entends, un ouvrage qui permet un échange avec les parents, grands-parents… Je souhaitais créer du débat en famille et ainsi interroger aussi les adultes, car chacun-e d’entre nous avons intériorisé beaucoup d’élément du schéma patriarcal.
Les écueils que j’ai rencontrés au fil de ce travail sont les suivants : simplifier des choses aussi complexes, ce n’est pas facile du tout ! Dire tout cela simplement, mais avec humour et nuances, éviter les caricatures, et surtout, toujours, rappeler qu’on a le choix.
Le résultat final doit énormément au travail de Claire, qui a su apporter tout l’humour, toute la fantaisie nécessaire pour que les enfants y trouvent leur compte et puissent se saisir du livre avec plaisir.
Claire Cantais (illustratrice):
C’est mon petit album à poils Rosalie aime le rose, mais pas seulement, qui semble avoir donné l’idée à Marianne, éditrice de La ville brûle, de me confier les illustrations du petit manifeste… Riche idée, car cette collaboration à trois a été une belle aventure !
Ce projet était différent de mon travail habituel ; tout d’abord, car cette fois je n’étais pas auteure – et ça m’a plu… La forme au centre de laquelle évoluer m’était proposée, je n’avais pas à la chercher… C’est reposant ! J’avais toute latitude alors de me concentrer sur la cohérence esthétique. Différent aussi, car il ne s’agissait pas d’illustrer un récit, une histoire linéaire, mais une suite de petits énoncés isolés. Je les ai traités comme des tableaux indépendants, chaque double page étant une petite histoire en soi.
Dans Rosalie aime le rose, mais pas seulement et mes autres petits livres poilus, j’avais cherché une forme épurée au maximum (un personnage = une couleur, un caractère = la seule expression de deux yeux). Je voulais, dans Les poupées, retrouver un peu de cette simplicité. Mais ce serait forcément différent, puisque nous avions des humains et non des boules de poils ! Très vite, il m’est apparu que ne représenter qu’une seule petite fille tout au long de l’album serait assez fastidieux, aussi nous avons opté pour une héroïne différente à chaque page, toutes d’origines et de morphologies différentes, ce qui, de plus, apportait un coté universel au message.
J’ai fait poser de vraies petites filles, je me suis inspirée de leur gestuelle pour les dessins au papier découpé, et j’ai gardé des éléments de leurs visages en photo. Je voulais des personnages pas trop lisses (pas trop heurtés non plus !), et ce procédé m’a permis de dynamiser mes personnages de papier.
Marianne, et Delphine (l’auteure) m’ont accompagnée de leur bienveillante et attentive présence. Nous nous réunissions parfois pour faire le point, texte et images s’enrichissaient alors mutuellement.
Le projet continue, et je m’en réjouis ! Au printemps, nous attaquons, toujours avec Delphine Beauvois, On n’est pas des super héros, mon premier manuel antisexiste, puis un 3ème titre avec une autre auteure sera consacré aux stéréotypes liés aux handicaps. Nous allons donc continuer à tordre le cou aux stéréotypes !
Marianne Zuzula (éditrice):
Les éditions La ville brûle sont une maison d’édition militante, et nous publions principalement des essais de sciences sociales et sciences politiques (quelques petits lâchages littéraires et livres-objets également !). Notre collection jeunesse, qui s’appelle Jamais trop tôt (pour lutter contre les stéréotypes) s’est finalement imposée d’elle-même : pour déconstruire les discours dominants, et se défaire des stéréotypes, il faut s’y prendre très tôt, le plus tôt possible ! Nous avons souhaité le faire en nous adressant aux enfants comme nous nous adressons aux adultes, sous une forme proche de l’essai : ces albums ne racontent pas d’histoire, ne proposent pas de récit, mais une suite de propositions qui permettent d’initier une discussion entre l’enfant et l’adulte qui lui lit le livre.
Les stéréotypes de genre se sont imposés comme premier thème de cette nouvelle collection : je suis féministe, et il nous semblait nécessaire de prendre le contrepied d’une certaine tendance lourde de l’édition jeunesse, qui propose de plus en plus d’ouvrages genrés, avec des déclinaisons fille/garçon, à grand coup de couvertures dégoulinantes de rose.
J’ai donc proposé à Delphine Beauvois, qui est militante féministe et enseignante, et qui travaille et réfléchit à cette question au quotidien avec ses élèves, de se pencher sur les textes, et à Claire Cantais, dont j’adore le travail et la fantaisie de réaliser les illustrations. Et c’était vraiment chouette de voir le livre se construire, s’enrichir au fil des allers-retours, et finalement atterrir entre les mains des enfants et voir qu’il fonctionne super bien et rempli son rôle de support !

On n’est pas des poupées
Texte de Delphine Beauvois
Illustré par Claire Cantais
Sorti chez La ville brûle dans la collection Jamais trop tôt
2013
Chroniqué ici.