Cet été encore, on vous propose à nouveau la rubrique du berger à la bergère tous les mercredis. Cette rubrique vous avait tellement plu les trois derniers étés, nous nous devions de la reprendre (il faut dire qu’à nous aussi elle plaît beaucoup) ! Donc tous les mercredis jusqu’à la rentrée, ce sont des auteur·trice·s et des illustrateur·trice·s qui posent trois questions à un·e auteur·trice ou un·e illustrateur·trice de leur choix. Puis c’est à l’interviewé·e d’en poser trois à son tour à son intervieweur·euse d’un jour. Après Fanny Joly et Catharina Valcks, Clémence Pollet et Sandrine Thommen, Marc Daniau et Natalie Fortier, Gaya Wisniewski à Gaëtan Dorémus, cette semaine c’est Ella Charbon qui a choisi de poser des questions à Claire Lebourg !
Ella Charbon : Les expressions de tes personnages sont irrésistibles, de quoi t’inspires-tu pour les capter avec autant de justesse ?
Claire Lebourg : Merci ! C’est toujours difficile de répondre à une question comme celle-ci, je ne sais pas exactement d’où vient l’inspiration, tout ce que je peux dire c’est que ces expressions sont très importantes pour moi, il m’arrive de recommencer un dessin uniquement parce que le regard ou le sourire de tel ou tel personnage ne me plaît pas ! Ça se joue parfois à rien, un trait d’encre un peu trop fin, trop court, trop épais… Trop de poils, pas assez de rose sur les joues, un sourcil trop bas, chaque détail participe à l’expression finale du personnage.
Ella Charbon : As-tu pensé à mettre en scène un petit héros humain ?
Claire Lebourg : J’y ai déjà pensé mais je m’amuse tellement avec les animaux que ça ne s’est jamais fait. J’aime la fantaisie et l’humour qu’offre le monde animal. J’ai aussi l’impression qu’en tant que lecteur, il est parfois plus facile de se trouver des points communs avec un orang-outang ou un chien plutôt qu’avec un autre être humain.
Mais rien n’est exclu, il suffit d’inventer la bonne histoire.
Ella Charbon : Tes héros, as-tu du mal à les quitter une fois le livre terminé ?
Claire Lebourg : Même quand le livre est terminé, ils ne me quittent jamais vraiment. Et les enfants se les approprient en les dessinant à leur tour, en se racontant ce que pourrait être la suite de l’histoire… Pour moi, c’est le signe que le livre est réussi. On ne parle plus « du personnage du livre » mais de Nénette, de Mousse, de Pull. Ils continuent leur vie.
Claire Lebourg : Tu écris et illustres des livres pour les tout petits, ce qui me parait être l’exercice le plus difficile en littérature jeunesse. Comment procèdes-tu pour t’adresser à cette classe d’âge particulière ? Ton éditeur te conseille-t-il beaucoup ?
Ella Charbon : Le choix d’illustrer et d’écrire pour les tout petits s’est fait naturellement, sans réfléchir. J’ai commencé à dessiner des formes de couleurs très simples pour mon fils, Timothée, alors qu’il était tout bébé… Il a grandi, et moi, j’ai continué à m’adresser aux tout petits.
Je me sens à l’aise dans cet univers.
Je joue sur les couleurs très vives, les formes simples, les mouvements et les expressions des personnages pour rendre l’ensemble très vivant.
Les petits lecteurs sont particulièrement sensibles aux expressions, il faut qu’ils comprennent en regardant seulement le dessin, ce que ressentent ces personnages.
Je m’amuse aussi beaucoup avec le jeu des regards. Je crée ainsi une complicité entre les protagonistes, mais aussi avec le lecteur.
Je réalise beaucoup de projets avec Gwendoline [NDLR Raisson] et Jean [NDLR Leroy], on s’apporte mutuellement des idées, on essaie d’être toujours très attentifs à l’âge de nos petits lecteurs. Il nous arrive parfois de nous perdre un peu, et de nous adresser sans le vouloir à des plus grands. Notre éditeur, Grégoire Solotareff, peut alors nous en faire la remarque. On essaie de modifier, quand cela est possible.
C’est une vraie chance de travailler avec lui. Il nous laisse très libres sur les projets que nous proposons et ses conseils, ses remarques sont précieux.
Claire Lebourg : J’ai remarqué que tu accordais une grande attention au dessin des personnages, l’histoire est très souvent centrée sur eux et tu ne dessines quasiment aucun élément de contexte. Pour moi qui fais des dessins avec beaucoup de détails, cela me parait être un tour de force. Est-ce les histoires qui conditionnent ton dessin ou l’inverse (dans les livres dont tu es l’autrice et illustratrice) ? T’imposes-tu certaines contraintes graphiques ?
Ella Charbon : Pour moi justement, le tour de force est d’aller dans les détails. J’adore travailler sur fond blanc et en effet axer toute l’action sur les personnages et comme je le disais plus haut sur leurs expressions.
Les tout petits lecteurs à qui je m’adresse ne savent pas encore lire. Ils découvriront l’histoire avec un adulte, puis se l’approprieront, seuls, et ce, grâce aux dessins qui les guideront dans le récit.
Ces derniers temps, je tends à apporter plus de détails, comme dans On s’ennuie !, réalisé avec Jean qui sortira à l’automne chez loulou et Cie. J’ai mis pas mal de « bazar » sur le sol du salon de notre famille croco. Une partie de l’histoire se passant en extérieur, j’ai été amenée à dessiner un fond de verdure. Une nouveauté pour moi !
Dans un autre projet, À l’eau, Super !, réalisé cette fois avec Gwendoline, qui verra le jour au printemps 2020, toujours chez loulou et Cie, on trouvera aussi plus de détails, en marge de l’histoire principale.
Je dois avouer une chose, ça m’a plu de chercher et d’ajouter ces détails !
Pour ce qui est de la naissance d’un projet que j’illustre et j’écris, c’est très variable. Ça peut partir des illustrations, comme pour Caché-Trouvé, j’ai élaboré le projet à partir de photos déjà existantes.
Pour Mes petits moments choisis, les illustrations sont nées après le concept imaginé.
Quant à Zélie, viens t’habiller ! L’histoire est née de mon quotidien avec ma fille, les illustrations ont donc pris forme après la rédaction du texte.
Non, je n’ai pas l’impression de m’imposer des contraintes graphiques. On peut peut-être parler de contraintes quand on sort de sa zone de confort, comme par exemple pour ma part, passer d’un fond blanc à un fond de couleurs, ajouter des détails quand on est habitués à en mettre très peu…
Mais finalement, le projet prenant forme, les illustrations avançant, ce ne sont pas des contraintes, ça devient un vrai plaisir de faire les choses différemment.
Ça me bouscule, ça me permet d’aller ailleurs, d’évoluer.
Claire Lebourg : As-tu des projets sur lesquels tu rêverais de travailler, mais que tu gardes dans un coin de ta tête faute de trouver le temps ou l’énergie de t’y mettre (des projets différents de ce que tu as déjà fait, pas obligatoirement des livres) ?
Ella Charbon : Ah oui, j’ai un énorme rêve, monter sur scène et réaliser un spectacle de claquettes… euh, non, en fait pas du tout…
Tout simplement, ça me plairait, je crois, d’essayer d’écrire aussi pour un peu plus grands.
Trouver un nouveau projet autour de la photo me démange pas mal, j’ai quelques idées, mais rien de concret pour le moment.
Je reste autour du livre et des petits. Je m’y sens bien.
Et j’ai encore pas mal de choses à découvrir, à développer. Je prends le temps. On verra…
Bibliographie de Claire Lebourg :
- Les trésors de Mousse, roman, texte et illustrations, l’école des loisirs (2019).
- Pull, album, texte et illustrations, MeMo (2019).
- Quelle horreur !, album, texte et illustrations, l’école des loisirs (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Bonnes vacances Mousse, roman, texte et illustrations, l’école des loisirs (2017).
- La nuit d’anniversaire, album, texte et illustrations, l’école des loisirs (2016).
- Une journée avec Mousse, roman, texte et illustrations, l’école des loisirs (2017).
- La retraite de Nénette, album, texte et illustrations, autoédité (2014) puis l’école des loisirs (2017), que nous avons chroniqué ici et là.
Son site : http://www.clairelebourg.com.
Bibliographie sélective d’Ella Charbon :
- Zélie, viens t’habiller !, texte et illustrations, l’école des loisirs (2019).
- Nous, on répare tout !, illustration d’un texte de Jean Leroy, l’école des loisirs (2018).
- Mes petits moments choisis, texte et illustrations, l’école des loisirs (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Caché-Trouvé, texte et illustrations, l’école des loisirs (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Dodo, Super !, illustration d’un texte de Gwendoline Raisson, l’école des loisirs (2017).
- La soupe aux frites, illustration d’un texte de Jean Leroy, l’école des loisirs (2017).
- Un gâteau comment ?, illustration d’un texte de Gwendoline Raisson, l’école des loisirs (2017).
- Raspoutine se déguise, illustration d’un texte de Jean Leroy, l’école des loisirs (2016).
- La montagne, illustration d’un texte de Delphine Huguet, Milan (2016).
- D’un côté… et de l’autre, illustration d’un texte de Gwendoline Raisson, l’école des loisirs (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Félix à Paris, illustration d’un texte de Géraldine Renault, Éditions Tourbillon (2014).
- Debout, Super !, illustration d’un texte de Gwendoline Raisson, l’école des loisirs (2014).
- Vite !, illustration d’un texte de Gwendoline Raisson, l’école des loisirs (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Le grand voyage d’un petit escargot, illustration d’un texte de Gwendoline Raisson, Circonflexe (2013).
- De toutes les couleurs, illustration d’un texte de Gwendoline Raisson, Circonflexe (2012).
- Des flots de bisous, texte et illustrations, Gautier-Languereau (2009).
- Ani’gommettes, texte et illustrations, Gautier Languereau (2008).
Le site d’Ella Charbon : http://ellacharbon.ultra-book.com.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !