Aujourd’hui, je vous propose une interview de Kiko, l’auteur-illustrateur qui vient de publier À l’époque, un album que j’ai beaucoup aimé. Avec lui on parle de ce bel ouvrage aussi tendre que drôle mais aussi de son parcours. Ensuite, on part en vacances avec Etienne Gérin dont le très beau Monsieur vroum sort demain… on vous en parle bientôt ! Bon mercredi à vous !
L’interview du mercredi : Kiko
Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Pas vraiment une ligne droite. Plutôt pas mal de détours et beaucoup de hasards.
J’ai fait des études d’histoire de l’art et à la fin de mon cursus, je me suis rendu compte que la traduction professionnelle de cette discipline ne m’irait pas du tout. J’étais assez perdu. Un ami qui travaillait dans le dessin animé et qui savait que je ne dessinais pas trop mal m’a dit « tu te formes à Photoshop et je te fais entrer pour un remplacement ». Facile à dire. Le problème est que je n’avais ni ordinateur, ni tablette graphique et encore moins Photoshop. Une amie m’a proposé de me laisser les clefs de chez elle et de m’entrainer la journée sur son matériel, pendant qu’elle était au travail. Quelle chance d’avoir eu des amis comme ça ! J’ai découvert laborieusement Photoshop. Il n’y avait pas encore internet et ces milliers de tutos. Quatre mois après, j’ai passé un test pour faire un remplacement d’été. Sûrement pas à la hauteur, mais j’ai été pris grâce à cet ami qui a retouché un peu l’image avant de la présenter au réalisateur. Quelle imposture !
J’ai semble-t-il réussi à donner le change car je suis resté au-delà des vacances. J’ai continué pendant trois ans dans le dessin animé.
Un jour, nouveau hasard, une décoratrice me parle d’un storyboarder pour la pub (Dominique Gelli également auteur et dessinateur de BD) qui cherche un coloriste. Elle est débordée et me propose le plan. J’accepte et c’est ainsi que je me suis retrouvé à travailler comme coloriste puis moi-même comme storyboarder.
Au bout d’une dizaine d’années, l’activité s’est complètement écroulée. Encore une fois un peu perdu, je ne savais pas quoi faire. Je fantasmais depuis quelque temps sur l’illustration pour la jeunesse. J’avais constitué un book et un peu démarché mais ça n’avait rien donné. Pour tout dire, ça n’était pas très bon. Un an après, j’ai retravaillé mon book et ma compagne m’a convaincu de m’inscrire aux rencontres avec les DA [NDLR Directrice Artistique] des maisons d’édition au salon du livre jeunesse de Montreuil. J’ai rencontré une éditrice, Danielle Védrinelle, qui était enthousiaste. Mais aucune nouvelle pendant un an. Puis un jour, un coup de fil. Elle me propose de faire deux titres en doc jeunesse… et finalement toute la collection ! Quasiment simultanément, Élisabeth Cohat DA à Gallimard, à qui j’avais envoyé mon book, me contacte. Et c’était parti ! À partir de là je dois dire que tout s’est enchaîné à merveille. Je touche du bois.
D’où vient ce nom Kiko ?
Mon vrai prénom est Nicolas. La fille d’une amie quand elle était petite n’arrivait pas à prononcer Nico. Elle disait Kiko. J’avais trouvé ça marrant et je l’ai pris comme pseudo.
J’aimerais que vous nous parliez d’À l’époque, comment est venue cette idée d’enfant qui s’interroge sur les époques… le tout assis sur les toilettes !
Tout simplement d’une situation vécue avec ma fille. Les conversations depuis les toilettes avec la porte ouverte semblent être un grand classique partagé par pas mal de familles d’ailleurs.
Cette expression « à l’époque » qu’elle utilisait, englobait aussi bien les dinosaures, que mon enfance, voire même les quelques derniers mois écoulés de sa propre vie. J’ai essayé de construire autour de cette confusion chronologique une histoire à la fois drôle et poétique. Je me suis remplacé par une grand-mère car l’écart de génération était plus intéressant pour le récit. Et puis il y avait cette idée de la pelote de laine et du fil du temps qui est venue et qui me plaisait bien.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur la collection Comptines en forme ?
Il s’agit d’une commande des éditions Milan pour mettre en images des comptines célèbres pour les tout petits. C’est un exercice très cadré à la fois par la contrainte de la forme de découpe de la couverture et des pages intérieures mais également par la volonté de l’éditeur qui sait exactement ce qu’il veut. Les pages sont même parfois déjà esquissées en amont. Il s’agit donc de retranscrire ça « au propre » avec son style.
Quelles techniques d’illustrations utilisez-vous ?
La plupart du temps, je fais mes brouillons et croquis sur du papier déjà utilisé. Dos d’enveloppes, photocopies ratées. J’ai beaucoup de mal à dessiner sur de belles feuilles vierges. Ensuite je scanne, et je mets en couleur numériquement avec une tablette graphique. Mais il m’arrive également de faire les esquisses directement sur l’ordi. Il n’y a pas trop de règles.
Il y a-t-il des illustrateurs et des illustratrices dont le travail vous touche ou vous inspire ?
Je pourrais en citer des tonnes ! J’aime chez un illustrateur-trice quand il arrive à trouver un équilibre entre un côté graphique fort et malgré tout un univers tendre avec de l’humour. Ce qui m’a amené vers le style que j’ai choisi c’est tout d’abord le travail de gens comme Alain Gré, Gerda Muller, Richard Scarry, Miroslav Sasek… Les albums du père castor, la collection des petits livres d’or… J’aime donc aussi le travail de gens où je retrouve une filiation avec cette époque. Par exemple, Marc Boutavant, Aurélie Guillerey, Anne Hemstege, Julia Wauters…
En fait, chaque fois que je vais dans une librairie je suis éberlué par la quantité de nouveautés qui me plaisent graphiquement.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescent ?
Je me souviens avoir beaucoup aimé Les Moumines ainsi que la BD Sybilline de Raymond Macherot.
Adolescent j’ai été un grand fan de Yves Chaland qui était ma référence. Mais aussi Serge Clerc et beaucoup d’autres de cette école du retour de la ligne claire.
Par contre aujourd’hui, je dois avouer que j’ai décroché de la BD. Je n’arrive plus à suivre depuis pas mal d’années. Il y a trop de titres.
Sur quoi travaillez-vous actuellement ? Un nouvel album dans les tiroirs ?
Plusieurs ouvrages en parallèle. Je suis en train de finir un livre animé pour Gallimard sur les transports. Je suis en plein dans un titre pour Fleurus (une histoire de père Noël) ainsi qu’un imagier sonore pour les petits chez Milan.
En juin va sortir chez Mango jeunesse un album intitulé Une drôle de tête dont je suis l’auteur et l’illustrateur. L’histoire d’un scientifique un peu particulier, raconté par son chat.
Bibliographie (sélective) :
- Une drôle de tête, texte et illustrations, Mango (à paraître).
- À l’époque, textes et illustrations, Milan (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Qui vit où ?, texte et illustrations, Milan (2018).
- Les engins, texte et illustrations, Gallimard Jeunesse (2017).
- Le renard et les poulettes, illustration d’un texte d’Agnès Cathala, Milan (2016).
- Collection Comptines en formes, illustrations d’auteur·trice·s divers·es, Milan (2016-2018).
- Le garage, texte et illustration, Gallimard Jeunesse (2015).
En vacances avec… Étienne Gerin
Régulièrement, nous partons en vacances avec un·e artiste. Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais moi j’adore partir comme ça avec quelqu’un, on apprend à la·le connaître notamment par rapport à ses goûts… cet·te artiste va donc profiter de ce voyage pour nous faire découvrir des choses. On emporte ce qu’elle·il veut me faire découvrir. On ne se charge pas trop… Des livres, de la musique, des films… sur la route on parlera aussi de 5 artistes qu’il·elle veut me présenter et c’est elle·lui qui choisit où l’on va… 5 destinations de son choix. Cette fois-ci, c’est avec Etienne Gerin que nous partons ! Allez, en route !
5 albums jeunesse :
- Ma vallée de Ponti
- Max et les Maximonstres de Sendak
- Bento Bestiary de Ben Newman
- Le géant de Zéralda de Ungerer
- Jon Klassen (tout est bien)
5 BD :
- L’entrevue de Fior
- Astérios Polyp de Mazzuchelli
- Aujourd’hui, demain, hier de Muradov
- L’empire de l’Atome de Clérisse
- Beauté des Kerascoet
5 artistes :
- Eyvind Earle
- Jim Flora
- Klimt
- Kupka
- Caspar David Friedrich
5 CD :
- Orphéon Celesta
- Orphée aux Enfers d’Offenbach
- The Beatles (n’importe lequel)
- Thrill of the Arts de Vulfpeck
- Rhapsody in Blue de Gershwin
5 DVD :
- Le Roi et l’Oiseau de Grimault
- Le Château dans le Ciel de Miyazaki (mais y sont tous bien, bien évidemment)
- Samurai Jack de Gendy Tartakovsky
- Les Shadoks
- Fantasia de Disney
5 lieux
- Une petite crique perdue pas loin de Saint-Cyr-Sur-Mer
- Les grandes forêts de pins en face du glacier de Tignes
- Une épave sous-marine d’avion à l’Est de La Ciotat, uniquement accessible en masque et bouteilles
- Une petite vallée sur les hauts-plateaux du Vercors, très verte et discrète avec un seul arbre en son centre
- Les Terres Froides, c’est un peu au Sud de Lyon. Et c’est magnifique quelques soit la saison.
Étienne Gerin est auteur et illustrateur
Bibliographie :
- Mr Vroum, texte et illustrations, La Pastèque (2018).
- Dino-Lune, illustration d’un texte de Morgane de Cadier, Frimousse (2017).
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !