Cette année, Hélium fête ses 10 ans. C’était l’occasion de mettre en avant cette magnifique maison d’édition, si importante dans le paysage éditorial jeunesse. Tout d’abord je vous propose une interview de la directrice éditoriale de la maison, Sophie Giraud, puis un « En vacances avec » spécial car on part avec deux personnes marquantes pour la maison, le beau duo Anouck Boisrobert et Louis Rigaud. Bon mercredi à vous !
L’interview du mercredi : Sophie Giraud
Cette année Hélium fête ses 10 ans, racontez-nous la naissance de cette belle maison.
Après une expérience de 10 ans chez Albin Michel Jeunesse et la création de la branche livre du label de disques naïve, j’ai souhaité jeter les bases d’une maison d’édition fondée sur un équilibre entre tous les aspects du livre (texte, image, graphisme, objet) et d’une relation à l’auteur où la promotion du livre n’est jamais séparée de la création.
Les trois premières années ont été une période très stimulante, car nous avions tout à créer ! Choix des projets, recherches de forme singulière, objets promotionnels, nous voulions innover sur tout mais toujours en accord avec l’esprit de chaque livre. On était un peu fous mais notre folie était contagieuse : c’est comme ça qu’on a monté directement une coédition internationale sur Popville d’Anouck Boisrobert et Louis Rigaud !
Nos livres apportaient un petit vent de fraîcheur et ont immédiatement été soutenus par les libraires. Ensuite, nous nous sommes rapprochés d’Actes Sud et avons emménagé dans leurs locaux. Rien n’a changé pour notre liberté éditoriale mais nous avons été nettement plus relax financièrement. On a pu continuer à travailler avec nos auteurs pour bien les installer sur le long terme.
10 ans après, je crois que notre exigence de qualité et d’humour est restée intacte et il semble que nos livres sont toujours appréciés, certains sont même devenus des livres de fond… Quel bonheur !
En tous cas l’aventure continue avec la même énergie et une envie toujours renouvelée !!
Hélium a vraiment une ligne éditoriale que l’on reconnait, comment la définiriez-vous ?
C’est une production éclectique, où l’image et le graphisme se doivent d’être beaux mais toujours au service du projet. Mais ce qui traverse l’ensemble du catalogue, c’est l’accès sous toutes ses formes à la lecture : par la manipulation et le jeu pour les tout-petits, par l’observation ou la surprise pour les plus grands, par l’appel à l’intelligence et la sensibilité de l’enfant ou de l’adolescent, à qui l’on souhaite parler de tout avec humour ou douceur. Et si les adultes prennent aussi du plaisir : alors la lecture devient un véritable partage !
Comment choisissez-vous les projets que vous éditez ?
Il n’y a aucune règle, vraiment ! Nous publions des livres qui s’adressent aux bébés jusqu’aux adultes ! La seule jauge, c’est mon désir d’éditrice et si j’ai le sentiment qu’hélium saura défendre le projet. Pour les livres jeunesse, je suis toutefois sensible à un certain humour face à la réalité qui nous entoure, à l’exploration sans limites de l’imaginaire et au plaisir de lecture partagé avec l’adulte… On doit aussi juger si on est d’accord avec les auteur·e·s sur la façon de déployer au plus juste leur projet. Ça ne marche pas toujours mais toute l’équipe les entoure en ce sens.
J’ai été surpris quand j’ai appris que vous fêtiez vos 10 ans, Hélium est une maison tellement marquante que je pensais qu’elle existait depuis bien longtemps. Vous avez conscience de cette impression d’être si présente dans la tête des gens ?
Non pas du tout… Mais chez Albin Michel Jeunesse, j’ai publié les premiers Pomelo de Ramona Badescu et Benjamin Chaud ou encore L’École de Léon de Serge Bloch. Ensuite, chez naïve, il y a eu 365 pingouins de Jean-Luc Fromental et Joëlle Jolivet. Il y a une continuité avec le catalogue hélium. Ces livres sont encore très présents en librairie, cela explique peut-être cette impression…
Quel est votre rôle actuellement au sein de la maison et qui d’autre compose l’équipe ?
Je suis au volant de l’édition et de la direction artistique. Nous annoncerons bientôt l’arrivée d’une nouvelle éditrice pour la fiction… Depuis l’année dernière, nous avons complété l’équipe édition d’une alternante.
Côté artistique, les graphistes freelance Katie Fechtmann et Philippe Bretelle m’accompagnent.
Rozenn Samson fait le lien avec les libraires, les salons et les représentants. Sylvie Chabroux est notre attachée de presse freelance. Toutes deux insufflent une très belle énergie !
Enfin, Elsa Giroux vend nos livres aux éditeurs étrangers.
Je sais que la question n’est pas facile, mais si vous deviez me citer quelques ouvrages qui ont marqué la maison…
J’aime tous les livres que je publie et même ceux qui n’ont pas marché ! Mais disons que certains livres ont donné de l’impulsion à la maison, ont bougé ma propre créativité ou m’ont rendue personnellement heureuse… delà à les citer… Récemment, j’ai été très émue par Les Choses qui s’en vont de Beatrice Alemagna… J’aime aussi publier des livres singuliers pour les adultes : Ce que je sais de la mort, ce que je sais de l’amour de Philippe Katerine ou Playlist de Charles Berberian.
Pour vous, qu’est-ce qu’un bon livre jeunesse ?
Un livre qui ouvrira des portes à l’enfant-lecteur, suscitera sa propre créativité et le conduira peut-être à aimer la peinture, la musique, la littérature pour toujours…
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescente ?
Petite, je vivais avec Le Grand Livre des mots de Richard Scarry, Tistou les pouces verts de M. Druon illustré par J. Duhème, et un pop-up : Le Loup et les 7 petits chevreaux de Kubasta que notre ingénieur papier m’a même rafistolé… Je l’ai toujours sur mon bureau chez hélium à côté d’une édition de Robinson Suisse de 1948, que m’avait donné mon père et que je relisais sans arrêt. Je voulais découvrir une île… Puis, j’ai été voir Le Sauvage de J-P Rappeneau au cinéma.
Adolescente, je m’identifiais à Jo des 4 filles du Docteur March et à Fantômette… Mais j’ai très vite dévoré beaucoup de livres qui n’étaient pas pour les enfants. Un temps, nous avons donné ma chambre à mon grand-père qui avait alzheimer : je dormais dans le bureau de mon père sous une bibliothèque pleine à craquer… ça été un plongeon merveilleux !
Un anniversaire ça se fête, comment allez-vous célébrer ces 10 ans ?
Nous avons commencé depuis des mois à l’occasion de différents salons comme ceux de Bron ou de Doëlan que j’adore, mais aussi avec une belle expo à Little Villette, une expo-anniversaire croisée avec le Musée de Poche et une rencontre à la Médiathèque F. Sagan… Et on finira comme il se doit avec une fête pour nos auteurs à Montreuil bien sûr !
Nos dernières chroniques d’ouvrages Hélium :
- Taupe & Mulot, La tarte aux lombrics, texte d’Henri Meunier, illustré par Benjamin Chaud (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Partis sans laisser d’adresse, de Susin Nielsen (traduit de l’anglais par Valérie Le Plouhinec), 2019, que nous avons chroniqué ici.
- Dans la jungle et Au parc, d’Ingela P Arrhenius (traducteur·trice non crédité·e), 2019, que nous avons chroniqué ici.
- Grenouille, où es-tu ? et Jument, que caches-tu ?, d’Olivia Cosneau (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Les sentiers perdus, texte de Stéphanie Demasse-Pottier, illustré par Mathilde Poncet (2018), que nous avons chroniqué ici.
- La ville quoi de neuf ?, de Didier Corville (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Le livre du livre du livre, texte de Julien Baer, illustré par Simon Bailly (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Pompon ours dans les bois, de Benjamin Chaud (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Jouer dehors, de Laurent Moreau (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Popville, d’Anouk Boisrobert et Louis Rigaud, avec un texte de Joy Sorman (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Comment faire garder ses parents ?, de Carole Fives, illustré par Séverine Assous (2017), que nous avons chroniqué ici.
En vacances avec… Anouck Boisrobert et Louis Rigaud
Régulièrement, nous partons en vacances avec un·e artiste. Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais moi j’adore partir comme ça avec quelqu’un, on apprend à la·le connaître notamment par rapport à ses goûts… cet·te artiste va donc profiter de ce voyage pour nous faire découvrir des choses. On emporte ce qu’elle·il veut me faire découvrir. On ne se charge pas trop… Des livres, de la musique, des films… sur la route on parlera aussi de 5 artistes qu’il·elle veut me présenter et c’est elle·lui qui choisit où l’on va… 5 destinations de son choix. Cette fois-ci, c’est avec Anouck Boisrobert (A) et Louis Rigaud (L) que nous partons ! Allez, en route !
Albums :
- Jo singe garçon, Béatrice Alemagna (A)
- Gentil méchant, Lionel Le Néouanic (A)
- Le théâtre de minuit, Kveta Pacovska (A/L)
- Prendre et donner, Lucie Félix (L)
- Bonjour, Anne Brugni (L)
- Le chardonneret, Donna Tartt (A)
- Les années douces, Hiromi Kawakami (A)
- Histoires extraordinaires, d’Edgar Allan Poe (L)
- Un barrage contre le Pacifique, Marguerite Duras (L)
- Fief, David Lopez (A/L)
DVD :
- The Wire (A/L)
- Fantastic Mister Fox, Wes Anderson (L)
- Le géant de fer (L)
- Parle avec elle, Pedro Almodovar (A)
- Tom Boy, Celine Sciamma (A)
BD :
- Black Hole, Charles Burns (A/L)
- Les passagers du vents, Bourgeon (A)
- L’entrevue, Manuel Fior (A)
- Alpha… directions, Jens Harder (L)
- Note pour une histoire de guerre, Gipi (L)
CD :
- Alela Diane, The pirate’s gospel (A)
- Devendra Banhart (A/L)
- Bashung, Bleu Pétrole (L)
- Billie Eilish, When We All Fall Asleep, Where Do We Go? (L)
- Arthur H, Mystic Rumba (A)
Lieux :
- Une crique d’une petite île grecque (A)
- Brooklynn bridge park, face à Manhattan (A)
- La forêt en Corrèze (L)
- le cirque de Mafate sur l’île de la Réunion (L/A)
- Gardens by the baie à Singapour (L)
Artistes :
- Giuseppe Penone (A)
- Paul Klee (A)
- Iela Mari (A/L)
- Paul Cox (L)
- Michel Gondry (L)
Anouck Boisrobert et Louis Rigaud sont auteur·rice et illustrateur·rice
Bibliographie ensemble :
- Popville, avec un texte de Joy Sorman (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Famille acrobate, Hélium (2018)
- Oh ! Mon chapeau, Hélium (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Océano, Hélium (2013).
- Liberté, Flammarion (2012).
- Dans la forêt du paresseux, Hélium (2011).
- Tip-Tap, Hélium (2011), que nous avons chroniqué ici et là.
- Popville, Hélium (2009).
Bibliographie d’Anouck Boisrobert seule
- Tremblement de tête, illustration de textes d’Hervé Suhubiette, Didier Jeunesse (2010).
Retrouvez Louis Rigaud sur son site et Anouck Boisrobert sur le sien.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !