Aujourd’hui, on reçoit Laetitia Lajoinie, gagnante du concours Sarah J. Maas 2020 et invitée de l’interview. Puis, c’est une professeure des écoles, Christelle D., qui va nous parler d’un album jeunesse qui l’a beaucoup marquée.
L’interview du mercredi : Laetitia Lajoinie
Pourrais-tu nous parler du Serment des traqueurs, ton dernier roman ? Pourquoi avoir choisi d’écrire un récit de fantasy ?
Le Serment des traqueurs est un roman de fantasy Young Adult qui se déroule dans un monde où la magie est puisée dans la nature, sous la stricte surveillance des alchimistes car au moindre abus, les conséquences pourraient être dévastatrices. On suit les aventures de deux héroïnes que tout oppose : Aïna, une traqueuse qui tue illégalement des animaux pour les vendre au plus offrant. Et Ynaé, une protectrice qui rêve de protéger ses semblables avec son aigle.
Je suis tombée amoureuse de la fantasy quand j’ai découvert ce genre vers dix ou onze ans. La fantasy, et l’imaginaire plus largement, est à mes yeux un espace de liberté et d’espoir où tout est possible. On peut à la fois s’écarter du réel et inventer d’autres sociétés ou, au contraire, parler de notre réel sous couvert de la fiction.
Est-ce compliqué de créer de toutes pièces un monde imaginaire ? Comment t’organises-tu ?
Oui… et non. En fait, je trouve que ce qui est difficile, ce n’est pas tant d’imaginer un monde extraordinaire régi par la magie (contrairement à ce qu’on pourrait parfois croire) mais plutôt d’arriver ensuite à raconter une histoire intéressante dans cet univers sans s’éparpiller. Pour Le Serment des traqueurs, si je m’étais laissée porter uniquement par mon imagination, j’aurais écrit une sorte de guide touristique à Tyréa plutôt qu’un roman. Je suis obligée de mêler ma raison à tout ça et de me demander : qu’est-ce que je veux raconter ? L’histoire de quels personnages ? Quels enjeux est-ce que je veux mettre au cœur du récit ?
Pour réussir cet équilibre, je commence par m’autoriser à tout imaginer : des traqueurs, des alchimistes (mais qui n’utilisent même pas des métaux, d’ailleurs…) des protecteurs, plusieurs magies différentes (celle de la griffe, celle avec les aigles, celle puisée dans la nature, etc.). Et ensuite, j’essaie de relier toutes ces idées entre elles. J’avoue que ce n’est pas toujours évident ! C’est comme un gigantesque puzzle mais avec des pièces à jeter et d’autres à prendre dans le puzzle d’à côté.
Comment as-tu choisi les créatures fantastique mises en scène dans ton roman ? Et pourquoi avoir décidé de mettre les animaux au cœur de ton histoire ?
C’est une excellente question ! Honnêtement, toutes ces créatures sont venues à moi naturellement, ce n’est pas un choix très conscient pour le coup. Mais en y réfléchissant, je dois pouvoir en expliquer certains. Les aigles, par exemple, me passionnent depuis la lecture du Faucon déniché de Jean-Côme Noguès. Pour le griffon, qui a un rôle central dans l’histoire (et même, une place sur la couverture !), je voulais une créature imposante et ailée. Ça a bien failli être un dragon, mais je trouvais ça trop attendu en fantasy.
Pour les animaux, j’avoue qu’ils sont très présents dans mes romans (y compris dans mon premier, Lou et le pouvoir de la lune). Ils me captivent, tout simplement. Ce sont des êtres intelligents avec qui l’humanité entretient des liens d’amour-haine depuis la nuit des temps. On les chasse, on les dresse, on les mange… Ils tuent notre bétail et, à l’occasion, l’un d’entre nous. Ils peuvent être sauvages et domestiques, des alliés ou des ennemis. Il y a tellement de choses à raconter autour de ce thème, de ce que ça dit de notre humanité ou, à l’inverse, de notre animalité.
Dans Le Serment des traqueurs, ils interrogent notre rapport au vivant dans un monde où la magie le détruit et ils soulèvent des dilemmes moraux. Personne ne veut tuer un animal, mais si c’est la seule façon de sauver son frère, par exemple ? Je ne prétends pas avoir la réponse à ce genre de questions, ni faire la morale à qui que ce soit, mais j’aime bien toutes les questions que cela soulève !
Où trouves-tu ton inspiration ?
Un peu partout autour de moi : dans mes propres souvenirs, les histoires racontées par mes proches, en me baladant dans la rue… Je consomme aussi énormément de séries, de films et de livres et toutes ces fictions m’inspirent aussi, consciemment ou non.
Sais-tu à l’avance comment vont se terminer tes histoires ?
Oui et non. On parle souvent d’auteurs jardiniers (qui écrivent sans plan, au fil de la plume) et d’auteurs architectes (qui écrivent avec un plan précis). Si je devais choisir, je me définirais plutôt comme architecte, parce que j’aime faire des plans et savoir où je vais quand je commence un roman. Sauf que… une fois lancée dans l’écriture, ce plan bien ficelé vole en éclat. Personnellement, je rencontre vraiment mes personnages en les écrivant. Du coup, quand je commence un nouveau roman, j’ai une idée d’une possible fin, mais je ne suis jamais fixée dessus, je m’autorise à la voir évoluer avec l’histoire.
Depuis quand écris-tu ? Est-ce une passion de toujours ou t’y es-tu mise plus tardivement ?
J’étais clairement cette enfant qui écrit “auteure” en face de “métier que tu voudrais faire” sur la fiche de début d’année à l’école et à qui on explique que ce n’est pas un vrai métier. Du coup, je marquais “journaliste”, ça faisait plus sérieux. Mais oui, j’écris depuis toujours. C’est une passion qui est née avec la lecture et qui ne m’a jamais quittée. Plus jeune, j’avais d’ailleurs gagné un concours de nouvelles organisé par l’Étudiant. Ensuite, j’ai animé une émission de radio sur la littérature jeunesse pendant plusieurs années (La bouquinerie jeunesse sur Radio Campus Paris) et je participe aujourd’hui à un podcast sur l’écriture (Le club où on discute d’écriture sans filtre). C’est vraiment une passion qui occupe une grande place dans ma vie !
As-tu d’autres projets d’écriture ? Si oui, peux-tu nous en dire quelques mots ?
En ce moment, je travaille sur un “roman 3” qui est encore un roman de fantasy one shot mais qui ne ressemble ni à Lou, ni au Serment (qui étaient déjà bien différents). J’aime bien les romans uniques. En tant que lectrice, mais aussi en tant qu’autrice. Il y a un début, il y a une fin et pas besoin d’attendre des mois pour avoir la suite de l’histoire !
Penses-tu écrire de nouveau de la fantasy Young Adult ?
Oui, c’est vraiment mon genre adoré. Mais j’aimerais bien tenter d’écrire pour les plus jeunes aussi.
Que lis-tu en ce moment ?
Je lis Chromatopia de Betty Piccioli (Scrineo), une fantasy ado intelligente et dont il ne me reste que quelques pages et j’attends avec impatience la parution d’Absolu, le premier tome d’une dystopie signée Margot Dessenne (Bragelonne).
À part la publication par La Martinière Jeunesse du Serment des traqueurs, que t’a apporté ta victoire du concours Sarah J. Maas 2020 ?
Des abonnés sur Instagram (pardon). Blague à part, ce concours a été le plus grand défi de ma vie! Je l’ai remporté avec seulement trois chapitres écrits du roman. Ce que j’ai gagné, c’était un accompagnement éditorial. Sans ce concours, jamais je ne me serais sentie les épaules pour écrire ce roman, qui me semblait être un défi beaucoup trop grand pour moi (les trois magies, les trois castes, le puzzle, tout ça…). Thomas, l’éditeur avec qui j’ai travaillé, a été incroyable. Il m’a aidée à comprendre ce que je voulais faire avec cette histoire et à l’amener beaucoup plus loin. J’ai aussi découvert une super maison d’édition, avec une équipe formidable et passionnée qui a vraiment accompagné le roman pour le faire exister en librairie, dans la presse et sur les réseaux sociaux.
Bibliographie :
- Le serment des traqueurs, roman, La Martinière Jeunesse (2022), que nous avons chroniqué ici.
- Lou et le pouvoir de la lune, roman, Michel Lafon (2022).
Ce livre-là… Christelle
Ce livre-là… Un livre qui touche particulièrement, qui marque, qu’on conseille souvent ou tout simplement le premier qui nous vient à l’esprit quand on pense « un livre jeunesse ». Voilà la question qu’on avait envie de poser à des personnes qui ne sont pas auteur·trice, éditeur·trice… des libraires, des bibliothécaires, des enseignant·e·s ou tout simplement des gens que l’on aime mais qui ne font aucun de ces métiers. Cette semaine, notre invitée est Christelle D., professeure des écoles depuis plus de vingt ans.
Je m’appelle Christelle, je suis maîtresse de CP depuis plusieurs années déjà et je suis toujours à l’affût d’une jolie trouvaille pour compléter ma bibliothèque de classe. Je suis tombée par hasard il y a quelques années sur l’album intitulé Nina dans la tempête de Christine Leeson et illustré par Gaby Hansen. J’ai aussitôt été conquise par les douces illustrations couleur pastel. Puis, en me plongeant dans l’histoire, j’ai tout de suite adoré cette petite famille souris à laquelle on peut facilement s’identifier.
Cet album raconte ainsi les aventures de Nina et de ses frères et sœurs qui, après de nombreux jours de pluie interminables, peuvent enfin sortir jouer et gambader au soleil. Absorbés par leurs jeux, ils s’éloignent par mégarde et se retrouvent un peu plus tard à braver la tempête. C’est à ce moment que plusieurs animaux leur proposent un refuge pour s’abriter, mais ces derniers s’avèrent peu solides ou trop petits. La mère de Nina finit par les retrouver et les conduit bien au chaud dans le tronc creux d’un énorme chêne. En sécurité, Nina n’a de cesse de penser à ses nouveaux amis, perdus au milieu de la tempête, et elle part à leur recherche.
Cette histoire pleine de douceur et de tendresse a procuré beaucoup de plaisir à la lecture (pour moi) et à l’écoute (pour les élèves) et a été le point de départ d’un riche échange sur les thèmes de l’entraide, du partage et de l’amitié avec les enfants. Peu de temps après, j’ai poursuivi l’aventure avec Le premier Noël de Nina.
Nina dans la tempête, de Christine Leeson, Milan (2003)
Passionnée de lecture depuis toujours, j’adore découvrir de nouvelles histoires et de nouveaux univers. J’aime échanger autour de ma passion, parler pendant des heures du dernier roman que j’ai lu, réarranger sans cesse ma bibliothèque et me balader en brocante à la recherche de petites pépites.