Une fois par mois, avec Véronique Soulé, nous mettons en avant deux invité·es lié·es par un livre. Cette fois-ci, c’est l’album Le Chant des loups, sorti chez Albin Michel, qui nous a fait réunir l’autrice Alice Liénard et l’illustratrice Marine Schneider. La première est mon invitée pour l’interview (on se connaît avec Alice depuis longtemps, je n’avais pas envie de la vouvoyer dans cette interview, ça aurait sonné faux), la seconde répond à la rubrique (sonore !) Du tac au tac de Véronique Soulé. Bonne lecture et bonne écoute !
L’interview du mercredi : Alice Liénard
Je t’ai connue en tant que blogueuse, puis en éditrice, te voilà maintenant autrice (et j’oublie des choses !) peux-tu nous raconter ton parcours ?
J’ai été libraire jeunesse de 2005 à 2011 dans une librairie spécialisée en littérature jeunesse, à Montréal. Puis j’ai été adjointe à l’édition aux éditions de la courte échelle. Je suis ensuite devenue éditrice, toujours à la courte échelle et, en 2015, j’ai cofondé les éditions Monsieur Ed que j’ai quitté en 2019. Puis j’ai écrit mon premier livre.
Côté scolaire, j’ai fait les classes préparatoires littéraires au lycée Watteau à Valenciennes, j’ai commencé une licence d’histoire que j’ai abandonnée parce que cela ne m’intéressait pas du tout… J’étais tannée des études, j’avais besoin de faire de quoi de mes mains, ne plus être dans l’intellect. J’ai alors commencé à travailler chez Auchan d’abord puis comme conseillère téléphonique chez Orange, avant de reprendre des études en métiers du livre à l’IUT Charlemagne à Nancy. Mon expérience scolaire à Nancy est un de mes meilleurs souvenirs d’ailleurs, les enseignants étaient fabuleux et inspirants. Comme tu vois, j’ai un parcours qui est loin d’être une ligne continue.
Tu viens de sortir un album magnifique, Le chant des loups, peux-tu nous dire de quoi parle cet album ?
Oh, merci 🙂
Le chant des loups relate l’histoire de Petite Fille qui part à la recherche des loups. Ceux-ci ont fui la cruauté des Deux-Pattes et en s’enfuyant ils ont emmené les histoires. Depuis, sans les loups et leurs histoires, le monde n’est plus que désolation. Dans ce monde, les histoires sont le ciment pour vivre ensemble et les loups, les gardiens.
Comment est né ce livre ?
Un jour, une phrase m’est arrivée en tête : « C’est une histoire de pattes et de fourrure, une histoire qui se murmure ». Tout est parti de là. Cette phrase a reposé longtemps dans mon ordinateur (j’ai retrouvé un document il y a peu, et il m’a rappelé que cette phrase date de 2012 !!). Elle m’a accompagné comme une litanie, en fait. Elle revenait de temps en temps. Parfois, j’ouvrais mon document, je tapotais quelques mots par-ci par-là, les loups sont arrivés, puis Petite Fille, puis Vieille Ourse. L’origine de ce livre est un mystère : il était en moi et, un jour, l’histoire est sortie d’une traite.
Comment s’est passée la collaboration avec Marine Schneider ? C’est toi qui l’as choisie ? Vous avez travaillé ensemble ?
C’est William Baboin, le directeur artistique, et Marion Jablonski, la directrice des départements jeunesse et BD, qui ont choisi Marine. Je me souviens qu’à un moment, Lucette Savier, l’éditrice avec laquelle j’ai travaillé le texte m’avait demandé quels·lles illustrateurs·trices j’aimais, et Marine figurait dans ma liste. Lorsque Lucette m’a dit que c’est elle qui illustrerait mon texte, j’ai sauté de joie, car le travail de Marine, je le suis depuis que j’ai découvert les albums Je suis la mort et Je suis la vie. Je trouve son travail terriblement beau, fort et lumineux. Il se dégage de ses illustrations un je-ne-sais-quoi de beauté immanente qui me bouleverse, me renverse, me transporte ! Hi, hi, tu vois je ne peux qu’y aller avec des hyperboles pour le travail de Marine. Je la trouve exceptionnelle.
Est-ce que tu penses que le fait d’avoir été éditrice fait que tu n’as pas travaillé sur cet ouvrage (à l’écriture mais aussi avec le travail avec l’éditrice, l’illustratrice) comme une autrice qui n’a pas ton parcours ?
Oui et non. Oui, dans le sens où je repère un peu mes tics d’écriture, mes répétitions, les transitions qui manquent de fluidité, etc. Mais je reste limitée, car étant immergée dans mon histoire et ma voix narrative, des choses m’échappent et j’ai donc besoin du regard extérieur de l’éditrice. J’ai besoin du dialogue que le travail éditorial enclenche. Même avec mon expérience d’éditrice, ce dialogue, j’ai tout de même besoin de le mettre en parole avec quelqu’un. Ce que mon expérience d’éditrice m’a apporté, c’est que j’ai tout de suite senti que je pouvais faire confiance à Lucette Savier. Dès mes premiers échanges avec elle, j’ai senti que ma voix d’autrice serait respectée et encouragée. Je pense que cela m’a aidé à lâcher prise et à me faire confiance dans le travail d’écriture. C’est précieux, un·e éditeur·trice qui guide adéquatement et avec bienveillance le·la créateur·trice.
Pour ce qui est de Marine, je n’ai pas commenté les illustrations. Je voyais avec joie des illustrations apparaître de temps en temps sur Instagram et, à chaque fois, je capotais ma vie. J’étais renversée de voir mes personnages s’incarnaient en chair et en os (oui, oui, en chair et en os). C’est important, je trouve, que l’illustrateur·trice s’approprie l’histoire et l’incarne. C’est comme cela que s’opère le dialogue texte/image si important dans un album. Les illustrations ne sont pas là juste pour transposer l’histoire, elles l’amènent ailleurs et j’avais confiance que c’est ce que Marine ferait avec notre album.
Quelles étaient tes lectures d’enfant, d’adolescente ?
Alors, j’ai un souvenir très fort du Petit Prince. Je me souviens avoir pleuré toutes les larmes de mon corps et d’avoir été très émue par ce livre. Paradoxalement, je ne peux plus le voir en peinture maintenant.
Petite, j’ai aussi été très marquée par Les contes du chat perché. Surtout d’un extrait qui disait que lorsqu’un chat fait sa toilette et que sa patte passe par-dessus on oreille, c’est qu’il va pleuvoir ! Je me demande dans quelle histoire c’est d’ailleurs…
Je me souviens aussi d’avoir passé des heures à lire les contes de Grimm et d’Andersen, tu sais, les belles éditions chez Gründ. Ces livres immenses et lourds à porter avaient des illustrations qui me marquaient particulièrement, c’était, je pense, des illustrateurs d’Europe de l’Est. Ils ont une « marque » visuelle différente, je trouve, elle est presque hypnotisante. Elle est magnifique.
Je ne me souviens que de quelques livres, je lisais beaucoup enfant, mais seuls certains me reviennent en mémoire, ceux que j’ai nommés plus haut mais aussi L’Héritier du désert et L’assassin de papa, le premier polar que j’ai lu je pense et qui m’a ébranlée. Il y a aussi un livre audio, enfin c’était sur une cassette et je ne sais plus s’il y avait un livre avec : c’était l’histoire d’un tout petit enfant et d’une perle. Je suis incapable de me souvenir du titre et de l’histoire exacte, mais la voix du conteur m’a marquée. J’aimerais bien retomber dessus un jour !
Je ne peux passer sous silence, L’œil du loup. Ce livre-là, même en vieillissant, je l’aime toujours…
Adolescente, je me souviens du gros choc littéraire vécu avec La Peste que j’ai lu en collège. Ensuite, au lycée, je lisais moins, car j’ai été dégoûtée par la lecture à un moment. C’est fou quand on y pense : j’adorais lire, j’étais bonne en Français, je ne rechignais pas à lire des textes plus denses et la filière littéraire m’était donc toute désignée, mais je me suis détachée des livres, écœurée par ce qu’on nous enfonçait dans la gorge à l’école. Heureusement, j’ai retrouvé le goût de lire un peu plus tard en classes préparatoires littéraire… avec Harry Potter ! Puis aussi via ma mère qui me faisait découvrir les albums qu’elle explorait en classe avec ses élèves.
Tu as d’autres projets d’écriture ou même des livres déjà dans les tuyaux ?
Oui, j’ai deux autres projets. Un dont j’ai également la première phrase qui me trotte en tête (depuis 3 ans, je pense !). J’attends que cela germe un peu plus. L’inspiration m’arrive vraiment par vague.
L’autre projet n’a pas encore sa première phrase, alors je pense que celui-ci verra le jour dans très longtemps !
Bibliographie :
- Le Chant des loups, album illustré par Marine Schneider, Albin Michel Jeunesse (2021).
Du tac au tac… Marine Schneider
Une fois par mois, Véronique Soulé (de l’émission Écoute, il y a un éléphant dans le jardin) nous propose une capsule sonore, Du tac au tac. Avec la complicité du comédien Lionel Chenail, elle pose des questions (im)pertinentes à un·e invité·e que nous avons déjà reçu·e sur La mare aux mots. Aujourd’hui, c’est Marine Schneider qui répond à ses questions à l’occasion de la sortie de l’album Le Chant des loups.
Marine Schneider est autrice et illustratrice.
Bibliographie :
- Le Chant des loups, illustration d’un texte d’Alice Liénard, Albin Michel Jeunesse (2021).
- Tu t’appelleras Lapin, texte et illustrations, Versant Sud (2020).
- Blaireau, texte et illustrations, Pastel (2020).
- Grand ours Petit Ours, texte et illustrations, Cambourakis (2020).
- L’ours Kintsugi, illustration d’un texte de Victoire de Changy, Cambourakis (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Je suis la vie, illustration d’un texte de Elisabeth Helland Larsen, Versant Sud (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Je suis la mort, illustration d’un texte de Elisabeth Helland Larsen, Versant Sud (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Je suis le clown, illustration d’un texte de Elisabeth Helland Larsen, Versant Sud (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Chansons d’amour pour ton bébé, illustration d’un texte de Julie Bonnie, Label dans la forêt (2019).
- Hiro — Hiver et marshmallows, texte et illustrations, Versant Sud (2018), que nous avons chroniqué ici.
Retrouvez Marine Schneider sur son site : https://www.marine-schneider.com.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !