Notre première invitée, Annabelle Guetatra vient d’illustrer La sirène des airs, chez Esperluète. Elle a accepté de répondre à nos questions. Avec le second invité, Charles Berberian, nous partons en vacances !
L’interview du mercredi : Annabelle Guetatra
Présentez-nous La sirène des airs.
C’est une histoire d’amour, mais pas que. Être né d’une belle et grande histoire d’amour, quel bonheur ! C’est la chance de cet enfant qui nous raconte sa maman, une sirène qui quitte son océan par amour pour son papa, un grand type pas très musclé mais terriblement attachant. Mais l’amour n’empêche pas la nostalgie, et cette femme singulière, entre deux mondes, n’est pas qu’amoureuse et mère. Car, au fait, à quoi renonce-t-on pour entamer une histoire d’amour ? Comment garder sa singularité dans la relation avec l’autre ? Que penser du regard des autres quand on est un peu différent·e ? Ici, une femme… cela pose aussi la question du statut de Femme dans notre société, les concessions des femmes à l’égard de la famille. C’est une histoire à double lecture, selon le lecteur. Autant de questions posées en filigrane au travers de ce regard d’enfant, empreint de l’amour et de la fierté qu’il a de ses parents.
L’album est édité par Esperluète, comment s’est passée la collaboration avec cette belle maison ?
Chouette collaboration, toujours dans la douceur et le respect du travail. J’aime beaucoup les ouvrages qu’elle édite. C’est la deuxième fois que je collabore avec Anne Leloup. Elle est à l’écoute et elle est très ouverte aux projets atypiques. J’ai aimé son soutien et sa détermination quant à assumer la nudité du personnage principal, la mère. C’est mon premier livre jeunesse, j’ai mis plus de cinq ans à le terminer. Adapter mon travail à la jeunesse et y trouver mon propre langage n’a pas été simple. Didier Lévy, l’auteur, m’a beaucoup aidée en ce sens. Anne a été patiente.
Quelles techniques d’illustration utilisez-vous ?
Pour cette histoire, j’ai travaillé par succession de couches, par transparence et par collage. J’ai travaillé les fonds à la peinture à l’huile, comme matière, dans laquelle je suis venue graver les dessins, en jouant avec la transparence du support et des zones grattées. Comme si l’on voyait à travers l’eau de la mer. Le collage et les matières en transparence sont des procédés techniques que j’utilise beaucoup dans mon travail.
J’ai vu que vous parliez régulièrement de chorégraphie quand vous parlez de votre travail, pouvez-vous nous expliquer le lien entre la danse et vos dessins ?
Je pense que cela remonte à l’enfance. Ma grand-mère est danseuse-chorégraphe. J’ai donc grandi avec beaucoup de spectacles de danse et mon imaginaire s’est construit avec la vision du corps-mouvement-image. Ayant moi-même fait de la danse, très rapidement la gestuelle du corps dessiné est devenue pour moi une obsession, une fascination. J’aime imaginer mes dessins comme des arrêts sur image d’une scène dansée. Sentir la tension entre les corps. En danse on parle rarement. C’est le corps qui parle. Mes personnages parlent avec leur corps. J’aime chorégraphier mes dessins, les mettre en scène dans un décor que chacun s’approprie. Les scènes dessinées qui nous convient comme au spectacle, qui nous donnent à voir des corps mystérieux mais bien incarnés, lancés dans des sortes d’absurdes mimodrames, chorégraphies absconses ou autres pas de danse énigmatiques. Des scènes d’amour prises en flagrants délits où les personnages se parent d’accessoires, de masques, de végétations étranges, de mobiliers ou d’animaux pas réellement identifiables. Cette mascarade est souvent inspirée des histoires de l’enfance, des voyages (parfois rêvés), nous raconte la vie, ses désirs, ses angoisses, sa magie et son étrange cruauté.
Parlez-nous de votre parcours.
Après plusieurs années d’études et d’expériences entre la photographie, l’installation et la performance, le dessin est devenu mon obsession principale, une impérieuse nécessité. Le dessin sous différentes déclinaisons : papier libre, feuillets assemblés en livre, livre sonore, papier mâché, céramique, gravure, édition, auto-édition, animation… Depuis 2010, je travaille avec la Galerie DYS, qui m’accompagne dans cette recherche perpétuelle et cette déambulation dans le dessin. Un parcours de dessinatrice entremêlé d’enseignement, d’ateliers et de collaborations.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescente ?
Ayant une mère bibliothécaire, j’ai été bercée par les contes et les images des albums jeunesse, une source intarissable d’inspiration. Et encore maintenant, la lecture et la découverte d’albums jeunesse sont un plaisir gourmand et insatiable. Adolescente, je lisais surtout beaucoup de livres d’art. Ce n’est que bien plus tard que mes lectures ont quitté les livres illustrés pour vivre leur propre vie dans mon imaginaire. Aujourd’hui, la lecture (roman, album, roman graphique…) a une place importante dans mon quotidien.
Des ouvrages en préparation ?
Oui ! Imaginer de faire des livres, encore et encore, est frénétique. J’ai d’ailleurs une exposition du 4 juin 2023 au 9 juillet 2023 sur mon histoire autour du livre à la galerie DYS. Elle s’intitulera « La sirène des airs ». Les originaux de mes publications y seront présentés. C’est aussi une grande histoire d’amour, le livre et moi. Pour la suite, je travaille sur un texte de Justine Arnal « Les enfants des oiseaux » et sur un autre livre, plus pour adultes, sous forme de roman graphique avec ma sœur Kahina Le Querrec (avec qui je collabore depuis quelques années), qui s’intitulera « Les grandes marées ».
Bibliographie jeunesse :
- La sirène des airs, illustration d’un texte de Didier Lévy, Esperluète (2023).
Retrouvez Annabelle Guetatra sur Instagram.
En vacances avec… Charles Berberian
Régulièrement, nous partons en vacances avec un·e artiste. Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais moi j’adore partir comme ça avec quelqu’un·e, on apprend à la·le connaître notamment par rapport à ses goûts… Cet·te artiste va donc profiter de ce voyage pour nous faire découvrir des choses. On emporte avec nous que ces choses-là, on ne se charge pas trop… Des livres, de la musique, des films… Sur la route on parlera aussi de 5 artistes qu’iel veut me présenter et c’est elle·lui qui choisit où l’on va… 5 destinations de son choix. Cette fois-ci, c’est avec Charles Berberian que nous partons ! Allez, en route !
5 albums
Le Petit Nicolas de Sempé et Goscinny
- Le cosmoschtroumpf de Peyo
- Paco et le rock de Magali Le Huche
- Le tour du monde de Mouk de Marc Boutavant
- Madeline de Ludwig Bemelmans
5 romans
Billy Summers de Stephen King
- Le miroir aux espions de John Le Carré
- Regain de Jean Giono
- Rocher de Brighton de Graham Green
- Le comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas
5 BD
Merel de Clara Lodewick, Les Ondes Marcinelle
- Un été cruel de Sean Phillips et Ed Brubaker, Delcourt
- La synagogue de Joann Sfar, Dargaud
- La ballade de la mer salée de Hugo Pratt, Casterman
- Idéal Standard d’Aude Picault, Dargaud
5 films
Muriel de Alain Resnais
- Broadway Danny Rose de Woody Allen
- Comme un avion de Bruno Podalydès
- La cité de la peur de Alain Berberian
- Paul Sanchez est revenu de Patricia Mazuy
5 CD
Jobim de Antonio Carlos Jobim
- La Maison Haute de Bastien Lallemant
- Clair de JP Nataf
- Blue de Joni Mitchell
- Songs for Distingué Lovers de Billie Holiday
5 artistes
- Jean-Jacques Sempé
- Hugo Pratt
- Sonia Delaunay
- Moebius
- Claire Bretécher
5 endroits
- Le mercado central de Valencia en Espagne
- Beiteddine dans la montagne du Chouf au Liban
- Le quartier de Taitō à Tokyo, Japon
- La librairie Parisienne de Saint-Raphaël en France
- L’atelier de la Villa du Lavoir à Paris, France
Charles Berberian
est scénariste et dessinateur de BD. Depuis quelques années, il illustre également des albums jeunesse, dont les livres-CD de Pascal Parisot. Son dernier album, Lulu et le Macabouc, est sorti chez Actes Sud Jeunesse en mars dernier. Il y illustre un texte de Laurent Gaudé.
Bibliographie jeunesse :
- Lulu et le Macabouc, illustration d’un texte de Laurent Gaudé, Actes Sud Jeunesse (2023), que nous avons chroniqué ici.
- Pourquoi ?, illustration d’un texte de Julien Baer, Hélium (2021).
- Petits poids plume, illustration d’un texte de Jo Witek, Actes Sud Junior (2021).
- Mon père est un super-héros, illustration d’un texte d’Arnaud Cathrine, La Martinière Jeunesse (2020).
- Le Petit Chaperon rouge, illustration d’un texte de Jeanne Cherhal, Gründ (2020).
- Les voisins mode d’emploi — tome 1 — Enfermée dehors, illustration d’un texte d’Agnès Mathieu-Daudé, L’école des loisirs (2020).
- Tous des chats, illustration de textes de Pascal Parisot, Le label dans la forêt (2020), que nous avons chroniqué ici.
- Mort de rire, illustration de textes de Pascal Parisot, Didier Jeunesse (2019), que nous avons chroniqué ici.
- L’arbre à tout, illustration d’un texte de Julien Baer, L’école des loisirs (2020).
- Chat chat chat, illustration de textes de Pascal Parisot, Didier Jeunesse (2019).
Retrouvez Charles Berberian sur Instagram.

Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !