Une fois par mois, avec Véronique Soulé, nous mettons en avant deux invité·es lié·es par un livre. Cette fois-ci, c’est l’album C’est secret ce que j’écris, sorti chez L’initiale, qui nous a fait réunir l’auteur Arnaud Tiercelin et l’éditrice Juliette Grégoire. Le premier est mon invité pour l’interview, la seconde répond à la rubrique (sonore !) Du tac au tac de Véronique Soulé. Bonne lecture et bonne écoute !
L’interview du mercredi : Arnaud Tiercelin
De quoi parle votre album C’est secret ce que j’écris, qui vient de sortir aux éditions l’initiale.
Il parle d’un garçon qui ne contrôle pas ses émotions et qui va tenter de les apprivoiser grâce aux mots, puisqu’il n’y arrive pas par la parole. Il parle d’un petit garçon qui n’arrive pas à communiquer avec les autres. Il parle de tension, de violence intérieure, de silence, d’une enfance compliquée et d’un retour vers la lumière grâce à l’écriture. Finalement, sur cette idée de se sauver grâce aux mots, grâce à la musique des mots, je crois qu’il parle beaucoup de moi.
Comment est né cet album, comment vous est venu l’idée ?
Il est venu d’une phrase « J’écris de toutes petites choses. » C’était d’ailleurs son premier titre. Il est né après une longue période sans écrire. Il est né d’un élan, un dimanche matin, face à la fenêtre. Peut-être d’une remise en question. Pourquoi j’écris ? Pourquoi est-ce important pour moi d’écrire ? Pourquoi je continue d’écrire ? Qu’est-ce qui me motive encore ? Au bout d’une vingtaine de livres, on peut, je crois, légitimement se poser la question. Voilà, il vient de là. D’un retour aux sources. J’écris parce que c’est impossible pour moi de ne pas écrire. C’est peut-être évident mais ça ne l’est pas. J’écris des horreurs, j’écris n’importe quoi, j’écris le ciel et la rivière mais j’écris. Et il ne peut pas en être autrement. J’ai beau regarder dehors, il y a toujours un personnage qui vient me prendre par la main pour me raconter son histoire.
C’est votre deuxième livre aux éditions L’initiale, pouvez-vous nous parler de votre collaboration avec cette belle maison ?
Oui, j’ai connu l’Initiale grâce à un livre de Thomas Scotto, Mes amis de partout. Je trouvais l’album très chouette et j’ai proposé un texte à Juliette Grégoire, l’éditrice de l’Initiale. Et puis est née une belle confiance avec cette maison. Et comme on s’y sent bien et qu’on y est bien accueilli, j’ai tout naturellement proposé ce projet. Et je suis ravi qu’il ait vu le jour !
Quelques mots sur le travail avec l’illustrateur, David Vanadia ?
C’est un artiste marseillais que Juliette Grégoire m’a fait découvrir. J’adore son travail précis, radical et géométrique. Il en ressort une poésie rêche, un réalisme nerveux, quelque chose qui colle parfaitement à mon texte.
Vous abordez souvent des thématiques « de société » dans vos livres (je pense au très beau Des lions même pas en cage où vous parliez d’homoparentalité, mais vous avez aussi parlé de harcèlement scolaire et de végétarisme) sans que ce soit des livres SUR le sujet (je préfère le préciser), pour vous c’est important de parler de ce genre de sujet en littérature jeunesse ?
C’est, avec le temps, devenu très important. Au départ, je pensais écrire sur des thèmes totalement évanescents ou disons, basés sur des grands sentiments comme la disparition, la solitude, l’amour … Et puis, maintenant, je crois qu’il est temps de se livrer, de s’engager. C’est un acte quasi militant. J’écris pour ne plus me taire. J’écris, comme à 15 ans, pour changer le monde et entamer une sorte de révolution. Cela vient peut-être de mes études en sociologie, de mon adolescence où je lisais Charlie Hebdo tous les mercredis, où je dévorais les livres de Cavanna, les dessins de Charb, les chansons de Brassens …
Comment naissent vos histoires ? Ce sont les thèmes qui vous arrivent tout d’abord ou le scénario ?
Ce sont les lieux ou plus précisément, les personnages dans un lieu précis. Ce personnage est là, il me parle. Que fait-il ici ? Qu’a-t-il à me dire ? Pourquoi est-ce si important pour lui de prendre la parole ? Il y a tellement de livres. Pourquoi ce livre-là mérite-t-il d’exister ? Tout cela se mêle et puis, quand la casserole déborde, je prends un carnet ou mon ordinateur et j’écris. Parfois, je prends ma guitare, je cherche, je joue quatre accords et je retourne à mon livre. L’histoire naît comme ça, entre long silence et frénésie jusqu’au bout de la nuit.
Vous êtes enseignant, en plus d’être auteur, est-ce que ce contact avec les enfants influe sur votre écriture ?
Oui, sûrement. Mais j’écris depuis que j’ai 13 ans alors je ne sais pas vraiment. C’est un tout. J’écris surtout parce que je voulais devenir parolier et chanteur et que j’ai vite lu de la poésie en m’accompagnant d’une guitare. Quand j’avais 15-16 ans, je lisais Le bateau ivre en jouant avec deux accords. C’était peut-être prétentieux mais c’était fondamental de m’imprégner avec ce qui se faisait de mieux en poésie. Même si, je peux l’avouer, je ne comprenais rien à ce que je lisais. « Les chanteurs sont mes amis », cette chanson de Dominique A, c’est presque un hymne pour moi. La musique est tellement plus importante pour moi que les livres. J’en écoute tout le temps. Avant d’écrire. Pendant que j’écris.
Comment êtes-vous venu à l’écriture, parlez-nous de votre parcours ?
Je crois que je viens d’y répondre. En découvrant Bashung, Manset, Dominique A, Miossec … Et puis les livres tout de même. C’est tellement magique de découvrir un univers.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescent ?
Enfant, je ne lisais rien. C’est clair. Je préférais jouer dehors avec mes amis. Adolescent, j’ai beaucoup traîné au CDI du lycée. Kafka, Vian, Zweig, Camus, Beckett … Je lisais aussi beaucoup de bandes dessinées … J’ai eu la chance d’avoir une super médiathèque dans ma petite ville de Parthenay. C’était génial d’y passer mes mercredis après-midis et de lire … Ensuite, je marchais dans les rues médiévales. C’était un beau voyage. C’était parfait pour l’adolescent que j’étais.
Quelques mots sur vos prochains ouvrages ?
Je publierai trois livres cet automne, tous très différents. Un album avec Jess Pauwels aux éditions La Poule qui Pond, un album avec Baptistine Mésange aux éditions Frimousse et un petit roman illustré par Arnaud Nebbache aux éditions Kilowatt. En 2022, je retrouverai les livres pour adolescents aux éditions Magnard. Et puis, peut-être qu’il y aura quelques surprises parce que la vie en réserve parfois de bien belles …
Bibliographie :
- C’est secret ce que j’écris, album illustré par David Vanadia, L’initiale (2021).
- C’est pas moi !, roman illustré par Maureen Poignonec, Kilowatt (2020), que nous avons chroniqué ici.
- Petit dentifrice blanc, album illustré par Marion Piffaretti, Mango Jeunesse (2020).
- En deux bouchées, album illustré par Marion Fournioux, Éditions Winioux (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Le silence du serpent blanc, roman, Le Muscadier (2019).
- Frère de passage, roman illustré par Aude Brisson, Kilowatt (2019).
- Pourquoi le soleil aime la soupe, album illustré par Olympe Perrier, L’initiale (2018), que nous avons chroniqué ici.
- J’adore pas trop, album illustré par Stéphanie Marchal, Kilowatt (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Des lions même pas en cage, roman illustré par Ella Coutance, Les éditions du pourquoi pas (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Dans mon cœur, album illustré par Csil, Frimousse (2018), que nous avons chroniqué ici.
Du tac au tac… Juliette Grégoire
Une fois par mois, Véronique Soulé (de l’émission Écoute, il y a un éléphant dans le jardin) nous propose une capsule sonore, Du tac au tac. Avec la complicité du comédien Lionel Chenail, elle pose des questions (im)pertinentes à un·e invité·e que nous avons déjà reçu·e sur La mare aux mots. Aujourd’hui, c’est Juliette Grégoire qui répond à ses questions à l’occasion de la sortie de l’album C’est secret ce que j’écris.
Juliette Grégoire est la fondatrice et l’éditrice des éditions L’initiale.
Les derniers livres des éditions l’initiale que nous avons chroniqués :
- Qui est le plus heureux ?, texte d’Isabelle Simon, illustré par Hengjing Zang (2020), que nous avons chroniqué ici.
- Qu’est-ce que l’art ?, texte de François Galichet, illustré par David Vanadia (2020), que nous avons chroniqué ici.
- Onze ours, texte de Nathalie Wyss, illustré par Pascale Breysse (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Mon ombre, texte d’Anne-Claire Lévêque, illustré par Sandra Desmazières (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Un marron dans la poche, texte de Nathalie Wyss, illustré par Cécile Deglain (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Il n’y a pas d’âge pour philosopher, texte d‘Edwige Chirouter, illustré par Olympe Perrier (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Pourquoi le soleil aime la soupe, texte d’Arnaud Tiercelin, illustré par Olympe Perrier (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Devinettes, textes de Catherine Leblanc, illustré par Pierrick Guigon (2018), que nous avons chroniqué ici.
- C’est pas ça !, texte de Duval MC, illustré par Caroline Dalla (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Les trésors d’Élinor, Texte d’Elsa Valentin, illustré par Amandine Cau (2015), que nous avons chroniqué ici.
- Attention ! Chantier amoureux, texte de Pierre-Emmanuel Dufour, illustré par Julie Grugeaux (2015), que nous avons chroniqué ici.
- Le garçon qui voulait se déguiser en reine, texte d’Elsa Valentin, illustré par Sandra Desmazières (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Le chemin d’Antonin, texte de Catherine Leblanc, illustré par Audrey Pannuti (2014), que nous avons chroniqué ici.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !