Le hasard fait que nos deux invités du jour viennent de l’Ontario ! Le premier, Cary Fagan, vient de sortir un album aux éditions Michi, La souris qui devint roi. Il a accepté de répondre à nos questions. Le second, JonArno Lawson, dont le nouvel album, Au 2e étage, est sorti la semaine dernière aux éditions D’eux, a accepté de participer à notre En vacances avec.
L’interview du mercredi : Cary Fagan
De quoi parle votre album La souris qui devint roi ?
Lorsque je m’assois pour écrire une histoire, je ne réfléchis pas vraiment à son sujet. J’ai des personnages et une narration et je la laisse se dérouler, pour voir ce qui se passe. Ce n’est qu’après que je réfléchis aux différents sens de l’histoire (car bien sûr, il n’y a pas qu’un seul sens). Pour moi, La souris qui devint roi traite de la nature du jeu, du pouvoir et, en fin de compte, de l’amitié. Elle montre que notre rôle dans la vie n’est pas stable, qu’il ne s’agit pas d’une seule chose, mais qu’il peut changer. Et bien sûr, c’est aussi l’histoire d’un ours, d’une souris et de quelques autres animaux !
Comment est née cette histoire en particulier et comment naissent vos histoires en général ?
Il arrive qu’un livre émerge d’un manuscrit raté. C’est le cas ici. J’ai d’abord essayé d’écrire l’histoire d’un serpent qui ne voulait plus être un serpent. Il s’est donc déguisé en chien, en oiseau, etc. Mais l’histoire ne fonctionnait pas vraiment. Et son message semblait plutôt banal : nous devrions tous accepter ce que nous sommes. Cependant l’envie d’écrire une histoire avec des personnages animaliers m’est restée. D’une manière générale, les histoires semblent surgir de toutes sortes de façons. Parfois, c’est un souvenir d’enfance. Parfois une observation. Parfois, c’est un autre livre qui fait jaillir une idée. J’essaie simplement de me rendre réceptif à ces idées lorsqu’elles apparaissent.
L’histoire m’a fait penser à Winnie l’ourson, pas seulement à travers le personnage de l’ours, y avez-vous pensé ?
La vérité, c’est que je ne connaissais pas Winnie l’ourson quand j’étais enfant. J’ai raté beaucoup de livres classiques. Et bien que je l’aie lu, je ne peux pas dire que je le connaisse bien. Mais j’adore les ours dans les livres pour enfants et j’en ai lu beaucoup d’autres. Et je suis sûr que j’ai été influencé par plusieurs d’entre eux pour faire de l’ours un personnage important. J’aime particulièrement le contraste entre la grande taille de l’animal et sa vulnérabilité émotionnelle.
Comment s’est déroulée la collaboration avec Dena Seiferling ? Êtes-vous intervenu sur son travail ?
C’est l’éditeur qui m’a suggéré Dena. Je ne pense pas qu’elle ait réalisé d’autres livres, mais ses échantillons étaient merveilleux. Je fais attention à ne pas trop interférer avec le processus créatif de l’artiste. Je voulais que Dena pense que l’histoire lui appartenait autant qu’à moi. J’ai eu l’occasion de voir ses esquisses et de les commenter mais mes commentaires étaient très mineurs.
Parlez-nous de votre parcours.
Mon père est né à Varsovie mais a passé la plupart de ses premières années à Bruxelles. Le français était sa première langue. Il avait 12 ans lorsque les nazis ont envahi le pays et que sa famille a dû fuir. Il a fini par venir au Canada avec un visa d’étudiant. Ma mère est née à Toronto. Ses parents sont venus de Pologne dans les années 1920. Elle a grandi avec très peu de moyens et a dû quitter l’école pour aller travailler alors qu’elle n’était encore qu’une adolescente. Cependant, mes parents se sont bien débrouillés et j’ai eu une éducation très confortable. Je pense que j’ai toujours été conscient du contraste entre leur enfance difficile et la mienne. Pour ma mère, la lecture était un moyen d’échapper aux difficultés de la vie et, lorsqu’elle était enfant, elle se rendait chaque semaine à la bibliothèque pour ramener à la maison une pile de nouveaux livres. Quant à mon père, même s’il ne lisait pas autant, il respectait les artistes et leur travail. Je sais qu’ils m’ont beaucoup influencé.
Qu’avez-vous lu pendant votre enfance ou votre adolescence ?
La vérité est que, bien que j’aie su que je voulais devenir écrivain à l’âge de 12 ans, je n’ai commencé à lire sérieusement qu’à l’âge de 16 ans. C’est à ce moment-là que j’ai décidé que je ferais mieux de commencer à lire les grandes œuvres de la littérature. Je suis allée à la bibliothèque et j’ai pris Les grandes espérances de Charles Dickens. Il est devenu mon écrivain préféré de tous les temps ! De là, je suis passé à Tchekhov et à Flaubert. Je suis donc passé d’une situation où je ne lisais pas beaucoup à une situation où je lisais des livres pour adultes.
Quelques mots sur les prochaines histoires que vous nous proposerez ?
J’essaie d’écrire des histoires qui jouent avec la relation entre les mots et les images. J’aime les livres d’images où les images racontent une histoire qui n’est pas explicite dans les mots. C’est ce que j’essaie de faire maintenant.
Bibliographie francophone jeunesse :
- La souris qui devint roi, illustré par Dena Seiferling, Michi (2023), que nous avons chroniqué ici.
- La guerre de Maurice, illustré par Enzo Lord Mariano, Les Éditions des Éléphants (2021), que nous avons chroniqué ici.
- La petite chaise bleue, illustré par Madeline Kloepper, Kimane (2019), que nous avons chroniqué ici.
Un grand merci à Élisabeth Tielemans pour la traduction.
En vacances avec… JonArno Lawson
Régulièrement, nous partons en vacances avec un·e artiste. Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais moi j’adore partir comme ça avec quelqu’un·e, on apprend à la·le connaître notamment par rapport à ses goûts… Cet·te artiste va donc profiter de ce voyage pour nous faire découvrir des choses. On emporte avec nous que ces choses-là, on ne se charge pas trop… Des livres, de la musique, des films… Sur la route on parlera aussi de 5 artistes qu’iel veut me présenter et c’est elle·lui qui choisit où l’on va… 5 destinations de son choix. Cette fois-ci, c’est avec JonArno Lawson que nous partons ! Allez, en route !
5 albums pour enfants :
- Boris Brindamour et la robe orange, Christine Baldacchino, illustré par Isabelle Malenfant
- Wizzil, William Steig, illustré par Quentin Blake
- Uncle Wiggily and his Friends, Howard Garis, illustré par George Carlson
- Fatima the Spinner and the Tent, Idries Shah, illustré par Natasha Delmar
- Films pour les tout-petits, André Hellé.
5 romans (certains sont des récits de vie !) :
- Shikasta, Re. Colonized Planet 5, de Doris Lessing
- My Innocent Absence, de Miriam Frank
- One in Every Crowd, d’Ivan Coyote
- Not Wanted on the Voyage (Passagers Clandestin), de Timothy Findley
- Travels with Nasrudin, de Tahir Shah
- Fanny and Alexander, Ingmar Bergman
- Talk to Her, Pedro Almodovar
- Ordinary People, Robert Redford
- Oliver, Carol Reed
- RRR, S.S. Rajamouli
- Sylvia Tyson, Cool Wind from the North (1976)
- The Secret Sisters, You don’t own me anymore (2017)
- Ray Charles, A Portrait of Ray (1968)
- Baaba Maal (with Mansour Seck), Djam Leelii (1989)
- The Inkspots, Greatest Hits (1959, 2003)
5 BD :
- Special Topics in Being a Human: A Queer and Tender Guide to Things I’ve Learned the Hard Way about Caring For People, Including Myself, de S. Bear Bergman, illustré par Saul Freedman-Lawson
- La soupière magique, de Becky Palmer
- The Best We Could Do, Thi Bui
- Santa Camarao, Xavier Almeida
- The Secret to Superhuman Strength, Alison Bechdel
5 lieux à visiter :
- Trang An, Ninh Binh, Vietnam
- Kolkata, India
- Abomey, Benin
- Marrakesh, Morocco
- Key West, The United States
5 Artists :
- Elisabeth Sabala
- Alec Dempster
- Pierre Bettencourt
- Paul Fournier
- Georges Jeanclos
JonArno Lawson est un auteur canadien pour adultes et pour enfants. Trois de ses ouvrages ont été traduits en français, le dernier, Au 2e étage, est publié par les éditions D’eux. Il est paru la semaine dernière et est illustré par Qin Leng.
Bibliographie jeunesse francophone :
- Au 2e étage, album illustré par Qin Leng, D’eux (2023).
- Le jour des châteaux de sable, album illustré par Qin Leng, D’eux (2022).
- Les fleurs de la ville, album illustré par Sidney Smith, Sarbacane (2015).
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !