Aujourd’hui, deux invités liés par un même livre, Des papillons dans la nuit, sorti aux éditions Les Grandes Personnes. Tout d’abord l’illustrateur Christophe Alline qui a accepté de répondre à mes questions, puis l’auteur Olivier Ka qui est l’invité de la rubrique Quand je crée.
L’interview du mercredi : Christophe Alline
Pouvez-vous nous parler de Des papillons dans la nuit qui vient de sortir aux Grandes personnes ?
Des papillons dans la nuit est un album qui permet d’appréhender la peur du noir. Olivier Ka en a écrit le texte et je me suis chargé de l’illustration. L’enfant dans son lit est assailli par ses pensées représentées sous la forme de papillons et se laisse guider par elles pour partir en voyage dans le mystère du rêve.
Comment avez-vous travaillé sur cet album ? Pour mettre en image les mots d’Olivier Ka, mais aussi côté technique.
Pour chaque album c’est un peu le même procédé de départ. Je fais d’abord un découpage du texte, je définis le nombre de pages à illustrer, ensuite je réalise beaucoup de croquis pour arriver à une cohérence entre le texte et l’image ainsi qu’un bon rythme de lecture entre les pages. Je finalise ensuite mes illustrations en numérique avec Illustrator. Ça faisait longtemps que j’avais envie de réaliser un album animé, j’ai donc travaillé à tâtons en réalisant plusieurs maquettes des mécanismes papier. Comme c’était mon premier album de ce genre, Brigitte Morel, l’éditrice, m’a beaucoup aidé à peaufiner et améliorer les mécanismes. J’ai beaucoup appris en réalisant cet album.
Comment s’est passée la collaboration avec Olivier Ka ?
Je connais Olivier depuis longtemps, c’est un ami et j’apprécie beaucoup son travail, la qualité de son écriture, son humour et sa fantaisie. En 2017, nous avons partagé une résidence d’auteurs à Luçon en Vendée, qui a donné lieu à un album doublé d’un spectacle, Breloques. D’ailleurs, nous envisageons de décliner Des papillons dans la nuit sous la forme de spectacle.
Comment choisissez-vous vos projets ?
Je choisis mes projets un peu par le hasard des rencontres. Je cherche juste garder à une cohérence entre le texte à illustrer et mon univers graphique empreint de poésie et de surréalisme. Le plus, bien sûr, est une véritable rencontre humaine avec un auteur, c’est le cas avec Olivier.
Quelles techniques d’illustration utilisez-vous ?
Je travaille beaucoup en découpage et collage et j’aime composer mes images par assemblage. Je joue ensuite sur l’équilibre entre les masses graphiques et les couleurs. J’ai beaucoup travaillé la matière et les matériaux détournés par le passé.
Comment naissent vos images ? Où trouvez-vous votre inspiration ?
Je fais beaucoup de croquis et de découpages pour créer mes images. Je suis très inspiré par les dadaïstes et surréalistes. Pour cet album (Des papillons dans la nuit), j’ai ressenti l’influence de Daniel Tremblay, une étoile filante artistique qui m’a beaucoup marqué lorsque j’étais étudiant aux beaux-arts. Je pensais également au travail de Milton Glaser et sa fameuse affiche pour Bob Dylan…
Parlez-nous de votre parcours.
J’ai fait mes études aux beaux-arts d’Angers. J’ai travaillé ensuite comme médiateur artistique dans divers centres d’art. C’est là que j’ai découvert le monde de l’illustration jeunesse. J’ai également travaillé comme décorateur pour divers spectacles et scénographies. J’ai réalisé en 2000 mon premier album Dans Paris (Didier jeunesse). Les illustrations faites de prises de vue, étaient un mini décor mis en scène et en lumière.
Depuis, mon activité oscille entre l’enseignement, le spectacle et la création graphique.
Le fait d’être musicien influence-t-il votre travail d’illustrateur ?
Je pense qu’il y a une influence. J’ai toujours pratiqué les deux en parallèle. C’est depuis 2019 en créant la compagnie du Petit Rayon Magique avec Fred Bigot que la création musicale et la création graphique se sont entremêlées dans mon travail.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescent ?
Enfant, j’ai été marqué par les livres de Tomi Ungerer et Maurice Sendak. Plus tard, mes lectures étaient le Club des cinq et Langelot agent secret dans la Bibliothèque verte…
Des projets à sortir prochainement ?
Je n’ai pas de sortie prévue prochainement. Nous avons sorti juin en avec Le Petit Rayon Magique un troisième album CD de seize chansons illustrées, Ton Ton Cli Ma édité par Benjamins Media. Des papillons dans la nuit vient de sortir chez Les Grandes Personnes et je travaille actuellement sur un nouveau texte d’Olivier Ka qui parle de rencontres amoureuses.
Bibliographie sélective :
- Le gros navet, illustration d’un texte de Bernard Villiot, L’élan vert (2023).
- Des papillons dans la nuit, illustration d’un texte d’Olivier Ka, Les Grandes Personnes (2023).
- Ton Ton Cli Ma, avec Fred Bigot, Benjamins Média (2023).
- Li Le La, avec Fred Bigot et Le Petit Rayon Magique, Benjamins Media (2021).
- Tipi Tipi Ta, avec Fred Bigot, Benjamins Media (2019).
- Patoufèt’, illustration d’un texte de Véronique Massenot, L’élan vert (2019).
- Breloques, illustration d’un texte d’Olivier Ka, Du Faitout (2018).
- Barnabé n’a pas de plumes, illustration d’un texte d’Alexandre Chardin, L’élan vert (2018).
- Frère Jacques, texte et illustrations, Didier Jeunesse (2017).
- Drôle de bonhomme, illustration d’un texte de Catherine Leblanc, L’initiale (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Dans Paris, illustration d’un texte de Jean-François Rabillon, Didier Jeunesse (1998).
Retrouvez Christophe Alline sur son site : http://www.christophe-alline.fr.
Quand je crée… Olivier Ka
Le processus de création est quelque chose d’étrange pour celles et ceux qui ne sont pas créateur·trices eux·elles-mêmes. Comment viennent les idées ? Est-ce que les auteur·trices peuvent écrire dans le métro ? Les illustrateur·trices, dessiner dans leur salon devant la télé ? Peut-on créer avec des enfants qui courent à côté ? Faut-il de la musique ou du silence complet ? Régulièrement, nous demandons à des auteur·trices et/ou illustrateur·trices que nous aimons de nous parler de comment et où ils·elles créent. Cette semaine, c’est Olivier Ka qui nous parle de quand il crée.
L’endroit où j’écris ne doit pas être totalement isolé. Un bureau fermé, une pièce éloignée, et j’ai vite l’impression d’être coupé du monde, déconnecté. J’ai besoin de me trouver dans un lieu de passage, ouvert, proche de la sortie. Une cuisine, pour cela, c’est idéal. Lieu de vie pas excellence, elle est la promesse de fréquentes visites. Et de petits plaisirs à portée de main, un biscuit par-ci, un café par-là… Je marche bien à la récompense.
Mais il ne faut pas non plus que cela soit une place trop passagère. J’ai du mal à écrire dans un train ou au bistrot. Trop de distractions, impossible de me concentrer. La musique, trop parasite. Une conversation téléphonique, c’est le poison.
Je me satisfais de présences sans les nuisances.
La plupart du temps, je suis un travailleur du matin. Un deuxième café à la main, l’esprit pas tout à fait éveillé, je reprends facilement le chantier. Ces trois heures-là, les premières, sont mes préférées. Elles travaillent pour moi, elles me portent, je ne fais pas beaucoup d’effort. Les suivantes sont plus demandeuses. Quand je ne suis pas noyé par mon histoire, totalement habitée par elle, je ne les fréquente pas. Ce sont des heures de lutte, je préfère m’en éloigner. Consacrer mes après-midis à autre chose.
Quand je dessine, c’est différent. Je suis un croqueur d’extérieur, un esquisseur de foule, je vais là où il y a de la vie. Un carnet sous le bras, les semelles en terre étrangère, je me pose n’importe où pour griffonner mon papier. Là, le bruit, le monde, la musique ne me dérangent pas, au contraire. Concentré sur mon image en devenir, je capte tout ça sans en avoir l’air. Et j’écris alors le soir, quand les émotions sont encore fraîches, quand les sons résonnent encore en moi, pour restituer tout cela le plus fidèlement possible.
Mais en vérité, la tête, elle, travaille tout le temps. Elle raconte, elle cherche, elle tâtonne, elle projette. N’importe où, à n’importe quelle heure, c’est elle qui bosse le plus. Rares sont les moments où elle se pose. Car elle alimente la petite flamme de l’envie.
L’envie de ressentir des émotions.
L’envie de faire naître des personnages.
L’envie de décrire ce que l’on voit, ce que l’on vit.
L’envie de créer. Sans elle, rien n’est possible.
Olivier Ka est auteur et scénariste. Son dernier album, Des papillons dans la nuit, est illustré par Christophe Alline (voir ci-dessus) et est sorti chez Les Grandes Personnes.
Bibliographie sélective :
- Le vœu du jeune roi et autre histoire cruelle, album illustré par Julien Martinière, Obriart (2023).
- Demi frère, roman, Rouergue (2022).
- Nez rouge et dent cassée, roman illustré par Charles Dutertre, Rouergue (2022).
- Capitaine Fripouille, BD dessinée par Alfred, Delcourt (2021).
- Journal d’un chien de campagne, roman illustré par Charles Dutertre, Rouergue (2021).
- Les mains de Ginette, BD dessinée par Marion Duclos, Delcourt (2021).
- Série Les chroniques d’Hurluberland, romans illustrés par Juliette Barbanègre, Rouergue (3 tomes, 2018-2021).
- Loukoum mayonnaise, roman, Rouergue (2018).
- Breloques, album illustré par Christophe Alline, Du Faitout (2018).
- Des papillons dans la nuit, que nous avons chroniqué ici.
- Quand je serai très très vieux, que nous avons chroniqué ici.
- Pieter et le lokken, que nous avons chroniqué ici.
- Mon arbre à secret, album illustré par Martine Perrin, Les grandes personnes (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Obstinément chocolat, recueil de nouvelles illustré par Régis Lejonc, éditions L’Edune (2011), que nous avons chroniqué ici.
- Lisa et l’oiseau de sang, roman ado/adultes, Plon (2011)
- La vie merveilleuse de la princesse Olga, album illustré par Olivier Latyk, éditions L’Edune (2009), que nous avons chroniqué ici.
- Les Contes Imbéciles, recueil de nouvelles illustré par Alfred, éditions L’Edune (2009), que nous avons chroniqué ici.
- Une maman tout entière, album illustré par Luc Melanson, Milan (2008), que nous avons chroniqué ici.
- Le fils de la conteuse, roman ado, Grasset (2008)
- Ti-Grô et le Mamoumouth, album illustré par Jean-Denis Pendanx, Petit à Petit (2008)
- Rien qu’un enfant, roman, Grasset (2006)
Retrouvez Olivier Ka sur son compte Instagram.
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Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !