Aujourd’hui, deux autrices-illustratrices qui viennent de sortir un album. Pour l’interview c’est Élodie Balandras, qui vient de sortir le très tendre Un nouveau printemps pour Pépé ours chez Didier jeunesse, et pour le Quand je crée c’est Violaine Leroy, dont le très poétique Uani vient tout juste de paraître chez La Pastèque. Bon mercredi à vous !
L’interview du mercredi : Élodie Balandras
Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?
Formée à l’école Émile Cohl, je me lance en 2004, en tant qu’illustratrice-graphiste.
Mes premières années de free lance s’organisent entre l’édition et la communication visuelle.
Puis des partenariats en édition se mettent en place. Dont les éditions Syros, avec lequel un album, Les poulets guerriers, sera récompensé par les Incorruptibles en 2013.
Des opportunités m’amènent aussi sur des chemins parallèles comme la performance dessinée ou le reportage dessiné. Le CNL m’encouragera pour le développement d’un reportage autour de l’adolescence et du handicap en 2014.
Autant de signaux qui m’encouragent à prendre le large sur des projets plus personnels.
Vous venez de sortir Un nouveau printemps pour Pépé ours, pouvez-vous nous parler de cet album ?
Cet album révèle clairement deux désirs que j’ai mis trop souvent de côté : écrire mes textes et revenir à des techniques de dessin traditionnel. Il est né de l’envie de raconter la vieillesse sans tristesse, ni misérabilisme. Essayer de dire les choses, avec douceur, poésie et fraîcheur.
C’est un album qui parle des enfants qui grandissent pendant que les grands parents vieillissent, des thèmes qui vous sont chers ?
Nous sommes tous en lien avec la vieillesse, quelque soit notre âge. Les prémices de cet album sont nés de ce que j’ai perçu avec mon grand-père qui n’était plus tout à fait le grand-père que j’avais connu. Des étapes fortes qui peuvent surprendre, attrister mais parfois aussi faire sourire.
Il a fallut ensuite trouver un axe de narration pour que ce récit dépasse l’aspect autobiographique, et que le lecteur puisse passer un moment réconfortant. Des ours, du miel, des grands arbres, tout cela sur le fond du renouveau : le printemps.
Quelles techniques d’illustrations avez-vous utilisées ici et utilisez-vous en général ?
Pas de numérique pour cet album : simplement de l’encre, du feutre, et des crayons de couleurs. Alors qu’habituellement je réalise mes encrages au crayon de couleur noir ou à l’encre. Puis je scanne mes originaux pour une mise en couleur sous ordinateur.
Où trouvez-vous votre inspiration ?
Pour cet album : l’inspiration est très personnelle. Les lunettes, le costume, l’attitude du Pépé Ours sont clairement influencés par mon grand-père. Et la végétation, par la forêt qui m’entoure.
Certains lecteurs pourront reconnaître sur la 4ème de couverture, un relief très connu du paysage mâconnais que j’ai parcouru pendant mon enfance.
Pour l’ensemble des mes ouvrages, je m’appuie beaucoup sur de la documentation sur le début des recherches, pour après m’en détacher et m’accaparer les personnages.
Il y a-t-il des illustrateurs et des illustratrices dont le travail vous touche ou vous inspire ?
Il y en a beaucoup dont le travail me donne des ailes, me pousse à aller plus loin dans mes recherches. Je pourrais citer entre autres : Kitty Krowter, Beatrice Allemagna, Anne Herbauts et Christophe Blain.
Vous alternez les projets solo (comme ici) et les projets où vous illustrez le texte d’autres, est-ce que le fait d’être autrice vous-même vous donne envie parfois de proposer des changements de texte ?
Rarement. Quand je suis illustratrice, je m’appuie complètement sur le texte de l’auteur. J’essaie de prendre ce texte comme il est mais aussi de proposer ma vision de l’histoire. Et quand l’interprétation est permise, j’aime livrer des indices qui ne sont pas donnés dans le scénario.
Comment choisissez-vous vos projets en tant qu’illustratrice ?
J’aime faire des choses très différentes, et me laisser porter par ce qui se présente.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescent ?
De la bande dessinée pour l’essentiel (Astérix, Lagaffe, Schtroumpfs..) mais aussi des romans de la bibliothèque rose. Adolescente, j’ai aimé découvrir des classiques (La Fontaine, Le Rouge et le Noir, Le Petit Prince, L’Alchimiste…)
Des albums en chantier ou à sortir ?
Deux albums d’enquête sont à paraître à l’automne aux éditions Assimil. Quelque chose de très différent et plus documentaire que mon dernier album.
Et bien sûr il y a des projets texte/image que je continue de développer avec l’envie de donner de plus en plus de place à ces projets personnels.
Bibliographie sélective :
- Un nouveau printemps pour Pépé Ours, texte et illustrations, Didier Jeunesse (2020).
- Quelle chance ce manque de pot !, illustration d’un texte de Catherine Zarcate, Syros (2017).
- L’avatar, illustration d’un texte de Catherine Zarcate, Syros (2017).
- Qui sera mon amoureux, illustration d’un texte de Fabienne Morel et Debora Di Gilio, Syros (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Petit gorille, illustration d’un texte de Nadine Brun-Cosme, Points de suspension (2017).
- Une maison pour quatre, illustration d’un texte de Gilles Bizouerne, Syros (2015), que nous avons chroniqué ici.
- Les poulets guerriers, illustration d’un texte de Catherine Zarcate, Syros (2013), que nous avons chroniqué ici.
- La soupe aux épices, illustration d’un texte de Gaëlle Perret, Les p’tits bérets (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Atlas des inégalités, illustration d’un texte de Stéphane Frattini et Stéphanie Ledu, Milan (2009).
- Une princesse dans la classe, illustration d’un texte de Gudule, Lito (2007).
Retrouvez Elodie Balandras sur son site et sur sa page Facebook.
Quand je crée… Violaine Leroy
Le processus de création est quelque chose d’étrange pour les gens qui ne sont pas créateur·trice·s eux-mêmes. Comment viennent les idées ? Et est-ce que les auteur·trice·s peuvent écrire dans le métro ? Les illustrateur·trice·s, dessiner dans leur salon devant la télé ? Peut-on créer avec des enfants qui courent à côté ? Faut-il de la musique ou du silence complet ? Régulièrement, nous demandons à des auteur·trice·s et/ou illustrateur·trice·s que nous aimons de nous parler de comment et où ils·elles créent. Cette semaine, c’est Violaine Leroy qui nous parle de quand elle crée.
Je suis la plupart du temps dans un atelier collectif que je partage avec des graphistes, développeurs web ou réalisateurs. J’aime prendre mon vélo et partir au travail, partager mon métier et le confronter avec d’autres. J’aime rentrer chez moi, une fois mon travail de la journée accompli, laisser au bureau les croquis en cours et les contrats compliqués à négocier.
Oui, car malgré ce qu’en a dit récemment l’imbécile qui se prend pour un chef de guerre, non, un artiste ça ne va pas à la cave et ça n’enfourche pas le tigre… Oui, ça travaille parfois aussi pour payer son loyer. C’est un drôle de métier certes, mais pour moi c’est un métier. Qui implique que j’y travaille tous les jours pour le faire bien, comme un musicien qui ferait ses gammes, qui implique de la paperasse, de la compta, du secrétariat et cetera, et cetera.
Je suis lente. Très laborieuse. Je n’ai pas de talent facile, ça vient pas, c’est difficile, je renâcle, je recommence, je râle, je déchire. Pour calmer mon angoisse patentée doublée d’une maniaquerie à toute épreuve, je suis un long processus qui commence par un café, un rangement de bureau, une installation minutieuse des pinceaux, des crayons, le choix de la musique qui, en général me suit sur tout un projet (par exemple, pour Uani, c’était Agnès Obel, Colin Stetson, et Nils Frahm).
Les moments où enfin je dessine, où je fais des recherches, où j’écris, sont ces moments où je me dis que la Terre tourne rond. Où j’invoque tous les esprits de mes personnages qui deviennent réels, où j’entre dans une forme de transe tranquille, un rêve éveillé. C’est un peu mystique mais je n’arrive pas à le décrire autrement. Je suis sans cesse à la poursuite de ces moments si particuliers et si précieux.
À la fin de la journée, j’ai du mal à partir, car je suis très longue à démarrer, et comme en randonnée, j’ai souvent tendance à trouver le bon rythme un peu plus tard. En général, je sursaute en voyant l’heure, j’enfourne mes crayons et mon carnet dans mon sac (oui, je pense toujours qu’on ne sait jamais… peut-être… je m’y remettrai après avoir couché l’enfant… oh ! L’espoir imbécile et quotidien!) et je pars en trombe en criant « salut ! À d’main ! » à mes colocataires d’atelier.
Violaine Leroy est autrice et illustratrice.
Bibliographie sélective :
Côté jeunesse :
- Uani, texte et illustrations, La Pastèque (2020).
- Le Tsarévitch Aux Pieds Rapides, illustration d’un texte de Victor Pouchet, L’école des Loisirs (2018).
- La Belle & la Bête, illustration d’un texte de Carole Martinez, Gallimard jeunesse (2017).
- Où es-tu ?, illustration d’un texte de Benoît Broyart, Seuil Jeunesse (2016).
- Contes de Luda, illustration d’un texte de Luda Schnitzer, Gallimard jeunesse (2015).
- À Table, illustration d’un texte de Martine Gasparov, Gallimard jeunesse (2013).
Côté BD :
- Francette, scénario et dessin, collectif, Une Autre Image (2018).
- Dérangés, scénario et dessin, La Pastèque (2015).
Retrouvez Violaine Leroy sur son site et sur Instagram.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !