Aujourd’hui et pour ma première interview, j’ai choisi de recevoir l’auteur Éric Pintus que j’ai découvert en début d’année avec son excellent album Je t’ai vu aux éditions Didier Jeunesse. Ensuite, c’est Héloïse Mab, une illustratrice dont je suis le travail depuis des années, qui est l’invitée de la rubrique Quand je crée.
L’interview du mercredi : Éric Pintus
Pouvez-vous nous parler de Je t’ai vu votre dernier album ? Comment est-il né ?
C’est une blague qui, quand je l’ai entendue, m’a bien fait rire. Puis réfléchir. J’ai tout de suite pensé à la mettre en album — suite à Faim de loup —, mais comment transcrire en langage châtié la dernière réplique du loup qui tient en cinq mots, et que la bienséance m’empêche de répéter ici ? Les années passent… Suite à une après-midi d’enregistrement pour Didier Jeunesse, en terrasse avec sa directrice et mon éditrice, un peu fatigué mais toujours prêt à raconter des histoires, je leur balançais la blague. Et elles, en chœur : chiche !
Comment s’est passée cette nouvelle collaboration avec Rémi Saillard ?
Je n’interviens pas dans le travail de Rémi, comme il n’intervient pas dans le mien. Mais c’est toujours avec une joie d’enfant que je vois arriver ses premiers crayonnés qui mettent des images là où je n’avais que des mots. Rémi Saillard : sacré gaillard.
Où trouvez-vous votre inspiration ?
Dans la parole. J’adore que l’on me raconte des histoires. Au bistrot, quoi ! Le pari est alors de transcrire ce qui est dit dans la langue de tous les jours — des fois très crûment — dans un joli livre pour les petits enfants. Mais je n’oublie jamais les grands enfants qui vont devoir lire l’album, plusieurs fois si ça se passe bien, et j’essaie de glisser d’autres niveaux de lecture.
Qui sont vos premier·ères lecteur·rices ?
Devinez ! Mon fils ne voulant rien savoir avant le résultat final, c’est sa mère qui trinque. Sans le sourire d’acquiescement, ça reste entre nous. Si c’est bon : direction la maison d’édition. (Une pensée émue pour Michèle Moreau qui arrête l’édition cette année puisque c’est elle qui m’a poussé à écrire ce que d’habitude je raconte.)
Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Tout en accidents. En rencontres. J’ai des projets comme tout le monde, mais il y a toujours ce qui n’était pas prévu. J’ai été comédien sans le vouloir, conteur sans y penser, auteur par la bande. Adolescent, je voulais une seule chose : qu’on me laisse tranquille. Je crois que je n’ai pas si mal réussi que ça.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescent ?
Lecteur assidu de Pif Gadget, mes préférences allaient à Corto Maltese et les Scorpions du Désert de Pratt, aussi à Rahan, fils des âges farouches. Je dévorais les « illustrés » genre Akim ou Capt’ain Swing et les comics. Bref, que de la BD, j’avais besoin d’images. Ado, je me suis mis à la poésie. Parce qu’elles sont là, les images, mais d’une autre manière.
Quelques mots sur la prochaine histoire que vous nous proposerez ?
Chuuut ! Bon, c’est bien parce que c’est vous. Une est en cours d’illustration à propos d’un homme pressé. Très pressé. Trop pressé. Une autre doit passer en comité de lecture à propos d’une élection présidentielle. Mais rassurez-vous, il est toujours question de loups dans les deux histoires.
Bibliographie :
- Je t’ai vu, illustré par Rémi Saillard, Didier Jeunesse (2023), que nous avons chroniqué ici.
- Peter Pan & Wendy, narrateur, illustré par Ilya Green, Didier Jeunesse (2022), que nous avons chroniqué ici.
- Faim de loup, illustré par Rémi Saillard, Didier Jeunesse (2010).
- Ours qui lit, illustré par Martine Bourre, Didier Jeunesse (2010).
Retrouvez Éric Pintus sur son site internet : http://www.ericpintus.net/
Quand je crée… Héloïse Mab
Le processus de création est quelque chose d’étrange pour celles et ceux qui ne sont pas créateur·trices eux·elles-mêmes. Comment viennent les idées ? Est-ce que les auteur·trices peuvent écrire dans le métro ? Les illustrateur·trices, dessiner dans leur salon devant la télé ? Peut-on créer avec des enfants qui courent à côté ? Faut-il de la musique ou du silence complet ? Régulièrement, nous demandons à des auteur·trices et/ou illustrateur·trices que nous aimons de nous parler de comment et où ils·elles créent. Cette semaine, c’est Héloïse Mab qui nous parle de quand elle crée.
Lorsque je suis passée à temps plein dans mon travail d’illustratrice, j’ai très vite eu besoin d’un cadre. C’est, dans mon cas, essentiel pour être créative. Trop de liberté et je me perds. J’essaye donc de suivre au maximum les horaires de bureau. À 9 heures, je suis assise devant mon écran pour démarrer ma journée de travail en répondant aux e-mails. Si la partie administrative de mon métier n’est pas bouclée en premier, mon cerveau a du mal à se concentrer sur la création.
Je travaille depuis chez moi, à Bristol en Angleterre, et exclusivement sur ma Cintiq. Même mes recherches de croquis et autres sont réalisées à l’ordinateur. Je trouve cet outil d’une praticité folle !
Comme je suis plutôt du style ermite, pour remplacer l’absence de collègues, j’écoute des podcasts. Beaucoup de podcasts. Des heures et des heures, sur des sujets de société tels que le féminisme, des sujets culturels et des interviews en tout genre. Mais si je bloque sur une partie du processus créatif, je coupe tout et m’enferme dans le silence le temps de résoudre ce blocage. (Le cerveau a ses limites quant au multitâche.) Je passe également beaucoup de temps au téléphone, avec une amie également illustratrice. On peut rester des heures à travailler chacune sur nos différents travaux, tout en discutant et s’entraidant à distance.
Vers 18 heures, je sais que ma journée de travail est terminée, mais très souvent, je continue jusqu’à ce que la faim me pousse à m’éloigner de mon ordinateur pour de bon.
Je ne déconnecte jamais vraiment de mes projets, ils sont toujours là, dans un coin de ma tête, et bien que cela puisse paraître envahissant, cela permet de trouver des idées, ou solutions, sans vraiment s’y attarder. Une sorte de pré-travail inconscient qui facilite la tâche !
Comme je travaille toujours sur de multiples projets en même temps, j’ai la possibilité de jongler d’une étape à une autre à ma guise. Ainsi, si aujourd’hui je préfère faire du crayonné à gogo, plutôt que de la colorisation, hop, je choisis le projet adéquat pour cela ! Je peux ainsi rester fraîche et motivée sur la durée. Et ceci m’offre la possibilité de varier les plaisirs.
Héloïse Mab est illustratrice.
Bibliographie sélective :
- Série Les petits amis de la banquise, illustration d’un texte d’Elia, Lito (2023).
- Cueillette et le prince de feu, illustration d’un texte de Franck Thilliez, Michel Lafon/Radio France (2023).
- L’auberge de la sorcière hurlante, illustration d’un roman de Nicki Thornton, Michel Lafon (2022).
- Neraïda de l’Olympe, illustration d’un texte d’Anne Robillard, Michel Lafon/Radio France (2022).
- Le merveilleux Noël du Père Noël, illustration d’un texte de Sophie de Mullenheim, Fleurus (2022).
- Histoires de ballets pour les petits, illustration de textes de Rosie Dickins, Usborne (2022).
- Ce trésor, c’est toi…, illustration d’un texte de Louison Nielman, Fleurus (2022), que nous avons chroniqué ici.
- Le carnaval des ani-mots, illustration d’un texte de Delphine Pessin, Milan (2022).
- Le bisou guéritout, illustration d’un texte d’Alain Grousset, Auzou (2020).
Retrouvez Héloïse Mab sur son compte Instagram : https://www.instagram.com/heloisemab
Née un livre à la main, elle aime les mots et leur résonance, s’évader et découvrir de nouveaux univers. Elle fait partie de ces gens qui croient fermement qu’un livre peut changer une vie.