Aujourd’hui, je reçois l’autrice-illustratrice Ève Gentilhomme, dont l’album Chez moi vient de paraître chez Voce Verso. Ensuite, c’est Albertine que nous recevons grâce à Véronique Soulé. Elle est son invitée de Du tac au tac, la rubrique (sonore !) qu’elle réalise pour nous une fois par mois.
L’interview du mercredi : Ève Gentilhomme
Pouvez-vous nous parler de Chez moi ?
Chez moi est un album jeunesse à partir de 3 ans, il a la particularité d’être sans texte comme tous les livres de la collection Écho Écho chez Voce Verso. J’ai fait en sorte que l’histoire se comprenne au fur et à mesure de l’avancée des pages, mais aussi que chaque lecteur·rice puisse l’interpréter à sa façon et s’amuser à observer tous les détails et éléments récurrents tout au long des pages. L’histoire commence dans la chambre d’une enfant, un endroit paisible où elle dessine calmement accompagnée de son chat, quand des enfants entrent sans frapper à la porte et viennent envahir son espace. Elle va ressentir plein de sentiments et d’émotions qu’elle va ensuite apprendre à comprendre et apprivoiser. L’album aborde le respect de l’espace intime, le respect du corps et celui de ses propres limites. Il est aussi question de liens intergénérationnels, la présence d’un·e adulte ; comme la grand-mère était pour moi indispensable au déroulement de l’histoire, elle arrive pour l’accompagner et la protéger dans cet apprentissage.
Comment est né cet album ?
Je rêvais d’illustrer et écrire un album qui puisse ouvrir le dialogue sur les sujets du respect du corps, sans vraiment savoir la forme qu’il prendrait avec le temps. Je voulais aussi qu’il soit un support de discussion aussi lors d’ateliers, ce qui est le cas depuis sa sortie.
Et puis j’ai rencontré Sophie Tran Van, éditrice et co-créatrice de la maison d’édition Voce Verso, lors d’une rencontre tremplin organisée par le Salon du livre jeunesse à Montreuil en 2019. On a tout de suite accroché et voulu faire cet album ensemble. Au fil du temps, les thèmes et nos envies ont évolué, puis elle m’a proposé de faire un album sans texte et j’ai trouvé ça parfaitement adapté.
Travailler en « solo » (sans auteur·rice) sur un projet, ça a été une révélation (genre vous ne voulez plus faire que ça) ou le fait de travailler en duo avec un·e auteur·rice vous a manqué ?
Je n’ai pas vraiment été en solo puisque Sophie m’a accompagnée et conseillée du début à la fin, j’en avais besoin pour recadrer les choses, ne pas partir dans tous les sens et c’était parfait comme ça. J’ai adoré faire cet album en tant qu’autrice et illustratrice et j’ai déjà plein d’autres idées d’albums dans mes carnets. Mais j’adore aussi illustrer le texte de quelqu’un d’autre, l’interpréter avec mon univers, c’est aussi un travail d’autrice en parallèle finalement.
En tant qu’illustratrice, comment choisissez-vous vos projets ?
Je crois que l’intuition a une place importante dans le choix de mes projets. Il faut qu’il me touche, résonne avec mon univers ou qu’il me fasse rire. Je suis incapable d’illustrer un projet qui ne corresponde pas à 100 % à mes valeurs. Mais jusqu’ici, on ne m’a jamais proposé quelque chose qui était à côté de la plaque par rapport à ce que je fais et ce que je suis.
Quelles techniques d’illustration utilisez-vous ?
Principalement numérique, je crayonne mes idées dans un carnet, je choisis ma palette de couleurs puis je passe directement à la tablette sur Illustrator où j’ajoute ensuite des textures. C’est le logiciel avec lequel je me sens le plus libre et à l’aise de créer.
Vous avez un style très singulier, reconnaissable de suite. Pouvez-vous nous raconter comment est né ce style et si vous avez eu des inspirations ?
Avant, je dessinais beaucoup au feutre, au stylo noir ou en collage avec des papiers de couleur (ce que je fais toujours lors de mes ateliers avec les enfants) et puis dessiner sur tablette avec des aplats de couleur a vraiment été une révélation, il y a maintenant dix ans. Avec le temps, mon style s’est peaufiné, mais pas la façon de faire avec laquelle je me sens à l’aise.
Qui sont vos premier·ères lecteur·rices ?
Mes ami·es avec qui je vais échanger et solliciter leurs avis ou points de vue, autant concernant les choix graphiques que la compréhension. J’essaie aussi de me rappeler ce que j’aimais regarder ou lire étant enfant, de faire un livre qui aurait pu me plaire à l’époque. Et je pense aux enfants qui le liront, à la manière dont l’univers et l’histoire seront perçus. Ce sont eux les premiers lecteurs, il ne faut jamais perdre cela de vue.
Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?
Après un bac L, j’ai fait une année de mise à niveau en arts appliqués, puis un BTS communication visuelle option graphisme (aujourd’hui un DSAA). Après, je suis partie aux Beaux-Arts et j’ai obtenu mon DNAP pour ensuite faire un master de direction artistique. Pas d’études d’illustration à proprement parler, mais j’ai très souvent réalisé des projets illustrés à chaque fois et j’ai fait mon mémoire de fin d’année autour de l’édition jeunesse, un domaine pour lequel j’ai toujours eu un intérêt particulier. Après mon master, j’ai travaillé dans l’édition jeunesse quelques années en tant que graphiste avant de me lancer à mon compte en 2018. Depuis, j’ai eu beaucoup de chance car les choses se sont bien enchaînées avec des projets (autant pour adultes que pour adolescent·es) plutôt engagés d’un point de vue féministe et des livres pour enfants. C’est l’équilibre que je recherche dans mon travail aujourd’hui.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescente ?
Petite, j’aimais beaucoup la série de livres Émilie de Domitille de Pressensé, les aventures d’une petite fille avec son hérisson Arthur, je l’adorais. Et bien sûr, un peu plus tard, tous les Tom-Tom et Nana que j’ai encore aujourd’hui.
Aujourd’hui, y a-t-il des illustrateurs et des illustratrices dont le travail vous touche ou vous inspire ?
J’adore l’ensemble du travail de Kvĕta Pacovská, Hervé Tullet, Blexbolex, Lisa Congdon. Leurs illustrations et leur façon singulière de créer et de raconter des histoires m’inspirent depuis longtemps.
Quelques mots sur vos prochains ouvrages ?
Le 4 octobre, je sors un livre qui sera à la fois un abécédaire, un imagier et un « cherche et trouve » avec les éditions Hatier, il s’appelle « Méli-mélo de mots ». J’ai toujours voulu illustrer un livre de ce genre, avec plein de décors et d’éléments à chercher. Sinon, il y a aussi l’album Côte à côte de Luna Granada et Cécile Dumoutier qui est sorti cet été avec la maison d’édition La tête ailleurs, dans lequel il est question d’apprentissage de l’autonomie et de relation mère-enfant, il est le deuxième de la série de notre trio d’autrices.
Bibliographie jeunesse :
- Méli-mélo de mots, texte et illustrations, Hatier Jeunesse (à paraître le 4 octobre).
- Côte à côte – On apprend à voler de ses propres ailes, avec Cécile Dumoutier et Luna Granada, La tête ailleurs (2023).
- Chez moi, album sans texte, Voce Verso (2023), que nous avons chroniqué ici.
- Animaux rigolos – Mes tableaux en gommettes mousse, loisir créatif, Fleurus (2022).
- Mon corps, je l’aime ! – Portraits et témoignages, illustration d’un texte d’Amandine Gombault (2021).
- Je découpe et je colle ! – 5 tableaux à décorer, loisir créatif, Deux coq d’or (2021).
- La nuit tombe, Maman rêve, avec Cécile Dumoutier et Luna Granada, La tête ailleurs (2020), que nous avons chroniqué ici.
- L’enfant fleuve, illustration d’un texte de Cécile Elma Roger, Le Diplodocus (2020), que nous avons chroniqué ici.
Retrouvez Ève Gentilhomme sur son compte Instagram.
Du tac au tac… Albertine
Une fois par mois, Véronique Soulé (de l’émission Écoute, il y a un éléphant dans le jardin) nous propose une capsule sonore, Du tac au tac. Avec la complicité du comédien Lionel Chenail, elle pose des questions (im)pertinentes à un·e invité·e que nous avons déjà reçu·e sur La mare aux mots. Aujourd’hui, c’est Albertine qui répond à ses questions.
Albertine est autrice et illustratrice, elle vient d’illustrer un texte de Germano Zullo, Pour demain et bien plus loin, sorti chez La Joie de lire et a également sorti il y a peu Séraphine à l’école, un livre sans texte (toujours à La Joie de lire).
Bibliographie sélective :
- Séraphine à l’école, album sans texte, La Joie de lire (2023), que nous avons chroniqué ici.
- Le livre bleu, illustration d’un texte de Germano Zullo, La Joie de lire (2022), que nous avons chroniqué ici.
- Depuis que les monstres, illustration d’un texte de Germano Zullo, La Joie de lire (2021), que nous avons chroniqué ici.
- Séraphine – L’anniversaire, album sans texte, La Joie de lire (2020), que nous avons chroniqué ici.
- Roberto et Gélatine – Cache cache, illustration d’un texte de Germano Zullo, La Joie de lire (2020), que nous avons chroniqué ici.
- Les bottes à splatchhh… et autres mini-délices inquiétants, illustration d’un texte d’Annie Agopian, À pas de loup (2020), que nous avons chroniqué ici.
- Déguisé, album sans texte, La Joie de lire (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Roberto & Gélatine, une grande histoire pour les grands, illustration d’un texte de Germano Zullo, La Joie de lire (2019), que nous avons chroniqué ici.
- Ils arrivent…, illustration d’un texte de Sylvie Neeman, La Joie de lire (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Le roi nu, illustration d’un texte de Hans Christian Andersen, La Joie de lire (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Des mots pour la nuit, illustration d’un texte d’Annie Agopian, La Joie de lire (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Le président du monde, illustration d’un texte de Germano Zullo, La Joie de lire (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Farces et attrapes, illustration d’un texte de Jeanne Plante, Little village (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Mon tout petit, illustration d’un texte de Germano Zullo, La Joie de lire (2015), que nous avons chroniqué ici.
- La mer est ronde, illustration d’un texte de Sylvie Neeman, La Joie de lire (2015), que nous avons chroniqué ici.
- Caprices, c’est fini ?, illustration d’un texte de Pierre Delye, Didier Jeunesse (2015), que nous avons chroniqué ici.
- À la campagne, illustration d’un texte de Germano Zullo, La Joie de lire (2015), que nous avons chroniqué ici.
- Circus, album sans texte, À pas de loups (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Bimbi, album sans texte, La Joie de lire (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Les robes, illustration d’un texte de Germano Zullo, La Joie de lire (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Dadá, illustration d’un texte de Germano Zullo, La Joie de lire (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Départ en vacances, illustration, Les apprentis rêveurs (2013), que nous avons chroniqué ici.
- À la montagne, illustration d’un texte de Germano Zullo, La Joie de lire (2011), que nous avons chroniqué ici.
- Les oiseaux, illustration d’un texte de Germano Zullo, La Joie de lire (2010), que nous avons chroniqué ici.
- Les gratte-ciel, illustration d’un texte de Germano Zullo, La Joie de lire (2011), que nous avons chroniqué ici.
- À la mer, illustration d’un texte de Germano Zullo, La Joie de lire (2008), que nous avons chroniqué ici.
- La rumeur de Venise, illustration d’un texte de Germano Zullo, La Joie de lire (2008), que nous avons chroniqué ici.
- Série Marta, illustration de textes de Germano Zullo, La Joie de lire (1999-2008), que nous avons chroniqué ici.
- Blanche et Marcel, illustration d’un texte de Germano Zullo, La Joie de lire (2007), que nous avons chroniqué ici.
- L’imagier d’Albertine, album sans texte, Albertine, La Joie de lire (2006), que nous avons chroniqué ici.
- Le Génie de la boîte de raviolis, illustration d’un texte de Germano Zullo, La Joie de lire (2002), que nous avons chroniqué ici.
Retrouvez Albertine sur son compte Instagram.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !