Aujourd’hui j’ai choisi de recevoir l’auteur Gaëtan B. Maran pour son roman Pyramide paru l’année dernière aux éditions Syros, et dont le prochain livre paraîtra en octobre prochain chez le même éditeur. Ensuite, c’est Annick Masson, une illustratrice dont je suis le travail depuis plusieurs années, qui est l’invitée de la rubrique Quand je crée.
L’interview du mercredi : Gaëtan B. Maran
Pouvez-vous nous parler de votre roman Pyramide ? Comment est-il né ?
Pyramide évoque l’ascension de quatre adolescent·e·s dans une pyramide mortelle, truffée de pièges et d’ennemis, à l’assaut du pouvoir promis à celui ou celle qui parviendra au sommet. J’ai d’abord eu l’idée du lieu, la pyramide, qui est une métaphore quasi parfaite de ce type de romans où de nombreux personnages s’affrontent jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus qu’un. La forme de la pyramide évoque aussi celle du pouvoir d’un individu qui s’exerce sur une masse. Je voulais donc mélanger une réflexion sur le pouvoir et un roman de type “battle royale” dans un univers désertique original et détaché de toute réalité.
Saviez-vous à l’avance comment allait se terminer votre histoire ?
Je savais à l’avance comment la “fin” allait “commencer” si je peux me permettre cette phrase qui sera peut-être plus claire pour ceux et celles qui ont lu le roman. La deuxième partie était pour moi aussi importante sinon plus importante que la première. Mais le déroulement de ces deux parties, ainsi que le lien entre les deux, m’était encore inconnu quand j’ai commencé à écrire.
Où trouvez-vous votre inspiration ?
C’est difficile de savoir d’où vient exactement l’inspiration, mais je pense que, comme beaucoup de monde, c’est à la fois un mélange d’inspirations historiques (les pyramides existent après tout et elles ont hanté mon imaginaire, j’ai longtemps voulu devenir archéologue/égyptologue) et de lectures. Quand on me demande des conseils pour écrire je n’en ai pas tellement d’autres que “lisez beaucoup”. Même si, quand je commence un roman, j’essaye ensuite de me détacher de toutes mes inspirations pour aller plus loin/ailleurs.
Qui sont vos premier·ères lecteur·rices ?
Ma première lectrice est toujours ma conjointe (que j’ai rencontrée sur un forum d’écriture !). Sur Pyramide, elle m’a beaucoup aidé, elle relisait chaque chapitre dès qu’il était terminé et quand j’ai un blocage, c’est toujours à elle que je m’adresse. Le travail est assez solitaire au début, c’est une chance d’avoir quelqu’un à qui pouvoir parler. J’ai ensuite fait relire à beaucoup d’amis ainsi qu’à la communauté des Murmures Littéraires que je remercie ! Le livre a quand même bien changé entre la première version et la dernière pour laquelle je dois surtout remercier mes éditrices Anna et Stéphanie chez Syros !
Auriez-vous quelques coups de cœur à nous faire partager ?
En littérature jeunesse, j’ai beaucoup aimé récemment les Éblouis d’Aylin Manço, une histoire de pensionnat et de magie, deux ingrédients qui marchent toujours aussi bien ! Et j’ai été très touché par Ici tout commence de Christelle Dabos qui parle du collège avec beaucoup d’inventivité et de douceur même sur des sujets graves. Et si vous n’avez pas lu La Passe-miroir de la même autrice, foncez !
Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
J’ai grandi près de Lille où j’ai suivi des études de sciences politiques ! Je suis ensuite parti vivre en Norvège puis au Vietnam, j’ai travaillé dans diverses associations dans le secteur du handicap ou dans le domaine carcéral. Je vis maintenant dans le Lot-et-Garonne au sein d’un projet de transition écologique et sociale nommé Tera.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescent ?
J’ai beaucoup lu enfant et adolescent ! Je lisais surtout de la littérature jeunesse et de la science-fiction ! J’ai adoré la trilogie Bartiméus de Jonathan Stroud, L’Assassin royal de Robin Hobb et les grandes épopées d’Isaac Asimov, Les robots ou le cycle Fondation. Adolescent, j’ai été aussi marqué par les livres de Kafka (Le Château, Le Procès) qui sont pour moi des dystopies dignes de la science-fiction moderne.
Travaillez-vous sur un nouveau projet d’écriture actuellement ?
À propos de dystopie je suis aujourd’hui en travail sur un roman dont le titre devrait être Aya et Ansel qui parle d’un monde où les hommes et les femmes se sont séparé·e·s en deux sociétés culturellement très différentes qui se livrent une guerre longue et harassante. Le projet devrait sortir à la rentrée prochaine ! Ce sera très différent de Pyramide sur le climat, la neige remplace le sable, mais j’espère aussi proposer une vision d’enjeux modernes en restant divertissant.
Bibliographie :
- Pyramide, roman, Syros (2023), que nous avons chroniqué ici.
- No man’s land, roman, éditions Onyx (2022).
Retrouvez Gaëtan B. Maran sur Instagram.
Quand je crée… Annick Masson
Le processus de création est quelque chose d’étrange pour celles et ceux qui ne sont pas créateur·trices eux·elles-mêmes. Comment viennent les idées ? Est-ce que les auteur·trices peuvent écrire dans le métro ? Les illustrateur·trices, dessiner dans leur salon devant la télé ? Peut-on créer avec des enfants qui courent à côté ? Faut-il de la musique ou du silence complet ? Régulièrement, nous demandons à des auteur·trices et/ou illustrateur·trices que nous aimons de nous parler de comment et où ils·elles créent. Cette semaine, c’est Annick Masson qui nous parle de quand elle crée.
Il y a longtemps que j’ai opté pour un sac à dos plutôt qu’un sac à main.
Je peux y mettre beaucoup plus de brols pour dessiner.
(Du belge Brol : trucs, bazars, choses…)
Je me promène donc chaque jour, avec un carnet, des feutres, une trousse avec des crayons et des marqueurs.
En dehors de mes heures destinées aux projets en cours à illustrer, chaque situation d’attente : un rendez-vous, un train qui arrive plus tard, me donne l’occasion de griffonner.
J’aime attraper les idées qui me viennent, et les déposer vite dans mon carnet.
Sans nécessairement me dire que ça sert à quelque chose.
J’aime saisir l’instant et les mots que j’entends dans une conversation, une conférence ou un podcast. C’est enthousiasmant !
Après les mots, viennent les croquis.
J’ai pris l’habitude de remplir des pages entières (POUR NE PAS GASPILLER DU PAPIER) de petits personnages ou animaux avec des expressions qui sont parfois les miennes au moment où je les dessine.
J’aime le bruit du crayon sur la feuille, je sais que parfois je souris toute seule, face à mes petits dessins.
Pour aller plus loin dans un projet, concrétiser une idée,
j’ai besoin d’un espace calme pour ma concentration.
C’est tout de même un métier où on est assez seul globalement.
Je dispose d’un bureau à mon domicile, mais je n’aimais pas cette solitude constante ;
Alors j’ai choisi de travailler en atelier partagé parce j’ai besoin de marcher le matin, de bouger, j’aime aussi rencontrer les gens, et sentir cette belle énergie créative qui est fort présente à l’atelier.
(ATELIER ARMAGEDDON à Liège).
J’ai toujours un bruit de fond sous mon casque, qui couvre mes acouphènes survenus il y a 15 ans et qui ne me quittent plus.
Quelle chance de pouvoir travailler en musique.
Celle-ci est omniprésente dans ma vie.
Il m’arrive de créer des playlists spéciales par projet en cours.
(Country – Classique – Jazz – POP ou ARETHA FRANKLIN)
J’écoute aussi des podcasts, sur l’art, le cinéma, la littérature, la philosophie et la psychologie, surtout lorsque je réalise la mise en couleur d’un projet. c’est très inspirant.
Lorsque je suis dans une phase de création d’un album, du texte, des idées, j’y pense tout le temps !
Je cuisine, et je pense à une scène à rajouter, chaque jour, et chaque nuit, je note des choses, je peaufine le scénario. C’est une effervescence assez réjouissante mais parfois fatigante.
Pour la phase de concrétisation, je retrouve l’atelier et je m’y mets d’arrache-pied ; pour ne pas prendre trop de retard pour le délai demandé par l’éditeur ; j’ai la chance de travailler avec des éditrices bienveillantes et c’est très précieux cette communication tout au long de l’élaboration des projets ; j’ai besoin de ce partage, c’est essentiel pour moi.
Peu importe l’heure ou l’endroit, que ce soit des idées personnelles ou des textes proposés par des auteur·rices, mon carnet est là tout près, et ça me fait une sacrée belle compagnie.
Annick Masson est autrice-illustratrice pour l’édition jeunesse. Son dernier album La cabane sous le cerisier, écrit par Céline Claire, est sorti en avril dernier aux éditions Père Castor.
Bibliographie sélective :
- La cabane sous le cerisier, album, illustration d’un texte de Céline Claire, Père Castor (2024).
- Le super pouvoir de la joie, album, illustration d’un texte de Sophie de Mullenheim, Fleurus (2024), que nous avons chroniqué ici.
- Le secret de la forêt, album, illustration d’un texte de Luc Foccroulle, Mijade (2023), que nous avons chroniqué ici.
- Les couleurs du bonheur, album, illustration d’un texte de Sophie de Mullenheim, Fleurus (2023).
- Rouge tomate, album, texte et illustration, Mijade (2023).
- Léger comme un papillon, album, illustration d’un texte de Chiara Pastorini, Père Castor (2022).
- Le jour où je suis devenue plus méchante que le loup, album, illustration d’un texte d’Amélie Javaux, Mijade (2021), que nous avons chroniqué ici.
- Il va me manger !, album, illustration d’un texte de Luc Foccroulle, Mijade (2016), que nous avons chroniqué ici.
Retrouvez Annick Masson sur Instagram.
Née un livre à la main, elle aime les mots et leur résonance, s’évader et découvrir de nouveaux univers. Elle fait partie de ces gens qui croient fermement qu’un livre peut changer une vie.