Je vous propose aujourd’hui une interview de l’auteur-illustrateur Hector Dexet, dont j’ai beaucoup aimé le livre Mon tout petit paru en août dernier. Ensuite, l’autrice et illustratrice Agnès Domergue nous emmène avec elle pour la rubrique Quand je crée.
L’interview du mercredi : Hector Dexet
Pouvez-vous nous parler de Mon tout petit ?
Ce livre d’éveil, conçu pour les enfants dès 1 an, explore avec tendresse les liens de complicité entre un tout-petit et son parent.
Grâce à des tirettes et des découpes interactives, il invite les jeunes lecteurs à découvrir de manière ludique et sensorielle l’habitat de différents petits animaux.
Comment est né ce projet et comment avez-vous travaillé dessus ?
J’ai toujours une dizaine d’idées de livres en avance dans mes carnets, que je fais évoluer au fil du temps et des nouvelles inspirations. Lorsqu’un projet me semble plus abouti et mûr qu’un autre, je le développe et en tire un fil rouge, puis je le propose rapidement à l’éditeur.
Quelles techniques d’illustration utilisez-vous ?
Je commence toujours par une petite maquette papier. Cette étape me permet de poser mes idées et de structurer la création de manière intuitive. Ensuite, je passe rapidement sur le logiciel Photoshop, où je travaille avec une tablette graphique pour affiner le dessin et développer la composition. Pour ce titre en particulier, j’ai utilisé des pinceaux numériques avec des textures plus chaleureuses. Mon objectif était de mieux refléter le thème et d’apporter une atmosphère plus douce et émotionnelle. Contrairement à mes créations habituelles, souvent plus graphiques.
Parlez-nous de votre parcours.
J’ai suivi une formation à l’École de la Poudrière à Valence, où j’ai appris le métier de réalisateur en film d’animation.
Je suis arrivé à Paris en 2009, et c’est là que j’ai découvert les librairies parisiennes et l’univers des livres de jeunesse, un monde qui m’était totalement inconnu.
J’ai été frappé par la richesse graphique et la liberté créative et narrative de cet univers. Et aussi un médium beaucoup plus simple et rapide à concrétiser que le dessin animé que j’adore mais qui garde un côté très complexe dans la fabrication.
C’est à ce moment-là que j’ai su que je voulais m’y essayer, même si je ne savais pas encore qu’on pouvait en faire un métier. À l’époque des blogs, j’ai commencé à faire un dessin par jour pour constituer un book que j’ai envoyé un peu partout et j’ai obtenu mes premières commandes pour la revue XXI, et pour les revues Milan et Bayard presse et Georges. Par la suite, j’ai envoyé mon book aux éditeurs jeunesse, ce qui m’a permis de rencontrer Amaterra et de réaliser mon premier livre en 2012. Aujourd’hui, je pense avoir pas loin de cinquante livres à mon actif.
J’apprécie la liberté et la flexibilité de ce métier, c’est pourquoi, depuis bientôt neuf ans, j’ai la chance de voyager à travers le monde, de travailler et de balader mon bureau dans différents pays pour nourrir mon inspiration.
Vous nous parliez d’Amaterra, vous avez sorti plusieurs albums avec cette maison d’édition, pouvez-vous nous parler de votre relation avec elle ?
Mon rapport avec mon éditeur repose avant tout sur la confiance et la fidélité. Il a été le premier à me donner ma chance lorsque je lui ai présenté mes premiers projets à la fin de l’année 2011. Depuis, nous collaborons régulièrement, avec deux à trois titres par an.
Ce que j’apprécie particulièrement dans cette relation, c’est son aspect humain et à taille humaine. Éric, Guénolée et Romain André, à la tête de cette maison, entretiennent un échange chaleureux et cordial avec leurs auteurs. Ils me laissent également une grande liberté créative, accueillant avec enthousiasme la plupart des projets que je leur soumets. Cette confiance mutuelle est précieuse et stimule ma créativité.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescent ?
Je n’ai pas beaucoup de souvenirs précis de lectures d’enfance, mais quelques titres me reviennent en mémoire.
Parmi eux, des livres de Richard Scarry, notamment Le plus grand livre du monde, qui doit encore exister aujourd’hui, la collection Monsieur Madame ainsi que Où est Charlie ?. Je me souviens aussi de La chenille qui fait des trous d’Eric Carle qui explique peut-être pourquoi j’ai autant de trous dans mes créations !
Y a-t-il des illustrateurs et des illustratrices dont le travail vous touche ou vous inspire ?
Si je devais citer les artistes qui m’ont inspiré, je mentionnerais Paul Rand, Iela Mari, Taro Gomi, Dick Bruna, Savignac et surtout les livres-objets de Bruno Munari. Son travail, en particulier, a ouvert la voie à toute une génération de jeunes illustrateurs.
Sur quoi travaillez-vous actuellement ?
Je viens de terminer un livre intitulé Moa le Boa, un livre pour les petits avec des rabats à soulever, sur un serpent glouton qui avale tout ce qu’il trouve sur son chemin, notamment des animaux. Le lecteur doit deviner, grâce à la forme et la silhouette de son ventre, ce que le serpent a mangé. Et sans spoiler la fin, comme dans la plupart de mes livres, tout le monde s’en sort sans une égratignure ! Il sortira en 2025, sinon mon tout dernier livre vient de sortir le 8 novembre, Le père Noël des animaux.
Bibliographie jeunesse sélective :
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Le père Noël des animaux, album, texte et illustrations, Amaterra (2024).
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Mon tout petit, album, texte et illustrations, Amaterra (2024), que nous avons chroniqué ici.
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Bientôt…, album, texte et illustrations, Amaterra (2024).
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On partage ?, album, texte et illustrations, Amaterra (2023).
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Pic Pic, le loustic, album, texte et illustrations, Amaterra (2023).
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Petite graine, album, texte et illustrations, Amaterra (2022).
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Collection Mini M, albums, texte et illustrations, Magnard (6 tomes, 2018-2019), que nous avons chroniquée ici.
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Nous !, album, texte et illustrations, Amaterra (2016), que nous avons chroniqué ici.
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Les animaux de la ferme, album, texte et illustrations, Père Castor (2016), que nous avons chroniqué ici.
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Les bruits de la maison, album, texte et illustrations, Père Castor (2016), que nous avons chroniqué ici.
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Dans la nuit noire, album, illustration d’un texte de Laurie Cohen, Frimousse (2014), que nous avons chroniqué ici.
Retrouvez Hector Dexet sur Instagram.
Quand je crée… Agnès Domergue
Le processus de création est quelque chose d’étrange pour celles et ceux qui ne sont pas créateur·trices eux·elles-mêmes. Comment viennent les idées ? Est-ce que les auteur·trices peuvent écrire dans le métro ? Les illustrateur·trices, dessiner dans leur salon devant la télé ? Peut-on créer avec des enfants qui courent à côté ? Faut-il de la musique ou du silence complet ? Régulièrement, nous demandons à des auteur·trices et/ou illustrateur·trices que nous aimons de nous parler de comment et où ils·elles créent. Cette semaine, c’est Agnès Domergue qui nous parle de la façon dont elle travaille.
À l’époque où j’ai commencé mon aventure dans les livres, je me contentais d’un tout petit bureau en bois, chiné dans une brocante. J’avais également trouvé un fauteuil en velours rose poudré, une pièce unique faite à la main. Tout cela pour finalement dessiner… par terre !
Puis j’ai emménagé dans un appartement plus petit et dans lequel, en toute logique, j’ai installé un bureau beaucoup plus grand ! Et donc, depuis que j’ai un très grand bureau où je peux dessiner, je préfère écrire des textes.
Cet espace est un endroit où je me sens bien. Je suis entourée de livres, de dessins originaux, d’instruments de musique ramenés lors de voyages, d’objets inanimés qui ont « une âme »…
Lorsque j’ai voulu écrire mon premier scénario BD Entre neige et loup, j’ai tenté de remplir un carnet entier dédié à ce titre. C’était une première car d’habitude mes carnets ressemblaient plutôt à un bazar, un truc en vrac, de dessins, de mots, de dates, de listes de courses, de prénoms, etc.
Pour dire la vérité, écrire dans ce carnet était un moyen de repousser l’échéance d’écrire VRAIMENT mon scénario. C’est simple, tant qu’il n’était pas rempli, je ne pouvais pas m’y mettre.
« Ah ! C’est l’heure d’y coller des images. »
« Tiens, si j’écris au stylo Bic,
les pages croustillent quand on les tourne ! »
Voilà, faire croustiller des pages.
Mon but ultime.
Après toute cette procrastination nécessaire, arrive le moment d’ouvrir un fichier sur l’ordinateur. Mettre mes brouillons en forme, tout en me laissant surprendre encore par l’écriture. Mais ce moment est celui que je redoute. La page blanche d’un fichier Word est moins chaleureuse que celles de mes beaux carnets.
Sinon, de quoi j’ai besoin ?
D’être chez moi.
Et quoi d’autre ?
De silence,
un peu d’ennui.
De temps,
du bruit de la pluie sur les toits.
Du soir,
à la lumière de ma lampe de bureau,
ou du matin,
sous les rayons du soleil.
De silence encore…
ou du ronronnement d’un chat ?
Agnès Domergue est autrice et illustratrice. Elle a écrit le texte de deux albums parus dernièrement, Les larmes du tigre (illustré par Sande Thommen et publié chez Grasset) et Petites merveilles (illustré par Clémence Pollet, sorti chez HongFei).
Bibliographie sélective :
- Les larmes du tigre, album illustré par Sande Thommen, Grasset Jeunesse (2024).
- Petites merveilles, album illustré par Clémence Pollet, HongFei (2024), que nous avons chroniqué ici.
- Petits mondes, album illustré par Clémence Pollet, HongFei (2023).
- D’ambre et de feu, BD illustrée par Hélène Canac, Jungle (2022), que nous avons chroniquée ici.
- L’herbier philosophe, album illustré par Cécile Hudrisier (2020), que nous avons chroniqué ici.
- Entre neige et loup, BD illustrée par Hélène Canac, Jungle (2019), que nous avons chroniqué ici.
- La ballade de Koïshi, album illustré par Cécile Hudrisier, Grasset Jeunesse (2019).
- Animal Totem, album illustré par Clémence Pollet, HongFei (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Auprès de La Fontaine… Fables en haïku, album illustré par Cécile Hudrisier, Thierry Magnier (2016).
- Autrefois l’Olympe… Mythes en haïku, album illustré par Cécile Hudrisier, Thierry Magnier (2015).
- Il était une fois… Contes en haïku, album illustré par Cécile Hudrisier, Thierry Magnier (2013), que nous avons chroniqué ici.
- La symphonie des couleurs, album illustré par Irène Valente, Philomèle (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Olala !, texte de Lisa Charrier, Limonade (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Poki. Lire ?, texte de Nicole Snitselaar, Limonade (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Mee, petite fille du matin calme, texte de Marie-France Chevron, Limonade (2012), que nous avons chroniqué ici.
Retrouvez Agnès Domergue sur Instagram.
Jeune homme aimant la littérature jeunesse, les cartes Pokémon et les animés. Pour résumer son attachement à la lecture, il aime citer Stéphane Servant : « Les livres sont des terriers / Les livres sont des phares. Il y brûle de petits feux / Qui me tiennent le cœur au chaud / Quand il pleut sous mon toit. »