Aujourd’hui, on reçoit Jean-Baptiste de Panafieu, auteur prolixe dont l’album Les histoires vraies des créatures fantastiques vient de sortir chez Plume de carotte. Ensuite, pour la rubrique Parlez-moi de…, ce sont trois autrices, une illustratrice et deux éditrices qui viennent nous parler d’un même projet : Mon dico d’ado.
L’interview du mercredi : Jean-Baptiste de Panafieu
Tout d’abord, parlez-nous de votre parcours.
C’était d’abord un trajet sur les rochers du littoral breton, trajet que je parcourais chaque jour de mes vacances à la recherche des étranges bestioles marines cachées sous les algues et dans les fissures. Trajet aussi dans les livres, passionné par Jules Verne (20 000 lieues sous les mers) et Rosny (La guerre du feu). Sans dévier d’un pouce de cette direction, j’ai fait des études de biologie, en me spécialisant en océanographie, toujours avec l’envie de faire partager mon amour des fonds marins et de la préhistoire. Après quelques années d’enseignement, je me suis consacré à la réalisation de films documentaires, puis à l’écriture de livres sur les animaux marins et sur l’évolution (j’avais en cours de route découvert Darwin !).
Les histoires vraies des créatures fantastiques vient de paraître aux éditions Plume de carotte, pouvez-vous nous en parler ?
Les créatures sont imaginaires mais les histoires sont authentiques : je voulais raconter l’irruption des dragons ou des licornes dans la réalité, celle de nos ancêtres ou la nôtre. C’est cette confrontation qui m’intéresse, par exemple lorsqu’un capitaine vend son bateau pour acheter une sirène (au 19e siècle) ou quand un président doit parrainer un enfant pour éviter qu’il ne se transforme en loup-garou (de nos jours).
Quelles recherches avez-vous faites pour ce livre ?
Je me suis plongé dans les récits des anciens voyageurs (quand Marco Polo décrit sa rencontre avec une licorne), dans les essais des historiens du 19e siècle (qui ont enquêté sur les dragons inventés par les moines) ou dans les journaux quotidiens thaïlandais (lorsqu’ils publient des articles sur les éléphants nains venimeux en vente sur les marchés). Nous avons tellement besoin de merveilleux que de nouvelles créatures ne cessent d’apparaître !
Vous écrivez sur des sujets aussi variés que l’Histoire, les animaux ou la planète, comment vous viennent les sujets de vos livres ?
Je m’en tiens aux sujets sur lesquels je peux apporter mon point de vue de biologiste. Cela me laisse tout de même un vaste champ d’action, animaux sauvages ou domestiques, alimentation, médecine, préhistoire, écologie, éthologie… Et surtout, j’aime varier les supports, du documentaire classique à la BD documentaire, du roman au dessin animé ou aux conférences perturbées.
Qui sont vos premier·ères lecteur·rices ?
Mes premiers livres étaient destinés aux enfants. Depuis, j’ai élargi mon public aux tout-petits et aux adultes. Mais les enfants (en gros 8-12 ans) sont un public rêvé : passionnés par la nature et toujours prêts à se laisser entraîner dans des histoires, vraies ou imaginaires.
Intervenez-vous sur le travail de l’illustrateur·rice ?
J’attache beaucoup d’importance à l’illustration (sans doute un reste de mon travail de réalisateur de films documentaires) et à la maquette de mes livres. J’ai travaillé avec des photographes et avec de nombreux illustrateurs-trices et j’interviens souvent, mais plus pour orienter ou faire des propositions. Leur travail est essentiel !
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescent ?
Je lisais tout ce qui me tombait sous les yeux, avec un goût prononcé pour la SF et pour la BD.
Quelques mots sur vos prochains ouvrages ?
Je commence à travailler sur une BD semi-documentaire qui devrait compléter les deux BD que j’ai faites avec Alexandre Franc, Extinctions, le crépuscule des espèces et Évolution : Darwin, Dieu et les hommes-chevaux. Celle-ci sera consacrée à notre relation au monde de l’élevage. Il y sera question de domestication, de bien-être animal et d’écologie. Je vais aussi continuer avec Plume de Carotte, pour d’autres créatures plus réelles, mais tout aussi passionnantes.
Bibliographie jeunesse sélective :
- Les histoires vraies des créatures fantastiques, illustré par Camille Renversade, Plume de carotte (2022).
- Pasteur (presque) facile ! Un siècle de microbes et de vaccination, illustré par Günther Schulz, Delachaux et Niestlé (2022).
- Les forêts. Un monde fabuleux à découvrir, illustré par Adrienne Barman, Casterman Jeunesse (2022).
- Évolution. Darwin, Dieu et les hommes chevaux, illustré par Alexandre Franc, Dargaud (2022).
- Extinctions. Le crépuscule des espèces, illustré par Alexandre Franc, Dargaud (2021).
- L’Homme est-il un animal comme les autres ?, illustré par Étienne Lécroart, La ville brûle (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Les bêtes arnaqueuses, copieuses, trompeuses, illustré par Matthieu Rotteleur et Anne-Lise Combeaud, Gulf Stream Éditeur (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Drôles de couleurs, illustré par Anne-Lise Combeaud, Gulf Stream Éditeur (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Drôles de parents, illustré par Anne-Lise Combeaud, Gulf Stream Éditeur (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Bêtes dangereuses, dévoreuses, venimeuses, illustré par Benjamin Lefort et Lucie Rioland, Gulf Stream Éditeur (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Les bêtes biscornues, saugrenues, toutes nues, illustré par Benoît Perroud et Lucie Rioland, Gulf Stream Éditeur (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Nucléaire pour quoi faire ?, illustré par Julien Revenu, Gulf Stream Éditeur (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Les bêtes qui rôdent, qui rongent, qui rampent à la ville, illustré par Marion Montaigne et Lucie Rioland, Gulf Stream Éditeur (2011), que nous avons chroniqué ici.
Parlez-moi de… Mon dico d’ado
Régulièrement, on revient sur un livre qu’on a aimé avec son auteur·trice, son illustrateur·trice et son éditeur·trice. L’occasion d’en savoir un peu plus sur un livre qui nous a interpellé·e·s. Cette fois-ci, c’est sur Mon dico d’ado que nous revenons avec ses autrices (Béatrice Noiset, Nine Perrard et Emma Sarret), son illustratrice (Pernelle Marchand) et ses éditrices (Mathilde Noizet et Marie Naudet).
Béatrice Noiset, Nine Perrard et Emma Sarret (autrices) :
L’histoire commence en septembre 2007, dans une classe de cinquième. C’est là qu’on s’est rencontrées et qu’on est devenues amies. En mars 2020, toujours copines plus d’une décennie plus tard, on a repensé aux ados qu’on avait été, à nos idées reçues, à nos regrets, aux choses qu’on aurait voulu savoir, à tout ce qu’on a dû déconstruire, ré-apprendre ou tout simplement découvrir en tant qu’adultes. Les quelques médias et livres pour ados existants étaient, à ce moment-là encore, incomplets (au mieux). De là est née notre envie de répondre aux questions auxquelles, nous, on n’avait pas eu de réponse.
Le dictionnaire nous a tout de suite semblé le format le plus approprié pour ce projet. Faute d’être éditrices, on a commencé sur Instagram, rapide à mettre en place et très fréquenté par les ados. Ça nous a permis de tester nos idées et de définir notre ligne éditoriale. On a voulu répondre à plusieurs grandes questions de l’adolescence : sur la sexualité, évidemment, mais aussi sur les émotions, les relations, la société… L’objectif était de déconstruire les idées reçues avec des informations sourcées, en proposant un contenu bienveillant et accessible. Pernelle a contribué à cela, en illustrant nos textes dès le début du projet.
Un jeudi soir (très précisément), on a découvert le message d’une certaine Mathilde, qui souhaitait discuter avec nous d’un projet éditorial pour la nouvelle collection féministe d’Hachette Pratique : les Insolent·es, co-fondée avec sa collègue Marie. Aucun titre n’était encore paru et nous étions très flattées de faire partie des premières autrices choisies ! Après quelques sauts de joie, mille relectures du message et des recherches sur Mathilde, on a vite convenu d’un rendez-vous pour en discuter plus en détail.
Marie et Mathilde nous ont laissé une immense liberté, des sujets aux formats jusqu’à la direction artistique du livre, assurée par Nine (autrice, mais aussi graphiste). Et les illustrations de Pernelle — indispensables pour le dico ! — sont venues habiller nos définitions. Plus d’un an et demi se s’est écoulé entre ce premier contact et la publication du livre, avec de nombreuses heures à lister les mots que l’on souhaitait traiter, les « bonus » que l’on voulait ajouter, à réfléchir aux personnes que l’on avait envie de faire intervenir, et à écrire bien sûr. Ça a été une longue aventure, pas toujours simple mais très enrichissante et enthousiasmante !
L’écriture à plusieurs a été une force pour nous. Ce qui pouvait être une évidence pour l’une ne l’était pas pour l’autre, mais l’objectif premier de Brio ados, lutter contre la désinformation, nous a toujours permis de trouver un point d’entente. Au-delà de notre vision, ce sont les interventions et relectures d’expert·es, les interviews et, enfin, les témoignages de notre communauté qui font la richesse de Mon Dico d’ado.
Pernelle Marchand (illustratrice)
Je connais Nine depuis presque dix ans, on a fait nos études supérieures ensemble et une amitié très forte nous a rapidement liées. C’est avec elle que j’ai quitté progressivement l’adolescence. J’ai, par la suite, rencontré les autres autrices avec qui le courant est très bien passé. Quand le collectif s’est créé et que les filles m’ont proposé de travailler avec elles sur un média pour les adolescent·e·s, j’ai tout de suite accepté. Travailler avec mes ami·e·s était un rêve pour moi. Quand les éditrices ont contacté le collectif pour éditer un livre et que j’ai su que j’allais pouvoir illustrer ce dictionnaire, j’ai sauté de joie ! Notre travail avait sa place et il allait rayonner et être diffusé auprès d’un nouveau public.
Imaginer qu’à travers notre livre, nous allions pouvoir aider les adolescent·e·s, leur apporter des réponses m’a beaucoup motivée et émue. J’ai beaucoup repensé à ma propre adolescence, à mes doutes, questionnements, croyances de l’époque, j’ai glissé beaucoup de références à mon expérience personnelle dans les illustrations de ce livre. Cela a été un travail à la fois introspectif et salvateur ! J’ai essayé d’être la plus inclusive, représentative et bienveillante possible pour m’aligner aux textes des autrices et que chacun·e puisse se retrouver et s’identifier. L’adolescence n’est pas une période facile pour tout le monde, mais ce livre est aussi là pour rappeler à nos lecteur·rices que malgré une adolescence pas top, on peut s’en sortir comme un·e chef·fe !
Mathilde Noizet et Marie Naudet (éditrices)
On a contacté les filles de Brio.ados quelque temps après avoir lancé les Insolent.es. Nous les suivions sur Instagram et nous trouvions leur contenu particulièrement pertinent et intéressant.
Leur approche et leur ambition correspondaient en tous points à la ligne que nous souhaitions donner aux Insolent.es : des ouvrages accessibles, tous publics, qui décomplexent, et ouvrent nos horizons.
En plus, c’était l’occasion de prendre notre revanche sur le dico des filles de notre jeunesse, dont nous avions réalisé en grandissant que malgré les clés qu’il avait pu nous donner à l’époque, il était loin d’être parfait ni vraiment objectif…
Nous avons donc contacté la team, et ça a été sans appel : Mon dico d’ado avait toute sa place aux insolentes, et serait d’ailleurs notre premier ouvrage à destination d’un public plus jeune.
On est ravies aujourd’hui, l’équipe brio.ados a fait un travail remarquable, et on est fières d’avoir le dico parmi les livres des Insolent.es !
Mon dico d’ado, texte de Brio ados, illustré par Pernelle Marchand, est sorti aux éditions Les insolent.es (2022). |
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !