Ça y est, septembre est là, notre rubrique Les invité·es du mercredi est de retour ! Pour commencer cette nouvelle « année », Magali Chiappone-Lucchesi, qui vient de sortir un très bel album, La trompette de Louis chez Glénat, a accepté de répondre à nos questions, puis on (re)part en vacances avec l’auteur Gilles Paris, qui sortira son nouveau roman Un baiser qui palpite là, comme une petite bête le 9 septembre (et, pour notre grand plaisir, il nous a fait un En vacances avec très particulier !).
L’interview du mercredi : Magali Chiappone-Lucchesi
Pouvez-vous nous parler de l’album La trompette de Louis, que vous venez de sortir ?
La trompette de Louis, c’est tout simplement une commande de la part de Glénat, un véritable défi pour moi — autrice jeunesse néophyte — mais le challenge était trop beau : il s’agissait bien de raconter la vie de Louis Armstrong… mais du point de vue de sa trompette ! J’avais carte blanche sur ce que je souhaitais raconter. Je me suis lancée avec délice dans des recherches bibliographiques tout en m’imprégnant de l’ambiance des quartiers de La Nouvelle-Orléans de cette époque, grâce à la musique de Louis que j’ai écouté en boucle pendant des jours et des jours… J’ai pris énormément de plaisir à raconter cette histoire et j’espère qu’il en sera de même pour les jeunes et grands lecteurs qui la découvriront. Le livre est illustré par Youlie, qui signe ici son premier album jeunesse. Avec ma formidable éditrice Marie-Amélie Léon, nous fonctionnons en binôme pour les recherches d’illustrateurs et l’univers de Youlie nous a paru être tout à fait idéal pour donner vie au côté pop et peps de Louis Armstrong. Youlie a vivifié mon texte et a révélé des inventivités graphiques ingénieuses, j’en suis ravie.
J’aimerais que vous nous disiez quelques mots sur Madame et Monsieur, votre album précédent.
C’est le premier album que j’ai écrit — presque d’une traite — et que j’ai peaufiné comme un trésor lorsque Glénat (grande joie) l’a accepté. C’est un sujet sensible (l’adoption) qui trouve peu à peu son public. L’univers doux, poétique et espiègle de Bérengère Mariller-Gobber accompagne mon texte comme je n’aurais osé le rêver.
Comment naissent vos histoires ?
Cela peut être une rencontre, un murmure, un détail, quelque chose qui fleurit et gronde en moi depuis longtemps, comme une nécessité à (me) transmettre et je tente alors de le mettre en mots.
Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?
Je viens du monde de la recherche universitaire — j’ai écrit une thèse de doctorat sur le théâtre de Charlotte Delbo — mais le professorat ne me correspondait pas (ce qui me plaisait et me plaît encore c’est la recherche), j’ai travaillé dans une agence théâtrale, ai été assistante à la mise en scène puis libraire. Et aujourd’hui je vais sans doute cheminer ailleurs, j’aime l’idée de ne pas m’enfermer dans un seul corps de métier.
Votre métier de libraire a-t-il une influence sur votre travail d’autrice ?
J’ai toujours été séduite par les albums jeunesse qui attiraient mes yeux émerveillés d’enfant puis d’adulte. Leur inventivité protéiforme, plus surprenante d’année en année, m’offrait toujours de belles découvertes. Si mon métier de libraire m’a permis de les côtoyer de très près, l’envie d’en écrire me titilla bien auparavant.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescente ?
Enfant, je ne lisais pas, je dévorais les livres que l’on m’offrait, ou que je retirais à la bibliothèque municipale. Des romans, des albums jeunesse et beaucoup de bandes dessinées aussi. Ces lectures furent un socle. Entre autres, les livres de Frances Hodgson Burnett et tout ce que je pouvais trouver autour de la Seconde Guerre mondiale ! Enfin lire était aussi pour moi une sorte de transgression : je lisais les bandes dessinées de ma mère et je piochais des livres dans la bibliothèque de mon père (je pense souvent à cette citation de Jorge Luis-Borgès : « Me sera-t-il permis de répéter que la bibliothèque de mon père a été le fait capital de ma vie ? La vérité est que je n’en suis jamais sorti. »)
D’autres ouvrages à venir prochainement ?
Oui ! un prochain album verra le jour au printemps prochain toujours chez Glénat Jeunesse. Un sujet qui me tient particulièrement à cœur : l’histoire d’une petite fille que certain·e·s trouvent, soi-disant, trop ronde…
Bibliographie
- La trompette de Louis, album illustré par Youlie, Glénat Jeunesse (2021).
- Madame et Monsieur, album illustré par Bérengère Mariller-Gobber, Glénat Jeunesse (2020).
En vacances avec… Gilles Paris
Régulièrement, nous partons en vacances avec un·e artiste. Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais moi j’adore partir comme ça avec quelqu’un, on apprend à la·le connaître notamment par rapport à ses goûts… cet·te artiste va donc profiter de ce voyage pour nous faire découvrir des choses. On emporte ce qu’elle·il veut me faire découvrir. On ne se charge pas trop… Des livres, de la musique, des films… sur la route on parlera aussi de 5 artistes qu’il·elle veut me présenter et c’est elle·lui qui choisit où l’on va… 5 destinations de son choix. Cette fois-ci, c’est avec Gilles Paris que nous partons, et il a décidé de casser les règles et nous proposer son En vacances avec… sous forme de texte au lieu des listes habituelles ! Allez, en route !
J’ai décidé de faire un petit tour du monde avec La mare aux mots, histoire de respirer un peu mieux en cette rentrée littéraire. Il faut dire que Gabriel est un compagnon de route idéal, il ne s’intéresse qu’à la culture. Le reste est si aléatoire que je n’hésite pas à l’emmener d’emblée dans mon premier refuge, Stromboli, une île éolienne et italienne face à la Sicile, foulée par de très nombreux touristes mais sur un temps assez court. On vient à Stromboli pour escalader le volcan, rarement pour se baigner en famille, il faut dire qu’à un mètre du bord on n’a plus pied, ce qui pour les enfants n’a rien de vraiment attirant, par ailleurs peu présents sur ce sable noir. L’année prochaine, en avril, je publierai un roman qui s’y déroule entièrement, Le bal des cendres une histoire d’amours de passions sur fond d’éruption du volcan. Et tandis que nous assistons au crépuscule à ces merveilleux couchers de soleil à la fois mordorés et incendiaires, je parle avec Gabriel du roman de Monica Sabolo Summer qui m’a profondément remué (Gallimard). Rares sont les auteurs qui distillent une si fine psychologie de personnages à la fois élégants et terrifiants. Le soir, sur un coup de tête, nous prenons un avion pour la Crète. J’y vais depuis six étés, du côté de La Canée, un village de pêcheurs pas trop envahi que La mare aux mots s’approprie, tandis que nous descendons l’unique rue de ce village à pieds, lunettes noires et chapeaux en paille sur nos têtes, nous fondant dans le décor. Je parle à Gabriel de La maison biscornue, un roman d’Agatha Christie que j’adore, un des moins connu, un des préférés de l’auteur (Le Masque), la seule fois où Agatha Christie a choisi une telle fin, qu’il m’est impossible de raconter à défaut de spoiler l’histoire. Je prête un instant mon casque à Gabriel pour lui faire écouter mes groupes préférés, Disclosure, Low Deep T, Roque, Husky, Scott Diaz, de l’excellente house et de l’électronique de pointe. Pas sûr que Gabriel ait aimé. Je me rattrape sur un air de Clara Luciani Le reste, qui a l’air de lui plaire. J’attends le coucher de soleil pour évoquer le dernier roman de Nathalie Rheims Danger en rive (Léo Scheer) dont je suis à la fois l’attaché de presse et le plus grand fan. Une histoire qui mêle imaginaire et réel à s’en étourdir. Ce n’est qu’au matin suivant que nous reprenons un vol pour l’île Maurice, ma cachette d’hiver, quand j’en ai les moyens. Les forêts de Filaos ne cessent de m’enchanter, paysages mouvants et féeriques. C’est à l’abri d’un de ces arbres que je lui parle d’Aline Zalko, une merveilleuse illustratrice avec qui j’ai fait un livre pour enfants Inventer les couleurs (Gallimard jeunesse Giboulées). Je n’aurais pas pu choisir des couleurs pareilles à inventer. Aline est l’impératrice des couleurs. Gabriel est bien d’accord avec moi. Il est un peu patraque avec tous ces décalages horaires, mais il m’écoute lui parler de Dahlia, le dernier roman de Delphine Bertholon (Flammarion) où elle raconte une histoire d’adolescentes. Elle est si douée Delphine. Un autre avion nous dépose sur la côte Amalfitaine en Italie, où tous les villages sont perchés en hauteur. J’ai omis de dire que nos escales étaient sponsorisées par une célèbre marque de stylos dont je me sers assez peu, préférant l’ordinateur. La mare aux mots s’enhardit dans ces paysages grandioses de l’Italie, ce qu’elle a de plus beau, un joyau en nos mains. Je lui parle du dernier roman d’Elsa Flageul Hôtel du bord des larmes (Mialet/Barrault) et de couple à la dérive arrivé dans cet hôtel pour divorcer (c’est la spécialité de l’endroit) et qui, in fine, feront de nouvelles rencontres. C’est à la fois acide et subtil, ce que Gabriel reconnaît bien volontiers. Comme je le vois tanguer, je me demande s’il n’a pas le vertige à l’envers que provoquent parfois les hauteurs de la côte amalfitaine. Je le rapatrie à Nice, au cours Saleya, où l’ombre des murs et des auvents le rassure. J’évoque Franck Courtes et son Toute ressemblance avec mon père qui m’a ému (JC Lattès) jusqu’à ce que je me rende compte que Gabriel s’est endormi sur sa chaise comme un bienheureux. Je lui fausse aussitôt compagnie, laissant toutefois un mot d’excuse dans une enveloppe en Velin beige, l’assurant de ces merveilleuses vacances culturelles qu’il me tarde de recommencer. Pour ma part, je suis assez tenté par un safari à Mombasa où, paraît-il, l’hôtel est dans les arbres.
Gilles Paris est auteur. Le 9 septembre prochain sortira, chez Gallimard, son nouveau roman jeunesse, Un baiser qui palpite là, comme une petite bête. Retrouvez l’interview que nous avions réalisée de Gilles Paris en 2014 ici.
Bibliographie :
- Un baiser qui palpite là, comme une petite bête, roman jeunesse, Gallimard (à paraître le 9 septembre 2021).
- Certains cœurs lâchent pour trois fois rien, roman adulte, Flammarion, (2021).
- Inventer les couleurs, roman jeunesse illustré par Aline Zalko, Gallimard jeunesse (2019).
- La lumière est à moi, roman adulte, Gallimard (2018).
- Le Vertige des falaises, roman adulte, Plon (2017).
- L’Été des lucioles, roman adulte, Héloïse d’Ormesson (2014).
- Autobiographie d’une courgette, roman jeunesse, Flammarion (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Au pays des kangourous, roman adulte, Don Quichotte (2012).
- Autobiographie d’une courgette, roman adulte, Plon (2002).
- Papa et maman sont morts, roman adulte, Seuil (1991).
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !