Les livres possèdent un pouvoir unique, celui de repousser les murs, nous permettant de voyager au-delà des frontières du réel. Ils peuvent aussi rassurer ou faire réfléchir. Voici une sélection de titres qui déconstruisent chacun à leur manière des clichés, et qui proposent de porter un regard neuf sur le monde autour de nous.
Robin voit ses rêves se briser lorsqu’il apprend qu’il est recalé dans la seule école qui l’intéressait. Passionné de danse et de chant depuis toujours, il perd toute son assurance et se remet entièrement en question. Malgré sa mère qui se plie en quatre pour son bonheur et la présence réconfortante de ses deux meilleur·es ami·es, il ne sait plus vraiment quoi faire de son avenir. Sans compter sa relation avec Connor qui le rend plus malheureux qu’autre chose. Mais tout bascule par hasard lorsqu’il fête son anniversaire à l’Entity, un club LGBTQIA+ où il assiste pour la première fois en direct à un spectacle de drag queen. Comme un papillon attiré par la lumière, Robin va découvrir le monde étourdissant net plein de promesses, de paillettes et de talons hauts… et s’il avait enfin trouvé sa voie ?
J’ai adoré et dévoré d’une seule traite Boy Queen, portée par le rythme et la galerie de personnages ! En tant que fan de RuPaul’s Drag Race, c’était un plaisir d’y trouver des clins d’œil et des références glissé·es de-ci de-là, tout en découvrant plus en profondeur l’envers du décor de l’univers des drag queens. Sororité et bienveillance y sont fortement présentes, sans pour autant que tout soit tout rose, trop parfait ou facile.
Robin a ses qualités et ses défauts au même titre que les autres protagonistes, ce qui leur donne une dimension réaliste prenante. Ses relations sentimentales, amicales ou familiales sont complexes, et il y évolue du mieux qu’il le peut, commettant parfois des bourdes tout humaines.
De plus, il est extrêmement passionné et attachant, ce qui rend la lecture de ce roman déjà rythmé d’autant plus agréable ! Loin de tomber dans le stéréotype de l’adolescent en pleine crise, Robin cherche une direction à sa vie, essaye de se relever suite à son échec et se bat pour surmonter la déprime. Bien sûr, il a conscience de la chance qu’il possède d’être si bien entouré, ses proches l’encourageant et l’aimant tel qu’il est.
L’auteur dresse une galerie de personnages variés très intéressants, qui bousculent également les codes et les clichés : la mère de Robin l’élève seule et avec brio, sa meilleure amie est une fonceuse qui ne se laisse pas faire tandis que son copain est plus doux et tranquille…
Boy Queen est un roman vraiment réussi, qui aborde une foule de choses avec justesse : violences homophobes, recherche et acceptation de soi, relations humaines complexes… Le tout sur fond de musique, de danse et de performances drag ! Que demander de plus ?
Un beau jour, le talentueux couturier Isidore Dé reçoit une commande aussi intrigante qu’inhabituelle : au creux d’un coquillage, il trouve un message provenant de trois fées descendantes des Parques. Le minuscule papier l’invite à regarder au travers des anneaux d’une paire de ciseaux riquiqui, sorte de lunettes ensorcelées lui permettant de voir le monde secret et invisible du petit peuple. De fil en aiguille, Isidore Dé va être commissionné pour créer des robes toutes plus fabuleuses les unes que les autres, à l’aide d’un souffle de vent, de plumes incandescentes ou encore de noir bouillon de Baba Yaga, à l’attention de souveraines enchantées et figures magiques telles que Mélusine, Viviane, Morgane, Titania, Loreleï ou la Fée des Lilas.
Album délicat et féerique, Isidore Dé pousse les portes de l’imaginaire et nous y invite le temps d’une lecture. Tout y est travaillé dans les moindres détails : du texte chantant et poétique aux illustrations éthérées et gracieuses, en passant par la mise en page même, qui joue avec les respirations et est ponctuée d’éléments savoureux. On y croise des créatures mystiques issues de la mythologie et du folklore ainsi qu’une myriade de références littéraires, et l’ensemble crée un univers unique et merveilleux dans lequel il fait bon flâner.
La magie des mots fait écho à celle des dessins, tandis que la minutie et les petites choses sont mises à l’honneur dans ce récit hors du temps. Ce livre rare, qui sort du lot par son originalité délicate, nous transporte aux côtés du couturier des fées, l’assistant dans sa recherche de matériaux précieux et la création de ses robes vaporeuses et envoûtantes, jusqu’à un ultime défilé.
Isidore Dé nous convie à repenser le merveilleux dans le quotidien et à regarder plus attentivement autour de nous. Qui sait, peut-être qu’une invitation a été glissée à notre attention, dans une coquille de noix ou dans une chrysalide de papillon ?
D’un côté, un conte tout ce qu’il y a de plus banalement classique : une princesse aux abois et un prince qui vient la sauver, un château fort et un monstre qui cherche des noises. De l’autre, trois petites créatures commentent ce récit, en relevant les clichés problématiques. Entre ces deux histoires parallèles, un jeu à la fois amusant et révélateur se forme, sous les crayons malicieux d’Élise Gravel.
Le pire livre du monde annonce tout de suite la couleur ! On y trouve du sexisme ordinaire, un manque flagrant de diversité, des fautes d’orthographe dans tous les sens et même des miettes et des taches de café… Bref, rien ne va !
Heureusement que les trois petits personnages (une araignée, une tache d’encre et une sorte d’amas tout mou) sont là pour relever ces défauts, qui sont encore courants dans beaucoup d’histoires pour enfants. L’autrice les pousse à l’extrême, jusqu’à les rendre grotesques afin de les mettre en lumière et de les décortiquer tout en se divertissant.
Sans se départir de son humour et de son inventivité habituel·les, elle dénonce les vieux contes traditionnels stéréotypés et ouvre le débat. On s’amuse lors de ce savoureux moment de lecture, qui suscitera forcément des réactions chez les lecteur·rices. Sans compter les dessins et les petits détails naïfs et rigolos ainsi que l’autodérision d’Élise Gravel, qui apportent fraîcheur et piquant au tout !
Alors, ne vous fiez pas à son titre : Le pire livre du monde est tout bonnement génial !
C’est la panique totale pour Léo ! La maîtresse a demandé de lire un livre avec un adulte pendant le week-end. Or, si le petit garçon n’est vraiment pas un fan de lecture, c’est encore pire pour son père ! Et comme sa mère est absente jusqu’au dimanche soir, il va falloir qu’il redouble d’ingéniosité pour réussir à mener à bien ce devoir et finir Super-victime de l’injustice mondiale à temps.
Si la lecture peut être synonyme d’évasion et de plaisir pour certain·es, d’autres peuvent y trouver une source d’ennui ou d’effort. Et ça tombe bien, car Au secours, un livre ! parvient à dédramatiser le sujet en l’abordant sous un angle astucieux et décomplexé.
Autour de ce simple devoir, c’est toute une aventure familiale qui se tisse. En effet, si Léo n’aime pas lire par manque d’intérêt, son père y semble carrément allergique ! Alors le jeune garçon appelle à son secours son oncle Bob, qui pourra forcément l’aider puisqu’il est libraire. Mais c’est sans compter le froid entre les deux frères, dont la relation est entachée par un mauvais souvenir datant de leur enfance… Les non-dits s’étant transformés en rancœur, le dialogue est coupé entre eux, mais il se pourrait bien que Super-victime de l’injustice mondiale soit la clé de tout !
Bien que le récit se passe sur une courte durée, il est rythmé par beaucoup de rebondissements et on se laisse porter en un clin d’œil. Les personnages sont attachants, chacun avec son propre caractère bien défini, et parfaitement mis en image par Lucie Bryon et son trait rond très expressif.
Au secours, un livre ! touche avec simplicité à bien des thématiques : le rapport à la lecture bien sûr, mais également la difficulté des liens familiaux, la complexité que l’on peut avoir à se livrer et l’importance du dialogue et de l’écoute. On y trouve aussi le pouvoir des livres qui provoque ici plein de choses positives, déclenche une foule de réactions inattendues et permet même aux protagonistes de se retrouver et d’aller de l’avant ensemble !
Boy Queen![]() de George Lester (traduit de l’anglais par Estelle Flory) Hugo New Way, dans la collection YA 17 €, 130×205 mm, 320 pages, imprimé en France, 2021. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Isidore Dé, couturier des fées![]() ![]() de Frédéric Clément Saltimbanque 17,50 €, 300×300 mm, 56 pages, imprimé en Pologne, 2021. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Le pire livre du monde![]() d’Élise GravelAlice jeunesse 15 €, 174×238 mm, 48 pages, imprimé en Belgique chez un imprimeur écoresponsable, 2021. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Au secours, un livre !![]() ![]() Texte de Claire Clément, illustré par Lucie Bryon Milan, dans la collection Tilt ! 11,50 €, 140×194 mm, 150 pages, imprimé Espagne chez un imprimeur écoresponsable, 2021. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |

Approche de la trentaine, et en a profité pour perfectionner ces petites choses si importantes qui font un tout. Vivre les livres, dessiner et créer des trucs, pour relier le dehors au dedans. Aime la nature, les histoires qui donnent espoir, celles aux allures de vieux grimoires, les BD hypersensibles et les images colorées.
Se retrouve dans le travail de Tarmasz, de Tayou Matsumoto, de Bretch Evens.




d’Élise Gravel