Et si la tablette pouvait aussi servir à faire découvrir à nos enfants les classiques de la littérature ? Aujourd’hui, on se penche sur les adaptations littéraires, exercice périlleux s’il en est… Que cela soit au cinéma ou en bande dessinée, elles sont souvent critiquées et auscultées à la loupe : trahir ou ne pas trahir, c’est la question. Pas facile d’illustrer une œuvre qui a déjà une vie dans notre imaginaire collectif… Et le numérique s’en sort haut la main. La preuve avec deux applis belles et intelligentes.
Voyage au centre de la Terre est l’adaptation, en version abrégée, du roman de Jules Verne publiée par L’Apprimerie, dans une version sonorisée, illustrée et interactive.
Ça parle de quoi ? L’oncle d’Axel, le professeur Lidenbrock, est un géologue allemand, passionné de minéraux et de manuscrits anciens. L’histoire commence un beau jour de 1863 alors qu’il rentre chez lui, excité par sa découverte du manuscrit runique d’une saga islandaise. Quand soudain, un parchemin glisse de l’ouvrage : il s’agit d’un cryptogramme. Axel aide son oncle à en percer le mystère. C’est le message crypté d’un grand alchimiste qui indique le chemin pour parvenir au centre de la Terre. Ils décident d’entreprendre le voyage. Avec Hans, un guide qu’ils engagent pour les aider, ils commencent leur voyage en descendant dans le cratère du Sneffels, un volcan éteint islandais, et suivent le chemin balisé par l’alchimiste Arne Saknussem.
Ça marche comment ? Le livre, qui reprend le texte original mais abrégé, est découpé en dix chapitres. Le sommaire (qui est graphiquement magnifique) est un cercle concentrique sur lequel apparaissent les frontispices des chapitres et leur numéro. Lorsqu’on sélectionne un chapitre, toutes les pages de ce chapitre s’affichent en miniature. La navigation dans l’ouvrage est donc extrêmement facile. Au sein de chaque chapitre, le texte alterne avec les gravures originales. On passe d’une page à l’autre en touchant les flèches au bas de l’écran, un rond rouge permet de revenir au sommaire. Les mots complexes sont indiqués en gras, un clic dessus permet d’afficher leur définition. Les frontispices des chapitres sont tous sonorisés et animés. Les pages suivantes présentent des animations ou bien un travail sur la typographie. Chacune met en valeur un mot ou une action du texte. Lorsque les explorateurs arrivent en haut du cratère, Axel remarque la forme de tromblon évasé du volcan, et l’agencement des mots reproduit cette forme. Alors qu’ils traversent une forêt d’arbres étranges, qui sont en fait des champignons, la page même est envahie de champignons géants qu’il faut chasser pour parvenir à voir le texte. Les héros descendent dans un tunnel sombre : la page devient presque entièrement noire, bordée de morceaux de pierres volcaniques, et notre doigt se transforme en lampe-torche afin de nous permettre de lire le texte. À la fin du texte, le lecteur trouvera des « Clefs de lecture » : une petite biographie de l’auteur, un texte sur la Révolution industrielle, et un texte sur les éléments scientifiques dans l’œuvre de Jules Verne ; dans les trois textes se cachent des anecdotes et des questions quiz.
Et j’en pense quoi ? Jules Verne, je dois dire qu’il n’a jamais fait partie de mes auteurs de chevet, mais là, c’est toute autre chose ! Dès l’ouverture du livre, on est saisis par la beauté graphique de l’appli et la mise en page qui est d’une inventivité incroyable. La musique qui vient en fond sonore accompagne parfaitement le texte. On est littéralement emporté dans ce voyage sous terre en compagnie des explorateurs. Les jeux typographiques et les animations sont en adéquation totale avec le texte, et d’une grande justesse : lorsque l’équipe manque d’eau, tous les « o » de la page s’enfuient progressivement, le texte disparaît dans un tourbillon… Le lecteur est surpris à chaque page. Il se retrouve lui-même à explorer non pas un volcan mais un texte. Le choix de reprendre des extraits du texte original fait que l’histoire peut paraître un peu hachée et qu’il manque parfois de liens entre les épisodes. Cela n’empêche pas l’appli d’être une vraie expérience de lecture immersive. Saisissant. Vous l’avez compris, j’ai été scotchée, ouvrage dévoré en une soirée, qui devrait plaire aux lecteurs en herbe qui se sentent des âmes d’aventuriers.
Bande annonce :
Si je n’ai jamais été fan de Jules Verne, il en est tout autrement d’Arsène Lupin. J’ai tout lu, tout vu. Un héros de quand j’étais petite. Chouette, sa première aventure, La Comtesse de Cagliostro, a été adaptée pour les tablettes par le réseau des Bibliothèques de la ville de Rouen, dans sa forme originale de feuilleton.
Ça parle de quoi ? Comment et pourquoi Arsène Lupin est-il devenu Arsène Lupin, gentleman cambrioleur ? Arsène, qui ne s’appelle pas encore Arsène mais Raoul d’Andrésy, a vingt ans. Il est amoureux d’une jeune fille, Clarisse d’Étigues, fille du baron d’Étigues qui s’oppose à l’amour des deux jeunes gens. À la faveur d’un hasard, Raoul surprend une conversation entre son « futur beau-père » et plusieurs de ses acolytes, qui lui révèle l’existence d’une conspiration contre une jeune femme, Joséphine Pellegrini, dite aussi Joséphine Balsamo, comtesse de Cagliostro. Celle-ci est accusée d’être une espionne, une voleuse de grand chemin, et soupçonnée d’être la fille de Joseph Balsamo, comte de Cagliostro, aventurier italien du xviiie siècle, alchimiste, voyant et magicien. Elle serait née en 1788, et aurait donc cent six ans au début de cette histoire. Raoul tombe sous le charme et la sauve des griffes de ses accusateurs. Mais Joséphine cache un secret. Raoul fera tout pour le découvrir, et c’est cette aventure qui fera de lui le hors-la-loi justicier que nous connaissons.
Ça marche comment ? Les bibliothèques de Rouen ont eu l’idée de nous faire redécouvrir ce livre sous sa forme originale, tel qu’il parut en 1923, celle d’un feuilleton quotidien. Chaque jour, le lecteur reçoit ainsi une notification lui signalant la disponibilité d’un nouveau chapitre (52 au total). La page de sommaire se divise en trois sections. La première est constituée d’une mosaïque de photos des différents épisodes. Ces photos apparaissent floues au départ, puis nettes lorsque l’épisode est « débloqué ». La deuxième section répertorie les lieux du roman. Sur une carte, les lieux où se déroule l’action sont punaisés. En cliquant sur la punaise, s’ouvre une sorte de guide touristique et humoristique du lieu, avec photos d’époque, célébrités, guide de conversation et rappel des événements locaux. La dernière section regroupe tous les personnages du roman. Ici, on ne peut consulter leur fiche que si on les a rencontrés au cours de notre lecture (c’est-à-dire qu’ils se débloquent au fur et à mesure de la lecture). Là encore sur un ton totalement décalé, on trouve photos, confessions (« Ma plus grande qualité », «Mon occupation préférée », « Mes héros dans la vie réelle », etc.), et billets, un peu à la façon de commentaires sur Facebook. Ces billets sont de courtes notes par des personnages du récit commentant les faits et gestes des autres personnages et qui s’affichent au cours de la lecture. Au bas de la page de sommaire, le lecteur trouvera enfin quatre courtes vidéos d’interviews de Jacques Derouard, biographe de Maurice Leblanc, sur le personnage d’Arsène Lupin et son créateur Maurice Leblanc.
Et j’en pense quoi ? Ici, il ne s’agit pas d’une lecture immersive, mais de la retranscription d’une expérience de lecture un peu oubliée aujourd’hui. Il en est des feuilletons de l’époque comme des séries d’aujourd’hui. Chaque fin d’épisode se finissait par une sorte de cliffhanger, et on attendait la suite avec impatience. Cela peut paraître un peu frustrant, mais si le lecteur se prend au jeu, l’unité de lecture étant assez courte, l’expérience est assez ludique. Les enrichissements sont des clins d’œil humoristiques, qui respectent le ton des romans de Maurice Leblanc. C’est à la fois fidèle et irrévérencieux. J’ai cependant été assez gênée par la coupe des mots en bout de ligne (d’abo/rd, épa/ule !!). S’adressant à de jeunes lecteurs, il me semble un peu dommage de ne pas avoir porté plus d’attention à la mise en page du texte, la lecture s’en trouve malheureusement gênée. Pourtant tous les ingrédients y sont : passion, aventures, cambriole, rebondissements, humour. Un coup de dépoussiérage d’Arsène Lupin qui le remet au goût du jour tout en réussissant à nous faire respirer l’atmosphère de la Belle Époque.
Bande annonce :
Voyage au centre de la Terre de Jules Verne. Habillage sonore d’Emmanuel Seguin. L’Apprimerie Prix constaté: 4,49 €, Apple, Android |
La Comtesse de Cagliostro de Maurice Leblanc Rouen Nouvelles Bibliothèques / Ville de Rouen Prix constaté: gratuite, Apple, Android |
Au détour d’une après-midi dans un bar à jeu, j’ai découvert un petit jeu de cartes très chouette, Les Souris gourmandes. C’est un jeu de « stop ou encore », créé et illustré par Dominique Breton et édité par If Association, une association à but non lucratif qui édite jeux, livres ou Cd dont une partie des bénéfices revient à des associations humanitaires. Pour Les Souris gourmandes, l’association parrainée est Théodora, qui organise des visites de clowns pour les enfants hospitalisés. Revenons au jeu: des souris sont cachées dans la maison et doivent récupérer le plus de fromages en évitant les pièges et les chats. Trois variantes sont possibles: le jeu de cartes simple, une variante dans laquelle on ajoute des cartes qui annulent les pièges et les chats, et une variante où chaque souris peut endosser un rôle précis (la souris joueuse, la souris voleuse, la souris à lunettes…). C’est drôle, on ne se lasse pas grâce aux différentes variantes, et ça s’emporte partout. Super si vous avez un petit cadeau à faire pour Noël ou un anniversaire.
Les souris gourmandes, If Association, environ 13 €
Erica
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !
“Voyage au centre de la Terre” a l’air graphiquement superbe. Une belle manière de revenir à ce classique.