Chaque mois, nous mettons un coup de projecteur sur un·e auteur·rice, un·e illustrateur·rice ou une maison d’édition. Ce mois-ci, c’est à Anne Loyer que nous consacrons cette rubrique.
« Je pense que le roman adolescent offre aujourd’hui une palette incroyable de styles et de sujets. Tout peut y être abordé sans tabou. On touche à toutes les émotions et toutes les aventures fondatrices des adultes en devenir, c’est exaltant. » Extrait d’une interview de La Licorne à Lunettes (2017).
Autrice prolifique — et primée — dans le monde de la littérature jeunesse, Anne Loyer est sous le feu des projecteurs de La Mare aux mots en ce mois de janvier… Qu’elle se frotte à l’univers adolescent, aux albums pour plus petits, aux titres mettant en avant les femmes oubliées, elle offre à son lectorat une palette d’œuvres d’une grande diversité. L’occasion pour nous de vous inviter à découvrir ou redécouvrir certains titres de sa très riche bibliographie.
Mokamilla
Candy a 15 ans et elle va faire une mauvaise rencontre. 15 ans c’est souvent l’âge où l’on veut séduire, l’âge où l’on n’ose pas dire non de peur de passer pour un·e lâche, l’âge des premières amours, l’âge où les mauvaises langues font le plus mal. 15 ans c’est aussi, parfois, l’âge d’un premier avortement.
Dans ce très beau roman, Anne Loyer alterne les scènes de Candy à l’hôpital où elle subit une IVG et les scènes du passé qui ont fait qu’elle est là, un peu comme des flash-back. Au fur et à mesure du roman, on comprend où elle est et pourquoi elle y est (au départ, tout est flou et petit à petit la lumière se fait… le souci c’est qu’il est difficile pour moi de vous parler du roman sans vous en dire un minimum même si j’ai horreur de ça… mais on ne comprend qu’à la moitié du roman que Candy se fait avorter…). On suit Candy dans sa chute, dès le premier chapitre on sent le malaise, on sait qu’il va lui arriver quelque chose et l’on y assiste, impuissant·e. C’est prenant et captivant, Anne Loyer a vraiment une très bonne plume. C’est un roman essentiel, on est heureux·euses qu’il existe. Court, simple à lire, bien construit, les ados (même ceux et celles allergiques à la lecture) peuvent vraiment accrocher et peut-être même prendre conscience de certaines choses… Des jeunes filles qui ont vécu la même chose peuvent aussi se sentir moins seules. Le docteur de Candy lui expliquant que son histoire personnelle « n’est ni pire ni meilleure que celle des autres », qu’elle n’est pas la seule Candy… Encore un roman qui devrait avoir sa place dans toutes les bibliothèques municipales et dans tous les CDI des collèges et lycées…
Gabriel
Marje est camionneuse depuis vingt-cinq ans et ne se sent vraiment chez elle que sur la route. Kader, de son côté, est un adolescent abîmé par la vie qui ne trouve pas sa place dans le centre pour mineurs dans lequel il a été envoyé. Jusqu’au jour où il décide de fuir et monte clandestinement dans le camion de Marje…
J’aime beaucoup les romans de vie mettant en scène des personnages n’ayant a priori rien en commun et qui finissent pourtant par se retrouver. La Belle Rouge est l’un de ces romans transpirant de sincérité qui ne peuvent laisser indifférent⸳e. Marje est une femme solitaire, qui porte en elle le poids de ses erreurs passées et arbore un caractère revêche. Kader, quant à lui, est un adolescent paumé, qui ne sait plus où il en est et qui a désespérément besoin d’aide pour s’en sortir. J’ai beaucoup apprécié le duo que forment ces deux âmes en peine. D’une façon aussi surprenante que magnifique, ces deux personnalités que tout oppose finissent néanmoins par réaliser qu’elles ne sont pas si différentes et qu’elles peuvent être d’une grande aide l’une pour l’autre. Entre secrets enfouis et sentiments explosifs, La Belle Rouge est une belle histoire d’amitié et de reconstruction, qui ne pourra que vous toucher.
Manon
Un matin, Dany découvre avec stupéfaction qu’un mur a poussé comme un champignon en face de chez lui, séparant du même coup la ville en deux. C’est un véritable choc… Et lui qui voulait se rendre dans sa boulangerie préférée, elle est maintenant inaccessible. Dany s’interroge et se demande pourquoi. Mais aucun adulte n’est capable de lui donner une réponse valable. Ni sa maman — qui pourtant sait toujours tout ! — ni les « Kakimans », ces grands bonhommes qui se baladent en ville avec des fusils et encore moins les « Bleusmans » artisans de la construction du mur. Alors Dany s’aventure un peu plus près du mur pour comprendre. Et là, de l’autre côté il sent une présence… Une présence qui comme lui a dû se demander pourquoi, et qui, comme lui, doit être un peu chamboulée par ce mur… À deux, leur pourquoi aura plus de poids…
Le Mur c’est d’abord l’histoire d’une incompréhension. Celle de cet amas de pierres qu’on empile, sans considération pour les gens qui vivent là. Un mur dont personne n’est en mesure de savoir pourquoi il est là. Pourquoi il existe désormais « un bon » et « un mauvais » côté. Et puis Le Mur, c’est l’histoire d’un petit garçon qui veut comprendre et ne veut pas se résigner, un petit garçon qui ne veut pas se satisfaire de ce qu’on lui dit. C’est une très belle histoire que nous propose Anne Loyer, une histoire de résistance face aux décisions grotesques de certains adultes, une histoire de solidarité, de courage, d’enfants qui ne veulent pas abdiquer. Le récit est porté par les très belles illustrations de Nathalie Paulhiac, fortes et puissantes. Grâce à différentes techniques : collage, dessin… l’illustratrice reconstitue à merveille le décalage entre le monde coloré et joyeux de Dany et la grisaille ambiante qui s’annonce avec la construction du mur. Une vraie réussite, un ouvrage qui redonne espoir et montre que rien n’est jamais perdu d’avance !
Sarah
Tom est un adolescent autiste. Pour lui, chaque jour se ressemble, ancré dans une routine bien rodée. Jusqu’au jour où il aperçoit une jeune fille en pleurs dans le couloir de son immeuble. Béa est une adolescente solitaire et rebelle. Victime de la violence de son père, elle se renferme sur elle-même, jusqu’à ce qu’elle rencontre Tom. Tous deux vont apprendre à se connaître, malgré leurs problèmes personnels, et peut-être lier une amitié…
Tom est un garçon touchant, dont on comprend rapidement le handicap au début du roman. La plume sensible d’Anne Loyer nous plonge au cœur de son esprit, nous dévoilant sa personnalité unique et attachante. J’ai trouvé cela extrêmement intéressant et immersif ; j’ai été aussitôt happée aux côtés de Tom, dans son petit appartement. Quant à Béa, j’ai beaucoup aimé la découvrir et observer les liens qu’elle tissait, petit à petit, avec le personnage principal. Mais le point fort de ce roman est sans doute le suivant : Anne Loyer parvient à évoquer des sujets difficiles et parfois tabous avec douceur et justesse. J’aurais en revanche apprécié que le livre soit un peu plus épais, ce qui aurait permis de rentrer davantage dans l’histoire, avec des personnages davantage fouillés.
Manon
Linette vient de vivre un événement tragique : son père a eu un accident de voiture très grave. Sa mère est partie à son chevet en la déposant chez Jacquot, son oncle un peu étrange. Elle se rend vite compte que Jacquot a un secret…
Difficile de ne pas vous raconter le secret de l’oncle Jacquot, quitte à vous dévoiler un peu de l’intrigue (mais ça serait dommage que les personnes intéressées par ce thème passent à côté), Linette découvre que son oncle vit avec un garçon et que c’est son amoureux. Anne Loyer traite avec beaucoup de délicatesse les deux sujets forts rassemblés ici (l’accident du père et la découverte de la vie amoureuse de l’oncle), son récit ne tombe jamais dans les clichés. Les illustrations de Bobi+Bobi qui accompagnent ajoutent encore plus de poésie au texte (on regrettera néanmoins que le père décrit comme couvert de bandages et raccordé à des tuyaux à l’hôpital se retrouve ici avec juste un bras plâtré et une perfusion). À pas de loups est un éditeur qui propose toujours de magnifiques illustrations, et c’est aussi le cas dans les romans (disons-le franchement, dans les romans première lecture, nombre d’éditeurs accompagnent le texte d’illustrations bas de gamme). Un magnifique roman sur ce que l’on cache aux enfants.
Gabriel
Gaspard est un poil énervé. Il est obligé de faire une « deuxième rentrée » de CM2 car ses parents ont décidé de déménager en pleine année scolaire… Et le voilà obligé de refaire ses preuves, de se refaire des copains… Alors quand on lui demande d’où il vient, il répond du tac au tac « de Mars »… Ce qui rend perplexes ses camarades… Tous sauf une : Lin, elle, elle vient de Vénus !
Anne Loyer signe une fois de plus un très joli petit roman sur la différence. Car les camarades de Gaspard sont circonspects… Les martiens sont verts… Et pas noirs… Gaspard est un petit garçon noir adopté par un couple blanc et Lin, une petite fille asiatique adoptée par un couple de personnes noires ! Poétique, le texte questionne les origines, les cultures différentes et l’adoption. Les illustrations d’Elis Wilk complètent à merveille ce très joli roman. Entre dessin, aquarelle et collage, elles nous plongent dans les univers fantasmés et réels de Gaspard et Lin. Un très beau roman sur la richesse d’être soi !
Sarah
1940, Londres. Pour ses quatorze ans, June a reçu de son grand-père français un appareil photographique. Très vite, celui-ci devient indissociable de la jeune fille qui l’emporte partout avec elle pour témoigner de la guerre. Mais lorsque son frère décide de s’engager, le quotidien de June est bouleversé. Elle aussi veut agir pour son pays. La rencontre avec un célèbre photographe revenant d’Espagne va être décisive…
Avec Le jour de June, Anne Loyer nous propose un roman historique et initiatique. On suit donc le parcours de June, une jeune adolescente anglaise passionnée de photographie durant la Seconde Guerre mondiale. C’est à la fois extrêmement documenté, précis (Anne Loyer nous plonge dans le Blitz — les bombardements allemands en Angleterre en 1940 — jusqu’au débarquement de 1944) et également très romanesque. La jeune fille tombe amoureuse (d’un beau soldat américain), se passionne pour la photographie, rencontre le grand Capa, découvre le machisme qui existe dans les milieux journalistiques, se travestit pour participer au débarquement de Normandie. La guerre va bouleverser son quotidien, lui faire endurer des épreuves terribles — la perte de son frère et l’impossibilité de faire son deuil du fait d’un mensonge d’État —. Au final, ce court texte est un roman bien plus complexe qu’il n’y paraît. L’autrice a le souci de nous faire vivre la guerre à hauteur d’homme et de femme. Ainsi, c’est le quotidien qui l’intéresse et surtout les sensations éprouvées par les protagonistes en proie à un conflit qui leur échappe. Que ressent-on lorsqu’on se fait bombarder ? Quels sentiments habitent les jeunes soldats prêts à débarquer en juin 1944 ? À quoi ressemblent les plages du débarquement après l’arrivée des Alliés ? C’est l’expérience de la guerre en tant que traumatisme individuel et collectif que nous révèle ce beau roman féministe et émancipateur.
Sarah
Raphaël vient de perdre sa mère, victime d’un accident domestique. Il est envoyé chez son père, qu’il n’a jamais connu, dans la carrosserie familiale. Il y trouve rapidement un refuge : les carcasses de voitures deviennent son nouveau terrain de jeu et sont idéales pour échapper à ce père dont il n’a jamais voulu. Alors que l’adolescent peine à remonter à la surface, il fait la rencontre de Mylène, sa demi-sœur, et de Kathia, une enfant que rien ne semble arrêter. Il se pourrait bien que ces deux jeunes filles lui permettent, enfin, de voir la lumière au bout du tunnel.
Car Boy est typiquement le genre d’histoire que je recherche. Je suis très sensible aux récits d’adolescence, de découverte de soi, d’amitié, de famille conflictuelle et d’apprentissage. Ce sont des thèmes qui me touchent beaucoup et dont je ne me lasse pas. Raphaël est un jeune adolescent qui n’a pas été épargné par la vie. Sans même avoir le temps de faire son deuil, il est abandonné dans un lieu inconnu, chez un homme qui n’a de toute évidence jamais voulu de lui. C’est seul que Raphaël doit faire face à ses démons… ou presque. Mylène et Kathia, sa demi-sœur et une enfant qui hante étrangement la carrosserie, sont là pour apporter l’espoir et la joie dont il a besoin. La plume d’Anne Loyer dépeint avec justesse les émotions adolescentes, dans toutes leurs nuances et leur complexité, donnant naissance à un roman beau et touchant, que je recommande chaudement !
Manon
Minus Lupus est bien décidé à entrer dans les pas de son père. Mais n’est pas le Grand Méchant Loup qui veut ! Si ce dernier a bien vieilli, il n’est pas le seul. Ce qui ne sera pas sans poser quelques problèmes à Minus Lupus. Pas facile de terroriser le Chaperon rouge, les trois petits cochons ou encore les chevreaux quand ceux-ci ont tellement changé… Minus Lupus saura-t-il à son tour entrer dans l’histoire ?
Anne Loyer nous offre un album tendre et drôle où le Petit Chaperon rouge est devenue une ado revêche, les trois cochons n’ont plus rien de petits et les chevreaux sont désormais pourvus de cornes impressionnantes… Comment les croquer dans de telles conditions ?! On retrouve tous les personnages des contes traditionnels sous un autre jour et l’on s’amuse de ce tour que la vie a joué à notre pauvre Minus Lupus. En filigrane, l’autrice aborde la filiation et l’importance de trouver sa propre voie. Ce petit loup n’est pas tenu de devenir méchant, il est maître de son destin et c’est à lui seul d’écrire son histoire, voire ses histoires… Servi par les illustrations pleines d’humour et de vie de Candela Ferrández, le texte d’Anne Loyer est un régal qui dépoussière le conte de fées.
Vanessa
Dans le secret de son petit appartement, Louise s’active sans relâche : elle coud, pique, brode et sous ses doigts une robe apparaît, porteuse d’un immense espoir. Car demain, la jeune fille doit présenter son travail à un célèbre créateur, avec qui elle a miraculeusement obtenu un rendez-vous ! Si celui-ci n’est pas immédiatement convaincu du talent de Louise, ce sont tous ses rêves qui partiront en fumée…
Soie Sauvage offre un aperçu réaliste de ce qu’est le monde implacable de la mode, où tout peut se jouer en une poignée de secondes. On ressent la passion de Louise pour la haute couture et tout le cœur qu’elle met dans son travail, jusqu’à déménager dans une ville inconnue et passer des nuits blanches penchée sur le tissu. Heureusement, la bienveillance et l’entraide sont également au rendez-vous ici, offrant un avenir plein de promesses à la jeune fille. Le texte poétique et chantant se déploie comme une étoffe chamarrée, aux nuances tour à tour sombres ou lumineuses, sublimé par des illustrations élégantes et aériennes. Par petites touches, Soie Sauvage parle de doute, de résilience, d’injustice, mais aussi de solidarité, et nous laisse inventer la suite des aventures de la jeune fille que l’on quitte à l’aube d’une nouvelle vie. J’ai beaucoup aimé ce bout de chemin aux côtés de Louise : la voir se donner à fond et persévérer pour réussir à vivre de sa passion, et surtout se souvenir comme il est important d’aussi bien croire en soi qu’en les autres. J’ai surtout été emportée par le mariage des mots et des dessins, leurs accords délicats et gracieux qui nous happent le temps d’une lecture.
Caroline
Axelle a 16 ans lorsqu’elle découvre l’amour fou. Mais cet amour-là a le goût du tabou et de l’interdit puisque cet homme est son professeur de lettres. Très vite, l’étincelle laisse place au gouffre béant de la déconvenue. Dernière les sourires pleins de charme et les mots qui ne dévoilent qu’une partie de la vérité, la réalité la rattrape et la gifle avec une amertume inédite.
Dès lors, il faut dire, se confier, justifier auprès des siens le mal-être profond qui s’est emparé d’elle. Que restera-t-il de sa pétillance après lui ? Comment exister quand les mots de celles et ceux qui nous sont proches tranchent au lieu de panser ?
Anne Loyer dépeint une histoire d’amour qui ne durera pas mais dont les conséquences s’inscrivent durablement dans le corps et le cœur. Si le sujet peut sembler dérangeant, il n’est à mon sens qu’un prétexte pour mettre en lumière les liens fragiles qui nous rattachent aux nôtres. Ici, plus que le cœur mis à mal, c’est aussi l’amitié et la famille qui sont questionnées, bouleversées dans leurs rôles parfois maladroits ou destructeurs. Dans une langue sensible, l’autrice signe un roman sur la fragilité des êtres. Roman polyphonique, La Fille sur le toit rappelle combien l’âge adulte n’est pas toujours synonyme de sagesse et de bon sens. Elle dit aussi avec beaucoup d’optimisme toute la force et la lumière qui sommeillent en chacun·e de nous, même si rien ne semble gagné d’avance. Un joli roman sur la résilience et les illusions perdues.
Mokamilla
C’est une femme libre et impressionnante que les spectateurs du Wild West Show voient débarquer sur la piste de sable du célèbre show de Buffalo Bill. Une femme qui a su habilement faire de sa vie une légende. Cavalière hors pair, une travestie qui a participé à la conquête de l’Ouest, connu les Sioux, tenu des saloons, eu des amants nombreux… Cette femme, c’est Calamity Jane. Son seul regret ? Ne pas avoir élevé sa fille à qui elle écrit des lettres passionnées. Mais ce soir, dans les rangs des spectateurs ébahis, elle la reconnaît…
Calamity Jane : l’indomptable est un merveilleux album sur cette héroïne inclassable et extraordinaire qu’est Calamity Jane. Anne Loyer ne nous propose pas une biographie à proprement parler (d’ailleurs ce serait bien difficile tant il est complexe de discerner le vrai du faux dans la vie de cette femme), mais une rêverie poétique autour de ce personnage fascinant. Aussi, l’ouvrage s’ouvre sur sa participation au Wild West Show (où elle est la vedette, ce qui lui permet de parfaire sa légende) et revient sur les grands événements de sa vie. Plus que les éléments factuels, ce qui intéresse Anne Loyer c’est de nous plonger dans une atmosphère précise : celle du crépuscule d’un siècle, de cette conquête de l’Ouest qui a rendu fous les hommes et décimé les Amérindiens. Son écriture, incisive et précise, nous décrit à merveille les plaines arides et rouges, les saloons poisseux, les spectacles itinérants mythifiant les cowboys. Et dans cet univers dur et viril se dresse une femme, intrépide, « indomptable » : Calamity Jane. Claire Gaudriot dépeint avec brio cette ambiance, tant dans les couleurs utilisées (ocres) que dans la composition des planches. Fantasmagoriques, elles nous projettent dans ces États-Unis en devenir et dans les pensées de cette femme. Aux grandes étendues désertiques succèdent des visages et des lieux particuliers, vestiges de la vie de Marta Jane Canary.
Sarah
Chaque matin, Ada doit faire face aux longues litanies des adultes qui la somment de se dépêcher. C’est donc en courant qu’elle part de la maison pour rejoindre l’école. Pour l’avoir fait et refait, elle connaît le chemin les yeux fermés ; c’est pourquoi elle laisse son esprit vagabonder et son imaginaire prendre le dessus. La ville revêt alors des allures fantaisistes et tout devient possible. L’arrivée à l’école fait s’envoler le rêve éveillé ; il faut de nouveau se dépêcher pour éviter d’être en retard. La petite fille commence ainsi sa journée, des aventures plein le cœur et la tête.
Loin des adultes qui courent après le temps, Ada regarde le monde avec des yeux d’enfant, emplis de poésie et de magie. Elle nous invite à entrer dans son monde, laissant les paroles des grandes personnes en arrière-plan. Dans l’album, les mots laissent peu à peu la place aux images, avec plusieurs pages sans texte. L’univers foisonnant de détails nous amène à scruter les recoins de chaque page, à chercher la fillette dans la ville, à laisser vagabonder notre imaginaire. Les couleurs dominantes — rose et bleu — font des aventures d’Ada une parenthèse joyeuse et onirique. Page après page, l’enfant observateur·rice comprendra que rêve et réalité s’entremêlent. Prendre le temps, observer le monde qui nous entoure, garder son âme d’enfant… L’adulte lecteur ou lectrice pourrait bien lui·elle aussi tirer quelques leçons de cette histoire !
Carole
Mona, surnommée Mo’, adore dessiner. Elle est par contre plutôt fâchée avec les mots — ou, en tout cas, les mots sont fâchés avec elle. Elle a beau faire tous les efforts possibles, les lettres se mettent à danser et en dictée c’est le zéro assuré. Les adultes lui demandent de se concentrer, de faire des efforts et Mo’ est encore plus triste. Heureusement, sa grand-mère est là et Mo’ découvrira que les mots peuvent aussi se mettre en images…
Mo’, petite narratrice de l’histoire, est dyslexique. Bien sûr, elle ne le sait pas encore au début du récit, pas plus que les adultes qui l’entourent. Alors, que ce soit de la part de son enseignant ou de ses parents, Mo’ subit les reproches. « Tu ne fais pas assez d’efforts ! », « Tu n’es pas assez concentrée »… Il y a également les moqueries, la mise à l’écart. Pourtant, la petite fille travaille beaucoup, elle se donne du mal, mais n’obtient jamais de résultat. Les mots lui échappent. Elle peut les chanter, les dire, les comprendre. Mo’ est d’ailleurs très intelligente, mais quand il est question de coucher les lettres sur le papier, c’est la catastrophe ! Heureusement, des adultes finiront par comprendre, par mettre les bons mots sur ces maux et la petite fille pourra trouver une autre voie pour s’exprimer. Dans ce texte court, accessible aux jeunes lecteurs et lectrices, Anne Loyer a su parfaitement rendre compte du désarroi, de la solitude, de l’incompréhension que subissent ceux et celles qui sont porteur·euses de troubles dys. C’est avec sensibilité et humour qu’elle aborde un thème encore trop méconnu. Les mots de Mo’ est une jolie histoire, pleine d’optimisme, qui permet d’aborder le thème de la dyslexie — que l’on soit concerné·e ou non — avec empathie, bienveillance et sensibilité.
Vanessa
Nabil arrive dans sa nouvelle demeure avec son père Abel sans toutefois partager son entrain. Quelle idée saugrenue que d’avoir acheté ce manoir sans âme, cette demeure décrépie, cette maison qui se meurt ! Les cartons s’entassent, les pièces vides se remplissent. Impossible de reculer, c’est ici désormais qu’il va devoir vivre et recréer de petites habitudes, que cela lui plaise ou non. Bien évidemment, le manoir aux hauts plafonds a un plancher qui craque, une galerie de portraits appartenant au passé et une odeur de poussière à foudroyer un asthmatique. Bien évidemment, il ne manque à l’appel qu’un petit fantôme impertinent pour s’inviter dans l’emménagement de Nabil. La demoiselle s’appelle Blanche et la vaporeuse héroïne n’a absolument aucune envie qu’un nouvel habitant vienne s’installer chez elle. Joueuse, casse-pieds – mais suffisamment seule pour s’intéresser de près à Nabilvoilà qu’elle entreprend tout ce qui est en son pouvoir pour ne pas lui souhaiter la bienvenue en bonne et due forme… Et si ces multiples provocations n’avaient d’autre effet sur Nabil que de lui donner furieusement envie de rester ?
Ouvrir ce livre comme on pousserait la porte d’un manoir avec, aux commandes de cette visite littéraire, le délicieux binôme Ingrid Chabbert et Anne Loyer. Ajoutez à cela le coup de crayon tout rond et coloré de Raphaël Maaden et suivez le guide ! Cette histoire écrite à quatre mains réunit ici deux autrices qui ont su fusionner leurs talent et leurs voix qui savent si bien s’adresser à la jeunesse en mélangeant habilement les tons… Le dialogue y est vif, parsemé de petites touches de drôlerie et d’un sens certain de la répartie. Notons aussi les jeux visuels sur les typographies qui souligneront les possibles effets de mise en voix pour donner envie aux jeunes lecteurs de théâtraliser fièrement leur lecture. Enfin, si Anne Loyer et Ingrid Chabbert n’hésitent pas à emprunter les chemins connus des récits fantastiques, elles savent aussi nous livrer une histoire qui sort un peu des sentiers battus quand il s’agit de choisir leurs héros et leurs héroïnes. Une demoiselle fantôme (Casper n’a qu’à bien se tenir) et un petit garçon au teint mat et aux boucles brunes… Des choix comme on en voit trop peu et qui méritent encore et toujours d’être soulignés. Belle manière d’entretenir le goût de la lecture pour cet album-roman qui ne manquera pas – art maîtrisé de la chute oblige – d’étonner jusqu’à la dernière page !
Mokamilla
La vie de Christine de Pizan est en elle-même un roman. Née au XIVe siècle, fille d’un scientifique italien, Christine de Pizan suit son père en France, à la cour du roi Charles V. Douée pour les études, la jeune fille — parce que fille — est néanmoins mariée à quinze ans, à un homme qu’elle va adorer. Très vite veuve, elle refuse de se remarier et passe la majeure partie de sa vie à écrire : des essais politiques, des ouvrages de poésie, et surtout sa grande œuvre La cité des dames, monument de la littérature dans lequel elle donne une place et une visibilité aux femmes.
Christine de Pizan, la clairvoyante est l’histoire d’une émancipation. D’un destin. Une biographie, brève mais très efficace de la vie de cette grande Dame que fût Christine de Pizan. Elle nous conte surtout le combat de cette femme, extraordinairement moderne, sa volonté, son inflexibilité (elle refuse de se remarier et décide de vivre de sa plume) face à la société, son refus des normes. Au fond, Christine de Pizan veut inventer sa vie et refuse toute contrainte. Elle refuse d’être considérée seulement comme une femme. Ce qu’elle est et ce qu’elle aspire à être ? Une écrivaine, une poétesse, une analyste politique… Au final, ce que nous montre Christine de Pizan, c’est qu’on « ne naît pas femme, on le devient ». Ce beau destin conté avec brio par Anne Loyer est illustré par la très talentueuse de Claire Gaudriot. Les grandes planches de couleur qui défilent sous les yeux des lecteurs et lectrices nous dépeignent un Moyen-Âge riche et solaire. Tour à tour oniriques, poétiques, s’inspirant de l’art du XIVe siècle, elles nous plongent dans un monde où le destin des femmes, n’appartient qu’à elles !
Xinxin est une adolescente chinoise, qui voit sa vie basculer le jour où sa meilleure amie lui annonce qu’elle va devenir grande sœur. Sans savoir pourquoi, la jeune fille va rapidement être obsédée par l’idée de ne plus être fille unique, mais, en en parlant à ses parents, elle se retrouve face à un mur de secrets et de non-dits qu’elle est bien décidée à percer.
Je pense pouvoir dire que Filles uniques est, pour l’instant, mon roman préféré d’Anne Loyer. J’ai tout de suite été happée par l’histoire de Xinxin, une adolescente chinoise ayant grandi sous la politique de l’enfant unique. J’ai appris beaucoup de choses sur cette loi dont je ne savais, au final, presque rien, et j’ai surtout découvert tout ce qu’elle impliquait pour les familles chinoises et leur place dans la société. C’était une lecture très intéressante, d’autant plus que les livres jeunesse ou adolescents se déroulant dans un pays asiatique sont rares. Anne Loyer a ici fait un très bon travail de recherche, afin de restituer au mieux une réalité dont nous, Occidentales⸳aux, n’avons pas forcément connaissance. Mais, au-delà de tout cela, au-delà de l’aspect éducatif de ce roman, il s’agit avant tout d’une magnifique histoire de famille, d’amitié et d’amour.
Manon
Candy d’Anne Loyer Des ronds dans l’O dans la collection Text’O 6,90 €, 120×180 mm, 54 pages, imprimé en France, 2012. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
La Belle Rouge d’Anne Loyer Alice 12 €, 143×210 mm, 134 pages, imprimé à Malte, 2015. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Le mur Texte d’Anne Loyer, illustré par Nathalie Paulhiac À pas de loups 8 €, 140×190 mm, 64 pages, imprimé en Europe, 2016. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Happy-End d’Anne Loyer Alice 11 €, 142×210 mm, 62 pages, imprimé à Malte, 2016. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Les mots qui manquent Texte d’Anne Loyer, illustré par Bobi+Bobi À pas de loups 8 €, 135×190 mm, 56 pages, imprimé en Europe, 2017. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Toi Vénusienne, moi Martien Texte d’Anne Loyer, illustré par Elis Wilk À pas de loups 8 €, 135×190 mm, 47 pages, imprimé en France, 2017. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Le jour de June d’Anne Loyer Les petites moustaches dans la collection Héroïnes 14 €, 130×210 mm, 141 pages, imprimé en France, 2017. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Car Boy d’Anne Loyer Thierry Magnier 12 €, 140×220 mm, 140 pages, imprimé en France, 2017. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Minus Lupus. Le petit loup qui voulait entrer dans l’histoire ! Texte d’Anne Loyer, illustré par Candela Ferrández Larousse jeunesse 10,95 €, 217×252 mm, 28 pages, imprimé en Espagne, 2018. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Soie sauvage Texte d’Anne Loyer, illustré par Marie-Gabrielle Berland Les petites moustaches 16 €, 230 x 300 mm, 48 pages, imprimé en Union européenne, chez un imprimeur écoresponsable, 2019. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
La fille sur le toit d’Anne Loyer GulfStream, dans la collection Échos 15 €, 140×220 mm, 178 pages, imprimé en Pologne, 2018. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Calamity Jane : l’indomptable Texte d’Anne Loyer, illustré par Claire Gaudriot À pas de loups 16,50 €, 240×320 mm, 48 pages, imprimé en Belgique, 2019. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Sur le chemin de l’école Texte d’Anne Loyer, illustré par Lili la Baleine Maison Eliza, dans la collection Pistache 14,90 €, 225 x 293 cm, 32 pages, imprimé en Italie chez un imprimeur éco-responsable, 2020. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Les mots de Mo’ Texte d’Anne Loyer, illustré par Arnaud Nebbache Kilowatt, dans la collection Les Kapoches 7,30 €, 141×181 mm, 48 pages, imprimé dans l’U.E., 2020. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Croque manoir Texte d’Ingrid Chabbert et Anne Loyer, illustré par Raphaël Maaden Frimousse 11 €, 170×236 mm, 31 pages, lieu d’impression non indiqué, 2018. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Christine de Pizan, la clairvoyante Texte d’Anne Loyer, illustré par Claire Gaudriot À pas de loups 16,50 €, 240×320 mm, 48 pages, imprimé en France, 2021. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Filles Uniques d’Anne Loyer Slalom 14,95 €, 145×225 mm, 237 pages, imprimé en France, 2021. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
J’aime les gens qui doutent, aller voir ailleurs si j’y suis, oublier le temps dans une librairie, boire du vin et du thé, entretenir mon goût démesuré pour les petites listes… Amoureuse du cinéma de Miyazaki, des chansons de Pierre Lapointe, des pinceaux de Mélanie Rutten, des BD de Renaud Dillies, de la poésie de Vinau, des livres illustrés et des romans qui bousculent avec de jolis mots.