Chaque mois, nous mettons un coup de projecteur sur un·e auteur·rice, un·e illustrateur·rice ou une maison d’édition. Ce mois-ci, c’est à l’illustratrice Delphine Jacquot que nous consacrons cette rubrique.
« Mes illustrations jouent aussi beaucoup avec le symbole, l’onirisme ou l’étrangeté… »
Interview de Delphine Jacquot donnée à la Librairie Sorcière en 2016.
Il y a des illustrateur·rices qui, on ne sait pourquoi, nous plongent dans des univers dont on aimerait être, et ça, rien qu’une seule fois, les protagonistes. Delphine Jacquot est de ceux·celles là. Sous ses pinceaux, feutres et crayons, tout un monde s’anime, onirique et poétique. Un monde foisonnant de détails et truffé de références… Un monde coloré ou des personnages excentriques et farfelus évoluent. Des héroïnes de contes de fées, des explorateurs, des (grands) enfants et des animaux et des légumes… Aujourd’hui, nous vous proposons de les rencontrer, croqués par Delphine Jacquot !
Sarah
À l’aube des temps, le monde était divisé en deux royaumes : celui des terres et des plaines, dirigé par le Lion, et celui des océans et des mers, gouverné par le Dragon-Serpent. Si le premier souverain est sage et bon, aimé et respecté par son peuple, le second est cruel, fier de sa force incommensurable et craint par toutes et tous. Un jour, profitant d’un moment d’inattention de la part du royal félin, le Dragon-Serpent le provoque en duel, certain de gagner la bataille et ainsi d’étendre son joug sur la Terre entière.
Abattu, le Lion demande une trêve de sept jours afin d’avoir le temps de faire ses adieux à son peuple. Il croise en chemin le Lièvre doré, qui décide d’échafauder un plan malicieux en compagnie des autres animaux. Ils comptent bien sauver leur roi, tout en se débarrassant au passage du terrible Léviathan, qui sème la terreur.
Cependant, ce dernier ne craint que la puissance du légendaire Oiseau Galone, créature vivant au royaume des songes et malheureusement bien peu concernée par tout ceci. Ne se laissant pas décourager pour autant, le Lièvre et ses ami·es vont demander l’aide de l’Oiseau Arlequin, volatile aussi imposant et exubérant par sa taille et son plumage, que discret par son caractère.
S’inspirant des contes traditionnels birmans, L’oiseau Arlequin met à l’honneur la solidarité et l’entraide, tout en mettant en lumière les qualités de chacun·e. Ici, c’est l’intelligence, la gentillesse et le respect des limites de toutes et tous qui sont célébrés. L’esprit l’emporte sur la force, l’union sur la tyrannie.
C’est la bonté du Lion qui fait que son peuple (on pourrait même dire ses ami·es) n’hésite pas à lui venir en aide pour contrer la perfidie du Dragon-Serpent, et non pas sa position de force. En plus du message d’unicité et d’amitié, cet album met en avant un personnage intéressant : l’Oiseau Arlequin. C’est un grand timide, malgré son apparence haute en couleur et sa stature imposante, mais qui n’hésite pas un instant à surmonter ses craintes pour sauver son souverain. Possédant un immense plumage chamarré, il semble fait de bouts de forêts et de rivières, comme s’il incarnait à lui seul toutes les espèces végétales et animales d’un écosystème à préserver (d’ailleurs, la luxuriance de la forêt et les couleurs chatoyantes nous plongent dans un univers hors du temps, là où la nature avait tous ses droits).
Les illustrations nous invitent à prendre le temps d’observer les détails portés aux paysages et aux animaux. En effet, ils sont revêtus d’habits traditionnels aux motifs travaillés (gilets, ceintures, coiffes et bonnet…). Grâce à ces personnages anthropomorphiques, les lectrices et lecteurs peuvent ainsi facilement s’identifier.
Un album haut en couleur et aux illustrations oniriques, porteur d’un beau message d’unicité.
Caroline
Ils/ elles ont fait de leur vie un voyage, une errance éternelle ponctuée de pauses festives, de danses et de chants, de rencontres avec l’ailleurs et l’autre. Leur vie s’écrit sur les routes et les chemins et c’est avec une ferveur évidente que les traditions s’offrent aux plus jeunes en souvenir des plus vieilles et des plus vieux. Toute cette famille quitte une ville pour en gagner une autre, suivant fidèlement le bon vouloir de la chèvre Bisha. C’est elle leur guide, celle qui sait où il fait bon vivre, quand il faut cesser de rouler, où manger autour d’un doux feu qui crépite, où faire vibrer les cœurs et les êtres au son de la musique tzigane.
Dans ce récit aux mille couleurs, à raconter sous les étoiles estivales, tout n’a pas toujours la saveur du rêve et de la magie des instants partagés. Si l’on se laisse vite charmer par ce conte de l’ailleurs, la menace rôde toujours. Celle qu’on oublie trop vite, grisé·es par l’euphorie de la fête. Celles et ceux qui sont de passage, pour dire et chanter un peu de leur monde ne sont pas toujours les bienvenu·es et les monstres des cauchemars de l’enfance peuvent surgir à tout moment. Quand Delphine Jacquot joue de ses pinceaux ou de ses crayons, l’alchimie fait son œuvre. Le ciel bleu nuit se remplit d’étoiles, la végétation foisonnante se glisse entre les doigts, tout un tendre bestiaire s’anime : voilà très belle histoire qui rend hommage à ces hommes et ces femmes aux vies passionnantes qui ont vu autant de routes qu’ils ou elles ont de rides sur le visage. S’offrir la liberté de l’errance en quelques pages, se laisser bercer par une langue qui a tout d’une douce musique, s’autoriser quelques frissons quand le grand-père fait pleurer son violon. Un album lumineux porté par la magie du conte sans en oublier sa force morale et sa résonance avec l’actualité, soulignant subtilement l’importance de s’ouvrir à l’autre, à l’heure où l’étranger·ère éveille encore si violemment les craintes et les soupçons. Riche d’un folklore fascinant gorgé de mystère et d’onirisme, le récit d’Alain Serres rappelle combien l’autre peut être riche de son histoire et fort de son héritage traditionnel qui se transmet en musique et en mots.
MokaMilla
C’est l’histoire d’une jeune princesse belle et orgueilleuse… Alors qu’elle se promène un jour au marché, un vieillard laid et bossu, époustouflé par sa beauté, lui lance « qu’il donnerait la moitié de ses jours pour l’épouser ». Horrifié, la jeune fille se moque de lui et le repousse… Mais que n’a-t-elle pas fait ! Car l’infâme homme lui lance une malédiction… Elle se piquera à son fuseau et sera prise d’un profond sommeil… Et il faudra sans doute plus d’un baiser pour la réveiller !
Songe de la vie ensommeillée propose une nouvelle version de la belle au bois dormant. Jean-Jacques Fdida a collecté différentes versions du conte : française, arménienne, irlandaise, grecque, flamande, orientale et indienne, du Moyen-Âge au XVIIe siècle pour nous offrir ce très beau texte. Ici, on découvre une jeune fille sûre d’elle, moqueuse, orgueilleuse, qu’une malédiction lancée par un vieillard bossu plonge dans un profond sommeil. Contrairement au conte de Perrault, il ne suffit pas d’un baiser pour que la belle se réveille… Jean-Jacques Fdida renoue ici avec le merveilleux (au sens propre du terme) : l’univers est sombre, les « marâtres » forcément odieuses, des magiciennes prêtes à tout pour éloigner leur rivale et garder leur fils auprès d’elle. L’univers de Delphine Jacquot sied à merveille à cette nouvelle version. Elle nous plonge dans un univers troublant, sublime et inquiétant. On retrouve les influences orientales et le style si reconnaissable de l’illustratrice. Au côté de la marâtre : des animaux anthropisés, fidèles de la reine, mais qui ont également un cœur puisqu’ils refusent de tuer les enfants de « La belle ». Poétique et onirique, sensible et troublant, cette nouvelle version séduira à coups sûrs les plus jeunes et leur donnera envie de découvrir les autres versions du conte…
Sarah
Les soirées passent au rythme de la machine de Mamilona : la mélodie du cliquetis des aiguilles, le bruit sourd des tissus froissés, et la voix de cette vieille femme venue d’un autre temps. La jeune Marie-Lou aime tellement ces moments passés avec elle. Il faut dire qu’à l’école, elle ne trouve pas vraiment sa place, elle se sent tellement loin des chiffres qui se mélangent et des mots qui lui échappent. Au milieu des étoffes, elle rêve et voyage, portée par la douceur du velours et la légèreté des dentelles. Auréolée de mystère, Mamilona chante, impassible et continue d’assembler les tissus qui font naître des trésors précieux. Elle fredonne cet air que Marie-Lou ne saisit pas mais qui résonne dans son cœur depuis des années. Il fait partie d’elle, ne la quitte pas. Elle voudrait savoir mais n’ose pas…
Derrière la nostalgique mélodie, un secret qui ne trouve pas ses mots, qui n’arrive même pas à se murmurer et encore moins à se raconter. Et pourtant, l’histoire s’écrit, en attendant d’être déchiffrée, elle est là, juste là, bien dissimulée. Il faut savoir la trouver ou attendre patiemment qu’elle s’offre à vous. C’est un livre bijou, éclatant de tendresse, que signent Cécile Roumiguière et Delphine Jacquot. Quand l’une tisse un texte poétique au fil d’or, l’autre déploie tout son talent pour mettre en images cet écrin de nostalgie. C’est doux, d’une finesse et d’une subtilité rare, et la beauté du texte trouve un écho parfait dans les illustrations merveilleuses de Delphine Jacquot. L’histoire de cette jeune fille et de sa grand-mère, brillamment brodée, écrite en pointillés viendra je l’espère, réveiller chez vous des souvenirs d’antan. Ceux passés auprès d’une grand-mère qui tricote, qui fredonne, laisse planer de lourds silences ou qui étourdit parce qu’elle radote. Un récit qui vous enrobera de douceur et vous piquera assurément au fil des pages. Un instant merveilleux de lecture cousu avec le plus grand soin par deux grandes artistes aux doigts de fée.
MokaMilla
Peter la Taupe et Herman l’échassier préparent un grand projet… Un tour du monde en vingt-cinq étapes pour découvrir les merveilles et les mystères des civilisations humaines… De Bruxelles au Burkina Faso, en passant par les terres glaciales du Groenland et par les pyramides d’Égypte, les deux amis sillonnent les routes terrestres et maritimes en quête d’aventure…
Les aventures improbables de Peter et Herman est un petit bijou esthétique et romanesque… Un petit album – format à l’italienne – qui nous conte le voyage rocambolesque de deux compagnons avides d’aventures ! C’est un carnet de voyage drôle et étonnant que nous propose Delphine Jacquot, une ode à la douce folie et aux (més)aventures… Car, bien sûr, rien ne va se passer comme prévu : à Dubrovnick en Croatie, les deux comparses, enthousiasmés à l’idée d’assister au coucher de soleil, voient leur vue bloquée par un immense paquebot, à Madrid, au Musée la foule est tellement nombreuse qu’il est difficile de distinguer Guernica… heureusement, au Japon ils oublient tous leur sushi… C’est un vrai plaisir de découvrir, page après page, les nouvelles destinations de Peter et Herman et le petit texte – très drôle et truffés de jeux de mots et de références – qui l’accompagne. Au fond ce que nous dit l’autrice-illustratrice, c’est que les déboires font partie des voyages… Et c’est peut-être tant mieux ! L’esthétique est superbe, on plonge avec délice dans l’univers chargé et bariolé de Delphine Jacquot. Peter et Herman sont des héros au charme désuet, des explorateurs du XIXe siècle en quête de sens… Tout est beau, délicat et fantasque… On referme l’ouvrage avec une idée en tête… Le rouvrir à nouveau !
Sarah
Marie et son frère Fritz habitent une grande demeure, au cœur de la Bavière. En ce soir de Noël, la maison a été magnifiquement décorée ; la famille accueille nombre d’invité·es. L’un d’eux fait une entrée remarquée ; c’est l’oncle Drosselmeyer, les bras chargés de cadeaux. L’attention est à son comble, lorsque ce dernier fait s’animer deux automates, sur un air de boîte à musique. Dernière enfant à recevoir un présent, Marie hérite d’un casse-noisette, à l’allure de soldat de bois. Mais la soirée se termine déjà, et les enfants doivent aller se coucher. Marie ne semble dormir que quelques instants, se réveille, et là, surprise … Les jouets prennent vie ! Le casse-noisette devient un vaillant soldat, sabre à la main, prêt à affronter une armée de souris. Puis, il emmène Marie au château enchanté, où il et elle assistent à une fête fantastique, en compagnie de la Fée Dragée et du prince d’Orgeat. Soudain, la pendule ulule, un nouveau jour se lève pour Marie …
Vous l’aurez reconnu, c’est le célèbre ballet de Tchaïkovski qui nous est raconté ici. Pour la présente édition, il a été mis en texte par l’auteur et poète belge, Pierre Coran, illustré par Delphine Jacquot, et est raconté par la comédienne Valérie Karsenti sur le CD accompagnant le livre. Le texte est dense, mais la mise en page et la version audio en permettent une lecture par épisodes. Sur le CD ou en streaming, on peut entendre en alternance des extraits du ballet et la voix agréable, à la diction claire et mélodieuse, de la narratrice. Dans le livre, les illustrations de Delphine Jacquot semblent faites pour cette histoire : leur côté rétro, les personnages à l’allure figée qui font se confondre astucieusement personnages humains et jouets de bois animés, l’atmosphère onirique et féérique … C’est ravissant. Un joli livre à offrir ou à s’offrir, en attendant Noël.
Carole
Ils/ elles ont fait de leur vie un voyage, une errance éternelle ponctuée de pauses festives, de danses et de chants, de rencontres avec l’ailleurs et l’autre. Leur vie s’écrit sur les routes et les chemins et c’est avec une ferveur évidente que les traditions s’offrent aux plus jeunes en souvenir des plus vieilles et des plus vieux. Toute cette famille quitte une ville pour en gagner une autre, suivant fidèlement le bon vouloir de la chèvre Bisha. C’est elle leur guide, celle qui sait où il fait bon vivre, quand il faut cesser de rouler, où manger autour d’un doux feu qui crépite, où faire vibrer les cœurs et les êtres au son de la musique tzigane.
Dans ce récit aux mille couleurs, à raconter sous les étoiles estivales, tout n’a pas toujours la saveur du rêve et de la magie des instants partagés. Si l’on se laisse vite charmer par ce conte de l’ailleurs, la menace rôde toujours. Celle qu’on oublie trop vite, grisé·es par l’euphorie de la fête. Celles et ceux qui sont de passage, pour dire et chanter un peu de leur monde ne sont pas toujours les bienvenu·es et les monstres des cauchemars de l’enfance peuvent surgir à tout moment. Quand Delphine Jacquot joue de ses pinceaux ou de ses crayons, l’alchimie fait son œuvre. Le ciel bleu nuit se remplit d’étoiles, la végétation foisonnante se glisse entre les doigts, tout un tendre bestiaire s’anime : voilà très belle histoire qui rend hommage à ces hommes et ces femmes aux vies passionnantes qui ont vu autant de routes qu’ils ou elles ont de rides sur le visage. S’offrir la liberté de l’errance en quelques pages, se laisser bercer par une langue qui a tout d’une douce musique, s’autoriser quelques frissons quand le grand-père fait pleurer son violon. Un album lumineux porté par la magie du conte sans en oublier sa force morale et sa résonance avec l’actualité, soulignant subtilement l’importance de s’ouvrir à l’autre, à l’heure où l’étranger·ère éveille encore si violemment les craintes et les soupçons. Riche d’un folklore fascinant gorgé de mystère et d’onirisme, le récit d’Alain Serres rappelle combien l’autre peut être riche de son histoire et fort de son héritage traditionnel qui se transmet en musique et en mots.
MokaMilla
Imaginez si Barbe bleue avait pu se teindre le poil en rose bonbon… Si le Petit Poucet avait eu vent de l’existence de pense-bêtes à semer, bien pratiques quand on se perd en forêt… Ou encore si les trois petits cochons avaient lancé leur entreprise de construction…
Grâce à la teinture Pilopoil et aux aide-mémoire Petit Memo c’est chose faite ! Quant aux maisons et constructions, elles sont à présent garanties d’une solidité à toute épreuve par l’entreprise familiale Émile Lardon.
Dans Réclamez des contes ! Delphine Jacquot s’amuse à redonner une nouvelle dimension aux contes classiques de Perrault, Daudet, des frères Grimm et compagnie. Elle imagine des objets divers et variés, qui auraient changé le cours de bien des histoires. En s’inspirant des réclames qui s’affichaient autrefois dans les journaux et gazettes, vantant les mérites de produits miracles (et tarabiscotés) elle propose des rebondissements rigolos, et des traits d’esprit qui dépoussièrent ces contes traditionnels.
Voilà un livre vraiment original et très beau ! Delphine Jacquot s’inspire aussi bien du fond que de la forme des anciennes annonces et joue avec leur côté rétro. Ainsi, avec leurs typographies travaillées et agrémentées de décorations, les passages écrits sont aussi jolis à regarder que les illustrations pleines pages. Le jeu de mots entre les réclames (ces publicités désuètes au parfum de nostalgie) et celui de revendiquer des histoires (mais pas n’importe lesquelles et pas racontées n’importe comment, évidemment) ouvre sur plusieurs façons d’en appréhender la lecture. On peut s’amuser à deviner les contes et les références caché·es derrière les slogans farfelus, ou encore leur inventer des suites alternatives. Il n’y a plus de limite autre que celle de l’imagination. Plus de méchants ou de gentils, de « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants », tout devient possible ! Réclamez des contes ! est une lecture savoureuse, parodiant avec humour et finesse les grands contes classiques.
Caroline
Depuis le XVIe siècle, les hommes et les femmes ont été obsédés par une chose : collectionner les monstres et merveilles du monde qui les entourent… Et c’est ainsi que les cabinets de curiosités apparaissent : animaux fantastiques, plantes exotiques, armes, masques, œuvres d’art, costumes, poupées et objets en tout genre sont précieusement mis sous verre et étiquetés pour faire découvrir les splendeurs de l’univers… ou pour les conserver.
En voilà un album qui porte bien son nom… ! Monstres et merveilles nous propose une plongée abyssale dans le monde fascinant de la connaissance… Composé de quatre doubles pages dépliantes (et suivies à chaque fois de plusieurs pages explicatives), chacune représentant une époque, ce beau livre évoque, chronologiquement, l’épopée fantastique de l’histoire de l’humanité. Car, celle-ci a toujours été soucieuse de conserver, de classer, d’apprendre, de rêver et de comprendre. L’album revient, dans sa première double page sur les cabinets de curiosité du XVIe siècle, un brin foutraque où l’on croise aussi bien des animaux exotiques que des armes à feu. À cette époque, collectionner est un signe de puissance, tout prince se doit d’en posséder un. Puis l’on passe au XVIIe – XVIIIe siècle, plus ordonné, au XIXe – XXe siècle scientiste mais superstitieux, et enfin à nos « cabinets » contemporains… Ou conserver ne veut plus dire découvrir, mais protéger. L’idée géniale de cet album (on le doit à Alexandre Galand), extrêmement bien documenté et sérieux est formidablement mis en couleur et en forme par Delphine Jacquot. L’illustratrice met son talent au service de ce très intelligent documentaire. Riches en détails, truffés de références, ses grandes planches de couleurs sautent aux yeux des lecteurs et lectrices. On passe de longs moments à contempler avec gourmandises ces cabinets de curiosités qui s’offrent à nous et les créatures qui les peuplent. Belle leçon de chose, mais aussi belle leçon de vie, Monstres et merveilles fait réfléchir. Car ce que l’on considère « monstrueux » au XIXe siècle, ce que l’on expose comme bête de foire fait froid dans le dos au XXIe siècle. Dans le même temps, aujourd’hui, le cabinet de curiosité permet essentiellement de protéger face aux destructions causées par la société industrielle…
Sarah
Alors que la nuit tombe, le père d’Ida déboule en trombe dans la maison et somme sa fille de venir avec lui… Pourquoi ? Parce qu’il a une surprise pardi ! Voilà donc ce père lunaire qui embarque sa fille en vélo pour voir… on ne sait quoi encore ! Mais ce trajet révèle bien des surprises… Un loup maigre et aux yeux jaunes décident de s’inviter dans ce drôle de périple… Et Ida va devoir converser avec lui si elle veut avoir la vie sauve !
Conversation avec le loup est un album doux et délicat, poétique et sensible qui permettra aux plus jeunes d’apprivoiser leur peur ! On suit donc le périple d’Ida, une petite fille intrépide, embarquée dans une drôle d’aventure nocturne avec son papa – celui-ci lui réserve une belle surprise : assister à la naissance d’un poulain . Mais pour arriver au sésame, Ida va devoir passer par une surprise de taille : converser avec un loup imaginaire qui décide d’être du voyage. A la frontière du réel et du surnaturel, Laurence Gillot et Delphine Jacquot questionnent les angoisses enfantines. Car ce drôle d’animal terrifiant et affamé aux grands yeux jaunes n’a qu’une seule idée en tête : manger ! Ida ?! Son père ?! Delphine Jacquot nous plonge dans un univers clair-obscur. On pense au Petit Chaperon Rouge, mais également aux représentations de la Bête du Gévaudan en ouvrant Conversation avec le loup. Cet univers poétique est peuplé d’animaux aux yeux ronds, spectateurs des aventures d’Ida, qu’on retrouve page après page… Grâce à l’utilisation de teintes bleutées, l’illustratrice capte l’ambiance crépusculaire de ce drôle de voyage, elle dépeint les angoisses nocturnes d’Ida avec brio, les arbres se transformant en créatures monstrueuses… jusqu’au moment de grâce, où la petite fille découvre sa surprise…et trouve le courage de dire adieu au grand méchant loup !
Sarah
Uruburu est un jeune garçon, qui vit au pays des Tobobotos. Sa vie est faite de petits bonheurs, mais aussi de doutes, peurs et tracas. Ainsi va la vie des enfants, où qu’ils vivent. Uruburu s’interroge sur le monde des rêves. Uruburu est envahi par les problèmes et ne sait comment s’en débarrasser. Uruburu a peur du noir …
Ce livre se compose de sept contes, reprenant chacun des thématiques fortes liées aux soucis de l’enfance. L’autrice, Claude Halmos, est une psychanalyste reconnue, spécialiste des plus jeunes, qui écrit cette fois par le biais de la fiction et pour les enfants. Au pays des Tobobotos, Uruburu se fait accompagner, guider, conseiller par ses amis les animaux. Ses aventures sont autant de pistes de réflexion pour les enfants de notre monde. L’écriture est accessible, habitée par une fantaisie enfantine ; à l’instar des histoires que les écolier·ères aiment se raconter ou écrire. Cette fantaisie, on la retrouve également dans les illustrations de Delphine Jacquot. Ces personnages aux jolis profils et au charme désuet semblent être à la fois d’une grande droiture, et habités d’une folie douce. On reconnaît rapidement son trait et son univers si caractéristiques, empreint d’onirisme.
Carole
C’est l’histoire d’un lapin… Éminemment chic, éminemment classe… qui tombe amoureux d’une carotte. Effrayée par son prétendant aux longues quenottes, la carotte repousse ses avances. Commence alors une longue quête amoureuse pour le lapin, prêt à tout pour devenir l’heureux élu !
Quel bel album que Marions-les ! Éric Sanvoisin nous propose une histoire burlesque et très drôle sur la rencontre improbable entre un lapin et une carotte qui se transforme en love story ! L’auteur reprend les codes archi-classiques des contes de fées : la rencontre, les péripéties jusqu’à la chute finale… tout en les détournant. Ici, pour séduire sa belle, le lapin se voit contraint d’arracher ses dents pour lui prouver son amour ! Ce bel album, ode à la tolérance et à la différence, est mis en lumière et en couleurs par Delphine Jacquot. On retrouve le style très graphique de l’illustratrice qui nous plonge dans un monde coloré et fantastique, digne d’Alice aux pays des merveilles ! Les grandes planches nous dépeignent des univers raffinés (mention spéciale pour l’intérieur de la maison du lapin) où les carottes portent des robes en laitues pour se marier et où les animaux anthropomorphisés peuvent exercer toutes sortes de métiers (comme dentiste quand on est morse !). L’album est étonnant, riche en détail et séduira les plus jeunes !
Sarah
Il était une fois un sieur Lapin qui vivait dans un manoir. Coup de théâtre, un matin, ce monsieur reçoit une lettre… d’Amérique ! C’est une jeune belette, une actrice qui souhaite l’épouser. Elle lui demande de répondre à sa proposition en lui envoyant son portrait. Ni une, ni deux, Lapin décide d’aller se faire dessiner. Il demande conseil à son ami Cochon qui lui fait rencontrer Maître Renard… Un artiste très en vogue qui peint des tableaux très originaux… Lapin est circonspect… D’autant plus lorsqu’il découvre que Renard a peint un tableau monochrome blanc… Mais qu’importe, il ne connaît rien à l’art et tout le monde le félicite !
Avec Le portrait du lapin, Emmanuel Trédez nous propose une fable grinçante et cynique sur le monde de l’art et l’obsession du paraître. En effet, Lapin est un monsieur riche inculte en matière d’art. Il va se faire rouler dans la farine par son ami Cochon et Maître Renard – deux escrocs ayant flairé chez Lapin une proie naïve. Par souci de paraître « à la mode », par peur d’être ridiculisé, Lapin accepte de payer « l’œuvre »… même s’il reste circonspect. Tout est bien construit dans cet album, habile et fin. Le milieu mondain est particulièrement bien croqué, avec ses codes, son snobisme, son obsession de paraître « in » et sa terreur d’être mis sur le banc de touche. L’auteur nous narre ce récit sous forme de fable morale (ou finalement, on ne sait plus vraiment qui est le plus cynique…). Delphine Jacquot habille ce récit en rime de ses couleurs et de son style si particulier ! Ces illustrations sont superbes, précises et très détaillées. Elle nous plonge dans une ambiance très début du XXe siècle, croquant Cochon en Al Capone. C’est un hommage rendu à l’Art Moderne, puisque, l’illustratrice a glissé de nombreux indices au fur et à mesure des pages : là, on retrouve un oiseau représenté à la manière de Kiki de Montparnasse, ici un blaireau façon Picasso, là-bas un mobile à la Calder. C’est beau, foisonnant et stimulant pour nos yeux… On en redemande !
Sarah
L’oiseau Arlequin : conte birman Texte de Pascale Maret, illustré par Delphine Jacquot Thierry Magnier 18,80 €, 40 pages, 230×337 mm, imprimé au Portugal, 2011. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Bisha, la chèvre bleue qui parlait rrom Texte d’Alain Serres, illustré par Delphine Jacquot Rue du monde 16,50 €, 290×250 mm, 32 pages, imprimé en France, 2011. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
La belle au bois dormant ou songe de la vie ensommeillée Texte de Jean-Jacques Fdida, illustré par Delphine Jacquot Didier Jeunesse 15,95€, 138×198 mm, 60 pages, imprimé en France, 2012. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Le fil de soie Texte de Cécile Roumiguière, illustré par Delphine Jacquot Thierry Magnier 15,50 €, 180×230 mm, 40 pages, imprimé en Italie, 2013. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Les aventures improbables de Peter et Herman de Delphine Jacquot Les fourmis rouges 13€, 258×102 mm, 58 pages, imprimé en France, 2013. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Casse-Noisette Texte de Pierre Coran, illustré par Delphine Jacquot Didier jeunesse, dans la collection Contes et Opéra 24,90 €, 272×275 mm, 44 pages, imprimé en Espagne, 2015. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Un éléphant à NY Texte de Benoît Broyart, illustré par Delphine Jacquot Seuil Jeunesse 16 €, 180×130 mm, 40 pages, imprimé en France, 2013. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Réclamez des contes ! de Delphine Jacquot Les fourmis rouges 18,50 €, 248×340 mm, 40 pages, imprimé ,2016. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Monstres et Merveilles Texte d’Alexandre Galand, illustré par Delphine Jacquot Seuil Jeunesse 19,90 €, 282×395 mm, 48 pages, imprimé en France, 2018. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Conversation avec le loup Texte de Laurence Gillot, illustré par Delphine Jacquot Saltimbanque Editions 14,50€, 305×245 mm, 40 pages, imprimé en France, 2018. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Les aventures d’Uruburu Texte de Claude Halmos, illustré par Delphine Jacquot Albin Michel Jeunesse 19,60 €, 245×345 mm, 60 pages, imprimé en France, 2018. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Marions-les ! Texte d’Éric Sanvoisin, illustré par Delphine Jacquot L’étagère du bas 15 €, 180×330 mm, 48 pages, imprimé en France, 2019. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Le portrait du lapin Texte d’Emmanuel Trédez, illustré par Delphine Jacquot Didier Jeunesse 14,90 €, 276×308 mm, 32 pages, imprimé en France, 2020. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Née au début des années 90s, tour à tour professeure, amoureuse de la vie, de la littérature, de la musique, des paysages (bourguignons de son enfance, mais pas que…), des films d’Agnès Varda, des vers de Cécile Coulon et des bulles de Brétecher. Elle a fait siens ces mots de Victor Hugo “Ceux qui vivent ce sont ceux qui luttent”.