Aujourd’hui, je vous présente un album et un roman dont les héroïnes, l’une réelle et l’autre de fiction, ont su écouter leur cœur.
Dans le village de Salem vivent celles que l’on appelle les Souris de Salem, des sorcières à glacer le sang, qui font régner la terreur dans les environs. Cependant, parmi elles, se trouve une sorcière bien différente : elle a un cœur ! Et cette situation la rend terriblement triste. La vie serait tellement plus facile si elle n’en avait pas. Car avoir un cœur (on pourrait même dire avoir du cœur) l’empêche d’être méchante comme toutes les autres. Cette sorcière se nomme Grimelda Hauchecorne. Le soir de sabbat, la grande fête de la lune de sang, plutôt que de prendre part aux festivités, la souris Grimelda décide de quitter le village pour essayer de trouver une façon de se débarrasser de son cœur. Tour à tour, elle rencontre plusieurs personnages effrayants : un monstre, la fille de l’eau, un homme-arbre, une pauvre vieille. Plutôt que de se laisser épouvanter par ces êtres, très probablement sans cœur, Grimelda s’adresse à eux, tout naturellement, avec la ferme intention de découvrir le moyen de se libérer du sien. Mais ferait-elle fausse route ? La solution serait-elle ailleurs ?
Quelle surprenante sorcière, cette Grimelda ! Loin du cliché de la sorcière au nez crochu à la verrue poilue, nous faisons la connaissance d’une souris élégante, au port altier, aux grands yeux verts de personnage de cartoon et à la tenue très XIXe siècle : robe, gants fins et ombrelle en dentelle. Certes, elle vit dans un décor sombre et brumeux parmi des êtres mystérieux, mais elle semble bien différente ; et c’est cette différence, la façon de la vivre et de l’accepter, qui porte toute l’histoire. Avoir le cœur hypersensible, comme celui de Grimelda, n’est pas un handicap, pas plus que d’avoir le cœur brisé ou desséché. Il faut simplement apprendre à composer avec pour se libérer d’un poids qui pèse, souvent, bien trop lourd. Cassandra O’Donell, qui signe ici son premier album après s’être fait remarquer pour ses romans ado de littérature fantasy, a donné à son récit des allures de conte. Cependant, l’histoire ne s’adresse pas aux tout-petits. Le lecteur ou la lectrice doit être capable de comprendre le second degré, de soutenir une lecture dense et aimer se faire peur. Les illustrations de Jean-Mathias Xavier servent parfaitement le texte, dans un style gothique et romantique. La quête est longue, mais belle. Alors, ne regrettez pas les méchantes sorcières, vous allez adorer Grimelda !
Nous sommes au cœur de la Seconde Guerre mondiale, la jeune Gisèle vit et grandit à Tunis, où elle est née. En avril 1943, son grand frère Marcelo fuit pour rejoindre la Résistance en France. Suite à ses activités, Marcelo est déporté, mais survit au camp de concentration. À sa libération, en 1945, Gisèle se fait le devoir d’aller le chercher en France, pour le retrouver et le ramener en Tunisie bien sûr, mais aussi pour poursuivre ses études à La Sorbonne. Depuis toujours, elle se bat pour étudier ; elle rêve de devenir avocate. Ni l’époque, ni le lieu, ni sa famille ne sont favorables. Alors, chaque jour, elle doit se surpasser pour pouvoir espérer atteindre son but : partir pour la France.
En général, nous, adultes, connaissons bien Gisèle Halimi de par les nombreux combats qu’elle a menés en tant qu’avocate pour la cause des femmes, mais aussi contre le colonialisme. Les adolescent·es la découvrent, le plus souvent, en cours d’Histoire ou à travers des livres documentaires comme celui de Jessica Magana publié par Gallimard jeunesse, dans la collection Les Grandes Vies (chroniqué ici) ou celui d’Évelyne Morin-Rotureau publié par Oskar éditions (chroniqué ici), parus ces dernières années. Dans cet ouvrage, la forme est différente : d’abord, parce que nous avons affaire à un roman, et donc à de la fiction (bien que celle-ci se base sur une documentation riche) ; ensuite, parce que c’est de son enfance qu’il est question. Ces deux points originaux sont intéressants dans la mesure où ils nous laissent entrevoir son parcours de femme et nous permettent de le comprendre. Le récit de Maïa Brami fait de nombreux allers-retours entre le passé et la période de narration. Ce genre de procédé peut parfois être déstabilisant pour le ou la jeune lecteur·rice, mais l’autrice réussit à rendre cela finalement assez fluide. De par les combats qu’elle a portés et les valeurs qu’elle a défendues, Gisèle Halimi reste un exemple pour nos filles et nos garçons. Un livre à mettre entre toutes les mains !
Grimelda Hauchecorne – La souris de Salem![]() Texte de Cassandra O’Donnell, illustré par Jean-Mathias Xavier Flammarion jeunesse 13 €, 247 x 281 mm, 48 pages, imprimé en Espagne, 2022. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
La révolte au cœur![]() de Maïa Brami Albin Michel jeunesse, dans la collection Litt’ 15,90 €, 145 x 215 mm, 312 pages, imprimé en Espagne, 2022. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |

Fille des années 80, amoureuse des livres depuis toujours. La légende raconte que ses parents chérirent le jour où elle sut lire, arrêtant ainsi de les réveiller à l’aube. Sa passion des livres, et plus particulièrement des livres jeunesse, est dévorante, et son envie de partage, débordante. Elle est sensible aux mots comme aux images, et adore barboter dans les librairies et les bibliothèques. Elle aime : les albums au petit goût vintage et les romans saisissants, les talentueux Rebecca Dautremer et Quentin Gréban, les jeunes pousses Fleur Oury et Florian Pigé, l’humour d’Edouard Manceau et de Mathieu Maudet, les mots de Malika Ferdjoukh et de Marie Desplechin.



