Les cours de récré et les bacs à sable sont aussi bien des lieux de jeux que de conflits pour les bandes d’enfants qui s’y croisent. Corde à sauter et parties de loup endiablées côtoient parfois brimades et bagarres, et des choses très douloureuses peuvent survenir là où l’on ne s’y attend pas… Il est alors très important de pouvoir en parler et de se savoir entouré·e, car enfance ne signifie pas tout le temps insouciance.
Un trio de petites filles s’amuse dans une aire de jeu : elles y accaparent la plus grande cabane et y partagent des bonbons avec les plus jeunes. En tant qu’aînées, elles ont à cœur de donner l’exemple et toujours prouver à quel point elles sont gentilles. Sauf vis-à-vis d’Harald, qu’elles évitent soigneusement, car elles le trouvent trop bête et toujours trop lent à comprendre. Alors, sont-elles aussi gentilles qu’elles le prétendent ?
Grâce à des illustrations pimpantes et une écriture tout en finesse, Sanna Borell questionne les relations entre enfants, qui se montrent parfois bien plus conflictuelles et exclusives qu’il n’y paraît. Trop gentilles !, c’est donc le récit banalement courant des brimades et de l’isolement autour des bacs à sable… Mais pas que !
La courte histoire encourage les lecteurs et lectrices à aller au-delà de leur première impression et à s’interroger sur la sympathie dont se vantent tant les héroïnes. Suffit-il de se prétendre bienveillant·e pour l’être réellement ? A-t-on soi-même des comportements qui peuvent blesser les autres, même sans le vouloir ? À nous (lecteur·rices de tout âge) de nous faire une idée sur les intentions de ces fillettes trop gentilles !
Comme le propos n’est jamais clairement appuyé de manière tranchante, il peut être intéressant d’accompagner la lecture de cet album. Car comme l’exclusion et le rejet sont abordés sans jugement et sans être pointés du doigt, ils peuvent être durs à comprendre pour les plus jeunes.
Trop gentilles ! propose un support parfait pour aborder ces sujets parfois durs à cerner pour les enfants, et permettra d’engager un dialogue passionnant autour de la perception que l’on se fait des autres et les préjugés (même inconscients) qui peuvent en découler !
Léonie est une préado bien dans sa peau. Elle aime l’école, y retrouver ses deux copines Louise et Marie et apprendre plein de choses passionnantes tous les jours. Jusqu’au moment où une certaine Estelle la prend comme cible pour ses moqueries, en l’affublant notamment du surnom de Bugs Bunny à cause de ses dents qui avancent. Peu à peu, d’autres élèves se joignent à elle et très vite Léonie ne sait plus comment faire face à cette vague de méchanceté gratuite et répétée qui l’écrase.
Roman court et simple à lire, Harceler n’est pas jouer décortique avec efficacité le harcèlement scolaire : comment il prend forme, la manière dont il s’accroît et les dégâts sans retour qu’il peut engendrer. Léonie passe par différents stades, ressent la brûlure de la honte, la colère de ne pas savoir comment réagir ou encore la tristesse de l’isolement. Elle ne sait pas comment faire pour stopper le flot de paroles blessantes qu’elle se prend en pleine figure.
Très vite, les mots s’accompagnent de pincements, suivis de coups et les jours d’école deviennent un vrai calvaire. Impuissantes, Louise et Marie ne savent pas comment venir en aide à leur amie ni comment arrêter cette dégringolade infernale, marquée par une surenchère gratuite de méchancetés et de violences verbales et physiques.
Delphine Pessin décrit très bien le sentiment paralysant que ressentent les victimes de harcèlement, ainsi que l’incapacité qu’elles rencontrent souvent à en parler à leurs parents ou à un adulte. Elle intègre également le personnage d’Oscar (un élève brimé, car jugé bizarre, y compris par Léonie elle-même) qui va permettre à l’héroïne de se remettre en question et de se rendre compte de son propre comportement, involontairement excluant.
Dans Harceler n’est pas jouer, des solutions sont proposées pour détecter le harcèlement et s’en protéger au mieux. J’ai trouvé que le message reste bienveillant tout le long : il n’est jamais question de vengeance, mais plus d’action de contrepoids, d’idées pour déverrouiller des situations et en sortir plus fort·e. L’autrice parvient à y porter un regard déculpabilisant sur les brimé·es, sans jamais tomber dans le pathos ni minimiser la gravité du problème.
Un roman équilibré et juste, qu’il est important de mettre entre toutes les mains.
Ève a 9 ans, et à cet âge on est censé se soucier de pas grand-chose. Par exemple la fin des grandes vacances, et savoir si l’on est dans la même classe que son ou sa meilleur·e ami·e à la rentrée… Et aussi, avec un peu de chance, que la personne dont on est secrètement amoureux·se !
Alors Ève explose de joie quand elle apprend que le beau Thomas sera avec elle ! Et soupire aussi d’agacement en constatant qu’Émeline aussi… Il faut dire que cette dernière la colle un peu trop, et que son énergie débordante est parfois fatigante !
Mais cette année scolaire qui s’annonçait bien partie va être marquée par un drame qui va tout chambouler sur son passage, les enfants comme les adultes. Ensemble, ils et elles vont alors devoir apprendre à se reconstruire et à avancer.
La maladie et la mort enfantines sont des sujets très douloureux et délicats à aborder, surtout en littérature jeunesse. Comment appréhende-t-on le deuil à neuf ans, quand il arrive brusquement ? Vint-cinq moins un explore ce sujet à travers les yeux d’Ève, mais aussi du point de vue de Madame Audrey, la maîtresse de la classe.
Par le biais des deux narrations croisées et écrites à la première personne, Geneviève Piché nous place directement au cœur de la foule de sentiment qui nous submergent face à la disparition d’un·e proche. Culpabilité, remords, tristesse et colère viennent s’abattre sur les protagonistes, qui vont chacun·e vivre le deuil à leur manière.
La question de la responsabilité vient s’insinuer chez Ève, provoquant alors un repli sur elle-même. De son côté Madame Audrey doit mettre sa peine de côté et expliquer du mieux qu’elle peut ce qu’est la mort à des enfants bien trop jeunes pour y être confronté·es. Elle couche sur papier ses craintes, ses interrogations et ses joies dans un monologue touchant adressé au ou à la disparu·e.
Prendre le temps de comprendre puis d’accepter le deuil et la maladie, trouver une nouvelle dynamique sans oublier la personne disparue…
Vingt-cinq moins un est une histoire touchante de reconstruction écrite avec beaucoup de douceur.
Trop gentilles !![]() ![]() Versant Sud dans la collection Petites histoires nordiques 13,50 €, 191×256 mm, 32 pages, imprimé en Europe, 2021. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Harceler n’est pas jouer![]() ![]() de Delphine Pessin Alice éditions dans la collection Deuzio 12 €, 140×210 mm, 80 pages, imprimé en France, 2021. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Vint-cinq moins un![]() Alice éditions dans la collection Deuzio 13 €, 140×210 mm, 180 pages, imprimé en France, 2021. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |

Approche de la trentaine, et en a profité pour perfectionner ces petites choses si importantes qui font un tout. Vivre les livres, dessiner et créer des trucs, pour relier le dehors au dedans. Aime la nature, les histoires qui donnent espoir, celles aux allures de vieux grimoires, les BD hypersensibles et les images colorées.
Se retrouve dans le travail de Tarmasz, de Tayou Matsumoto, de Bretch Evens.