Entre ferme abandonnée, maison d’enfance quittée le cœur serré ou bien quête de la maison rêvée, qu’elles soient inoccupées ou habitées, les maisons ont une âme. Les trois albums du jour vont vous le confirmer.
Au bout d’un chemin bordé de mauvaises herbes, surgit toute délabrée, une ferme. Il y a bien longtemps, elle avait accueilli une famille de douze enfants. La vie y palpitait sans cesse, entre les rires et les jeux d’enfants, la traître et les corvées à la maison et dans les champs. Abandonnée depuis, Sophie Blackall lui redonne vie en la retapant et en contant son histoire.
En une longue phrase ample, savamment équilibrée et rythmée, les lecteurs et les lectrices retiennent leur souffle et gardent leurs yeux grand ouverts pour découvrir les trésors que recèle une vieille ferme abandonnée et décrépite, autrefois pleine de vie. Tombée sous le charme de cette vieille bâtisse, l’artiste a décidé de l’acheter pour la retaper et livrer à son lectorat son histoire. Elle s’est ainsi plongée dans les vestiges enchanteurs des vies de ses ancien·nes habitant·es. Dès lors, l’autrice redonne assurément une âme à cette ferme délabrée qui contenait une maisonnée, grâce aux souvenirs, trésors et secrets du passé accumulés par celleux qui y ont habité : vêtements, photographies, vaisselle, etc., ces mêmes objets qui constituent la mémoire d’un lieu. Les lecteur·rices assistent alors à la réhabilitation pour ne pas dire renaissance de cette ferme autrefois habitée et désormais rafraîchie sous les doigts de Sophie Blackall, en tant qu’artiste et rénovatrice. Ainsi, dans cet album remarquablement, minutieusement et soigneusement illustré (à l’encre de Chine, à l’aquarelle, à la gouache, aux crayons de couleur ainsi qu’avec des matériaux récupérés), Sophie Blackall embarque les lecteurs et les lectrices dans un récit atypique et émouvant : l’histoire d’une maison qui existera pour toujours tant qu’on lira son histoire.
Le parfum d’une tarte aux myrtilles la fait sourire, elle se transforme en berceau la nuit venue pour accueillir les rêves de son jeune propriétaire et elle le défend même contre les voyous qui s’en prennent à lui. Elle ronfle en hiver et frissonne de plaisir lorsqu’on la repeint. Elle, c’est la maison d’enfance d’Arthur Dreyfus.
L’attachement à une demeure tient d’abord aux souvenirs d’enfance, aux rituels vécus, etc. Habiter une maison, c’est considérer son lieu de vie comme un « être vivant » avec qui l’on va entamer une relation à plus ou moins longue échéance. Et c’est exactement le cas dans cette histoire : un jeune garçon nous conte l’amour qu’il porte à sa maison d’enfance. L’attachement est d’ailleurs si fort qu’il ne souhaite pas la quitter même durant les vacances. Véritable amie et confidente, la maison du jeune narrateur est ici personnifiée et devient par là même l’héroïne de l’histoire. Ne dit-on pas d’ailleurs que les murs ont des oreilles ? La maison est gardienne des secrets et témoin des premiers émois. Les objets qui la composent en sont la mémoire. Jusqu’au jour où le couperet tombe, il faut déménager. Les illustrations réalistes, poétiques et sensibles, en parfaite adéquation avec le texte, ajoutent un supplément d’âme à cette maison qui en devient encore plus attachante, renvoyant les lecteur·rices, petit·es et grand·es, à leurs propres souvenirs dans des lieux marquants et fondateurs. C’est de cette conscience entre l’âme de sa maison et de l’individualité propre du jeune garçon que naît une relation vivante et que sa maison devient vivante, comme annoncé plus haut. Et de cette relation intime, naissent l’harmonie et l’attachement profond qu’il ressent pour elle. Ainsi, grand·es et petit·es lecteur·rices se reconnaîtront probablement dans cette histoire et en seront ému·es, voire bouleversé·es. Comme j’ai pu l’être. En outre, on notera avec régal la part faite à l’imagination dont ne manque pas le jeune narrateur pour rendre sa maison plus vivante et chaleureuse que jamais. The last but not least, cet album est le fruit d’une rencontre incroyable, d’« un étrange hasard », précise l’auteur interrogé par mes soins. En effet, ce dernier a rencontré l’illustrateur et est tombé amoureux de son travail lors d’un « concert dessiné » de Florent Marchet qu’il mettait en image. Il lui a alors parlé de son projet d’album. Le plus incroyable est que sans le savoir, l’auteur avait mis en mots la véritable maison d’enfance de l’illustrateur (bâtie en bois, située en bordure de forêt, la chambre à l’étage, sa forme biscornue…). La suite, je viens de vous la présenter. Rêve et réalité se sont ainsi entremêlés pour proposer un album touchant qui rappelle à quel point les lieux peuvent être fondateurs et nourrir l’imaginaire.
Cendrillon en a assez ! Terminées les corvées, elle veut déménager ! Finies la belle-mère et les belles-sœurs qui la mettent en sueur ! Elle se met donc en quête de la maison idéale, mais elle tombe sur tout, sauf des maisons banales. En effet, toutes sont occupées par d’autres personnages de contes de fées. Trouvera-t-elle son nid douillet ?
Sur le principe de la devinette, les artistes invitent les petit·es et grand·es lecteur·rices à trouver à qui appartiennent les maisons visitées en chemin par la pauvre Cendrillon qui en avait assez d’être traitée comme une souillon. Qui habite cette maison pleine d’objets de tailles différentes ? Qui vit dans cette ample demeure où trône un lit surplombé de vingt matelas ? Texte dynamique, tout en rimes et très rythmé, illustrations pleines d’espièglerie et bourrées de petits détails
savoureux font de cet album un ouvrage idéal pour retenir l’attention des jeunes lecteur·rices, en créant ainsi une certaine connivence avec elleux. Également, un album plaisant à exploiter en maternelle afin d’activer les souvenirs des élèves quant aux contes qui ont bercé leur enfance, et qui promet des instants de complicité entre les lecteur·rices. Petits plus, une page blanche invite ces dernier·ères à dessiner leur maison idéale à la fin de l’ouvrage et le site Internet de la maison d’édition propose des activités gratuites autour de l’album à exploiter en classe ou à la maison.
La ferme![]() ![]() de Sophie Blackall (traduit de l’anglais par Ilona Meyer et Caroline Drouault) Les éditions des éléphants 15,50 €, 256×256 mm, 48 pages, imprimé en Slovaquie, 2023. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Ma maison et moi![]() ![]() Texte d’Arthur Dreyfus, illustré par Elliot Royer Robert Laffont 16 €, 211×258 mm, 56 pages, imprimé en France, 2023. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
À qui était cette maison ?![]() ![]() Texte de Lotie Blanca, illustré par Manon – La douce journée Ebla jeunesse, dans la collection Questions 11 €, 165x275mm, 22 pages, imprimé en Europe, 2022. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |

Les pieds sur terre et la tête dans les nuages, Laetitia est une éternelle rêveuse qui partage sa vie entre la terre et la mer. Bien que tombée dans la marmite aux mots dès l’enfance, ce n’est que sur le tard qu’elle se découvre une passion pour la Littérature jeunesse avec un L majuscule et collectionne depuis lors les albums qui font la part belle à l’imagination et font l’éloge des mots.


