Cet été, comme l’été dernier, vous pourrez lire, tous les mercredis, une question d’enfant et la réponse d’auteur-e-s, illustrateur-trice-s, éditeur-trice-s… Aujourd’hui, c’est une question de Raphaël, 12 ans : « À propos du titre d’un livre, est-ce que celui-ci est trouvé avant de commencer à écrire ou après ? Est-ce que ça pose parfois problème à l’auteur d’en choisir un ? Est-ce que l’éditeur peut demander à en trouver un autre ? ». Les auteur-e-s Jean-Luc Englebert, Charlotte Moundlic, Annelise Heurtier, Clémentine Beauvais, Gaël Aymon, Ghislaine Roman et Cécile Roumiguière et les éditrices Mélanie Decourt, Christelle Renault et Odile Josselin ont accepté de lui répondre, vous découvrirez, en même temps que lui leurs réponses. Chacune des questions retenues fait en plus gagner un ouvrage à l’enfant qui l’a posée. Cette question permet donc à Raphaël d’avoir la chance de recevoir, grâce à l’école des loisirs, La pyramide des besoins humains de Caroline Solé, un super roman qui raconte l’histoire d’un jeune SDF qui va devenir le héros d’une téléréalité.
« À propos du titre d’un livre, est-ce que celui-ci est trouvé avant de commencer à écrire ou après ? Est-ce que ça pose parfois problème à l’auteur d’en choisir un ? Est-ce que l’éditeur peut demander à en trouver un autre ? » (Raphaël, 12 ans)
Jean-Luc Englebert :
Le titre peut être trouvé au moment où j’invente l’histoire.
Mais le plus souvent je le trouve une fois que mon texte est écrit, voire même tout à la fin au moment de rendre mes illustrations à mon éditrice.
J’ai souvent du mal à trouver le bon titre, et j’en discute beaucoup avec Odile Josselin (éditrice chez Pastel).
Parfois je trouve un titre et mon éditrice me demande de le changer.
Ça arrive.
Parfois c’est juste un mot qui change : j’avais trouvé « Raconte-moi une histoire » et mon éditrice a préféré « Donne-moi une histoire ».
Jean-Luc Englebert est auteur et illustrateur. Il vient de sortir Donne-moi une histoire (Pastel) dont il a fait le texte et les illustrations et Ulysse 15 de Christine Avel (l’école des loisirs) qu’il a illustré. À la rentrée, on découvrira Un ours à l’école (Pastel).
Son site : http://englebert.ultra-book.com/portfolio.
Charlotte Moundlic :
Cher Raphaël,
me concernant c’est pour chaque livre différent.
Il arrive que je n’aie pas d’idée de titre ou alors qu’elle soit mauvaise.
À ce moment-là s’engage une discussion avec l’éditeur où chacun donne ses propositions.
On dit tout ce qui nous passe par la tête, ça part dans tous les sens et puis d’un coup, il y en a un qui sort du lot et devient évident. On finit toujours par tomber d’accord.
Le pire c’est quand tout le monde trouve que le titre est bien, et qu’on réalise qu’il est déjà utilisé pour un autre ouvrage.
C’est alors très compliqué d’en trouver un autre, d’avoir une autre idée alors qu’on sait qu’elle est bonne.
Et même si on en trouve toujours un autre, on garde un petit regret pour celui qu’on n’a pas pu utiliser.
Charlotte Moundlic est auteure. Elle alterne les albums et les romans. Son dernier roman, Je suis le fruit de leur amour, est sorti chez Thierry Magnier, son dernier album, Le papa de Simon (d’après une histoire de Maupassant, illustré par François Roca), chez Milan.
Retrouvez l’interview que nous avons réalisée d’elle ici.
Annelise Heurtier :
Bonjour Raphael !
Cela dépend des cas ! Pour chaque livre, le processus de choix du titre est une nouvelle aventure. Parfois, le titre s’impose de lui-même à l’auteur, avant même qu’il ne commence à rédiger, ou dès les premiers chapitres.
Parfois, c’est plus difficile. On hésite entre-deux, ou même, on ne trouve rien… Mon éditrice est d’avis que cela n’est pas bon signe : quand on n’a absolument aucune idée de titre, selon elle, c’est que l’histoire n’est pas claire ! Je crois qu’elle a raison.
En tous cas, le rôle de l’éditeur est déterminant : il valide ou non le titre (il doit d’ailleurs s’assurer qu’il ne s’agit pas d’un titre déjà utilisé pour un autre livre), aide l’auteur à en trouver un autre si besoin. Car le titre, comme l’image de couverture, est un élément très important. Il doit être accrocheur, facile à mémoriser, original, tout en représentant bien le roman et son style. Son choix est souvent propice à de nombreux débats : doit-on choisir un titre un peu mystérieux, qui ne révèle rien de l’intrigue, ou à l’inverse, doit-on déjà faire en sorte que le lecteur comprenne de quoi il retourne… C’est aussi un peu subjectif, d’où les difficultés que l’on rencontre parfois pour se mettre d’accord sur un choix !
Annelise Heurtier est auteure de romans et d’albums. Son dernier roman Refuges est sorti chez Casterman. Son dernier album, Combien de terre faut-il à un homme, chez Thierry Magnier.
Retrouver ici une interview que nous avions réalisée d’elle.
Le site d’Annelise Heurtier : http://histoiresdelison.blogspot.fr.
Clémentine Beauvais:
Ça dépend des livres ! Parfois, on trouve le titre tout de suite, voire avant même de commencer à l’écrire – c’est le meilleur cas de figure, parce que ça veut généralement dire qu’il est très bien, et qu’on n’a pas à se tracasser plus longtemps. Par exemple, pour mon livre Comme des images, j’avais le titre en tête depuis le début. Parfois, on met des semaines, voire des mois à trouver un bon titre. Ça peut être très stressant. Et oui, l’éditeur peut exiger de changer le titre et mettre un titre qui lui convient – Les petites reines par exemple s’appelait « Les trois boudins » et l’éditeur ne voulait pas de ce titre-là !
Clémentine Beauvais écrit des romans (le dernier : Les petites reines, sorti chez Sarbacane) et des albums (le dernier : Lettres de mon hélicoptêtre, chez Sarbacane également). À la rentrée, on découvrira Les bébés ça pue chez Hachette.
Retrouver ici l’interview que nous avions réalisée d’elle.
Le site de Clémentine Beauvais : http://www.clementinebeauvais.com.
Gaël Aymon :
Je trouve certains titres avant même d’écrire l’histoire, comme « Le fils des géants ». Pour le roman Ma réputation, par exemple, j’ai terminé l’écriture sans avoir de titre et j’ai cherché les mots dans le texte qui résumaient le mieux l’histoire. Et puis il y a les titres sur lesquels on n’est pas tout de suite d’accord, l’éditeur et moi. Parfois, c’est l’éditeur qui finit par trouver le bon. Ça m’arrive très rarement je dois dire mais c’est le cas du roman Une place dans la cour.
Gaël Aymon alterne romans (Le conte des trois flocons, chez Bayard, et Aux portes de l’oubli, chez Actes Sud Junior, viennent de sortir) et albums (Perce-Neige et les trois ogresses, chez Talents Hauts est le dernier en date).
Retrouver ici l’interview que nous avions réalisée de lui.
Le site de Gaël Aymon : http://gaelaymon.com.
Ghislaine Roman:
Choisir le tire d’un album, ce n’est pas rien. C’est un peu comme choisir le prénom d’un enfant. Ces mots vont le désigner pendant un temps qu’on espère, bien sûr, le plus long possible.
Parfois, quand j’écris un texte, le titre me vient en tête, comme ça, sans crier gare, en douce. Il s’impose à moi. Il semble évident. C’est ce qui s’est passé par exemple pour La poupée de Ting-Ting. À aucun moment je n’ai envisagé que cet album puisse s’appeler autrement.
Ce n’est pas toujours le cas. D’autres titres connaissent de drôles d’aventures. La mémoire de mon ordinateur en garde fidèlement la trace. Jusqu’à cinq titres en cours d’écriture ! Et au final, un sixième sur la couverture !
Quel est l’enjeu, au fond ? Il faut que les mots choisis en disent un peu, mais pas trop. Qu’ils donnent envie d’en savoir plus et qu’ils guident un peu le lecteur dans son choix. Ils ne doivent pas le tromper, l’égarer… mais ils doivent aussi le surprendre. Ce n’est pas si simple. D’autant plus qu’il sort des milliers de livres chaque année et que parfois, le titre est déjà pris. Ainsi Un jour, deux ours s’appelait à l’origine « Une rencontre ». Mais en consultant les bases de données en ligne, nous nous sommes aperçus que beaucoup de livres s’appelaient ainsi. Nous avons donc décidé de le changer pour lui donner une meilleure visibilité.
Il m’arrive aussi de ne pas trouver d’idée de titre. Bien sûr, j’en écris un en en-tête de mon manuscrit mais je sais qu’il ne convient pas, qu’il va falloir en discuter. C’est un titre « martyre », un titre dont je sais qu’il est provisoire et qu’il va donner l’occasion de réfléchir avec l’éditeur. On en parle ensemble, et il est même arrivé que ce soit l’illustrateur qui en suggère un et qu’il soit choisi. Cela s’est produit deux fois et j’ai trouvé ça génial.
Le plus douloureux, c’est le titre qu’on aime, dont on est fier… et qui se voit refusé ou modifié par l’éditeur. C’est un moment de frustration qui ne dure pas mais qui est tout de même très agaçant.
C’est ce qui m’est arrivé pour un de mes prochains albums et cela m’a tenue éveillée une nuit entière. J’en ai parlé avec des amis auteurs, illustrateurs et tous m’ont dit qu’ils avaient connu la même déception au moins une fois. Cela m’a aidée à prendre du recul et maintenant tout cela me paraît un peu dérisoire. Je comprends la position d’un éditeur. Cela coûte cher de faire un livre alors bien sûr, il essaye de mettre toutes les chances de son côté, du côté du livre, et donc de mon côté aussi. Parfois, c’est moi qui gagne la partie et je n’en suis pas mécontente. Pour OUF ! par exemple, j’ai tenu bon et le titre n’a pas été changé !
Un dernier point : en littérature de jeunesse, le rapport que le titre entretient avec l’image de la couverture est essentiel. S’ils se complètent bien, si « ça colle », cela crée une sorte d’énigme qui donne envie de tourner les pages et de partir à la découverte de l’histoire. C’est une chimie un peu mystérieuse et le rôle du graphiste est très important.
Tu vois, Raphaël, qu’on parle du titre ou d’un quelconque aspect d’un album, on finit toujours par arriver à la même conclusion : tout seul, on ne peut rien. Faire un livre, c’est un sacré travail d’équipe !
Ghislaine Roman est auteure. Son album Un jour, deux ours (illustré par Antoine Guilloppé et édité par Gautier Languereau) vient de ressortir et son tout dernier album, Ouf ! (illustré par Tom Schamp et édité par Milan) est sorti le mois dernier.
Retrouvez Ghislaine Roman sur son site : http://www.ghislaineroman.fr.
Cécile Roumiguière :
Le titre arrive… quand il veut. Parfois, on commence à écrire une histoire à partir d’un titre, à partir de deux ou trois mots qui mis ensemble ouvrent tout un univers. D’autres fois, à la fin de l’écriture, on ne sait toujours pas comment s’appellera le livre, et l’éditeur peut donner son avis, bien sûr. Certains éditeurs même, adorent trouver des titres. Entre les deux, souvent, on hésite, on trouve un titre en cours d’écriture, puis il change. Et souvent, à la fin, ce sont les « commerciaux », c’est-à-dire ceux qui présentent nos livres aux libraires pour qu’ils aient envie de les proposer dans leur magasin, ce sont eux qui demandent à changer le titre pour qu’il soit « plus vendeur ». Et là, l’auteur résiste, discute, ou cède, ça dépend si le titre lui plaît beaucoup où s’il n’est pas très important pour lui. Il faut aussi vérifier que le titre n’existe pas déjà, il y a tellement de livres, de films, de chansons…
Cécile Roumiguière est auteure. Elle alterne romans et albums, elle vient d’ailleurs de sortir un roman chez La joie de Lire (Lily) et un album chez À pas de loups (Sur un toit un chat). À la rentrée, on découvrira Mon chagrin éléphant (Thierry Magnier).
Le site de Cécile Roumiguière : http://www.cecileroumiguiere.com.
Mélanie Decourt
Comme la couverture, le titre est du ressort de l’éditeur ou de l’éditrice. Et, pour les mêmes raisons que la couverture, car l’éditeur est la personne qui connaît le contenu du livre et sait à quel type de lecteurs-lectrices on le destine et donc comment il doit s’appeler pour attirer son public.
Parfois l’auteur a trouvé dès le départ un très bon titre et on le garde jusqu’au bout.
Parfois il n’y a pas de titre ou un titre pas terrible, alors l’éditeur fait des propositions qui seront débattues avec l’équipe de la maison d’édition et l’auteur.
Il est important de trouver le titre avant que le graphiste et l’illustrateur réalisent la couverture. En effet, le titre met en avant un des aspects du livre et l’image doit s’adapter à ce sujet. SI le titre change, c’est toute la couverture qui change.
Mélanie Decourt est directrice éditoriale (albums et fictions) chez Nathan après avoir été éditrice chez Talents Hauts, maison qu’elle a co-fondée.
Odile Josselin :
On en discute toujours avec les auteurs. Le titre est important, comme la couverture pour donner envie, intriguer. Certains auteurs y pensent très tôt et ça les stimule. Par exemple Michel Van Zeveren s’était amusé à trouver des expressions qui reviennent toujours chez les enfants : « Et, pourquoi », « C’est à moi, ça » « C’est pas grave ». Lorsqu’on est d’accord, je dois vérifier si le titre est encore disponible car sinon cela peut être embêtant pour les commandes des libraires. C’est à moi ça s’appelait d’abord « C’est à moi ». On a rajouté un petit mot pour ne pas avoir de problème et il est très bien comme ça maintenant !
Il est vrai que parfois l’auteur n’a pas d’idée car il s’est concentré sur l’histoire, les dessins et toutes les autres questions. Alors on cherche ensemble. Certaines fois ça prend plus de temps.
Odile Josselin est éditrice chez Pastel. Elle est l’éditrice de Jean-Luc Englebert (cf plus haut).
Christelle Renault:
Cela dépend ! Certains auteurs trouvent leur titre avant d’écrire leur histoire, d’autres ne le trouvent qu’à la fin. Il se peut aussi que le titre change en cours de route. C’est très dur de trouver un titre accrocheur, original, attirant, qui résume bien l’histoire du livre, et qui ne soit pas déjà utilisé.
Donc oui, parfois, l’éditeur doit aider l’auteur à trouver un bon titre pour son livre.
Christelle Renault est éditrice album à l’école des loisirs.

Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !
Pas facile de trouver un titre en effet.
Par contre pour revenir aux titres déjà donnés, Je m’interroge alors sur le carnet rouge d’Anne-Lise Heurtier.