Cet été, on vous a proposé encore une nouvelle rubrique pour nos invité.e.s du mercredi. Après les questions sur les métiers et les questions des enfants, on a proposé cet été à des auteur.e.s et des illustrateurs.trices de poser trois questions à un.e auteur.e ou un.e illustrateur.trice de leur choix. Puis à l’interviewé.e d’en poser une à son tour à son intervieweur.euse d’un jour. Après Jean-Luc Englebert et Benjamin Chaud, Fred Bernard et Loïc Clément, Marine Carteron et Clémentine Beauvais, Clément Lefèvre et Matthieu Maudet, Dorothée de Monfreid et Clothilde Delacroix, Élice et Annelise Heurtier, Michaël Escoffier et Laure Monloubou, Francesco Pittau et Célia Chauffrey, on boucle la boucle puisqu’on termine avec celui avec qui on avait commencé, Benjamin Chaud ! et c’est à Kitty Crowther qu’il a choisi de poser des questions.
Benjamin Chaud : Il y a une telle liberté dans tes histoires et tes dessins, comment procèdes-tu pour la garder ? (Est-ce que tu fais beaucoup de brouillons, tu recommences plein de fois, tu as une idée précise en commençant ?….)
Kitty Crowther : J’espère que tes moutons vont bien. Au passage dans la vallée, je lis ta question sur la liberté. Et cela me touche et me ravit.
C’est une chose que j’aime profondément et que je cherche à tout instant.
Cet endroit où la liberté et la grâce se croisent.
Je rêve/songe/réfléchis beaucoup. Je ne trouve pas le bon mot. Méditer serait bien. Quoiqu’il y a souvent une confusion dessus.
Je suis tombée sur cette phrase de Joyce Carol Oates, « Un roman ne commence pas sur la page, mais en méditation, et à rêvasser- en pensée, mais pas en écrivant…- »
Méditer, c’est un endroit où nous sommes le plus proche de nous-mêmes.
Un espace blanc, où toute histoire veut prendre forme.
Rester très honnête avec soi-même.
Le chemin de chaque livre n’est jamais vraiment le même.
Parfois, il commence dans la tête. Parfois il arrive en dessinant. C’est rare que je force la porte. Des fois bien sûr, cela coince horriblement. (Personnage coincé, peu habité) Soit j’attends. (Faire autre chose, chanter aux moutons, les tondre et que sais-je).
Soit je fais des brouillons, je cherche un souffle : très organique. Mais si cela coince au bout de deux trois dessins, je retourne aux moutons.
Je dirais aussi que c’est le processus qui compte à mes yeux. Bien sûr que je pense au résultat. Mais chaque chose en son temps. Une chose après l’autre.
Il y a toujours une partie de moi qui reste en alerte, pour l’histoire en cours. Et je la nourris au fil du temps.
Dessiner des choses que l’on aime passionnément. Et toujours aller dans des endroits d’inconfort. Juste là où nous n’avons pas pied. Faire ce que l’on sait faire, avec une partie difficile en plus. Rester vigilant.
Je me méfie de mes propres tics de langage (écrits ou visuels).
C’est comme un dialogue entre la feuille et moi-même.
Benjamin Chaud : En quoi avoir gagné l’Alma price (NDLR : Prix Astrid Lindgren) a changé ta façon de travailler ?
Kitty Crowther : Peut-être ceci : accepter que je suis plutôt douée pour les histoires. (écrites et dessinées).
Avoir presque l’assurance de trouver toujours un éditeur (francophone et étranger).
Avoir reçu ce prix-là, c’est comme appartenir à une famille.
Heureuse de faire le mieux possible.
Le « gens » d’Alma, – jury – président du jury, continuent à s’informer de ce que je fais. De toutes mes publications.
J’ai une admiration sans bornes pour Astrid Lindgren.
Benjamin Chaud : Tes histoires traitent de thèmes importants qui s’adressent aussi bien aux enfants qu’aux adultes, envisages-tu de faire un jour un album qui ne s’adresserait qu’aux adultes ?
Kitty Crowther : J’aime beaucoup que tu dises album adulte (qui ne s’adresse qu’aux adultes).
J’ai déjà publié un livre qui s’appelle Petits meurtres et autres tendresses paru chez Seuil en 2004.
(trouvée sur le net, j’adore cette critique : VanessaV, 19 avril 2012, « Petits meurtres et autres tendresses de Kitty Crowther est une proposition pour adulte. Un album de dessins avec une phrase accolée, des mots doux, de beaux sentiments… non, non, oh surtout non : plutôt toutes les possibilités de mettre fin à une vie de couple… des plus petits sévices comme sur les illustrations présentées là, aux plus grandes tortures ou morts. Ce petit livre est jubilatoire (…). Un livre à tourner page à page pour découvrir toute l’animosité en dessins, en grimaces, en regards mauvais. Jouissif, il y en a pour les deux partenaires. Les illustrations de Kitty Crowther sont toujours superbes, les femmes et les hommes sont bien normaux, avec des vices, des défauts (et pas que cachés), ils sont grimaçants et sadiques »)
Il faut signaler que c’était le livre préféré de mon fils quand il avait 10 ans !! Haha.
Je suis toujours surprise par les adultes qui disent que ce n’est pas un livre pour les enfants. Comme si c’était un seul lecteur. Qu’est-ce que cela veut dire ? Un livre pour les enfants.
Il y a des tas de lecteurs différents. Certains enfants sont plus adultes que des adultes.
Et l’inverse aussi. Des adultes terriblement enfantins.
Je ne t’apprends rien en disant ça.
Je crois à la diversité des lectures.
Mais pour répondre correctement à ta question. J’ai envie d’écrire entre texte et poésie. Mais sans images.
Et faire des images « one shot » un peu street art/tribal/dessin art contemporain/comix, un mélange de tout ça. Affaire à suivre !.
Kitty Crowther : Quel est ton grand rêve, ta plus grande envie éditoriale aujourd’hui ? (Un livre audio/un livre collectif/une autre série mais avec un hippopotame vert/écrire pour Ramona afin qu’elle l’illustre ? Un livre sur comment compter sur ses moutons ?)
Benjamin Chaud : L’envie est une question fondamentale et je j’oublie très souvent de me la poser, par manque de temps, parce que je me concentre sur ce que je suis en train de faire ou que je vais faire dans pas longtemps.
Je suis en train de faire un livre audio justement, et bientôt un nouveau livre avec Ramona et ensuite pas d’hippopotame vert ni de moutons mais une série s’annonce avec un nouvel animal pour l’année prochaine, tout me fait plaisir ou plutôt j’essaie de me faire plaisir avec tout ce qu’il m’arrive d’accepter car c’est très souvent des propositions ou la continuation de séries plus que des envies.
Ce que j’aimerais vraiment si j’y réfléchis c’est faire un grand livre au trait en noir et blanc, peut être pour adultes, en tout cas un peu inquiétant et surtout prendre mon temps pour le faire et ça c’est pas prêt de m’arriver avec tout ce qui s’enchaîne. Il faudrait que j’aie le courage d’aller moins vite peut-être, prendre le temps de réfléchir à ce que je voudrais faire.
Bibliographie sélective de Kitty Crowther :
- Poka & Mine : Un cadeau pour Grand-Mère, texte et illustrations, l’école des loisirs (2016).
- Mère Méduse, texte et illustrations, l’école des loisirs (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Poka & Mine : À la pêche, texte et illustrations, l’école des loisirs (2013).
- Lutin veille, illustration d’un texte d’Astrid Lindgren, l’école des loisirs (2012).
- Le petit homme et Dieu, texte et illustrations, l’école des loisirs (2010), que nous avons chroniqué ici.
- Annie du lac, texte et illustrations, l’école des loisirs (2009).
- Dans moi, illustration d’un texte d’Alex Cousseau, MeMo (2007).
- Alors, texte et illustrations, l’école des loisirs (2006).
- La visite de la petite mort, texte et illustrations, l’école des loisirs (2004).
- Scritch, scratch dip clapote !, texte et illustrations, l’école des loisirs (2002).
- Mon ami Jim, texte et illustrations, l’école des loisirs (1996).
Retrouvez Kitty Crowther sur son pinterest (où vous pouvez découvrir son univers et ce qu’elle aime) et sur Instagram.
Bibliographie sélective de Benjamin Chaud
- Le pire anniversaire de ma vie, auteur et illustrateur, Hélium (2016).
- L’art à table, auteur et illustrateur, Hélium (2016).
- La vérité sur mes incroyables vacances, illustration d’un texte de Davide Cali, Hélium (2016).
- Le génie de la bouteille, illustration d’un texte d’Eva Susso, Albin Michel Jeunesse (2016).
- Pomelo et l’incroyable trésor, illustration d’un texte de Romana Badescu, Albin Michel Jeunesse (2015).
- Je suis en retard à l’école parce que…, illustration d’un texte de Davide Cali, Hélium (2015), que nous avons chroniqué ici.
- La fée Coquillette et la maison du bonheur, illustration d’un texte de Didier Lévy, Albin Michel Jeunesse (2014).
- Poupoupidours, texte et illustrations, Hélium (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Je n’ai pas fait mes devoirs parce que…, illustration d’un texte de Davide Cali, Hélium (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Le petit Roro : Mon tout premier dico, illustration d’un texte de Corinne Dreyfuss, Actes Sud Junior (2012).
- Coquillages et petit ours, texte et illustrations, Hélium (2011), que nous avons chroniqué ici.
- Une chanson d’ours, texte et illustrations, Hélium (2011), que nous avons chroniqué ici.
- Pomelo et les contraires, illustration d’un texte de Romana Badescu, Albin Michel Jeunesse (2011).
- Pomelo grandit, illustration d’un texte de Romana Badescu, Albin Michel Jeunesse (2010).
- Adieu chaussette, texte et illustrations, Actes Sud Junior (2010), que nous avons chroniqué ici.
- Le gros camion qui pue de mon papa, illustration d’un texte de Romana Badescu, Albin Michel Jeunesse (2006).
- Pomelo est bien sous son pissenlit, illustration d’un texte de Romana Badescu, Albin Michel Jeunesse (2002).
Retrouvez Benjamin Chaud sur le site de La charte.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !