Cet été, on vous propose à nouveau la rubrique du berger à la bergère tous les mercredis. Cette rubrique vous avait tellement plu l’été dernier, nous nous devions de la reprendre (il faut dire qu’à nous aussi elle plaît beaucoup) ! Donc tous les mercredis jusqu’à la rentrée, ce sont des auteur.trice.s et des illustrateur.trice.s qui posent trois questions à un auteur.trice ou une illustrateur.trice de leur choix. Puis c’est à l’interviewé.e d’en poser trois à son tour à son intervieweur.euse d’un jour. Après Régis Lejonc et Janik Coat, Stéphane Servant et Madeline Roth, Patrick Pasques et Sévérine Vidal et Thanh Portal et Maurèen Poignonec, cette semaine c’est Coline Pierré qui a choisi de poser des questions à Loïc Froissart !
Coline Pierré : J’ai l’impression que les écrivains deviennent écrivains pour régler (ou au moins questionner) le problème qu’ils entretiennent avec le langage. Alors as-tu toi aussi un problème existentiel avec lequel tu tentes de dialoguer quand tu dessines ?
Loïc Froissart : Je crois que ce que tu dis concerne aussi les dessinateurs même si les moyens sont différents, je pense qu’on ne crée pas si on n’éprouve pas à l’origine une difficulté pour exprimer sa pensée. Sinon, le questionnement existentiel dans mon travail, c’est d’abord essayer de comprendre comment donner de la vie à mes images.
Coline Pierré : Comment sais-tu qu’un dessin est terminé ?
Loïc Froissart : Je ne m’acharne jamais sur ma feuille mais je peux recommencer un dessin dix fois. J’ai l’impression que certains des dessins qui sont dans mes livres ne sont pas vraiment finis, que j’aurais pu chercher encore mais il m’arrive d’abandonner et de passer à la suite quand je vois la quantité de papier et de temps que je viens de gâcher.
Coline Pierré : Il y a quoi dans ton atelier ou sur ton bureau ? (d’utile, d’inspirant, d’inutile mais pourtant indispensable, d’encombrant…)
Loïc Froissart : J’ai deux bureaux, le premier est chez moi, je ne laisse personne y entrer car c’est un foutoir, le second dans l’atelier que je partage avec d’autres dessinateurs est presque vierge de toute trace de vie. D’un côté ou de l’autre, je m’arrange pour qu’il n’y ait pas trop d’images autour de moi parce que ça crée des interférences.
Loïc Froissart : À qui est adressé ce que tu écris ?
Coline Pierré : J’écris avant tout pour ceux qui se sentent en décalage avec les autres, pas à leur place dans les groupes, pas à leur place dans les rapports de force, pas à leur place à l’école, pas à leur place dans la réalité. Ceux pour qui les livres sont parfois des amis plus réconfortants que ceux de la vie réelle. D’une certaine manière c’est aussi à moi que je m’adresse, à l’adolescente pas à sa place que j’étais. Je tente de la faire rire, de la réconforter, de la toucher, de l’encourager, de la rendre fière.
Loïc Froissart : Depuis quand écrire est un besoin ? Y a-t-il eu événement déclencheur ?
Coline Pierré : Écrire est un besoin avant tout parce que c’est ma manière de penser. J’ai besoin de prendre le clavier ou le stylo pour formuler mes idées, parfois même pour savoir ce que je pense. Je ne suis pas quelqu’un de très spontané. J’imagine que ça fait longtemps que je fonctionne comme ça, mais je ne me le suis formulé qu’à l’adolescence, quand écrire est devenu une sorte d’échappatoire, et la possibilité d’inventer une alternative plus absolue à la réalité, que je trouvais molle et décevante. Avant le roman, ça passait par des journaux intimes, des blogs, des chansons, des nouvelles. L’écriture était (et est toujours) un des rares endroits où je me sens fidèle à moi-même ?
Loïc Froissart : As-tu le temps de lire ?
Coline Pierré : J’adore lire mais je suis une mauvaise lectrice. Je m’endors sur les livres au bout de quelques pages le soir, j’abandonne les livres en cours de route (même parfois quand ils m’intéressent), je me laisse happer par tous les textes qui m’interpellent puis je les oublie aussi vite, je lis très peu de classiques, de livres primés, de livres recommandés, je relis les mêmes livres, je ne sais pas bien « lire vite », et j’achète bien plus de livres que je n’en lis vraiment. Et quand j’ai le choix entre lire et écrire (dans un train, par exemple, ou quand mon fils fait la sieste), je choisis très souvent l’écriture. Il y a presque toujours une vingtaine de livres au pied de mon lit mais je les lis peu. Je les regarde, je les feuillette, je les soupèse, parfois je les convoque, je les corne ou les souligne. Je m’entoure de livre, c’est ma manière de lire.
Bibliographie de Coline Pierré :
- La Folle rencontre de Flora et Max, roman coécrit avec Martin Page, l’école des loisirs (2016).
- Ma fugue chez moi, roman, Le Rouergue (2016), que nous avons chroniqué ici.
- L’immeuble qui avait le vertige, roman, Le Rouergue (2015).
- N’essayez pas de changer, le monde restera toujours votre ennemi, roman coécrit avec Martin Page, Monstrograph (2015).
- Petite encyclopédie des introvertis, roman, Monstrograph (2015).
- Apprendre à ronronner, roman illustré par José Parrondo, l’école des loisirs (2013).
Le site de Coline Pierré : http://www.colinepierre.fr.
Bibliographie (sélective) de Loïc Froissart :
- Ma cabane, album, texte et illustrations, Le Rouergue (2016).
- Enfants cherchent parents trop bien. Pas sérieux s’abstenir, album, illustration d’un texte d’Elisabeth Brami, Seuil Jeunesse (2014).
- Une indienne dans la vie, roman, illustration d’un texte d’Alex Cousseau et Valie Le Gall, Le Rouergue (2014).
- Je voulais un chat et j’ai une sœur, album, illustré par Karine Dupont-Belrhali, Milan (2013).
- En piste, les dés !, livre jeu, illustration d’un texte de Madeleine Deny, Tourbillon (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Londres, documentaire, illustration d’un texte de Stéphanie Ledu, Milan (2012).
- Aujourd’hui, en Suède, documentaire, illustration d’un texte d’Alain Gnaedig, Gallimard Jeunesse (2011), que nous avons chroniqué ici.
Le site de Loïc Froissart : http://www.loicfroissart.com.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !