Cet été, on vous propose à nouveau la rubrique du berger à la bergère tous les mercredis. Cette rubrique vous avait tellement plu l’été dernier, nous nous devions de la reprendre (il faut dire qu’à nous aussi elle plaît beaucoup) ! Donc tous les mercredis jusqu’à la rentrée, ce sont des auteur.trice.s et des illustrateur.trice.s qui posent trois questions à un auteur.trice ou une illustrateur.trice de leur choix. Puis c’est à l’interviewé.e d’en poser trois à son tour à son intervieweur.euse d’un jour. Après Régis Lejonc et Janik Coat et Stéphane Servant et Madeline Roth, cette semaine c’est Patrick Pasques qui a choisi de poser des questions à Sévérine Vidal !
Patrick Pasques : Après avoir écrit le premier jet d’une histoire, tu dois sans doute passer par une étape de correction-réécriture-modification. Si ce n’est pas le cas, passe directement à la question 2. Si c’est le cas, quel signal, ou quels signaux, te disent que cette étape est terminée, car on peut modifier-peaufiner un texte à l’infini si on veut… C’est la satisfaction, l’ennui, le renoncement, le délai, l’appel du large… ?
Séverine Vidal : Salut Patrick, merci pour ces questions !
Je ne fais pas de brouillon, tout est dans ma tête. J’écris de façon très compulsive, intense, nuit et jour après avoir tourné et retourné l’histoire dans tous les sens dans des carnets, sur des post-its ou des feuilles accrochées sur les poutres de mon bureau. Ce que j’envoie à l’éditeur est toujours mon tout premier jet.
Je relis juste après l’écriture tous les chapitres à haute voix pour voir si la langue est fluide, si les dialogues « coulent », si c’est naturel.
Ensuite, il y a finalement très peu de corrections. Ou en tout cas rien de déterminant. Quand c’est le cas, c’est très mal parti ! C’est ce qui m’est arrivé avec mon roman en cours, un roman de science-fiction pour la collection Exprim’ chez Sarbacane, Les Perséides. Mon éditeur a repéré des problèmes de narration, des incohérences temporelles, bref : le premier jet était bancal. Une trop grande importance accordée aux personnages, au détriment de l’histoire elle-même. Et bien… je suis coincée depuis novembre avec ce roman. On en a reporté la parution et je suis en train de le reprendre cet été. Très déstabilisant… heureusement, j’avais des tas d’autres choses à écrire.
Patrick Pasques : Surgit l’idée d’un thème, ou l’ombre d’une trame, ou la silhouette d’un personnage… Tu sais rapidement, d’instinct, si c’est une bonne ou une mauvaise piste pour une nouvelle histoire ? Et au final pour toutes ces pistes, plus de bonnes pistes que de mauvaises pistes ? À moins qu’il n’y ait, en fait, pas de bonnes ou de mauvaises pistes et qu’il n’y ait que des pistes que l’on a envie de suivre ou pas…
Séverine Vidal : C’est ça !
L’ombre d’une trame (c’est joli !)… Une idée notée sur un carnet, qui grandit, s’étoffe, s’enrichit… ou meurt de sa belle mort. Une sorte de sélection naturelle 😉
Il est très rare que je commence un texte pour l’abandonner en cours d’écriture. Ça m’est arrivé pour un roman dans lequel je voulais régler des comptes avec quelqu’un, un texte assez autobiographique. Finalement, je l’ai laissé de côté un temps, en pensant le reprendre plus tard. Et puis j’ai réglé cette histoire autrement et la nécessité d’écriture s’est estompée.
Quelques albums aussi. Pas de mauvaises pistes, non : juste un manque d’envie.
Patrick Pasques : Si j’étais auteur, je serais sans doute un peu angoissé à l’idée qu’une maison d’édition confie, sans trop me demander mon avis, un de mes textes à une illustratrice ou un illustrateur qui va en faire des p’tits gribouillis qui seront ensuite qualifiés de superbes images trop trop belles, trop classe, même que j’veux la même au-dessus de mon lit. Alors que toi… ben non, tu la mettrais pas au-dessus de ton lit. Comment tu gères ça ? Ce décalage éventuel entre l’image visuelle que tu te fais de tes histoires et celle de proposée ?
Séverine Vidal : Hum… Aucune angoisse de mon côté ! Au contraire, je le vis très bien. C’est même un des moments que je préfère : recevoir les images par mail et découvrir ce que mes mots ont inspiré à l’illustrateur ou à l’illustratrice. Il y a toujours un décalage et j’aime ce décalage.
C’est une autre lecture, une interprétation, un regard.
Séverine Vidal : J’aimerais savoir ce qui t’a amené à cette technique de découpage, de travail autour du papier. Est-ce que c’est ce que tu as toujours fait ? Es-tu un collectionneur ?
Patrick Pasques : En fait, j’ai découvert les papertoys grâce à ma fille. On en a téléchargé quelques-uns sur internet. Mais, très vite, je me suis dit que ce serait plus intéressant de créer mes propres modèles plutôt que de monter ceux des autres. Et puis, je me suis pris au jeu et j’ai étendu mon champ de création : j’ai créé des modèles de toutes sortes (pas seulement des personnages isolés) pour constituer des saynètes et en faire des illustrations. Je me suis lancé dans l’aventure du papier et de l’illustration à 50 ans passés, sans aucun passé ni aucune culture d’illustrateur.
Je ne suis pas vraiment collectionneur, mais quand je tombe sur un vieux modèle de montage en papier, comme en faisaient les éditions Pellerin à la fin des années 1890, je craque !
Séverine Vidal : Et d’ailleurs… comment présentes-tu tes projets aux éditeurs ? Fais-tu des photos de tes réalisations ? Leur envoies-tu des maquettes de tes constructions ? Fais-tu d’abord des dessins ? Ou procèdes-tu directement à la réalisation en 3D ? (oui je sais ça fait 154 questions)
Patrick Pasques : Pour les éditeurs, je fais comme tout le monde, du moins je le crois : 2 ou 3 doubles pages finalisées, donc avec tous les éléments des saynètes pris en photo. Les éditeurs n’ont jamais souhaité voir les « originaux » en vrai avant de se décider à accepter un projet d’album. C’est compréhensible : c’est l’image finale qui les intéresse. Dans le cas particulier les livres d’activité, où il s’agit de monter un modèle en papier, leur démarche est évidemment différente, ils ont besoin de voir en vrai. Je fais toujours des croquis pour avoir les lignes générales et l’organisation du modèle avant de passer à la 3D, sauf dans le cas de modèles très simples.
Séverine Vidal : Sur ton blog, tu dis « qu’on peut tout faire en papier, ou presque ». Parle-moi de ce « presque » : quels sont les projets que tu as dû abandonner parce que la technique du papier était un obstacle. Bon, et puis, quel est le projet sur lequel tu travailles en ce moment ?
Patrick Pasques : Le plus dur à faire en papier est de réaliser des formes rondes. Le papier ne pouvant s’arrondir que dans un seul sens à la fois, faire une sphère est une vraie galère au niveau du montage. La technique n’est jamais un obstacle, mais il faut parfois (et même souvent) adapter les formes aux contraintes du papier et gérer le niveau de détail car les temps de conception et de montage grimpent de manière exponentielle avec la complexité. Je peux théoriquement donner n’importe quelle forme à un personnage et avec une foultitude de détails. Mais s’il me faut 3 semaines pour réaliser un seul exemplaire et qu’il m’en faut plusieurs dans différentes positions, sans compter tous les autres modèles, je vais mettre 2 ou 3 ans pour réaliser un album. Il est donc impératif de trouver des compromis.
Je travaille sur le postquel du Corbeau et du renard après avoir fait le prequel paru chez Points de Suspension.
Bibliographie de Patrick Pasques :
- Rétro mobiles, loisir créatif, Mango (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Vroooom, texte et illustrations, L’atelier du poisson soluble (2016), que nous avons chroniqué ici.
- J’ai perdu un truc, texte et illustrations, Points de suspension (2015), que nous avons chroniqué ici.
- 14-18 La grande guerre, loisir créatif, Tutti Frutti (2015), que nous avons chroniqué ici.
- Princesses du monde, loisir créatif, Tutti Frutti (2015), que nous avons chroniqué ici.
- Les dinosaures, loisir créatif, Tutti Frutti (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Le corbeau et les trois poules, texte et illustrations, Points de suspension (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Animaux de la savane, loisir créatif, Tutti Frutti (2013).
- L’imagier de Patrick, texte et illustrations, La joie de lire (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Compter avec un monstre, texte et illustrations, Points de suspension (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Robots, loisir créatif, Tutti Frutti (2012).
- Voitures de course, loisir créatif, Tutti Frutti (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Les animaux de la ferme, loisir créatif, Tutti Frutti (2011).
- Les animaux menacés, loisir créatif, Tutti Frutti (2010).
Retrouvez Patrick Pasques sur son blog : http://3pbook.blogspot.fr.
Bibliographie (sélective) de Séverine Vidal :
- Le jour où je suis devenu détective, roman illustré par Vincent Sorel, Auzou (2017).
- J’ai vu un lion, album illustré par Laurent Simon, Milan (2017).
- Gustave et Céleste, avec Anne-Gaëlle Balpe, roman illustré par Terkel Risbjerg, La Palissade (2017).
- Nos cœurs tordus, avec Manu Causse, roman, Bayard (2017).
- Sur mon fil, album illustré par Louis Thomas, Milan (2017).
- Un pas puis mille, album illustré par Julien Castanié, La Pastèque (2016), que nous avons chroniqué ici.
- L’attrape lune, album illustré par Barroux, Mango jeunesse (2016), que avons chroniqué ici.
- La drôle d’expédition, roman illustré par Marion Puech, Sarbacane (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Gamine et son roi, album illustré par Claire Le Meil, Sarbacane (2015), que nous avons chroniqué ici.
- La drôle d’évasion, roman illustré par Marion Puech, Sarbacane (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Le petit dodophobe en 27 leçons, album illustré par Lynda Corazza, Frimousse (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Wilo et Mi, la légende de La Grise, album illustré par Christine Roussey, L’élan vert (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Petit minus, album illustré par Cécile Vangout, L’élan vert (2013).
- Le laboureur des nuages et autres petits métiers imaginaires, album illustré par Flambi, Frimousse (2012), que nous avons chroniqué ici.
- La grande collection, album illustré par Delphine Vaute, Philomèle (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Prune, tome 4 : Prune cherche son style, album illustré par Kris di Giacomo, Frimousse (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Mon papa est zarzouilleur, album illustré par Eléonore Thuillier, Les p’tits bérets (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Clovis & le pain d’épices, album illustré par Anne Hemstege (2012), que nous avons chroniqué ici.
- 5h22, album illustré par Estelle Billon-Spagnol, Frimousse (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Rien qu’une fois, album illustré par Csil, Winioux (2012), que nous avons chroniqué ici.
- La meilleure nuit de tous les temps, roman, Rouergue (2012), que nous avons chroniqué ici.
Retrouvez Séverine Vidal sur son blog : http://severinevidal.blogspot.fr.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !