Cet été encore, on vous propose à nouveau la rubrique du berger à la bergère tous les mercredis. Cette rubrique vous avait tellement plu les deux derniers étés, nous nous devions de la reprendre (il faut dire qu’à nous aussi elle plaît beaucoup) ! Donc tous les mercredis jusqu’à la rentrée, ce sont des auteur·trice.s et des illustrateur·trice.s qui posent trois questions à un·e auteur·trice ou un·e illustrateur·trice de leur choix. Puis c’est à l’interviewé·e d’en poser trois à son tour à son intervieweur·euse d’un jour. On commence ces mercredis de l’été avec Rémi Courgeon qui a choisi de poser des questions à Albertine !
Rémi Courgeon : La façon dont vous dessinez a l’air tellement fluide et naturelle, que cela soit d’un trait spontané ou dans les scènes en couleurs plus sophistiquées, vous arrive-t-il parfois de rater des dessins, de douter, et de tout jeter à la poubelle en vous traitant de nulle ?
Albertine : On peut se dire « tu » tu sais. Avant, quand j’étais jeune, je prenais tous mes dessins et mes sérigraphies et je les mettais au feu dans mon jardin.
Aujourd’hui, quand je ne suis pas satisfaite d’un dessin, je le range dans un tiroir. Et parfois je le retrouve et je me dis « Y a de l’idée, ce n’était pas si mal ». Je travaille énormément.
Je dessine tous les jours, Je dirais que je cherche tous les jours. Alors forcément, il y a parfois des choses moins réussies. Mais c’est intéressant, car l’imperfection ou les accidents font surgir de nouvelles voies.
Rémi Courgeon : Je sais par des amis indiscrets que tu adores cuisiner. En quoi l’univers culinaire influence ton travail graphique ? En quoi ton travail graphique influence-t-il ta façon de cuisiner ?
Albertine : C’est surtout Germano qui cuisine bien. Comme un Italien. Il dit que la première grande cuisine c’est pas la France, c’est l’Italie. Moi je l’aide surtout à éplucher les légumes ou je lui lis le journal pendant qu’il cuisine. C’est le moment où nous parlons de politique.
Nous aimons les restaurants. D’abord parce qu’on y mange, et aussi on partage ensemble des idées, des projets, des points de vue en dehors de nos ateliers. Mon atelier est le lieu où je cherche, j’explore. L’extérieur est le lieu où je prends des idées.
Rémi Courgeon : Quand aurons-nous l’occasion de nous rencontrer ? (Je me débrouille assez correctement en lapins à la moutarde et en mousses au chocolat.)
Albertine : Avec plaisir. Tu es aussi le bienvenu chez nous. On te fera la pizza maison dans le jardin. On parlera de tout.
Albertine : Tu écris et tu dessines aussi. C’est merveilleux de faire les deux. Comment procèdes-tu ?
Rémi Courgeon : C’est vrai, je ne t’ai pas posé de question sur ton équipe, avec Germano. Votre travail semble si naturellement cohérent. Comme une écriture commune. Pour ma part, je me sens raconteur d’histoires avant d’être illustrateur : tout commence par des débuts de textes griffonnés au stylo bille dans des carnets. Puis je raconte ces histoires à mes proches, mes amis, aux écoliers que je rencontre. Ces histoires s’achèvent souvent à l’oral. Si des petites lumières s’allument dans les yeux de mes interlocuteurs, je passe à l’étape suivante : la frappe du texte définitif, puis la mise en scène, dessinée page par page, en noir et blanc, puis en couleurs. Quand la couleur arrive, c’est comme si je jouais de la musique, c’est une joie nouvelle, qui complète celle du conteur. Je fais souvent la couverture avant les illustrations intérieures. Parfois j’écris des trucs que je suis incapable de dessiner. J’aime bien confier les textes à d’autres illustrateurs, ou illustrer des beaux textes, d’autres auteurs. En vacances, je fais des images qui ne racontent rien : des collages.
Albertine : Est-ce qu’il y a des récurrences dans ton travail. Un truc qui revient malgré toi dans tes histoires ?
Rémi Courgeon : J’aime raconter des histoires de filles, autour de l’identité, notamment à travers 5 albums : Les cheveux de Léontine. La harpe. Brindille. Passion et Patience. Et puis le prochain, qui sort en octobre : Tiens-toi droite. Tous mes personnages de livre en livre, ont à un moment ou l’autre les pieds en liberté, voyant ça, j’ai donc fini par faire un album qui porte ce titre : Pieds nus. Mes autres sujets de prédilection : les arbres, la transmission, la musique. La mort revient aussi, sans pathos. Notre société a trop tendance à l’occulter, alors qu’il faut l’aborder de front, très tôt, pour apprivoiser l’idée de devoir quitter tout ça. Mais en ce moment, c’est le personnage du tigre Timoto, série pour les tout-petits, qui me réveille la nuit. Il ressemble tellement à l’enfant que j’étais.
Albertine : Est-ce qu’il arrive de te censurer ? T’interdire d’aborder certains sujets ?
Rémi Courgeon : Non, pas vraiment. Les seules censures sont peut-être mes blocages psychologiques. Certains sujets sont difficiles à traiter, comme la mort d’un enfant par exemple, ou le suicide d’un proche. Pourtant je sais que si j’en ai envie, le moment venu, je le ferai. Ce que je me refuse à raconter, c’est les histoires sans espoir. C’est peut-être ça ma censure.
Bibliographie sélective d’Albertine :
- Ils arrivent…, illustration d’un texte de Sylvie Neeman, La joie de Lire (2018).
- Le roi nu, illustration d’un texte de Hans Christian Andersen, La joie de Lire (2018).
- Des mots pour la nuit, illustration d’un texte d’Annie Agopian, La joie de Lire (2017).
- Le président du monde, illustration d’un texte de Germano Zullo, La joie de Lire (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Farces et attrapes, illustration d’un texte de Jeanne Plante, Little village (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Le grand roman de ma petite vie, illustration d’un texte de Susie Morgenstern, De la Martinière Jeunesse (2016).
- Mon tout petit, illustration d’un texte de Germano Zullo, La Joie de Lire (2015), que nous avons chroniqué ici.
- La mer est ronde, illustration d’un texte de Sylvie Neeman, La Joie de Lire (2015), que nous avons chroniqué ici.
- Caprices, c’est fini ?, illustration d’un texte de Pierre Delye, Didier Jeunesse (2015), que nous avons chroniqué ici.
- Circus, illustrations, À pas de loups (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Les robes, illustration d’un texte de Germano Zullo, La Joie de Lire (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Dadá, illustration d’un texte de Germano Zullo, La Joie de Lire (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Départ en vacances, illustration, Les apprentis rêveurs (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Ligne 135, illustration d’un texte de Germano Zullo, La Joie de Lire (2012).
- À la montagne, illustration d’un texte de Germano Zullo, La Joie de Lire (2011), que nous avons chroniqué ici.
- Les oiseaux, illustration d’un texte de Germano Zullo, La Joie de Lire (2010), que nous avons chroniqué ici.
- Les gratte-ciel, illustration d’un texte de Germano Zullo, La Joie de Lire (2011).
- À la mer, illustration d’un texte de Germano Zullo, La Joie de Lire (2008).
- Le Génie de la Boîte de Raviolis, illustration d’un texte de Germano Zullo, La Joie de Lire (2002), que nous avons chroniqué ici.
Bibliographie sélective de Rémi Courgeon :
- Série Timoto, texte et illustrations, Nathan (2017-2018), que nous avons chroniqué ici et là.
- L’oizochat – Le fils caché, texte et illustrations, Mango Jeunesse (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Tohu Bohu, texte et illustrations, Nathan (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Passion et Patience, texte et illustrations, Mango (2016), que nous avons chroniqué ici.
- C’est l’histoire d’un poisson bavard, texte et illustrations, Seuil Jeunesse (2015), que nous avons chroniqué ici.
- J’aime pas les clowns, illustration d’un texte de Vincent Cuvellier, Gallimard Jeunesse (2015), que nous avons chroniqué ici.
- L’oizochat, texte et illustrations, Mango (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Gros chagrin, texte et illustrations, Talents Hauts (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Le grand arbre et autres histoires, recueil d’albums, textes et illustrations, Mango (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Contes d’Afrique, illustration de textes de Jean-Jacques Fdida, Didier Jeunesse (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Pieds nus, texte et illustrations, Seuil Jeunesse (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Blancs comme neige, texte et illustrations, Milan (2013).
- Toujours debout, texte illustré par Isabelle Simon, L’initiale (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Elvis Presley, illustration d’un texte de Stéphane Ollivier, Gallimard Jeunesse (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Brindille, texte et illustrations, Mango jeunesse (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Pas de ciel sans oiseaux, texte et illustrations, Mango Jeunesse (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Le géant petit cadeau, texte et illustrations, Père Castor (2012).
- Dans sa tête, texte et illustrations, JBZ & cie (2010).
- Invisible mais vrai, texte et illustrations, Mango (2006).
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !