Pour ce dernier jour de l’année, tout comme l’année dernière, on a eu envie de se prêter à un exercice pas si facile… Chacun·e de nous a dû choisir un et un seul livre parmi ceux qu’il ou elle a chroniqués au cours de l’année. Nous republions ici la chronique du livre que chacun·e d’entre nous a voulu mettre en avant pour cette sorte de best of. On a proposé à Mathilde, qui a chroniqué de nombreux livres sur La mare aux mots cette année, de se joindre à nous ainsi qu’à nos deux collaboratrices Véronique Soulé (qui signe chez nous les Du tac au tac une fois par mois) et Sophie Van Der Linden (qui répond à vos questions une fois par trimestre).
Après avoir parcouru la planète, puis s’être marié·es, le Professeur Goupil et Akiko retrouvent la vallée des Mitaines. Il est temps pour eux de poser leurs valises. Les petits animaux ont maintenant l’âge de rentrer à l’école, et surtout Akiko est enceinte. Comme tous les futurs parents, le couple se questionne, s’inquiète, s’impatiente. Or, la naissance arrive bien vite. Une fois, l’émotion passée, le professeur se voit comme le héros de sa petite Lutine, qui vient de naître. Akiko, quant à elle, se sent épuisée, et triste. Elle ne comprend pas ce blues qui l’envahit, cette vague qui la submerge, alors qu’elle a tout pour être heureuse. Professeur Goupil se rend rapidement compte que ça ne va pas fort, cependant il ne sait pas comment aider sa femme. Mais c’est bien connu, la vérité sort de la bouche des enfants : pourquoi ne pas contacter la sage-femme (qui n’est autre qu’un homme sage), suggère l’un des petits animaux. L’accoucheur explique et réconforte. Ce sont des choses qui arrivent, cet état n’a rien d’anormal, seulement on en parle peu. Un jour, Akiko aura comme un déclic, et se sentira maman à part entière ; en attendant, elle a simplement besoin d’être entourée d’amour.
Une naissance, ce sont des émotions qui s’entrechoquent de toutes parts. Parfois, au milieu de la joie intense, viennent se glisser de grands moments de tristesse. On appelle ça le baby-blues, ou bien la dépression du post-partum. Le sujet est encore peu abordé dans la société, et c’est la première fois que je le vois évoqué en littérature de jeunesse. Le duo Loïc Clément et Anne Montel réussit à raconter cette situation si particulière avec légèreté et humour. Les mots sont justes, sans être graves. On passe du rire aux larmes. L’auteur joue sur la langue, sur le sens propre et le sens figuré des mots et expressions ; l’illustratrice se les approprie pour mettre en valeur le texte. Ce livre, c’est celui que les mamans en souffrance attendaient pour pouvoir expliquer cette tempête du post-partum à leur aîné. Un livre unique et drôle accessible à tous et à toutes, un livre doux et poétique pour réchauffer les cœurs.
Carole
Carnettiste ayant fait le tour du monde, Nicolas Jolivot a ressenti le besoin de poser ses valises et de se reconnecter à son environnement proche. Alors, il a observé son jardin, heure après heure, saison après saison. De ce tête à tête intime avec ce bout de nature fourmillant de vie est né Voyages dans mon jardin.
Difficile de trouver les mots pour parler de cet album : touchant ? merveilleux ? Tout cela me semble bien réducteur, tant j’ai été subjuguée par la splendeur des illustrations et la justesse de l’écriture de Nicolas Jolivot… Ici, on voyage avec nos sens, mais aussi à travers le temps et les souvenirs, car le jardin dont il est question est vieux de deux siècles et a vu passer plusieurs générations. L’auteur se remémore ainsi ses grands-parents, qui ont pris soin de ces quelques mètres carrés avec patience et amour, comme lui aujourd’hui, et au carnet d’étude se mêle un album de famille, intimiste et mélancolique. Les bribes du passé ressurgissent à la vue d’une fleur déployant ses corolles ou à celle du vol d’un bourdon, et on flâne entre les pages aux côtés de ces fantômes d’autrefois.
Invitation à la contemplation et à la découverte des trésors qui peuplent nos jardins, ce livre est foisonnant de détails que l’on prend le temps de savourer. Il ne se lit pas forcément de manière linéaire, on peut se balader au hasard des illustrations, seul·e ou à plusieurs. Insectes, fleurs, arbres et petits animaux l’habitent au même titre que celles et ceux qui l’ont entretenu.
S’adressant plutôt aux adultes et aux adolescent·es, je suis pourtant certaine que cet album trouvera racine en chacun·e et émerveillera également les plus jeunes, par la poésie qui s’en dégage comme par les aquarelles délicates qui l’habillent. Il s’agit d’une ode à la lenteur et au respect du vivant.
Portait d’un bout de nature, d’un vieil ami, Voyages dans mon jardin est un livre coup de cœur où il fait bon se perdre.
Caroline
C’est un jour semblable à n’importe quel autre jour que quelque chose d’incroyable se produit : un objet aussi étrange que merveilleux tombe du ciel, provoquant la curiosité de tou·tes les habitant·es du jardin. Chacun·e y va de son hypothèse : pour certain·es la sphère est sortie du sol, pour d’autres il pourrait s’agir d’un bonbon, alors que pour d’autres encore il est important de la couver jusqu’à éclosion. Au moins, tous les insectes s’accordent sur un point : ils n’ont jamais rien vu d’aussi beau. À tel point que l’Araignée en revendique aussitôt la propriété, décidant de monter une grande exposition à l’entrée payante, afin que chacun·e puisse découvrir cette merveille. Alors que bien vite sa fortune dépasse ses espérances, l’arachnide augmente ses tarifs, avant de se retrouver seule au moment où se produit un autre phénomène inattendu. Mais au milieu de sa solitude, l’Araignée a une soudaine illumination…
Pour leur nouvel album, les Fan Brothers nous racontent une histoire somme toute ordinaire, puisque cette chose merveilleuse qui semble tomber du ciel n’est autre qu’une bille, probablement perdue par un enfant, et qui atterri là, au beau milieu d’un jardin, perturbant ses habitant·es. Et c’est là que se tient l’originalité de cet album, au ras du sol, où nous avons le point de vue des insectes sur ce qui peut se jouer lorsqu’un objet est perdu. C’est drôle et en même temps l’histoire pointe du doigt ces comportements parfois abusifs, quand le pouvoir et l’argent prennent le pas sur le partage et l’amitié. Quant aux illustrations, elles sont sublimes, noires et blanches à l’exception de cette bille — comme une interruption extra-ordinaire dans le quotidien banal des insectes —, de quelques feuilles, et de la double page finale où les insectes partagent enfin, en harmonie, les merveilles tombées du ciel. Ce bel album rappelle le bonheur de faire plaisir et de partager de chouettes moments avec ses ami·es — ce qui est quand même plus sympa que de les vivre seul·e dans son coin !
Delphine
Elle ne se souvient pas de sa naissance. Elle sait que sa mère a pleuré ce jour-là, la peur était doublement présente. La peur d’accoucher pour l’une, la peur de naître pour l’autre. Puis il y a eu le premier souvenir (est-il réel ou l’a-t-elle inventé ?), les peurs en tout genre, l’apprentissage de l’écriture, les cris silencieux, le temps qui passe trop lentement… Puis elle a grandi, compris des choses qu’elle n’avait pas comprises, vécu tant de choses nouvelles…
Mais quelle merveille ! Ça faisait longtemps que je n’avais pas eu un tel coup de cœur. Femmes et nos pensées au fil du temps est difficile à raconter (mais j’espère tout de même vous donner envie)… c’est une sorte de long poème (mais si vous être réfractaire à la poésie ne fuyez pas, car ce n’en est pas vraiment), une femme qui se raconte, qui raconte sa vie, ses sensations, ses pensées… Mais si le texte est magnifique (bravo à Véronique Massenot pour l’adaptation en français), ce qui nous happe ici ce sont les illustrations, l’album est quasiment un livre d’art (et l’éditeur a choisi un très beau papier, ce qui rend l’ouvrage encore plus beau). C’est le genre de livre sur lequel on peut passer des heures et revenir souvent, chaque double page méritant de s’y attarder (tant pour le texte que pour l’illustration). Si je dois avouer qu’à première vue j’ai pensé que cet ouvrage n’était pas destiné aux enfants, mais aux adultes, la réaction de ma fille de 7 ans m’a fait totalement changer d’avis, elle a adoré cet album (qu’elle a dévoré avant que je le lise). Bref, achetez-le pour vous, pour l’offrir à un enfant, à un·e ami·e ou à qui vous voulez, mais ne passez pas à côté de ce livre-là !
Gabriel
Les Frangines se proposent, dans ce petit guide, de répondre aux questions que les filles et les jeunes femmes peuvent se poser sur leur sexualité, à l’aide de témoignages, de conseils bienveillants et de ressources à consulter.
On le sait toutes et tous, les cours d’éducation sexuelle dispensés au collège et au lycée sont souvent incomplets. Et, si Internet regorge de ressources, beaucoup de fausses informations y circulent. Que faire alors pour se renseigner en toute sécurité sur la sexualité, et en particulier la sexualité féminine ? Dans ce Petit guide pour une sexualité féministe et épanouie, le collectif Les Frangines évoque avec justesse, précision et bienveillance tous les aspects liés à la découverte de la vie sexuelle et sentimentale des jeunes femmes. De nombreux sujets y sont abordés, allant de la question du consentement aux relations sexuelles, en passant par la contraception, les relations virtuelles, et les dangers de l’industrie pornographique. Elles nous proposent un vaste tour d’horizon qui permet une meilleure connaissance du corps féminin, de ses besoins et de ses petites particularités. Le tout étant, en plus, accompagné d’illustrations amusantes et instructives, qui rendent la lecture facile et ludique ! Un ouvrage qui, bien qu’ayant pour but d’informer davantage les filles et les jeunes femmes sur leur corps et leur sexualité, est également un très bon moyen de sensibiliser leurs homologues masculins et de déconstruire les idées reçues !
Manon
Tu seras une femme ma fille… Mais à seize ans, ton corps, ton sexe et ta personnalité deviendront un danger. Alors tu seras évincée, mise de côté. Soumise à l’exil comme la pire des épreuves. Parce que tu deviens femme, on se méfiera de toi. Il faudra alors contenir la magie de ton âge. Celle que craignent tant les hommes et les femmes de ta communauté. Dans cet enclos qu’ont connu ta mère, tes sœurs aînées et toutes les femmes du village, la seule règle qui compte est de survivre : aux autres, aux braconniers qui rôdent et pour lesquels ta peau vaut de l’or, à toi-même et à ton esprit de révolte. Reviendras-tu de ce bannissement imposé par la société qui t’a enfantée ? Oseras-tu dire non à ceux qui t’enferment dans ce mauvais rôle ? Choisiras-tu le silence comme toutes celles qui reviennent ? Seul l’avenir — peu radieux — te le dira…
Voilà un roman profondément engagé, qui explore intelligemment le féminisme et la féminité. L’Année de Grâce est une dystopie glaçante par ses échos étrangement familiers et par ses combats toujours à mener. Qu’est-ce qu’être une femme dans un monde qui vous impose de vous taire, d’être l’épouse, la soumise, la taiseuse ? Qu’est-ce qu’un monde qui ne vous offre que l’ombre et le silence ? Qu’est-ce qu’une société qui condamne sans vergogne la moitié de sa population à un cruel rituel qui traumatise en vous dépossédant de votre dignité et de votre singularité ? Il semblerait que L’Année de grâce tente d’apporter des réponses à ces questions fondamentales-là.
Mokamilla
Un jour, un oiseau s’est arrêté de chanter, puis ce fut le silence… Celui de ses congénères, des autres animaux, qui tous, tour à tour décident d’arrêter de miauler, d’aboyer. Les animaux de cirques refusent de se donner en spectacle, les pingouins ne veulent plus marcher. Petit à petit, cette contestation silencieuse gagne les enfants et les adultes…
Et si la révolte était un long silence ?! Une soustraction au monde moderne plutôt qu’une contestation vive et brutale ? Voilà une réponse proposée par ce sublime album d’Eduarda Lima : La Révolte. Merveille d’intelligence et de sensibilité, ce petit livre nous conte l’histoire d’une révolte planétaire : depuis le silence assourdissant des oiseaux jusqu’à la tétanie des êtres humains et de certains mammifères, le monde refuse désormais de continuer à vivre dans un univers dégradé et pollué. Les animaux sont les premiers à contester et à se manifester, refusant désormais de détruire leur environnement et de servir de caution aux humain·es. Graves et déterminés, ils se détournent littéralement de leurs oppresseurs. Ceux enfermés dans des zoos et des parcs, au nom de la « protection des espèces » tournent désormais le dos aux spectateurs, les forçant alors à embrasser le combat et à regarder de leurs propres yeux le désastre écologique qui leur fait face et dont ils sont les seuls et uniques responsables. En très peu de mots, Eduarda Lima nous offre un livre puissant, où l’on imagine notre monde silencieux… L’autrice fait sans doute référence au magnifique Silent Spring de Rachel Carlson, publié en 1962 (un ouvrage pionnier du mouvement écologiste aux États-Unis qui décrit des « printemps silencieux » suite à l’utilisation de pesticides). Les illustrations colorées dépeignent page après page les ravages de notre système industriel : utilisation de pesticides dans des champs gigantesques, élevage industriel, utilisation systématique des nouvelles technologies, animaux parqués, plastiques omniprésents (jusqu’à la chute que je ne vous dévoile pas)… Une seule solution, un seul horizon s’offre désormais à nous : réapprendre à vivre avec notre environnement en faisant un pacte avec les espèces animales…
Sarah
L’insaisissable Arsène Lupin, célèbre voleur parisien sévissant dans les plus belles demeures de la ville, a été repéré sur la Provence, le bateau transatlantique. Si l’inspecteur Ganimard arrive enfin à mettre la main sur le cambrioleur, rien — pas même les murs de la prison de la Santé — ne pourra arrêter ce gentleman à l’intelligence vive et au verbe haut. Voici neuf nouvelles pour (re)découvrir le plus charismatique des voleurs.
Quel bonheur de retrouver le plus grand des voleurs dans un tel écrin ! L’objet-livre est à la mesure du texte de Maurice Leblanc. Grand format, couverture avec dos toilé et dorure, cette édition est du plus bel effet dans une bibliothèque ! Il s’agit ici du texte original et intégral de Maurice Leblanc. L’occasion peut-être de faire la connaissance de ce contemporain de Flaubert et Maupassant, souvent méprisé par ses pairs et relégué un peu rapidement au rang de « Conan Doyle français ». La langue est belle, elle nous propulse dans le Paris de la Belle Époque où nous assistons, admiratif·ves, aux tours de passe-passe d’Arsène Lupin. Le langage soutenu déroutera peut-être un peu les jeunes lecteurs et lectrices au début mais ils·elles seront tellement fasciné·es par l’audace et l’espièglerie du gentleman cambrioleur que les pages défileront toutes seules. D’autant plus que les illustrations de Vincent Mallié permettent de s’immerger totalement dans le récit. Elles sont d’une grande finesse, riches de détails — jusqu’aux couleurs sépia — d’une époque qui fait rêver. Impossible de résister au charme de ce gentleman cambrioleur, surtout dans cette sublime édition.
Arsène Lupin, gentleman cambrioleur illustré par Vincent Mallié sera un magnifique cadeau à glisser sous le sapin pour (re)découvrir ce classique de la littérature policière.
Vanessa
Mathilde Baudy et Tiphaine Dieumegard sont toutes les deux mamans de petites filles. La première est illustratrice et engagée dans le droit des femmes. La seconde est sage-femme depuis ses 18 ans et est ainsi au service des femmes par le biais de son métier. Elles ont décidé de briser le tabou de la vulve, du clitoris, de l’utérus, etc., dont on parle peu, en abordant, dans un ouvrage, tous ces différents sujets.
Accessible dès 8 ans, Le petit illustré de l’intimité est un album jeunesse incontournable pour toutes les bibliothèques. J’ai eu un gros coup de cœur pour cet ouvrage qui est un outil pour toutes les jeunes personnes qui aimeraient en savoir plus sur leur corps sans oser en parler. Il se veut également inclusif, chacun∙e y trouvera une place, qu’il s’agisse de son sexe ou non. Les illustrations de Mathilde Baudy sont scientifiques mais également très créatives ! Elles sont remplies de couleurs, accompagnées d’annotations et d’explications pour une excellente compréhension du sujet. Il n’y a aucun tabou, on y parle d’anatomie mais également de sexe, de pudeur, d’amour, de genre et de consentement. Cet ouvrage a tout pour accompagner les jeunes dans la transformation de leur corps pendant la puberté, pour répondre à leurs questions sur la grossesse par exemple et pour leur donner des clés afin de trouver les bonnes adresses si elles et ils ne trouvent pas de personnes de confiance dans leur entourage. N’hésitez plus et n’attendez plus pour découvrir Le petit illustré de l’intimité !
Conçu par Camille Saint-Saëns comme un simple pastiche musical, le Carnaval des animaux a, depuis 1886, fait l’objet de multiples enregistrements, parfois très réussis quand ils sont accompagnés d’un récit inventif lu par un récitant ou quand les adaptations musicales renouvellent complètement l’œuvre. Le compositeur de musique contemporaine Ezequiel Spucches, d’origine argentine, et l’écrivain Carl Norac se sont à leur tour inspirés du Carnaval pour en donner une version originale et particulièrement réjouissante, s’écartant délibérément de l’aspect anecdotique de l’œuvre originale : ici, les animaux s’appellent condor, serpent, lama, nandou ou encore dauphin rose, et chacun, à sa façon, raconte l’histoire douloureuse de l’Amérique du Sud — celle de la colonisation, des migrations ou de la conquête de la liberté. Cela n’empêche pas le récit d’être léger, drôle et poétique, et la musique festive et colorée. La plume alerte de Carl Norac joue avec les sonorités pour donner à chaque animal une personnalité très forte, amplifiée encore par l’interprétation du formidable comédien Elliot Janicot. Sous la direction d’Ezequiel Spucches, violoncelle, flûtes, charango, piano et percussions de l’ensemble Almaviva, qu’il a fondé en 2003, dialoguent avec le récit, se font tout à tour discrets ou plus imposants, et font écho à la musique du pays d’origine de chaque animal. Le livre-disque, à la facture particulièrement soignée, comme toujours dans cette collection de livres-CD, est rehaussé par les gravures sur bois, aux tonalités chaudes et harmonieuses, de la talentueuse May Angeli. Cette nouvelle création d’Ezequiel Spucches (c’est aussi un spectacle) pour le jeune public est une totale réussite !
Véronique Soulé
(Retrouvez d’ailleurs l’interview de Véronique Soulé du compositeur Ezequiel Spucches dans son émission Ecoute ! il y a un éléphant dans le jardin en mars dernier)
Nastasia Rugani ne manque pas de cran. Pour son premier roman, Tous les héros s’appellent Phénix (L’École des loisirs, Médium) elle s’insinuait dans un huis-clos familial dominé par une emprise. Le deuxième, Milly Vodovic (MeMo, Polynies), mettait en scène une tragédie dans une Amérique raciste. Je serai vivante, qui vient de paraître chez Gallimard Jeunesse (Scripto), est le soliloque d’une jeune fille lors d’un dépôt de plainte pour viol. Pourtant, aucun de ces trois textes ne peut tenir dans une thématique. Aucun n’y est réductible. Car ici, seule compte la puissance de l’écriture. Et dans le dernier titre, le souffle est puissant. Celui du lecteur s’en trouve lui, comme coupé, comme suspendu, tendu jusqu’au terme d’une narration qui n’use d’aucun suspense, uniquement de la simplicité dépouillée d’une voix déchirante pour tenter de dire « l’être violé », selon les mots de l’auteure.
Et cette voix, n’est nulle autre que celle de la littérature : un travail de la langue dans son épaisseur organique, dans son rythme, dans les images qu’elle produit à foison. Le texte d’une centaine de pages est un concentré poétique, épais, rugueux, méandreux qui fouisse les paradoxes, les douleurs, le corps et cerne le viol dans la singularité d’une situation, de personnalités, d’un lieu, fut-il celui horriblement doucereux d’un cerisier sous un ciel d’Avril. Et cette écriture belle et déchirante est dès lors précisément la condition unique pour tenter de dire l’indicible.
Et de dire, aussi, un chemin possible. « Alors, un jour peut-être, la pluie ne sera que ce qu’elle est, phénomène et précipitations de nuages. Les garçons aux bourrelets généreux redeviendront des hasards de joie. C’est la possibilité d’être moi qui m’attend à l’extérieur de l’enclos. » C’est que le titre, affirmatif, s’écrit au futur.
Sophie Van Der Linden
(chronique extraite de son blog)
Professeur Goupil et les rires qui s’envolent Texte de Loïc Clément, illustré par Anne Montel Little Urban, dans la collection Premiers romans 8 €, 178×203 mm, 54 pages, imprimé en France, 2021. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Voyages dans mon jardin de Nicolas Jolivot HongFei 39 €, 245×326 mm, 216 pages, imprimé en République tchèque chez un imprimeur écoresponsable, 2021. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Tombée du ciel de The Fan Brothers (traduit de l’anglais par Véronique Mercier-Gallay) Little Urban 13,50 €, 262×263 mm, 56 pages, imprimé en Italie, 2021. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Femmes et nos pensées au fil du temps de Paulina Silva (adapté en français par Véronique Massenot) La boîte à bulles, dans la collection Carnets de la Boîte à Bulles 20 €, 212×267 mm, 176 pages, imprimé en Lettonie, 2020. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Petit guide pour une sexualité féministe et épanouie Texte de Les Frangines, Illustré par Anne Billows First 14,90 €, 148×205 mm, 233 pages, imprimé en France, 2021. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
L’Année de grâce de Kim Ligget (traduit de l’anglais par Nathalie Peronny) Casterman 19,99 €, 140×220 mm, 448 pages, imprimé en Espagne, 2020. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
La Révolte d’Eduarda Lima (traduit du portugais par Dominique Nédellec) La Joie de Lire 14,50 €, 220×286 mm, 40 pages, imprimé en France, 2021. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Arsène Lupin — Gentleman cambrioleur Texte de Maurice Leblanc, illustré par Vincent Mallié Margot 25 €, 248×328 mm, 151 pages, imprimé en Belgique, 2021. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Le petit illustré de l’intimité de la vulve, du vagin, de l’utérus, du clitoris, des règles, etc. Texte de Tiphaine Dieumegard, illustré par Mathilde Baudy Atelier de la belle étoile 15 €, 190x220mm, 56 pages, imprimé en France, 2021. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Le carnaval des animaux sud-américains ! Texte de Carl Norac, musique d’Ezequiel Spucches, illustré par May Angeli Didier Jeunesse 24,90 €, 274×275 mm, 36 pages, durée du CD : 41 min. env., imprimé en Italie chez un imprimeur éco-responsable, 2020. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Je serai vivante de Nastasia Rugani Gallimard jeunesse, dans la collection Scripto 9 €, 130×200 mm, 128 pages, imprimé en Italie, 2021. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !