Au Japon, tout le monde a lu le Journal d’Anne Frank. À tel point qu’Anne est devenue une héroïne de mangas et de films d’animation. Une église lui est même dédiée. Et pourtant. Rares sont les Japonais qui ont entendu parler des camps d’extermination et du génocide juif, car ils sont peu, voire pas, enseignés dans les écoles. Face à ce constat, Alain Lewkowicz accompagné d’un dessinateur (Vincent Bourgeau), d’un photographe (Marc Sainsauve) et d’un interprète (Herminien Ogawa), a entrepris de mener une enquête au Japon pour tenter de comprendre cette volonté d’effacer des pans de l’histoire. Car si Mein Kampf est adapté en manga, les Japonais savent à peine ce qu’est le nazisme. C’est ainsi qu’est né le webdocumentaire Anne Frank au pays du manga, ici adapté pour tablette. Les auteurs y racontent leur voyage, à travers dessins, photos, sons et vidéos. Au fil des rencontres, ils se heurtent à de terribles constats : qu’au Japon, on préfère parler de l’avenir plutôt que de remâcher le passé ; que l’enseignement de l’histoire se fait par des QCM, et qu’il est mal vu de donner son opinion ou même de poser des questions ; que l’extrême droite est en forte progression ; et que ce qui prime, c’est le culte du vainqueur, la recherche de l’harmonie et non la mémoire historique.
Anne Frank au pays du manga est donc un récit multimédia découpé en quatre chapitres : soixante pages de bandes dessinées, 169 photos, 50 minutes de vidéos et 45 de pistes audios. Le voyage qu’on entreprend à travers cette bande dessinée pas comme les autres est accompagné de sons d’ambiance, bruits de rue, du métro, etc. C’est donc une véritable immersion dans le Japon qui nous est proposée. Au gré de la lecture, des signes « + » s’affichent sur l’écran. Ils donnent accès à des fichiers sons (la narration d’Alain Lewkowicz, des interviews), vidéos ou encore des diaporamas. On se déplace assez facilement dans le récit grâce à un menu déroulant au bas de l’écran, ce qui permet de revoir des vidéos et de découper sa lecture. L’affichage des cases est fluide (on peut en régler la vitesse) et les transitions entre les pages très bien pensées.
Œuvre hybride, véritable ovni numérique, Anne Frank au pays du manga nous emmène à la découverte d’un pays pétri de paradoxes et nous engage à une réflexion salutaire sur l’histoire et sa mémoire, mémoire de l’Holocauste, mais aussi des crimes de guerre et des bombardements atomiques, aussi bien du côté des vainqueurs que des vaincus. En construisant un pont entre l’Occident et l’Orient, les auteurs, avec intelligence et élégance, nous proposent un questionnement stimulant. On y fera la rencontre du double d’Anne Frank, Sadako Sasaki, une petite fille morte d’une leucémie à la suite du bombardement d’Hiroshima. Qui la connaît en Europe ?
Bande-annonce :
Dans un tout autre genre, Framed est un original jeu en bande dessinée. Le pitch ? Le joueur incarne un homme, imperméable et attaché-case bourré de billets à la main, qui tente d’échapper à une armada de policiers.
Chaque page, ou planche dessinée, est constituée d’une succession de cases animées et connectées entre elles. Pour avancer dans l’histoire, on doit modifier l’ordre et le sens des cases afin de faire sortir le fugitif d’un lieu donné. On monte, on descend, on grimpe à des échelles, on court sur des toits, on fuit quoi ! Chaque vignette fonctionne comme un plan-séquence. Lorsqu’on la déplace, on modifie ainsi le cours de l’histoire. Mais une unique solution existe pour sortir vivant et libre de la page. Ainsi, tout dépend de la manière dont le personnage entre dans la case : soit face à un policier et il se fait arrêter ou tuer, soit dans son dos auquel cas il peut continuer son chemin.
Framed est une sorte de polar urbain sous forme de puzzle narratif. Les graphismes épurés font penser aux comic-books des années 50, avec des personnages, en noir et blanc, animés, et des décors fixes aux tons pastel, et sans aucune bulle. Le jeu est accompagné d’une musique jazzy très chouette et tout à fait adaptée. La difficulté va crescendo, et il faut créer des chemins de plus en plus complexes pour éviter de se faire prendre. L’ambiance est géniale, mais le scénario, un peu faible, ne sert que de vague prétexte à cette course-poursuite. C’est dommage, on aurait aimé que la narration soit plus fouillée. Il n’en reste pas moins que l’idée de pouvoir modifier les décors et à travers eux l’action est vraiment inventive et astucieuse.
Anne Frank au pays du manga d’Alain Lewkowicz, Vincent Bourgeau, Samuel Pott et Marc Sainsauve Arte France / Subreal Productions Prix constaté : gratuit (Apple). |
Framed Loveshack Prix constaté : 4,99 € (Apple). |
Erica
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !
Je viens de télécharger Anne Frank au pays des mangas et vais rapidement me plonger dedans. Merci pour l’info !!!!