Sandrine Bonini fait partie de ces auteur·trice·s dont je surveille chaque sortie. Qu’elle en soit l’autrice ou l’illustratrice, ses livres sont souvent des merveilles, j’avais donc envie de lui poser quelques questions. Ensuite, c’est avec Louis Thomas que je suis parti en vacances, encore un illustrateur dont je suis vraiment fan. Bon mercredi à vous !
L’interview du mercredi : Sandrine Bonini
Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
J’ai suivi une première formation à l’école des Beaux Arts à Rueil-Malmaison puis j’ai été diplômée en cinéma d’animation aux Arts décoratifs de Paris.
Je me suis tournée vers la littérature jeunesse à la sortie de l’école. L’écriture est arrivée après, lorsque j’ai publié mon premier livre, Secret, aux éditions Autrement, j’ai découvert le plaisir de raconter une histoire non seulement par l’image mais aussi avec les mots.
Parlez-nous de votre nouveau roman, Le lapin qui portait-malheur, comment est née cette histoire de lapin qui semble attirer plein de problèmes sur une famille ?
Je fais souvent appel à ma propre enfance dans mes histoires et comme j’ai une famille nombreuse, j’ai beaucoup d’anecdotes qui sont un merveilleux terreau. Cette histoire s’est produite avec l’une de mes sœurs, qui avait réussi à me persuader d’une chose un peu similaire mais avec une de ses peluches ! Petite, j’étais très sensible aux signes, à la superstition, à une forme de pensée magique et je pense que c’est un sujet qui touche de près les enfants. La volonté de trouver un sens aux choses qui arrivent, de pouvoir expliquer le réel peut emmener très loin dans l’imaginaire. J’aime aussi rendre compte des rapports qui existent au sein d’une famille et de la façon dont les enfants se débrouillent avec ça.
Vous illustrez des histoires d’autres auteurs.trices, vous écrivez des histoires illustrées par d’autres, mais vous faites rarement les deux, pourquoi ?
Lorsque j’ai commencé à publier des livres je faisais tout, le texte et l’image. Et puis au fil des rencontres, sur les salons, dans les ateliers, des projets sont nés. Ce qui m’a amené à faire beaucoup de collaborations sur des livres. Je trouve ça formidable car on associe alors des énergies et cela crée des choses nouvelles, uniques. Aujourd’hui cela me manque un peu de travailler seule, du coup, je prépare deux nouveaux projets où je travaillerai le texte et l’image moi-même. Mais il y a aussi d’autres livres en collaboration qui arrivent !
Comment se passent ces collaborations, êtes-vous tentée d’intervenir sur les textes quand vous êtes l’illustratrice et sur les dessins quand vous êtes l’autrice ?
Non pas vraiment. En tant qu’autrice, je suis toujours époustouflée devant la manière dont un autre illustrateur ou une autre illustratrice va s’emparer du texte et se l’approprier complètement. Il y a une vraie magie qui opère. Parfois on regarde ensemble le découpage et on affine le texte ensemble en fonction des envies ou des réticences de la personne qui va dessiner. Quand je suis au dessin, j’apporte un point de vue mais je ne peux pas intervenir sur le texte d’un autre auteur, c’est trop personnel ce moment de corriger, de peaufiner le texte, je trouve.
Quelles techniques d’illustration utilisez-vous ?
J’aime le changement, j’adore expérimenter des nouveaux outils. Et puis, le texte demande parfois à essayer des choses, à faire des propositions graphiques. J’ai d’abord travaillé troqué mes ciseaux contre une plume et des rotrings, en réfléchissant particulièrement à la ligne, aux motifs ornementaux comme dans la Bataille contre mon lit. Ensuite, j’ai jeté mon dévolu sur l’encre de couleur, mais cela peut encore changer !
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescente ?
J’adorais les nouvelles, les romans quand j’étais enfant, puis adolescente.
Marcel Aymé reste un de mes auteurs favoris pour les enfants, en particulier avec les contes du Chat Perché. Je trouve qu’il développe un point de vue très malicieux, drôle et vraiment touchant.
J’ai aussi lu et relu – et je relis encore – Pierre Gripari, Rudyard Kipling, La Comtesse de Ségur, Odile Weulersse, Tove Jansson et tous les contes de manière générale, j’en lisais énormément, dans de gros recueils.
Adolescente, je lisais Gaston Leroux, Barjavel, Sir Arthur Conan Doyle et Mark Twain, des histoires tournées vers l’aventure.
Quel.le.s sont, aujourd’hui, les auteurs.trices/illustrateurs.trices qui vous touchent particulièrement ?
Aujourd’hui, il y a des choses extraordinaires dans la littérature pour les adolescents.
J’en lis d’ailleurs très souvent, avec énormément de plaisir. J’aime particulièrement Yves Grevet, Gaia Guasti, Martin Page, Coline Pierré, Jacqueline Kelly, Susin Nielsen et pour les plus jeunes Toon Tellegen, dont je trouve l’écriture puissante et drôle.
Côté images, j’adore la légèreté et l’esprit de Laurent Simon, le travail de Jérémie Fischer, de Julia Wauters, d’Isabelle Arsenault… Et bien sûr les talentueux illustrateurs et illustratrices avec qui j’ai travaillé sur différents albums : Sandra Desmazières, Amélie Graux, Audrey Spiry, Merwan Chabane, Alice Bohl…
Pouvez-vous nous dire quelques mots de vos prochains ouvrages ?
Justement, j’ai en cours l’écriture d’un roman pour adolescents, dans un univers un peu fantastique, que je viens de commencer et que j’aimerais également illustrer…
Je continue aussi la série Igor et Souky aux éditions des Éléphants, avec Sigrid Baffert au scénario, le prochain tome se passera dans l’espace, cette fois !
Le mois prochain, il y a également la sortie de Clémence Évidence, aux éditions Delcourt, une bande dessinée que j’ai scénarisée et qui est dessinée par Merwan.
J’ai également quelques projets d’albums en préparation et aussi un projet de série animée que je développe actuellement, de quoi voir venir pour cette rentrée !
Bibliographie sélective :
- Clémence Évidence a toujours raison, scénario dessiné par Merwan Chabane, Delcourt (à paraître, octobre 2017).
- Le lapin qui portait malheur, texte illustré par Amélie Graux, Didier Jeunesse (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Mon enfant de la terre, illustration d’un texte de France Quatromme, Les éditions des éléphants (2017).
- Série Igor et Souky, illustrations de textes de Sigrid Baffert, Les éditions des éléphants (2015-2017), que nous avons chroniqué ici et là.
- La reine des truites, texte illustré par Alice Bohl, Grasset Jeunesse (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Vladimir et Clémence, illustration d’un texte de Cécile Hennerolles, Grasset Jeunesse (2015), que nous avons chroniqué ici.
- Tempête, texte illustré par Audrey Spiry, Sarbacane (2015).
- La couverture de Jane, illustration d’un texte d’Arthur Miller, Gallimard Jeunesse (2015).
- Lotte, texte illustré par Audrey Spiry, Sarbacane (2014).
- Les quatre vœux, illustrations de textes de Richard Erdoes et Alfonso Ortiz, Magnard Jeunesse (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Le zoo des légumes, illustration d’un texte de Martin Page, l’école des loisirs (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Petits contes des 1001 nuits, illustration de textes de Claude Lemoine, Tana éditions (2012), que nous avons chroniqué ici.
En vacances avec… Louis Thomas
Régulièrement, nous partons en vacances avec un·e artiste. Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais moi j’adore partir comme ça avec quelqu’un, on apprend à la·le connaître notamment par rapport à ses goûts… cet·te artiste va donc profiter de ce voyage pour nous faire découvrir des choses. On emporte ce qu’elle·il veut me faire découvrir. On ne se charge pas trop… 5 de chaque ! 5 albums jeunesse, 5 romans, 5 DVD, 5 CD, sur la route on parlera aussi de 5 artistes qu’il·elle veut me présenter et c’est elle·lui qui choisit où l’on va… 5 destinations de son choix. Cette fois-ci, c’est avec Louis Thomas que nous partons ! Allez, en route !
5 albums jeunesse :
- Crictor (Tomi Ungerer)
- Les lunettes du lion (Charles Vildrac, illustré par Noëlle Lavaivre)
- Charlie et la chocolaterie (Roald Dahl, illustré par Quentin Blake)
- Marcelin Caillou (Sempé)
- Madeline (Ludwig Bemelmans)
- Eloïse (Hilary Knight et Kay Thompson)
5 romans :
- Les enfants terribles (Jean Cocteau)
- L’étranger (Camus)
- Le Procès (Kafka)
- Zorba (Nikos Kazantzakis)
- L’amour (Marguerite Duras)
5 films :
- L’avventura (Antonioni)
- Pierrot le fou (Godard)
- Chantons sous la pluie (Donen)
- 2001 (Kubrick)
- Love in the afternoon (Wilder)
- Les 101 dalmatiens (Reitherman)
5 vinyls
- Solitude (Billie Holiday)
- Moon beams (Bill Evans)
- Getz-Gilberto (João Gilberto et Stan Getz)
- Cripple crow (Devendra Banhart)
- Live at Pompéii (Pink Floyd)
- 2 (Mac deMarco)
5 artistes
- Pablo Picasso
- David Hockney
- Devendra Banhart
- Alice Neel
- Jean Cocteau
5 lieux
- Death Valley (USA)
- Ginostra (Italie)
- Amorgos (Grèce)
- Le Quartier latin/montagne sainte Geneviève/Jardin du Luxembourg (Paris)
- Mon atelier (Paris)
Louis Thomas est auteur et illustrateur.
Bibliographie sélective :
- Le roi qui n’aimait pas la musique, illustration d’un texte de Matthieu Laine, Gallimard Jeunesse (à paraître, octobre 2017).
- J’adore les animaux !, illustration d’un texte de Katie Cotton, Milan (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Tarzan poney méchant, illustration d’un texte de Cécile Alix, Poulpe Fictions (2017).
- Sur mon fil, illustration d’un texte de Séverine Vidal, Milan (2017).
- Pourquoi je dois dire merci ?, illustrations de textes d’Emma Waddington et Christopher McCurry, Vigot (2017).
- Pourquoi est-ce que je dois manger mes légumes ?, illustrations de textes d’Emma Waddington et Christopher McCurry, Vigot (2017).
- Le Sultan Toufou, illustration d’un texte de François Vincent, Didier Jeunesse (2016).
- New York la nuit, illustration d’un texte d’Arnaud Roi, Milan (2016).
- Tout ce que les parents ne comprendront jamais !, illustration d’un texte d’Hélène Delavault, les éditions des Braques (2015)
- Le compositeur est mort – Enquête à l’orchestre, illustration d’un texte de Lemony Snicket, Didier Jeunesse (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Un monstre est entré dans ma vie, illustration d’un texte de Nathalie Kuperman, l’école des loisirs (2014).
Retrouvez Louis Thomas sur Instagram : https://www.instagram.com/louis_thomas_draw.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !