Aujourd’hui, c’est l’illustratrice québécoise Agathe Bray-Bourret qui est l’invitée de notre interview à l’occasion de la sortie de l’album Un dimanche sous la pluie publié par Québec Amérique. Ensuite, pour la rubrique Ce livre-là, c’est Marie, du compte Instagram Bangarangdaily, qui nous parle d’un livre qu’elle aime particulièrement.
L’interview du mercredi : Agathe Bray-Bourret
Pouvez-vous nous parler de l’album Un dimanche sous la pluie ?
Un dimanche sous la pluie est un album très poétique, il s’agit d’une tranche de vie qui dépeint le sentiment d’un dimanche de pluie, le sentiment de l’ennui et aussi de trouver le plaisir dans les petites choses ! Le texte faisait écho à mes propres expériences d’enfance. Parfois, les enfants aiment s’identifier aux personnages de ces petites histoires qui ne sont pas des grandes intrigues ou des histoires truffées de morales, mais simplement une tranche de vie avec des enfants comme eux, qui aiment aussi les pompiers !
Quelles techniques d’illustration utilisez-vous ?
J’utilise l’aquarelle et la gouache et un peu de crayon de couleur et de fusain parfois.
Comment choisissez-vous vos projets ?
Je choisis les projets qui ont l’air plaisants à dessiner, au départ je réfléchis un peu et si rapidement je m’imagine déjà un peu les dessins et les personnages, c’est trop tard : je suis déjà attachée à mes petits bonshommes !
J’aime aussi quand il y a un défi qui va me permettre d’apprendre beaucoup en dessinant ! Par exemple, si j’ai tendance à ne pas vouloir faire un projet parce que je ne suis pas à l’aise avec l’idée de faire autant de décors, je me dis que c’est plutôt une bonne raison d’accepter !
Où trouvez-vous votre inspiration ?
Les mouvements et postures de tous ceux qui m’entourent, et surtout les enfants ! Je passe aussi beaucoup de temps à rêvasser puisque je suis très distraite, par exemple, j’aime être passagère en voiture et regarder par la fenêtre en pensant à n’importe quoi ou assise sur un banc de parc en attendant mes enfants qui jouent. Je vois ou imagine alors plein de choses qui me servent ensuite, mais ce sont surtout les impressions que je ressens dont je tente d’infuser mes dessins.
Parlez-nous de votre parcours.
J’avais un copain qui faisait des illustrations et on a fait un contrat ensemble, il fallait faire un million de petits dessins libres de droits pour des livres de jeux. On était très mal payés et je n’étais pas du tout bonne, mais je me suis dit « Est-ce que je pourrais être payée pour rester chez moi dessiner ??? » Alors, j’ai essayé de devenir meilleure. Ensuite on a commencé à me demander à gauche et à droite et à force de ne pas trouver de carrière plus stable, c’est devenu mon métier ! Je commence à peine à me trouver bonne et penser en termes de carrière !
J’ai donc parfois l’impression que je suis illustratrice parce que je me suis toujours tellement sentie inadéquate que je ne croyais pas que je pourrais avoir un « vrai » travail. J’imagine qu’à force de gambader en regardant le ciel, j’ai trébuché sur mon rêve (un de mes rêves !).
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescente ?
Enfant, j’adorais les livres de Pef comme Le monstre poilu, Rendez-moi mes poux et La belle lisse poire du prince de Motordu.
Je retournais toujours aussi à un livre que j’ai lu à mes enfants de Ryo Fujikawa. C’était juste des enfants qui se préparaient au dodo, mais je regardais les dessins sans cesse tant les enfants y étaient mignons ! On dirait que je ne serai jamais capable d’exprimer tant de douceur dans un dessin !
Et puis j’étais aussi abonnée à J’aime lire et j’adorais lire Tom-Tom et Nana !
Je lisais aussi beaucoup de bandes dessinées, j’aimais beaucoup les recueils de Sempé, Mafalda et Gaston Lagaffe qui n’est plus si drôle quand on le relit adulte, mais je m’identifiais tellement à Gaston, et puis je me souviendrai toujours des petits mollets de mamzelle Jeanne !
Ah oui, et bien sûr la collection des Fluide glacial de mon papa français !
Je me souviendrai aussi toujours lorsque, adolescente, mon oncle m’avait offert Le corbac aux baskets de Fred. Ça m’avait fait sentir très intelligente et ouvert les horizons, j’étais devenue « culturellement » grande !
Y a-t-il, aujourd’hui, des illustrateurs et des illustratrices dont le travail vous touche ou vous inspire ?
C’est incroyable tous les artistes fabuleux qu’il y a tout autour ! Au Québec j’aime beaucoup les illustrations d’Isabelle Arsenault, Cathon, Audrey Malo, Julie Delporte et le bédéiste fantastique Samuel Cantin (mon amoureux !).
Ailleurs, je suis très touchée par le trait tellement vivant de Christophe Blain, Antoine Cossé, Tara Booth, Beatrice Alemagna et plusieurs autres !
Dès que je regarde ce que les autres font, je me dis « ah oui je devrais faire plus réaliste moi aussi, pour être comme untel » et dix minutes plus tard « ah non finalement, je devrais être plus “cartoon” comme elle ! » Alors, on passe de « ça y est je ne fais que des fonds blancs ! » à « je recommence à faire des lignes contour ! », pour finalement mettre tout ça de côté parce qu’on ne peut pas être tout et son contraire ! Je suis donc à la fois trop inspirée par le travail des autres et pas du tout.
Quelques mots sur vos prochains ouvrages ?
En 2024, je sors quatre livres : d’abord, un livre inspiré de la vie de Leonard Cohen avec la maison d’édition Quarto basée à Londres. Ensuite, avec Bayard, un livre hilarant que j’ai eu tellement de plaisir à illustrer sur une princesse qui fuit le dodo. J’ai aussi la chance d’illustrer le prochain livre de l’auteur français Michaël Escoffier.
Finalement, en automne 2024 je sors le premier livre pour enfants que j’ai écrit moi-même. J’ai adoré l’expérience, ça fait longtemps que j’accumule les idées et que je les écris partiellement dans ma tête, mais maintenant que j’ai brisé la glace, je vais définitivement tenter de passer dans la catégorie autrice-illustratrice ! C’est un livre tête-bêche sur la peur et ça rime !
Bibliographie :
- Un dimanche sous la pluie, illustration d’un texte de Madeleine Allard, Québec Amérique (2023), que nous avons chroniqué ici.
- Je t’écris de mon lit, illustration d’un texte de Maude Nepveu-Villeneuve, Les 400 coups (2023).
- Le pouvoir des sous noirs, illustration d’un texte de Sara Dignard, La bagnole (2023).
- Où sont partis les cheveux de papi ?, illustration d’un texte de Martina Djogo, Fonfon (2023).
- Le chien qui ne se voyait pas comme un chien, illustration d’un texte de Marie-Josée Gauvin, Les Malins (2022).
- Quelques jours avec moi, illustration d’un texte de Marilyse Hamelin, Hamac (2021).
- Anatole qui ne séchait jamais, illustration d’un texte de Stéphanie Boulay, Fonfon (2018).
- Plus léger que l’air, illustration d’un texte de Simon Boulerice, Québec Amérique (2015).
Ce livre-là… Marie (Bangarangdaily)
Ce livre-là… Un livre qui touche particulièrement, qui marque, qu’on conseille souvent ou tout simplement le premier qui nous vient à l’esprit quand on pense « un livre jeunesse ». Voilà la question qu’on avait envie de poser à des personnes qui ne sont pas auteur·trice, éditeur·trice… des libraires, des bibliothécaires, des enseignant·e·s ou tout simplement des gens que l’on aime, mais qui ne font aucun de ces métiers. Cette semaine, notre invitée c’est Marie, du compte Instagram @Bangarangdaily.
Chaque année, on est tenté de faire le bilan d’un peu tout : de sa vie, ses amis, ses découvertes et parmi mes lectures les plus marquantes de 2023 il y a ce livre-là… I was born for this d’Alice Oseman. Je connaissais l’autrice pour son incontournable Heartstopper, mais je n’avais jamais eu l’occasion de découvrir réellement sa plume et explorer les autres univers qui avaient pu naître de son imagination. Cette histoire, c’est celle d’Angel et Jimmy. Angel s’est rendue à Londres contre l’avis de ses parents pour voir son groupe préféré sur scène avec sa meilleure amie connue grâce au fandom. Jimmy est membre de The Ark, boy’s band au succès retentissant qui peine à maintenir sa passion pour la musique face à cette notoriété démesurée et ses fans plus qu’envahissants.
J’ai passé un moment tout à fait délicieux avec ce roman qui alterne entre les points de vue de nos deux personnages principaux, si différents et si semblables à la fois. L’autrice dépeint les préoccupations et la réalité de chacun avec beaucoup de finesse et une sensibilité captivante. On ressent tant l’angoisse de l’artiste que l’excitation de son admiratrice de toujours tout en réalisant combien ces deux mondes à mille lieues l’un de l’autre sont également indissociables. Si certains événements peuvent paraître excessifs, ils servent l’intrigue à merveille ainsi que les propos déroulés au fil des chapitres. Avec cette histoire, l’autrice offre également une diversité de représentations au sein de ses personnages sans que leur identité ne constitue le sujet du récit. Aussi, il sera notamment question de santé mentale, de relations familiales, de comportements addictifs, de confiance en soi… que l’on vive en pleine lumière ou à l’abri des projecteurs. En somme, une lecture que j’ai trouvé à la fois touchante et palpitante, nécessaire et réaliste dans son traitement des personnages et qui m’a donné envie de dévorer le reste de la bibliographie d’Alice Oseman !
Marie est la rédactrice du compte Instagram @Bangarangdaily, un compte que j’aime particulièrement car j’aime le ton de Marie, sa façon de parler de ce qu’elle aime… et sa personnalité !
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !