Ce mois-ci encore, deux invitées pour un même livre. Cette fois-ci, c’est le magnifique imagier Le plein de choses qui vient de sortir chez Thierry Magnier. On a tout d’abord rendez-vous avec l’éditrice du livre, Camille Gautier puis c’est son autrice-illustratrice, Arianna Tamburini qui est l’invitée de la rubrique (sonore !), Du tac au tac de Véronique Soulé. Bonne lecture, bonne écoute et bon mercredi !
L’interview du mercredi : Camille Gautier
Quel est votre rôle au sein des éditions Thierry Magnier ?
Je suis l’éditrice des livres illustrés. Et les projets, comme les journées, ne se ressemblent pas. Petite enfance, albums, livres pratiques, bandes dessinées, parfois même beaux livres pour les plus grands : on s’autorise tout et c’est une vraie chance !
En plus d’être éditrice, vous êtes autrice, scénariste, traductrice… vous dormez parfois ?
Oui ! Mon métier c’est éditrice, mais c’est vrai qu’à force de côtoyer des gens créatifs de si près, il vient des idées, des envies, et puis on ose sauter le pas… Écrire est un plaisir avant tout, un espace pour moi. Et puis c’est intéressant aussi d’être « de l’autre côté », de voir comment se passent les choses dans d’autres maisons que la sienne.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
J’ai fait des études littéraires puis en géopolitique ; j’adorais ça mais je ne savais pas vraiment vers quoi m’orienter. J’ai rencontré l’édition jeunesse un peu par hasard et là par contre ça a été immédiat : c’est ÇA que je voulais faire (et ce dont je me sentais capable). Cela fait dix ans maintenant, et je prends toujours autant de plaisir à exercer ce métier.
Vous avez édité le superbe livre d’Arianna Tamburini (l’un des plus beaux albums de cette fin d’année), Le plein de choses, quand un album comme ça arrive entre vos mains, c’est un cadeau non ?
C’est un cadeau oui, mais un cadeau un peu provoqué car il est le fruit d’une longue réflexion avec Arianna, et de nombreux mois de travail. Évidemment ça arrive qu’un projet soit déjà pratiquement terminé quand il parvient jusqu’à moi, mais ce n’est pas la majorité des cas. Le vrai cadeau c’est de voir prendre vie une histoire, des personnages et qu’ils se matérialisent dans un objet qu’on a imaginé. C’est comme être une petite souris et observer tout ça par le trou de la serrure.
Pouvez-vous nous parler de la collaboration avec Arianna ?
Arianna a une qualité incroyable : elle a une imagination qui n’a pas de limites. Son univers est d’une fraîcheur et d’une énergie folles, elle a toujours l’idée qui fait mouche, sait se renouveler, essayer, se tromper, recommencer. Le travail avec elle a été simple et très fluide : on échangeait, elle travaillait, on discutait de ces planches, et tout ça était très naturel. À la fin ça donne ce livre génial et atypique, qui revisite le principe classique de l’imagier.
Pour vous, qu’est-ce qu’un bon livre jeunesse ?
C’est LA question. Que nous reste-t-il d’un livre une fois qu’on l’a refermé ? Pour moi un bon livre jeunesse est un livre qui nous marque et qui est riche de ses lectures multiples. C’est un livre qui n’a ni sexe ni âge, qui rassemble et nourrit notre imaginaire. Un livre qui ne laisse pas indifférent, qui n’est pas tiède et exprime une singularité. En somme c’est une œuvre, et donc l’inverse d’un produit.
Quand on est éditrice dans une belle maison comme Thierry Magnier, est-ce qu’on choisit les projets en toute indépendance ou faut-il suivre la ligne ?
Nous sommes deux à choisir les projets : Thierry Magnier et moi. Alors évidemment il faut que ça nous plaise à nous deux, qu’on ait l’envie irrépressible d’éditer ce livre. Il faut aussi que ce soit dans la ligne éditoriale bien sûr, mais je pense que la ligne évolue en fonction des gens car se lancer dans l’aventure d’une publication c’est avant tout une histoire de subjectivité. Aux éditions Thierry Magnier on a la chance de travailler encore comme des artisans, avec une grande liberté. C’est précieux, pour nous comme pour les auteurs qui nous font confiance.
Si vous deviez expliquer le rôle d’éditrice à quelqu’un qui ne connait pas ce métier, que diriez-vous ?
Un éditeur c’est quelqu’un qui est avant tout là pour accompagner les créateurs (auteurs comme illustrateurs) dans la création de leur histoire, que cela passe par le texte ou les images. C’est aider et assister à la naissance d’un projet, un peu comme une sage-femme tiens. L’éditeur est le tout premier lecteur, et charge à lui de transmettre son enthousiasme à de nombreux intermédiaires pour que les livres arrivent enfin entre les mains des lecteurs. Personnellement je vois ce rôle comme une sorte de béquille bienveillante, mais il y a autant de façons de travailler que d’éditeurs.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescente ?
J’ai beaucoup lu enfant, et de tout : les livres de L’école des loisirs qu’on avait chaque année à l’école, avec les albums de Claude Ponti et Chien Bleu en tête, des bandes dessinées aux pages usées chez mes grands-parents l’été (Astérix, Tintin, Gaston Lagaffe), Les quatre filles du Docteur March mais aussi des livres de Reiser, Picsou magazine, Ernest et Célestine. C’était vraiment très hétéroclite ! J’ai par contre peu lu de littérature adolescente, à part Harry Potter, et très vite j’ai basculé vers la littérature dite « adulte ». C’est en travaillant dans l’édition que j’ai découvert toute la richesse de ce secteur.
Pouvez-vous nous présenter quelques ouvrages sur lesquels vous avez travaillé et que l’on va découvrir prochainement ?
Tous les éditeurs le disent, c’est trop dur de choisir, nous aimons tous nos livres. Mais si je devais en sélectionner seulement trois qui paraîtront au premier semestre 2021 je dirais : Le secret très secret du Maître du Secret de Vincent Pianina — un album drôle, enlevé, qui joue avec les codes des livres dont tu es le héros (c’est le livre que j’aurais adoré avoir sur ma table de chevet enfant). Un nouvel album de Chris Haughton, Et si ?, où il est question de singes gourmands et de mangues appétissantes. Comme toujours avec cet auteur, c’est d’une justesse inouïe et il sait parfaitement s’adresser aux plus petits. Enfin Unique au monde, de Marie-Sabine Roger et Lucile Piketty. Les mots de Marie-Sabine m’ont bouleversée, et cela fait partie de ces textes qui résonnent encore après des dizaines de lectures. Lucile a su s’en emparer, et son travail aux pastels gras est à couper le souffle. Voilà trois coups de cœur, mais je pourrais en dire autant des vingt livres illustrés que nous publions chaque année.
Du tac au tac… Arianna Tamburini
Une fois par mois, Véronique Soulé (de l’émission Écoute, il y a un éléphant dans le jardin) nous propose une capsule sonore, Du tac au tac. Avec la complicité du comédien Lionel Chenail, elle pose des questions (im)pertinentes à un·e invité·e que nous avons déjà reçu·e sur La mare aux mots. Aujourd’hui, c’est Arianna Tamburini qui répond à ses questions.
Arianna Tamburini est illustratrice.
Bibliographie sélective :
- Le plein de choses, imagier fou pour enfants curieux, album sans texte, Thierry Magnier (2020), que nous avons chroniqué ici.
- Bons baisers de Paris, album, illustration d’un texte de Francesco Acerbis, Thierry Magnier (2018).
- Liz’s days, album, illustration d’un texte Robert V. Peterson, Cépages (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Le Temps, ça dure…, album, illustration d’un texte de Rhéa Dufresne, Les éditions du Ricochet (2015).
- Le cœur élastique, album, illustration d’un texte d’Anne-Claire Lévêque, Les éditions du Ricochet (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Tempête, album sans texte, Isatis (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Mon alphabet zinzin des animaux du zoo, coffret, illustration de textes de France Quatromme, De la Martinière Jeunesse (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Dessin Fou, illustration de textes d’Henri Dès, éditions des Braques (2012)
- Marguerite, la vache jongleuse, album de la série Au cirque Fanfaron, illustration d’un texte de Carole Trébor, Gulf stream (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Alain, le lapin magicien, album de la série Au cirque Fanfaron, illustration d’un texte de Carole Trébor, Gulf stream (2012), que nous avons chroniqué ici.
- Hector, l’éléphant funambule, album de la série Au cirque Fanfaron, illustration d’un texte de Carole Trébor, Gulf stream (2011), que nous avons chroniqué ici.
- Ernesto, le coq acrobate, album de la série Au cirque Fanfaron, illustration d’un texte de Carole Trébor, Gulf stream (2011), que nous avons chroniqué ici.
- Histoires de poche, illustration d’un texte d’Anne-Gaelle Balpe, Scarabéa (2011)
- Dans mon petit cœur de chat, illustration d’un texte de Marypop, Scarabéa (2010)
Retrouvez Arianna Tamburini sur Instagram : https://www.instagram.com/arianna.tamburini/?hl=fr
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !