Aujourd’hui, on part à la rencontre de la formidable illustratrice Delphine Renon et puis l’on parle écologie avec humour et poésie avec Olivier Costes, Camille de Cussac et Angèle Cambournac : l’auteur, l’illustratrice et l’éditrice du magnifique Ça me gratte la Terre !… Bon mercredi !
L’interview du mercredi : Delphine Renon
Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Après des études de communication visuelle, j’ai travaillé 10 ans comme graphiste dans l’édition. Pendant cette période j’ai pu observer l’importance de ce qu’une image peut raconter en complément du texte dans un livre, et la multitude de styles d’illustration existants. Puis je me suis lancée dans l’illustration et après un temps de recherche, j’ai trouvé mon style actuel, mon écriture propre.
Comment choisissez-vous les livres que vous illustrez ?
L’histoire, et surtout la possibilité d’apporter mon univers au projet sont déterminants. Il faut que le texte comporte une part d’imaginaire et de poésie. Parfois un album est entièrement créé à 4 mains avec l’auteur, parfois un éditeur me propose un texte.
Quelles techniques utilisez-vous ?
J’utilise un peu l’ordinateur pour la partie croquis, lors de la construction de mes images. Pour les couleurs, la plupart du temps je travaille « en tradi », c’est à dire je n’utilise pas l’ordinateur. Je dessine à la plume ou au feutre noir fin, et aux crayons de couleur, parfois je rehausse avec des marqueurs de couleur. Pour certains projets cependant, je fais le trait à la plume, je le scanne puis je mets les couleurs avec l’ordinateur.
Votre univers reflète une « poésie du quotidien », une importance aux petites choses et aux détails de la vie. Enfant, étiez-vous sensible aux objets et aux ambiances autour de vous ?
Oui énormément. J’étais une enfant réservée, retranchée dans mon imaginaire, et observatrice. Je ne m’ennuyais jamais. J’étais sensible à mon environnement visuel, j’avais un attachement fort à la nature. C’est toujours le cas aujourd’hui. Mon inspiration est essentiellement construite d’éléments piochés dans le quotidien… la vie, la nature, les gens, une photo, un film…
Quand vous étiez enfant, qui étaient vos « héros et héroïnes » ? (Auteur·trice·s, illustrateur·trice·s, et autres) ? Quelles étaient vos lectures d’enfant, adolescente ?
Je fais l’impasse sur ces deux questions, en effet des images qui me viennent mais aucune mémoire des noms 🙁 désolée…
Quels sont vos nouveaux projets ?
Je travaille actuellement sur deux albums. L’un sortira au printemps au Seuil, j’illustre un texte très poétique construit comme un conte de Céline Vernozy ; l’autre paraîtra également au printemps, et sera le Tome 3 de Simone et ses bébêtes. J’ai par ailleurs une foule d’histoires qui voyagent dans ma tête jusqu’au jour où j’aurai le temps de les développer…
Bibliographie sélective :
- Simone et ses bébêtes, c’est si long d’attendre !, illustrations d’un texte de Christine Naumann-Villemin, Rageot (2017) que nous avons chroniqué ici.
- Simone et ses bébêtes, trop petite !, illustrations d’un texte de Christine Naumann-Villemin, Rageot (2017) que nous avons chroniqué ici.
- Emmet et Cambouy, illustrations d’un texte de Karen Hottois, Didier Jeunesse (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Regarde, regarde !, illustrations d’un texte de Stéphanie Joire, Magnard (2016) que nous avons chroniqué ici.
- Berty le plus cool des monstres, illustrations d’un texte de Didier Levy, Grasset Jeunesse (2016) que nous avons chroniqué ici.
- Le festin de Citronette, illustrations d’un texte d’Angélique Villeneuve, Éditions Sarbacane (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Casse-tête au pays des pâquerettes, illustrations d’un texte de Didier Lévy, Éditions Sarbacane (2015)
- Tranquille comme fossile, illustrations d’un texte de Natacha Andriamirado, Hélium (2014)
Son site : http://delphinerenon.blogspot.fr/
Parlez-moi de… Ça me gratte la terre !
Régulièrement, on revient sur un livre qu’on a aimé avec son auteur·trice, son illustrateur·trice et/ou son éditeur·trice. L’occasion d’en savoir un peu plus sur un livre qui nous a interpellés. Cette fois-ci, c’est sur Ça me gratte la Terre ! – un formidable conte écologiste – que nous revenons avec son auteur Olivier Costes, son illustratrice Camille de Cussac et son éditrice Angèle Cambournac…
Olivier Costes (auteur) :
L’idée de cette histoire est née d’une chanson dont le refrain enfilait les jeux de mots « Miss Terre, miss Terre pourquoi tu te grattes ? Mystère…». Une phrase qui avait du son mais pas encore de sens. En la chantant (avec ma gratte), m’est venue la vision d’une femme-planète très belle, mais couverte de parasites qui lui provoquent d’horribles démangeaisons. Voilà un début d’explication aux catastrophes naturelles : les tremblements de terre, les tsunamis et les désordres climatiques se produisent parce que la Terre se gratte les croûtes. Et nous, les humains, petits poux insouciants et malfaisants, nous en sommes en partie responsables avec nos gratte-ciels, nos marteaux-piqueurs et nos cartes à puces. Je tenais là une façon décalée d’aborder les problèmes écologiques en multipliant les analogies : terre/tête, humains/poux, béton/boutons, etc.
J’ai proposé l’histoire à Angèle Cambournac, éditrice au Seuil Jeunesse, qui l’a d’abord refusée parce que la fin n’était pas terrible, voire in-Terre-minable (et elle avait raison !). Mais comme elle en aimait le principe, elle m’a encouragé à la retravailler et ses remarques m’ont vraiment servi de déclic. Une fois le texte abouti, Angèle m’a proposé de faire appel à l’illustratrice Camille de Cussac que je ne connaissais pas. J’ai tout de suite été séduit par son style pétillant et son art du second degré, qui correspondaient parfaitement à notre envie de raconter une histoire de planète qui ne soit pas terre à terre.
Tout au long du projet, nous avons fonctionné en trio, unis comme les cinq doigts de la main (ce qui n’est pas une mince performance) : Angèle à la production et au casting, Camille aux décors et aux costumes, et moi au scénario et aux dialogues. D’ailleurs, en plus du livre, Camille a réalisé en animation un clip-vidéo dont la musique est la chanson point de départ de l’histoire. Ainsi, la boucle était bouclée.
Camille de Cussac (illustratrice) :
Angèle m’a proposé l’histoire d’Olivier en septembre dernier. J’ai été très heureuse qu’elle pense à moi, et me suis empressée de lire le texte. J’ai tout de suite accroché, l’idée des zumains comme des sales gosses insupportables me plaisait beaucoup, mais je ne savais pas comment représenter la Terre, la pluie ou le soleil. Je ne me voyais pas faire une boule avec des yeux et des bras pour une planète, d’autres l’auraient fait d’une très jolie manière, poétique et délicate, mais moi j’ai tout de suite senti que ça aurait été raté. Du coup il a fallu que je trouve autre chose, et c’est là que j’ai eu l’idée de personnifier les éléments. Moi qui aime tant dessiner des personnages, je pouvais transformer tout le monde en humain, avec des attributs. Le soleil devenait alors un genre de Pablo Picasso en slip, égocentrique, et prof de yoga. La Lune était une jeune femme en pyjama, avec des posters d’Amstrong et d’astronautes dans son salon. Et les zumains, quant à eux, étaient de minuscules bonhommes verts, comme venus d’autres planètes. Il ne restait plus qu’à convaincre Olivier et Angèle d’adopter ces personnages-là. Ils ont été plutôt emballés et j’ai pu continuer à travailler sur cette voie-là. J’ai adoré travaillé sur ce projet avec Angèle, l’éditrice, qui m’a bien aidé à rendre chaque dessin utile dans l’histoire, et Olivier, l’auteur, qui m’a laissé beaucoup de liberté dans ma création ; et Olivier, le chanteur, qui m’a même proposé de réaliser un clip pour sa chanson « MISS TERRE ».
Alors Merci !
Angèle Cambournac (éditrice) :
Je connaissais Olivier Costes de nom car il a publié plusieurs livres-CD chez Actes Sud Junior où j’ai travaillé il y a 7 ans. Son texte m’a fait beaucoup rire, j’ai trouvé l’idée assez géniale. J’ai été particulièrement séduite par sa construction qui n’est pas sans rappeler celle des contes et par ce message écologique distillé avec humour. Tout cela en faisait un projet à part, plein de sens, qui avait complètement sa place dans le catalogue du Seuil jeunesse où humour et engagement font bon ménage.
Nous avons réfléchi à l’illustrateur/trice qui pourrait l’illustrer. Comme la structure de l’histoire est assez classique, j’ai eu envie de renverser les cadres, de décaler le projet et pensé à Camille de Cussac pour cette raison. Je connaissais l’album qu’elle a publié chez Marcel et Joachim, Le petit chaperon belge, que j’adore, et l’avais rencontrée deux années plus tôt quand elle était venue présenter son book en sortant d’école chez Thierry Magnier. La drôlerie de ses dessins, leur énergie, son sens de la couleur, tout me plaît dans son travail ! Pour cet album, nous avons utilisé une technique d’impression en multichromie afin de rendre au mieux les couleurs acidulées, voire fluo, de Camille !
![]() Ça me gratte la Terre ! texte d’Olivier Costes, illustré par Camille de Cussac, sorti chez Le Seuil Jeunesse (2017), que nous avons chroniqué ici. Retrouvez le clip évoqué plus haut ici. |

Née au début des années 90s, tour à tour professeure, amoureuse de la vie, de la littérature, de la musique, des paysages (bourguignons de son enfance, mais pas que…), des films d’Agnès Varda, des vers de Cécile Coulon et des bulles de Brétecher. Elle a fait siens ces mots de Victor Hugo “Ceux qui vivent ce sont ceux qui luttent”.
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