Aujourd’hui deux albums sublimes et sensibles qui abordent, chacun à leur manière, la liberté. Le bouleversant Les migrateurs de Vincent Gaudin et Karine Maincent qui nous conte le destin de deux oisillons contraints de quitter leur lac natal et Loup d’or de Raphaële Frier et Julien Martinière, une histoire d’oppression et de révolte… Bonne lecture !
Jojo et Jolie sont deux jeunes oies qui vivent paisiblement autour du Lac avec leurs parents. Leur quotidien n’est que jeux, rire et douceur… Jusqu’au jour où tout bascule… La rumeur enfle que les oiseaux de malheur s’approcheraient du lac. Il n’y a qu’une solution : la migration. Le problème, c’est que la migration habituelle par les plaines est impossible… Reste alors celle, beaucoup plus dangereuse, par les montagnes… Mais les parents de Jojo ne peuvent pas l’accompagner et surtout, il va falloir payer les outrepasseurs…
Les migrateurs est un grand album. Un album bouleversant et intense, une fable métaphorique sur les migrations. On suit le parcours de jeunes oies Jojo et Jolie contraints de fuir une menace politique (les oiseaux de malheur, un groupe de volatile souhaitant imposer leur hégémonie sur « le lac »). Malheureusement, nos chers oisillons sont obligés de tout laisser derrière eux et notamment leurs familles qui se sacrifient pour que les plus jeunes puissent partir. C’est un album qui oscille entre le tragique – on a les larmes aux yeux lorsque les parents de Jojo sont obligés de se « déplumer » littéralement pour payer les outrepasseurs – et un immense espoir. La migration est violente, difficile, mais dans l’adversité, Jojo et Jolie tentent de survivre en chantant des chansons et en se remémorant leur enfance joyeuse passée auprès du lac. Le texte est superbe, parfois dur, mais toujours touchant. Les illustrations de Karine Maincent nuancent le propos de Vincent Gaudin en offrant aux lecteurs et lectrices des petites saynètes colorées et vives débordantes d’humanité à l’instar de cet album.
Si certains connaissent la formule de la pierre philosophale, le docteur Caboche lui connaît le secret lui permettant de transformer la fourrure de loup… en toison d’or ! Soucieux de garder sa recette miracle pour lui, il a soigneusement enfermé ses loups aux œufs d’or dans un immense hangar, entouré lui-même de barbelé. Et tous les ans, à la même époque, les loups se font tondre. Les animaux vivent entassés les uns sur les autres, ils n’ont pas de noms, pas d’identité, seulement un numéro… Mais un jour, une petite hirondelle rentrée par mégarde dans le hangar va bouleverser sans le savoir la vie d’un des loups : 730…
C’est une histoire d’émancipation, d’espoir et de liberté que nous conte Raphaële Frier dans ce magnifique album. Loup d’or nous plonge au cœur d’un hangar, sinistre ou froid, ou vivent des loups qui font la richesse d’un propriétaire véreux. Un jour, le héros 730, entraperçoit la forêt… Aidé par son vieil ami 173, il va monter un plan pour tenter de s’évader. L’histoire est poétique, métaphorique et puissante. Car, pour être libre, il faut exister, avoir une identité propre. Et c’est ce que 730 comprend très vite, lorsqu’il décide de donner un nom à ses congénères et à lui-même. C’est très émouvant, l’autrice nous propose une réflexion intelligente (et intelligible pour les plus jeunes) sur l’aliénation, la nécessité de toujours croire en des lendemains qui chantent et sur l’importance de la solidarité. Ce très beau texte est porté par les illustrations lumineuses de Julien Martinière. Parfois très dures, notamment lorsqu’elles dépeignent les scènes de tontes, ou les scènes du hangar où les loups sont entassés les uns sur les autres (qui ne sont pas sans rappeler les hangars de l’agriculture productiviste), elles sont aussi porteuses d’espoir notamment lorsque l’illustrateur dépeint la forêt – un paradis à portée de main pour nos canidés. Que dire de plus mis à part : courez lire l’histoire de 730 et de ses congénères…. !
Les migrateurs Texte de Vincent Gaudin, illustré par Karine Maincent Kilowatt 16,50 €, 245×176 mm, 60 pages, imprimé en France, 2020. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Loup d’Or Texte de Raphaële Frier, illustré par Julien Martinière Sarbacane 15,90 €, 303×236 mm, 36 pages, imprimé en France, 2020. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Née au début des années 90s, tour à tour professeure, amoureuse de la vie, de la littérature, de la musique, des paysages (bourguignons de son enfance, mais pas que…), des films d’Agnès Varda, des vers de Cécile Coulon et des bulles de Brétecher. Elle a fait siens ces mots de Victor Hugo “Ceux qui vivent ce sont ceux qui luttent”.