Le titre de cette chronique est une phrase que j’ai entendue en tant que vendeur, comme de nombreux vendeurs qui, comme moi, ont travaillé dans des magasins où l’on vend à la fois des jouets et des livres. Pour certaines personnes, on offre donc des livres aux filles et pas aux garçons. Vous l’aurez compris, une nouvelle fois, on va parler de sexisme.
Dans la famille Porchon, il y a Monsieur Porchon (qui a un important travail), Patrick et Simon Porchon (qui vont dans une importante école) et Madame Porchon (qui fait la vaisselle, le ménage, la cuisine… avant de se rendre à son travail). Le matin, avant que Monsieur porchon parte à son important travail et que les enfants partent à leur importante école ils demandent à Madame Porchon de se dépêcher d’apporter le petit déjeuner. Quand ils rentrent, ils demandent à Madame Porchon de se dépêcher de faire le dîner. Mais un jour, Madame Porchon n’est plus là pour préparer le repas, faire la vaisselle, le ménage, le repassage…
À calicochon est un album parfait pour dénoncer les inégalités face aux tâches ménagères. Madame Porchon a beau avoir un travail, c’est d’elle qu’on attend qu’elle fasse tout ce concerne le foyer. Visuellement, c’est un album très intelligent. Au départ, Madame Porchon n’a pas de visage, petit à petit Monsieur Porchon, Simon et Patrick se transforment en cochons… Même si je ne suis pas fan du trait d’Anthony Browne (oui, je sais que je vais choquer certains), il y a tellement de trouvailles visuelles que j’ai trouvé cet album tout simplement génial. Un album qui date de 1986… et qui est toujours, malheureusement, d’actualité !
Et si… Si papa était plus petit que maman, s’il avait peur des araignées, s’il portait une jupe… serait-il toujours papa ? Et maman… Si elle réparait le lave-linge, si elle était plus sévère que papa, si elle conduisait une grosse moto… serait-elle toujours maman ?
Voilà de drôles de questions, comme le dit l’album et pourtant ces questions sont une bonne base de réflexion de ce qu’on attend d’une femme et d’un homme dans notre société. La douceur chez une femme et la sévérité chez un homme. Les travaux physiques pour un homme et les tâches ménagères pour une femme. Là aussi, j’ai un peu plus de mal avec les illustrations (comme je l’ai déjà dit, je ne suis pas fan du travail de Bruno Heitz) et je trouve que certains « exemples » vont peut-être un peu loin pour ce genre d’album et parasitent le propos (si maman avait de la barbe et si papa portait les bébés), mais voilà un livre très bien fait pour parler avec les enfants des différences supposées entre les sexes et déconstruire ces stéréotypes.
Les garçons, ça ne fait pas de la danse… ça serait trop ridicule ! De même, ça ne joue pas à la dînette. Quant aux filles, ça ne joue pas au foot et ça ne joue pas aux voitures… Ce sont des filles !
Ici encore, un très bon livre pour discuter des stéréotypes sexistes. On voit donc des affirmations sexistes face à des photos qui illustrent le propos, et sous les volets des photos qui déconstruisent les clichés (par exemple à l’intérieur de la page Les garçons ça joue pas à la poupée, on voit un papa qui donne à manger à son enfant). À l’heure où des manifs s’organisent pour qu’on sauvegarde les stéréotypes (on marche sur la tête…), il est important que ce genre d’album existe. Ici, c’est avec le texte que j’ai eu parfois du mal, les phrases sont très « parlées », par exemple les phrases négatives ne contiennent pas de « ne » (les filles ça peut pas piloter des avions, les filles c’est pas bricoleur…) ou des « c’est » à propos d’un pluriel (c’est des filles). Mais les photos d’Anne Sol (qu’on a interviewé il y a peu) sont superbes, le principe de l’album est très bon (même si l’on peut toujours se demander si le second degré passe vraiment auprès des enfants). Un très bel album qui a bénéficié d’un partenariat avec Amnesty International et qui a reçu le prix Sorcières en 2010.
Quelques pas de plus
Retrouvez tous les livres anti-sexistes sur notre fiche thématique (et ma chronique à ce sujet sur Aligre FM).
Nous avons déjà chroniqué des albums de Bruno Heitz (L’Histoire de France en BD : De la Gaule romaine à l’an mil et Le petit Cépou), Marie-Sabine Roger (Rikimini et 8 histoires à lire à deux, Les tartines au két-cheupe et La princesse de Fertabelle et la princesse de Fertamaline) et Anne Sol (C’est ma journée, mon imagier, C’est les vacances, mon imagier et C’est à moi, mon imagier). Retrouvez aussi notre interview d’Anne Sol.
À calicochon Texte de Anthony Browne Kaléidoscope 13,20€, 216×256 mm, 30 pages, imprimé en Chine, 2011 (première édition 1986). |
Si papa si maman… Texte de Francine Bouchet, illustré par Bruno Heitz La joie de lire 10,05€, 200×202 mm, 30 pages, imprimé en Chine, 2011. |
À quoi tu joues ? Texte de Marie-Sabine Roger, illustré par Anne Sol Sarbacane 15,50€, 220×230 mm, 40 pages, imprimé en Malaisie, 2013 (première édition 2011). |
À l’époque où les légos étaient mixtes… Un très bon article, richement illustré, comparant les jouets “d’avant” (avant l’invasion du rose) et ceux de nos jours…
Gabriel
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !
Chez nous, nous avons une petite fille de 7 ans qui adore Star wars, Calamity Jane et fifi brindacier et un petit garçon de 4 ans qui est hypersensible et qui aime se déguiser en princesse et que je pense sérieusement inscrire à la danse l’année prochaine tant il aime ça. Et ils adorent lire tous les deux. Moi aussi je me bats contre les stéréotypes mais ça n’est pas toujours simple …
Ma fille fait de la danse et il y a un garçon, pas de souci !
Cet article, ça me fait penser aux projets photo de Gabriele Galimerbti : http://www.slate.com/blogs/behold/2013/04/09/jeongmee_yoon_the_pink_and_blue_project_examines_the_gender_specific_marketing.html?fb_ref=sm_fb_share_chunky_bottom et http://www.ufunk.net/photos/toy-stories-gabriele-galimberti/
Bon sang, il y a encore du chemin à faire, j’ai l’impression que c’est de pire en pire en fait 😐 (Ici, le fiston aime jouer à la cuisine, aux Lego Friends rose, aux perles… et aux Lego Star Wars, aux Skylanders, aux ninjas…)
Oui, c’est une lutte de tous les jours, et l’ensemble de la production (culturelle, télévisuelle, vestimentaire, ludique) que les enfants assimilent est tellement sexuée que ça demande un vrai combat quotidien d’essayer de déconstruire tout ça à la maison…
Tout à fait d’accord avec toi pour Anthony Browne, je suis toujours un peu rebutée par ses illustrations, et pourtant ses albums sont toujours très sensibles et intelligents. A calicochon est d’une étonnante modernité sous son apparence vintage.
Oui c’est fou de se dire qu’il a presque 30 ans !
J’ai un garçon de 5 ans qui aime le rose et les livres et qui a une mère qui lui achètes des tee shirt, des shorts roses (si, si ça existe aussi pour les garçons!) et bien évidemment des tonnes de livres. Et j’ai une adorable belle mère, entre autres, qui me dit que par ma faute, mon fils est trop “précieux” (joli euphémisme). J’essaie d’éduquer mon fils dans la tolérance, dans l’ouverture aux autres, c’est pas toujours simple et on doit aussi parfois prendre sur soi pour ne pas véhiculer des clichés notamment sexistes. Je connais “à quoi tu joues” mais pas les deux autres, ces livres sont bien évidemment plus que nécessaire!
bravo ! Et n’hésite pas à aller voir la fiche thématique, tu en trouveras plein d’autres !
pas fan de… de… d’Anthony Browne? Je… je ne sais pas si je peux continuer à vivre tranquillement aujourd’hui, là…
:p
j’ai utilisé A Calicochon pour un projet de recherche avec des enfants de 7-8 ans. Elles étaient fascinées et ont découvert beaucoup de détails qui m’avaient échappé. Splendide livre.
pareil ! on m’a montré des choses que je n’avais pas vus !
Moi j’avais été déçue par le “A quoi tu joues?” . On en avait parlé sur le forum : globalement je ne le trouve pas clair pour les enfants et je trouve qu’il peut conforter les stéréotypes…. Enfin , disons que c’est vraiment un livre qu’il faut commenter et discuter pour ouvrir le débat et faire réfléchir . J’étais emballée par l’idée des photos (parce que pour une fois ça pouvait rendre le discours vivant et crédible mais j’ai trouvé le discours assez fade, sans envergure)… Et puis surtout , c’était la présence des adultes dans les jeux d’enfants que j’ai trouvé décalées … Elles peuvent sembler ridicule et aller à l’encontre du discours qu’on voulait faire passer .
https://lamareauxmots.com/forum/viewtopic.php?f=29&t=206
Par contre le Calicochon … il a l’air sympa en dépit de son côté désuet et j’aime cette idée de détails à repérer.
Moi non plus je ne suis pas une fan des illustrations d’Anthony Brown. Par contre j’aime ses textes (Madeleine à commencer à apprendre à lire avec j’aime les livres). Je connais bien à califourchon mais je n’avais pas conscience de son âge !
J’aime beaucoup à quoi tu joues, mais plus pour les illustrations. Et comme l’a dit Minimanemo, c’est un livre pour discuter. Je l’utilise en classe pour montrer que notre identité ne se construit pas de par notre sexe mais de par nos centres d’intérêt, et qu’on a la liberté d’essayer, d’aimer ou pas.
Je découvre si papa, si maman, mais je dois avouer qu’au premier abord je suis moins attirée.
Sinon dans le genre stéréotype, aujourd’hui j’ai corrigé le projet de première scolarisation tapé par ma directrice qui parlait de “première séparation avec la mère”, et j’ai pesté contre la mairie en ouvrant mon courrier car elle s’obstine à envoyer les factures au nom de Stéphane alors que c’est mon nom en premier , et que ça fait 3 ans que je leur dis !!!!!!!!!!
Je constate que “a quoi tu joues” à changé de couverture (elle était verte au départ: http://chlopitille.free.fr/dotclear/index.php?tag/mort ) et du coup, je m’interroge, pourquoi ce changement? Le bleu, sur un sujet pareil, ne peut pas être un choix neutre, d’autant que tout est vraiment pensé dans ce livre… Si vous connaissez la réponse, ça m’intéresse beaucoup.
Et j’aime aussi beaucoup le travail d’Anne Sol mais justement du point de vue des stéréotypes sexuels j’ai été très déçue par son album sur les contraires (aux éditions la bagnole) où la page qui oppose les filles et les garçons est vraiment… Stéréotypée.
Quand au Browne, je l’adore (j’adore cet album et tout le reste de son œuvre d’ailleurs) mais je regrette qu’une femme qui s’émancipe s’épanouisse justement dans une activité généralement réservée aux hommes. Comme si il fallait en passer par la perte de sa féminité, elle pourrait aussi s’épanouir au travail après tout. Mais ça, je pense que ça tiens justement au fait qu’il date d’il y a 30 ans 😉
Et Boucle d’ours? (Stéphane Servant et Laetitia Le saux) où Papa Ours essaie de convaincre son ourson de ne pas se déguiser en Boucle d’ours. Mais c’est sans compter sur Maman Ours et Le grand méchant Loup…je pense qu’on est dans le sujet aussi!
Déjà chroniqué !
Et il est bien référencé dans la fiche thématique.