Aujourd’hui, je vous propose deux courts romans.
Grégoire n’est pas du genre élève brillant, au grand désespoir de ses parents qui se demandent ce qu’ils vont en faire. Sa sœur, elle, les satisfait. Grégoire a pourtant une passion : les NAC, autrement dit les Nouveaux Animaux de Compagnie. En cachette de ses parents, il élève dans la cave des serpents, araignées et scorpions. Mais un jour, l’électricité est coupée dans les caves et Grégoire doit trouver une solution d’urgence ou ses amis mourront…
On retrouve la Muriel Zürcher de Papa Yaga, roman pour lequel j’avais eu un énorme coup de cœur. Amitié transgénérationnelle (Grégoire va sympathiser avec un vieux monsieur qui vit dans l’immeuble), difficulté de dialogue avec les parents… et le tout raconté avec humour et tendresse. On y parle aussi d’amitié, d’amour, de différence, d’entraide, de la vieillesse, de tout ce que nous apportent les animaux de compagnie, de trouver sa voie.
Même si personnellement j’ai beaucoup de mal avec ces histoires de NAC (les animaux sont quand même mieux dans leur milieu naturel), encore un beau roman signé Muriel Zürcher, un roman fort, riche.
Quand Corentin se réveille, il ne reconnaît plus sa chambre et surtout il s’aperçoit qu’il n’a plus de zizi ! Pour sa mère, ça semble normal, comme s’il avait toujours été une fille et à l’école c’est le même délire…
Quand Corinne se réveille, il lui arrive la même chose, mais en sens inverse, elle est devenue un garçon et ça semble ne choquer personne…
On avait beaucoup entendu parler de ce double roman Je porte la culotte (de Thomas Gornet) et Le jour du slip (d’Anne Percin) quand des illuminés avaient décidé de bombarder le blog La soupe de l’espace qui en parlait. En plein débat sur le genre, des jeunes qui changent de sexe, pensez donc !
C’est donc après en avoir énormément entendu parler que j’ai lu ce court roman… et je suis un peu embêté…
Je suis embêté, car j’aime beaucoup Thomas Gornet. Je lis en ce moment même L’amour me fuit, que je trouve vraiment très beau et j’avais beaucoup aimé Qui suis-je ? (chroniqué ici) qui d’après moi bousculait les clichés (sur l’homosexualité)… chose que je ne peux pas dire ici ! J’ai trouvé que Je porte la culotte et Le jour du slip étaient un catalogue de clichés sexistes. Les filles et les garçons ne se mélangent pas, les filles poussent des cris stridents en demandant à leurs copines de refaire leurs coiffures, les garçons ont des portes manteaux digimon et n’embrassent absolument pas leurs mères, les garçons jouent aux jeux vidéos et pas les filles, à la cantine les garçons sont resservis sans arrêt quand les filles, elles, doivent réclamer, les mecs ça pète ce qui fait rire les copains… AU SECOURS ! Je me serais cru dans une version pour ado de Les hommes viennent de Mars les femmes de Vénus…
Du coup, me rappelant à quel point un grand nombre de blogueurs avaient défendu ce livre je suis allé lire des billets, voir si c’est moi qui avais un souci (ou si je ne décelais pas l’ironie, la caricature sexiste pour faire réagir) et je vois que certains soulignent que ça montre bien les différences qu’il y a entre les filles et les garçons… et c’est là mon souci… je ne pense pas qu’un garçon et une fille soient différents ou du moins pas plus différents que deux garçons entre eux ou deux filles entre elles, je ne pense pas que ce qu’on a entre les cuisses fait qu’on est ceci ou cela, qu’on aime ceci ou cela, qu’on se comporte comme ceci ou cela. Personnellement, l’ado que j’étais était plus proche de la caricature des filles du roman que des garçons (quelqu’un qui pète ne m’a jamais fait rire, entre autres). Je trouve ça dommage de continuer à conforter ces idées sexistes dans la littérature jeunesse, de continuer de dire qu’un garçon doit être de telle façon et une fille d’une autre… sinon c’est qu’il y a un souci, un échange de sexe ! Si vous êtes différents, si vous n’êtes pas comme des caricatures genres c’est que vous avez un souci…
Écrire tout ça m’embête un peu, une nouvelle fois, car j’aurais aimé défendre ce roman descendu par des bas du front et, encore une fois, j’aime beaucoup Thomas Gornet, mais je ne peux pas dire du bien d’un tel roman…
Retrouvez les avis, plus positifs, de Maman Baobab, Les lectures de Liyah, Alias Noukette, Les livres de Dorot’, A lire au pays des merveilles, Bric a book, Qu’importe le flacon…
Quelques pas de plus…
Nous avons déjà chroniqué des ouvrages de Muriel Zürcher (Série Livranimo, Cro-magnon, Le tourneur de page, T.3 Au-delà des temps, Le gang des gigoteurs, Le voleur de lunettes, Papa Yaga, Krok Mais, Le tourneur de page, tome 2 : Vers l’inconnu, Le tourneur de page – T1 : Passage en outre-monde et La perle volée) et Thomas Gornet (Qui suis-je ?). Retrouvez aussi notre interview de Muriel Zürcher.
Ça déménage au 6B de Muriel Zürcher Éditions Thierry Magnier 7,20 €, 120×210 mm, 76 pages, imprimé en France, 2014. |
Je porte la culotte / Le jour du slip de Thomas Gornet et Anne Percin Rouergue dans la collection boomerang 6,50 €, 120×168 mm, 64 pages, imprimé en France, 2013. |
À part ça ?
Comment est né le Prince de Motordu ? La réponse de Pef.
Gabriel
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !
Ta chronique ne me choque pas, tu dis ce que tu ressens et tu le dis bien… Respire, tout va bien 😉
Bravo de donner ton ressenti de cette façon ! J’aime beaucoup cette chronique et va vraiment falloir que je me trouve ce livre (petit tour à la bibliothèque cette semaine; il y aura peut-être aussi ça déménage au 6B).
Lire cet avis sincère montre une nouvelle fois à quel point la mare est indépendante et non pas un blog sponsorisé.
Pour côtoyer un bon nombre d’adolescents depuis plus de 10 ans, je maintiens le côté caricature … les gosses répondent à des clichés, oui … sans doute l’effet de groupe qui accentue encore les traits de caractère. Et au milieu de cette jungle, oui, il y a des exceptions, tu en faisais partie, mais cela n’est guère la majorité.
Et puis, comment faire un livre double sans accentuer ces traits de caractère ?
Tu sais ça me fait penser aux gens qui disent “oui mais pour les côtoyer, y’a plus de voyou chez les immigrés”… doit-on répéter ces caricatures dans les livres pour enfants ?
Doit-on faire comprendre aux jeunes qui ne sont pas des caricature sexistes qu’ils ne sont pas normaux ?
Je savais que tu me dirai ça car j’y ai moi aussi pensé en l’écrivant.
Je ne pense pas non plus qu’on puisse comparer ce qui ne l’est pas. Pour un peu on atteindrait le pont Godwin pour un “simple” bouquin …
Dans ce livre, on ne dit pas que ceux qui sortent de la norme sont des exclus ou je ne sais quoi d’autre … Mais je te répète, comment faire un livre à deux versants sans accentuer ces différences ? C’est un procédé narratif pour moi.
(dirais) pfff …
Salut Gabriel
Je vais commencer comme les hommes politiques. Merci de me donner l’occasion d’écrire sur le livre. Car, finalement, je ne l’ai jamais vraiment fait, même au moment de la tempête du printemps dernier.
Mais je suis un peu déçu, oui. Car tu me connais assez (d’après ce que tu dis) pour savoir que nous n’avons pas, avec Anne, voulu écrire un livre sexiste, un livre qui conforte des idées sexistes. Le procès d’intentions me paraît un peu injuste, du coup. D’autant que tu ne critiques le livre que par rapport à ton expérience (qu’entendre quelqu’un péter ne te fasse pas rire n’est pas un argument, pour moi) et je trouve que tu manques d’objectivité, un peu. Dans la première moitié de ta chronique (permets-moi de te chroniquer, à mon tour), tu listes les événements sexistes de notre livre puis dans la deuxième moitié, tu ne parles plus du livre mais de ta conception du genre (je fais vite) à laquelle je souscris pleinement. Et c’était là mon but, notre but (mais je laisserai Anne s’exprimer si elle le souhaite) en écrivant le livre! (Par ailleurs, tu parles de toi “ado” alors que nos personnages sont en primaire. Mais bref, passons.)
Nous sommes d’accord sur le fond, donc. Mais la réalisation peut être critiquée, en revanche. Evidemment! 🙂
Alors sans doute le format court, imposé par la collection, ne nous a pas permis de mener totalement à bien notre projet. Mais on ne va pas rejeter la “faute” sur l’éditeur.
Donc, oui, nous utilisons les clichés habituellement associés aux deux sexes. Car force est de constater qu’ils existent, malheureusement. Et, oui, dans la majeure partie des cas, les petites filles et les petits garçons sont différents. (à part les garçons comme toi et moi mais ils sont rares 😉 ) Mais ce n’est pas vraiment leur faute. C’est de cela que nous avons voulu parler. Mais visiblement, ça ne fait pas mouche à chaque fois…. 😉
Parfois, je me dis que le principal défaut du livre est qu’il doit être accompagné par un lecteur adulte (de préférence qui ne soit pas de ton avis :D). Est-ce qu’un enfant qui lit le livre tout seul n’en reste pas au rire? (si tant est que péter le fasse rire. 😀 (bon, j’arrête avec cet exemple, promis) ) et ne voit pas que ces attitudes roses et bleues sont dictées par la société et non pas par la génétique? C’est peut-être là, à mon sens, la limite du livre. (Mais ce n’est pas ce que tu nous reproches)
Mais, tout de même, (je cite de mémoire), tu as remarqué que la Laetitia n’est pas aussi conne qu’elle n’y paraît (elle est même plus intelligente que sa coiffure poney le laisse présager), que Corinne-transformée-en-garçon se permet de faire des choses qu’elle s’interdisait (je dis bien : “s’interdisait”) de faire quand elle était une fille, que c’est la mère de Corentin qui ne veut pas que son fils lise parce qu’il est un garçon et qu’un garçon doit faire du sport. Etc. Il me semble que ce sont déjà trois exemples qui montrent que les attitudes sexistes des enfants sont dictées par leur entourage et non par ce qu’ils ont entre les jambes. Mais, encore une fois, peut-être que ceci est trop “subtil” ou trop superficiel pour qu’un jeune (ou moins jeune, comme toi) ne s’en aperçoive.
Et, surtout, pardon, mais mon Corentin-transformée-en-fille fait chavirer le coeur de son meilleur pote Ludo. Tout ça parce que Ludo croit que Corentin est une fille. Et Corentin se pose clairement la question de savoir qu’est-ce qui le retient d’aimer d’amour son pote Ludo. Son enveloppe corporelle de fille? de garçon? ou, tout simplement, ses sentiments?
Il me semble que c’est, dans le livre, l’événement le plus “osé” et que les Civitas -ces gros cons de connards- s’ils avaient vraiment lu le livre, m’auraient assassiné après m’avoir torturé en découvrant ce passage.
Toute mon histoire a été écrite pour en arriver à cet épisode. Et je ne connais pas beaucoup de livres pour 7-8 ans (encore une fois, ce n’est pas un livre pour ados) qui sous entend une possibilité d’amour entre deux petits garçons. Je suis un peu déçu que tu ne l’ai pas relevé. Peut-être n’est il en fait pas assez clair. J’ai manqué ma cible…
Bon.
J’attends maintenant ta belle chronique de L’amour me fuit, livre que Civitas et Alliance Vita adoreraient, à mon avis!
Des bises!
Eh bien… Avec des amis comme vous, on n’a pas besoin d’ennemi !
Je m’étais juré de ne jamais plus intervenir sur des blogs à propos de ce pauvre livre, mais les meilleures promesses sont celles qu’on ne tient pas (comme dirait Spiderman – eh ouais je suis une fille et mon héros c’est Spiderman). Mais votre commentaire ci-dessus me choque profondément. Vous dites : “doit-on faire comprendre aux jeunes qui ne sont pas des caricatures sexistes qu’ils ne sont pas normaux ?” pensez-vous réellement que c’était là notre but, à Thomas et moi ? Thomas dont, dites-vous, vous connaissez par ailleurs les livres, et l’engagement ?
Pourquoi n’avez-vous pas dit dans votre chronique que, passée la première heure d’horreur (très surjouée, certes, mais c’était volontaire : la caricature est aussi un procédé comique) en découvrant qu’ils ont changé de sexe, nos deux héros Corinne et Corentin (qui ne sont en vrai qu’une seule et même personne, “neutre”, Coco) découvrent avec ravissement tout ce que ce changement de genre leur permet ? A savoir : tout ce que la société (représentée par les adultes autour d’eux) ne leur permettait pas d’être (bagarreuse/tendre/lecteur/câlin/frondeuse/amoureux-se du même sexe, etc.)
Que vous ne l’ayez pas compris est un fait (peut-être ce petit livre est-il trop complexe et subtil pour un tel format, on s’est déjà posé la question), mais que vous accusiez les auteurs (car nous étions deux sur le coup, un esprit mâle et un femelle, et pas particulièrement connus ni l’un ni l’autre pour être de sales conservateurs coincés…) de s’être contentés d’enfiler des clichés sexistes comme des bonbons colorés sur un collier, le tout dans un esprit Christine-Boutinesque, c’est un comble !
En plus, vous parlez d’adolescents, alors qu’il s’agit ici d’enfants de 8 ans. Interrogez n’importe quel parent, quel enfant, quel psy ou n’importe quel prof des écoles sur le sujet, et vous saurez que c’est un âge où ce que vous appelez les “clichés” de genre sont extrêmement présents et où l’on a tendance à rester “entre soi”, sans se mélanger, justement. Nous avons voulu introduire de force ce “mélange”, par la biais de la fiction, pour amener les enfants à réfléchir à la question “est-on si différent, au fond”? (la réponse, pour nous, étant clairement NON : rien dans notre livre ne dit autre chose que cela : être fille ou garçon, c’est une histoire de code). C’est ce qui fait, d’aileurs, que ce livre avait été étudié dans des écoles dans le cadre de (feu) “l’ABCD de l’égalité”, et ce qui fait qu’il a été si violemment attaqué. Croyez-vous que les zozos de la Manif-pour-tous, d’Alliance et de Civitas auraient attaqué ce livre avec tant de hargne (jusqu’à nous menacer de mort, Thomas et moi) s’il véhiculait l’idée que garçons et filles sont deux espèces bleu-et-rose irréconciliables ?
Cher Thomas, Chère Anne,
J’étais bien embêté… et je le suis de plus en plus (c’est drôle car ma première idée était de ne pas parler du livre comme quoi j’aurai du m’écouter !).
Je sais TRES bien que vous n’êtes pas sexistes ! Sinon je crois que je n’aurai pas chroniqué le livre (je ne chronique pas les livres de chez Fleurus, par exemple). C’est justement parce que ce livre a été attaqué comme un ennemi de la croisade Boutin et compagnie, que ce livre est devenu une sorte de symbole que j’ai été assez déçu et que j’ai voulu en parler… Car oui il y a de belles choses (comme le trouble de Corentin devenu Corinne pour son ami), mais j’ai trouvé la caricature des genres un peu trop appuyée à mon goût.
Je ne suis qu’un lecteur, ce n’est que mon avis. Je suis peut-être le seul à penser ça donc quelle importance ? Je dis ce que je pense, c’est un des ingrédients principaux du blog, mais surtout mon avis n’engage que moi.
Oui j’ai parlé à tort d’adolescents, je suis vraiment perdu avec ces termes d’âges (c’est pour ça qu’il n’y en a pas de catégories d’âge sur le blog), par contre, personnellement (et même si je ne fais pas de mon cas une généralité… mais je me dis que je ne dois pas être le seul) j’ai été bien plus victime de moqueries par rapport au fait que je ne ressemblait pas aux autres garçons à l’adolescence qu’à 8 ans ! A cet âge là peut importait mes camarades que je sois plus poupée que voiture, que mes ami-e-s étaient des amies… à l’adolescence ça s’est compliqué…
Peut-être parce que j’ai été déçu (par rapport au nom que je connaissais, Thomas Gornet, par rapport au tapage sur ce livre) je n’ai, c’est vrai, retenu que les défauts… je l’aurai lu de façon neutre ça n’aurait peut-être pas donné cette chronique… qui n’est qu’une chronique de blog…
et bien après avoir lu tout le monde, je ne dirai qu’une chose; ça me donne très envie de lire le livre! 😉
Tant mieux !
J’avais oublié que tu allais me citer dans ton billet. Au final, j’ai l’impression que tu prends une phrase sortie de son contexte simplement dans le but de te faire mousser. Déjà, en contexte, ma phrase se voulait drôle. Mais si tu n’en as pas saisi l’humour c’est sans aucun doute que je ne le manie pas assez finement.
Ensuite je maintiens que garçon et fille sont différents. Car chaque individu est différent d’un autre. Et la différence selon moi c’est ce qui fait la richesse de l’humanité. Par contre, ils sont égaux, oui. Et le sexe ne fait pas la personne que l’on est.
Pour ce qui est de tes autres arguments… Anne et Thomas ont répondu avec plus de talent que je n’en aurai jamais.