Deux très beaux romans dont un très très gros coup de cœur.
Caillou a un drôle de prénom (à cause d’une tradition familiale), une mère qui travaille deux fois (et donc qu’il ne voit pas trop), un père qui n’est plus là et des sociales qui viennent les voir sans arrêt sa mère et lui à cause de ce qui s’est passé l’été dernier… Caillou a peur qu’elles le placent en foyer alors il apprend des réponses par cœur, celles que répondraient un petit garçon normal, il dit qu’il aime le foot (alors qu’il préfère jouer au ping pong avec des assiettes sur la table du salon) et que plus tard il veut être pilote de course (alors qu’en vrai c’est écrivain de mode d’emploi). Dans la vie de Caillou y’a un seul ami, mais un vrai, Karim. Et puis y’a Yaga la vieille indienne qui a planté un beau jour son tipi sur le parking de la cité.
Il y a des gens qui vous étonneront toujours… Muriel Zürcher m’a transporté avec sa série dystopique, Le tourneur de page, ses albums m’avaient enchanté et là son roman Papa Yaga m’a subjugué… et le mot est faible ! Je n’ai pas pu le lâcher de la première à la dernière ligne, je l’ai lu d’une traite (heureusement qu’il n’est pas gros). On parle ici de tellement de choses…. Des mères qui élèvent seule leur enfant, de la précarité, de la vie en cité, des SDF, des dealers, de l’amitié,… et tout ça avec tellement d’humour ! J’ai beaucoup souri, j’ai même ri parfois, j’ai eu les yeux humides, j’ai trouvé ce roman émouvant, touchant, drôle… Quelle plume, mes amis, quelle plume ! Caillou raconte son quotidien à sa façon, avec énormément de dérision. Ses chaussures 3 tailles au-dessus pour qu’elles durent plus longtemps, ses répliques qu’il tient de séries télé, son amour pour le chanteur de slam de la cité, sa collection de chaussettes de laine qu’il affiche au mur,… et puis surtout sa rencontre avec Yaga, indienne ou SDF on s’en fiche des mots, elle est une sorte de sage, quelqu’un qui compte dans la vie de Caillou tout comme ce livre va compter pour les enfants qui vont le lire. En tout cas c’est un livre que je vais retenir, conseiller… et que j’ai même envie de relire !
Fathi a un papa noir, une maman blanche et lui il est… ah oui tiens il est de quelle couleur ? Il aimerait bien le savoir, alors tous les gens que Fathi croisent doivent répondre à cette question qui le turlupine. Son père dit qu’il est noir comme lui, sa mère qu’il est presque blanc, à l’école on lui dit qu’il est couleur de crotte, sauf Volia qui pense qu’il est couleur chocolat, sa grand-mère lui dit qu’il est couleur café au lait, son oncle la couleur du coca, sa cousine du thé mal infusé,… personne n’est d’accord pour Fathi tout se brouille… Qui est-il vraiment ? Pourquoi ne voit-il aucun enfant comme lui dans les livres ? Et maintenant que ses parents sont séparés, que les blancs sont d’un côté et les noirs de l’autre, où trouver sa place ?
Catherine Leblanc a une vraie plume, une vraie belle plume. Elle décrit ici les questionnements de ce petit garçon métis, fils de divorcé, entre deux familles, entre deux cultures, entre deux couleurs. Un enfant qui se cherche, qui questionne les autres pour savoir qui il est, à quoi il ressemble. Catherine Leblanc joue avec les mots avec beaucoup de poésie, comme par exemple quand Fathi dit « Les couleurs sont fâchées, c’est toujours moins beau. Le blanc se dispute avec le noir. Tout est raté. C’est gris bouillé ». C’est un petit roman très émouvant, écrit avec énormément de justesse et de sensibilité. Les illustrations très douces de Sophie Charpin rendent ce livre encore plus beau, plus poétique. On évoque donc la quête identitaire, le divorce mais aussi les origines et la nationalité (Fathi dit à sa cousine noire qu’elle n’est même pas française), la différence, l’acceptation de l’autre. Un très beau roman.
Quelques pas de plus…
D’autres livres de Muriel Zürcher que nous avons chroniqués : Krok Mais, Le tourneur de page, Tome 2 : Vers l’inconnu, Le tourneur de page, Tome 1 : Passage en Outre-Monde et La perle volée (retrouvez aussi notre interview de Muriel Zürcher).
D’autres livres de Catherine Leblanc que nous avons chroniqués : Au lit, Ludo !, Le goût d’être un loup, Les petites personnes, Au revoir, bonjour, Lulu et Moussu, Ah ! Si j’étais président ! et Comment ratatiner les monstres ? (Retrouvez également notre interview de Catherine Leblanc).
Papa Yaga de Muriel Zürcher Oskar éditeur 8,95€, 130×210 mm, 90 pages, imprimé en Europe, 2011. |
Ma couleur de Catherine Leblanc, illustré par Sophie Charpin Balivernes dans la collection Coquecigrues 7,50€, 130,180 mm, 155 pages, imprimé en Italie, 2007 |
A part ça ?
Si vous êtes à Paris le 23 février, une petite info qui peut vous intéresser. A l’espace Beaujon dans le VIIIème arrondissement aura lieu la 6ème édition des quartiers de lecture. Au programme contes, spectacles, goûters,… Plus d’informations ici.
Gabriel
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !
Je ne connais pas la plume de Muriel (honte à moi) et j’ai bien envie de la découvrir non pas parce que c’est ton gros gros coup de coeur (les goûts et les couleurs ne se discutent pas) mais parce que à te lire c’est un roman qui soulève plein d’émotions différentes, que l’humour est présent dans une histoire pas légère et que ma foi quand je lis “un livre que j’ai même envie de re-relire” ça sent le “grand” roman.
Pour le second roman, Catherine a une belle plume en effet…toujours très juste sur le sujet…..et là ses mots sont associés à de bien douces et belles illustrations. On ne peut qu’être charmé.
Je ne laisse jamais de commentaires ici même si je viens vous rendre visite dès que j’en ai le temps. Mais aujourd’hui j’ai envie de vous dire que vous faites un travail incroyable tous les deux. Les chroniques d’aujourd’hui en sont encore la preuve, j’ai une envie folle de lire Papa Yaga. Merci pour toutes ces découvertes magnifiques et à très bientôt j’espère !
Je ne connaissais pas ce roman de Catherine ! Cette chronique m’a vraiment donné envie de le lire !