Comme l’année dernière, tous les mercredis de juillet et août nous vous proposons de découvrir un métier grâce à deux personnes qui font ce métier-là. Vous découvrirez ainsi ceux qui travaillent autour du livre pour enfants. Après auteur jeunesse, attaché de presse dans une maison d’édition jeunesse, traducteur de livres pour enfants, bibliothécaire jeunesse, éditeur jeunesse, blogueur jeunesse, libraire jeunesse et illustrateur jeunesse, cet été nous vous proposerons d’en savoir plus sur huit autres métiers : après les graphistes, les attaché-e-s à la promotion des auteurs, les maquettistes et les personnes qui nous parlent des livres à la radio, cette semaine nous nous intéressons aux fabricant-e-s. J’ai posé des questions à deux d’entre elles, Lison D’Andrea (Belin) et Nadège Grézil. Bon mercredi à vous !
Dis c’est quoi ton métier… Lison D’Andrea
Comment s’appelle votre métier ?
Mon métier est fabricante dans l’édition, je le précise car ce métier existe également dans l’imprimerie où il recouvre une réalité un peu différente.
En quoi consiste-t-il ?
Théoriquement, le fabricant est la personne responsable du livre en tant qu’objet, c’est-à-dire de ce à quoi l’objet va ressembler : son format, son façonnage, son impression, son support de fabrication (le plus souvent du papier, ou plutôt des papiers)… et tous les aspects techniques en lien avec la production du livre (jusqu’aux aspects logistiques)…
C’est un métier complexe, qui combine des compétences très variées, à la fois techniques et commerciales car bien évidemment, le fabricant se doit de fabriquer le plus beau livre au plus faible coût. Ainsi une partie de son travail consiste à négocier les prix auprès des divers fournisseurs (papetier, imprimeur, façonnier, presseur de CD ou DVD, fabricant de PLV…).
En théorie, le fabricant effectue le suivi du livre de son élaboration (si c’est une nouveauté bien sûr), jusqu’à sa livraison (chez le distributeur le plus généralement). Par son expertise, il conseille l’éditeur et/ou le maquettiste pour concevoir un livre dont la forme soit cohérente avec son contenu et son public.
Selon la taille de la maison d’édition, il peut également être responsable de l’achat du papier nécessaire à l’ensemble des publications (responsabilité qui m’incombe aux Éditions Belin).
Au moment de la finalisation des fichiers, le fabricant vérifie que ceux-ci sont « imprimables » (qu’il n’y a pas de problème de définition des images, de fonds perdus, de problème de surimpression…).
Il peut également être en charge de la photogravure, qui consiste à « ajuster » les images avec le photograveur, notamment au support d’impression (des images devant s’imprimer sur un papier couché brillant, comme un « papier glacé » de magazine, ou sur un papier journal devront subir un traitement numérique différent). Les épreuves certifiées qu’impriment ensuite le photograveur serviront de guide à l’imprimeur lorsqu’il imprimera le livre en machine.
Reste la production à proprement parler, durant laquelle le fabricant valide les « traceurs », se déplace parfois chez l’imprimeur au moment du « calage » pour valider le « Bon à Tirer » en machine et enfin contrôle les exemplaires justificatifs qu’il reçoit afin d’accepter ou refuser la livraison du tirage.
Mais une grande partie du travail du fabricant sort de ce cadre théorique, car comme dans toute production de type industriel, il y a toujours des imprévus, des problèmes techniques, et des retards divers et variés qu’il faut gérer, évidemment en urgence.
Quelle est la formation ou le parcours nécessaire pour l’exercer, quels ont étés les vôtres ?
Par le passé il me semble que c’était un métier qui s’apprenait « sur le tas ». Aujourd’hui il existe des BTS et Master d’édition qui forment au métier de fabricant. Personnellement, j’ai été maquettiste avant d’être fabricante, puis ai suivi une formation de fabrication de 6 mois à l’Asfored, par curiosité tout d’abord mais aussi afin d’élargir mon horizon professionnel et mes compétences.
Est-ce un métier qui s’exerce à plein temps ou faites-vous autre chose ?
C’est un métier à plein temps bien que je travaille bénévolement durant mon temps libre pour une autre maison d’édition (Éditions FRMK, beaux-livres et bande dessinée).
Qui sont vos interlocuteurs ? Les auteurs et les illustrateurs interviennent-ils ?
Nos interlocuteurs essentiels sont les imprimeurs et les éditeurs, notre travail est de faire le pont entre ces 2 mondes dont les impératifs ne sont parfois pas toujours compatibles et qui ne parlent pas vraiment le même langage.
Je dois ajouter, au vu de ma propre expérience, que la place et l’importance du service fabrication sont très variables selon les maisons, leurs histoires, leurs organisations internes.
Travaillez-vous pour plusieurs maisons d’éditions ?
Comme dit précédemment, je suis salariée uniquement par les Éditions Belin, mais par ailleurs je fais partie depuis 5 ans des Éditions FRMK, qui représentent ma « famille éditoriale », ce pourquoi, à mon niveau, faire des livres a du sens.
J’ajouterais que c’est un métier qui se pratique également en freelance.
Où et comment travaillez-vous ? (Chez vous ? Dans les locaux de la maison d’édition ?)
Le service Fabrication Belin est situé au sein de la maison d’édition, rue Férou dans le 6ème arrondissement de Paris.
Comment est calculée votre rémunération ?
Notre rémunération est fixe, il s’agit tout simplement d’un salaire.
Quelles sont les idées reçues qui vous énervent sur votre métier ?
Je crois malheureusement (ou heureusement), qu’il y a très peu d’idées reçues sur mon métier car celui-ci est très peu connu.
Quels sont les plaisirs à l’exercer ?
Les plaisirs de la fabrication sont liés à sa dimension « technico-créative ». Nous sommes en effet souvent confrontés à des contraintes ou des problèmes (budgétaires, techniques, logistiques) et le « jeu » du fabricant est d’arriver à trouver la (ou les) solution(s) qui rendront le projet réalisable (ce qui peut parfois s’avérer être un vrai casse-tête ou simplement quelque chose d’impossible, et c’est aussi notre rôle de l’expliquer à l’éditeur).
Un autre des plaisirs principaux de la fabrication est d’aller en « calage », c’est-à-dire chez l’imprimeur au moment où il « roule » le livre sur sa machine d’impression. Nous contrôlons ainsi la qualité de l’impression (chromie, repérage…) et effectuons les réglages nécessaires avec le « conducteur » de la machine. C’est l’occasion pour moi de sortir de mon univers quotidien pour passer du temps dans un monde qui m’est complétement étranger, ce que je trouve très agréable.
Et quels sont les mauvais côtés ?
Je dirais, à un niveau personnel, que les mauvais côtés sont liés aux aspects comptables essentiellement, qui peuvent être assez lourds dans les maisons d’édition de grande taille : contrôle de la facturation, passage de commande sur des logiciels de gestion complexe (ERP)…
Le site des éditions Belin : http://www.editions-belin.com et celui des Éditions FRMK : http://www.fremok.org
Dis c’est quoi ton métier… Nadège Grézil
Comment s’appelle votre métier ?
Fabricant/Fabricante
En quoi consiste-t-il ?
Faire le lien entre l’intérieur et l’extérieur de la maison d’édition pour faire d’une idée un objet, en trouvant les meilleurs fournisseurs (photograveur pour le traitement de l’image, imprimeur et relieur pour l’objet final) et en établissant un planning déterminé par la date de sortie du livre.
Quelle est la formation ou le parcours nécessaire pour l’exercer, quels ont étés les vôtres ?
Je ne suis plus trop au fait des nouvelles formations, il existe des BTS Fabrication et des DUT, pour ma part un DUT Métiers du livre-spécialisation Édition ( il y a presque 25 ans maintenant !)
Est-ce un métier qui s’exerce à plein temps ou faites-vous autre chose ?
A plein temps.
Qui sont vos interlocuteurs ? Les auteurs et les illustrateurs interviennent-ils ?
Essentiellement, les éditrices/éditeurs et les graphistes mais parfois je rencontre les illustrateurs pour certains dossiers où ils sont-particulièrement présents et/ou sollicités (plus souvent le cas pour les livres Jeunesse), plus rarement les auteurs. Je suis à leur service pour trouver ce qui correspond le mieux à leur demande.
Travaillez-vous pour plusieurs maisons d’éditions ?
Parfois pour des filiales (au sein d’un même groupe).
Où et comment travaillez-vous ? (Chez vous ? Dans les locaux de la maison d’édition ?)
Dans la maison d’édition avec l’ordinateur (mise en réseau des informations, échanges de mails) et le téléphone !
Comment est calculée votre rémunération ?
En fonction du niveau de qualification et de la convention collective de l’Édition.
Quelles sont les idées reçues qui vous énervent sur votre métier ?
L’avis de la dernière étape à peu d’importance. Un fabricant est « une source de stress » pour les autres intervenants !
Quels sont les plaisirs à l’exercer ?
Les livres pour enfants offrent une grande variété graphique et plus de créativités techniques.
Et quels sont les mauvais côtés ?
Faire respecter les plannings et faire prendre en compte les temps de fabrication et ce n’est pas toujours une science exacte !
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !
Est-ce que ce métier existe chez les petits éditeurs ?
D’après ma propre expérience, chez les petits éditeurs (5 salariés ou moins), de part leur petite taille (dû en grande partie à la précarité de leur économie), chaque personne se doit d’être polyvalent et occupe dans les faits plusieurs postes. Il n’est donc pas rare que le travail de fabrication soit effectué par un maquettiste, un éditeur, ou même un “administrateur”.
Ceci dit, ce poste existe de manière à part entière dans certaines petites structures (plutôt entre 5 et 10 salariés).
Merci pour la réponse. Je ne connaissais pas ce métier. Mais je me doute que chez un éditeur moyen ou plus grand, le travail ne doit pas manquer pour les fabricants. Après, les tout petits éditeurs ne doivent pas imprimer assez de livres pour se permettre de salarier un fabriquant j’imagine.