Chaque mois, depuis deux ans, nous avons mis un coup de projecteur sur un·e auteur·rice, un·e illustrateur·rice ou une maison d’édition. Malheureusement par manque de temps nous devons renoncer à cette chronique. Mais pour la dernière, c’est à Manon Fargetton que nous consacrons cette rubrique.
« J’aime me mettre dans la peau de gens qui n’ont pas forcément la même vision que moi ni les mêmes expériences de vie et de creuser ça. Qu’ils aient cinquante ou dix ans, ça peut être tout aussi passionnant. »
Extrait d’une interview de lire en bulles (2018)
Manon Fargetton est une autrice qui excelle autant dans les romans jeunesse qu’adultes, contemporains et fantasy confondus. Avec une plume sensible et percutante, elle entraîne ses lecteurs et lectrices dans des récits toujours plus prenants et émouvants les uns que les autres.
Manon
Robin est un petit garçon plutôt discret, qui manque de confiance en lui, devenu malgré lui l’une des victimes privilégiées d’Anthony, un camarade de classe. Heureusement il a Charly, son meilleur ami, avec qui il passe toujours de très bons moments. Le jour où, avec sa sœur, il découvre une drôle d’horloge dans le grenier de leurs grands-parents, il est loin d’imaginer que sa vie est sur le point d’être bouleversée. Car après quelques instants passés à l’intérieur, le voilà doté d’un curieux pouvoir : il peut suspendre le temps et le redémarrer à sa guise. Dans l’intervalle, alors que tout le monde est figé, il est libre de faire ce qu’il veut ! Passer devant tout le monde au toboggan, piquer des bonbons, faire une mauvaise blague à Anthony et bien d’autres choses encore. Mais un grand pouvoir implique de grands enjeux : à quelle fin Robin doit-il l’utiliser ? Pour son propre plaisir, même si ce n’est pas toujours bien, ou pour ce qui est vraiment important ? Et d’ailleurs, qu’est-ce qui est vraiment important ?
Qui n’a jamais rêvé de pouvoir arrêter le temps ? Pour Robin, c’est désormais possible ! Dans de courts chapitres, on découvre avec lui son nouveau quotidien – finalement pas aussi facile qu’il l’aurait cru. À travers cette histoire aux soupçons fantastiques, l’autrice en profite pour mettre en avant des thèmes importants tels que le harcèlement scolaire, l’amitié, la famille et les liens fraternels, la transmission intergénérationnelle, les disputes et les peurs, le bien et le mal. Surtout, avec Robin, elle nous questionne sur quelque chose de fondamental : qu’est-ce qui est réellement important ? Qu’est-ce qui compte vraiment ? À une époque où l’on court après le temps, déplorant sans cesse d’en manquer, comment l’utiliserions-nous si nous en avions davantage ? Si l’intrigue est peut-être sans réelle surprise pour les adultes, le propos n’en est pas moins intéressant pour les jeunes lecteur·rice·s, les invitant à toujours rester elleux -même et à se recentrer sur les choses – souvent les plus simples – qui comptent vraiment. Mêlant humour, aventure et fantastique, Robin à la dernière seconde est le premier tome d’une tétralogie pleine de possibilités.
Delphine
L’eau salée, la plage, le surf. Attendre le bon moment, affiner son geste, se réjouir de ses prouesses sur la vague à dompter. Sauf que la vague dans ce roman n’est pas seulement celle sur laquelle Clément oublie tout en équilibre sur sa planche. Celle-ci est bien douce comparée à celle qui est venue bouleverser son adolescence. Peu de ses ami·es osent aborder le sujet, mais parfois son nom est prononcé. Son drame a un visage, celui d’une sœur aînée portée disparue. Depuis, sa famille a quelque chose de bancal, chacun·e jouant le jeu de sauver les apparences. Jusqu’au jour où Clément décide de comprendre, de tenter de répondre aux mille questions qui le taraudent et qu’il a voulu étouffer depuis le jour maudit… Sa manière à lui, certes tardive, de faire son deuil et d’aller de l’avant, sans faux-semblants, quitte à remuer les souvenirs douloureux, quitte à réveiller les secrets qui dérangent.
Écrit à quatre mains avec Jean-Christophe Texier, Quand vient la vague relate une histoire de famille brisée par la perte d’une enfant. Clément prend en charge le récit de sa quête et nous livre ainsi le fruit de ses recherches. Quelle surprise est la nôtre, lorsque nous nous trouvons, dès le deuxième chapitre, face à la voix de sa sœur disparue qui surgit comme seconde narratrice. Les réponses se dessinent ainsi au fur et à mesure de l’alternance des voix, celle de l’avant, portée par Nina, et celle de l’après, portée par Clément. Voilà un roman qui a la teneur d’un petit film estival plaisant en ayant le gros avantage de ne pas céder à la facilité d’un final en happy-end qui lui ferait perdre de sa force et de sa crédibilité… Il dresse un portrait de famille qui n’a pas eu que des jours glorieux et fait se confronter le monde des adultes à celui des adolescent·es. On distinguera alors deux manières d’affronter la vérité et d’assumer ses choix, sans sombrer dans un manichéisme primaire. Et quand la fougue adolescente s’en prend aux contradictions de la vie d’adulte, la réalité a tout d’une déferlante qui emporte les illusions et lève le voile sur ce qu’on préfère parfois taire, à tort ou à raison.
Camille
Deux lignes d’explosions ravagent la Terre. Lorsqu’elles atteindront la Bretagne, le monde sera détruit. Six hommes et femmes tentent, au milieu des dernier⸳ières survivant⸳es, de rejoindre la côte atlantique dans l’espoir de, peut-être, échapper à la mort. Ensemble, iels ont dix jours à vivre avant la fin du monde…
Dix jours avant la fin du monde est un récit pré-apocalyptique extrêmement prenant. Imaginez voir votre monde détruit peu à peu, la mort se rapprocher de plus en plus, sans espoir ou presque de survie. Que faire ? Attendre l’inévitable ? profiter des derniers moments avec ses proches ? ou fuir, essayer de rejoindre le dernier point d’impact, dans l’espoir fou de, peut-être, s’en sortir ? Manon Fargetton questionne ici la façon dont l’humanité se comporte en cas de catastrophe majeure et réussit avec brio à créer un récit angoissant et captivant qu’il est difficile de lâcher. Explorant à la fois les comportements individuels et collectifs, elle nous présente un groupe de personnages tous plus différents les uns que les autres, souvent en conflit et pourtant étonnamment solidaires. Attachant⸳es pour la plupart, certain⸳es parviennent tout de même à nous agacer, nous offrant un panel d’émotions contradictoires. Dix jours avant la fin du monde est un roman passionnant qui vous plongera dans un monde envahi par la mort, tout en vous redonnant foi en la vie.
Manon
Mina est montée en haut de l’immeuble. Elle a décidé de sauter. Elle n’en peut plus de la vie qu’elle mène ou plutôt qu’on lui fait mener. Les humiliations, le harcèlement, la haine. Mais alors que l’adolescente regarde en contrebas, une voix la fait sursauter. Un adolescent l’a rejointe. Il s’appelle Océan et, lui aussi, a décidé de se suicider. Comme elle, il a choisi cet immeuble pour sauter et en finir. Les adolescent·es décident de passer une dernière nuit ensemble, à parler. Seule règle : ne jamais mentir. Et si au matin iels ont toujours envie de mourir, c’est ensemble qu’iels sauteront.
C’est une super idée qu’a eue Manon (la nôtre) de proposer ce coup de projecteur sur Manon Fargetton, car je n’avais encore jamais lu un de ses romans, ça m’en a donné l’occasion et j’ai adoré cette lecture. Si l’histoire est originale et intéressante, c’est surtout l’écriture de cette autrice qui m’a scotché (au point d’avoir eu du mal à poser ce livre avant de le finir). On s’attache vite aux personnages, Nos vies en l’air fait partie de ces romans dont on a du mal à quitter les héro·ïnes une fois notre lecture terminée. Si le sujet pourrait paraître extrêmement noir, le livre ne l’est jamais totalement, au contraire c’est un roman lumineux. Bien entendu, on y raconte des choses dures, Manon Fargetton parle de sujets que connaissent bien beaucoup d’adolescent·es (harcèlement, dépression, envie d’en finir…), mais elle le fait avec justesse, en n’oubliant jamais l’humour. C’est un roman qui résonne en nous et nous marque. Un très beau roman.
Gabriel
Titouan s’est peu à peu refermé sur lui-même, au point de ne plus vouloir sortir de sa chambre et de refuser tout contact avec le monde réel. Son seul lien, c’est Lix avec qui il joue en ligne. Mais un jour, un mystérieux message arrive sur son téléphone ; commence alors une « correspondance » avec une inconnue. Alix est une passionnée de théâtre. Son rêve ? Aller l’étudier à Paris. Mais, pour le moment, elle est coincée entre un père qui l’étouffe et une mère absente. Pour décompresser, elle se connecte de temps en temps pour jouer en ligne. Luce est une vieille femme, qui n’arrive pas à se remettre de la mort de son mari Lucien. Elle se mure dans la maison où elle a toujours vécu. Si seulement Lucien pouvait encore répondre au téléphone ! Gabrielle est la professeure de théâtre d’Alix. Amoureuse de sa liberté, elle ne sait pas s’attacher à celles et ceux qui l’entourent. Armand est l’ami de Gabrielle, mais surtout le père d’Alix. Toute sa vie est construite autour de sa fille qu’il a élevée seul. Il enseigne le violon dans le même conservatoire que Gabrielle.
Au fur et à mesure que vous tournerez les pages de À quoi rêvent les étoiles ?, vous comprendrez que ces cinq personnages sont relié·es les un·es aux autres par un fil invisible, comme celui qui relie les étoiles pour former des constellations. Chapitre après chapitre, chacun·e nous livre son point de vue, nous permettant ainsi de commencer à faire des liens. Toutefois, il faudra attendre « le final » pour enfin voir le récit se dénouer. La solitude qui habitait tous les personnages d’une manière différente vole alors en éclats pour laisser place à de jolies émotions : amitié, amour, entraide et solidarité…
Carole
Manon a 16 ans lorsqu’elle entre en contact avec un éditeur de 40 ans son aîné et entame avec lui une relation. Iels s’aiment, sa femme l’accueille chaleureusement, la BD qu’elle écrit avance grâce à lui… Bientôt, le projet éditorial de l’adolescente se mélange avec son amour pour son éditeur. Mais la mère de Manon fait tout pour protéger sa fille de cette relation qu’elle trouve malsaine, quitte à briser les liens et la confiance établis.
Je tiens à commencer cette chronique par l’avertissement suivant : Tout ce que dit Manon est vrai est une autofiction qui peut parfois être difficile à lire (le livre est d’ailleurs destiné à un public adulte, même si de grand·es ados peuvent le lire). Les sujets abordés sont, en effet, compliqués et peuvent heurter la sensibilité de certain⸳es. Manon Fargetton nous propose ici un roman intime qui, bien qu’écrit à la manière d’une fiction, laisse transparaitre une expérience bien réelle. Ici, beaucoup de thèmes sont explorés : l’amour, l’adolescence, la famille, le monde du livre, la manipulation… Autant de sujets traités avec sensibilité et émotion par l’autrice. Les personnages sont criants de vérité et deviennent plus réels au fur et à mesure que les pages se tournent. On en aime certains, on en déteste d’autres, certains nous rendent mitigé⸳es… Il s’agit d’un roman choral, qui donne la parole à tous les personnages sauf à Manon, lesquels s’adressent à elle durant tout le récit. C’est une narration unique qui permet une immersion complète. Tout ce que dit Manon est vrai est un roman puissant et difficile, qui ne pourra vous laisser insensible.
Manon
Les plieurs de temps : Robin à la dernière seconde de Manon Fargetton Rageot 12,60 €, 145×210 mm, 224 pages, imprimé en Italie par un imprimeur éco responsable, 2017. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Quand vient la vague de Manon Fargetton et Jean-Christophe Tixier Rageot 16 €, 145×210 mm, 270 pages, imprimé en Italie par un imprimeur éco responsable, 2018. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Dix jours avant la fin du monde de Manon Fargetton Gallimard Jeunesse 19 € (le livre existe aussi en poche), 155×225 mm, 452 pages, imprimé Italie, 2018. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Nos vies en l’air de Manon Fargetton Rageot 16 €, 145×210 mm, 192 pages, imprimé en Italie par un imprimeur éco responsable, 2019. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
À quoi rêvent les étoiles de Manon Fargetton Gallimard Jeunesse 17 € (le livre existe aussi en poche), 156×225 mm, 400 pages, imprimé en Italie, 2020. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Tout ce que dit Manon est vrai de Manon Fargetton Héloïse d’Ormesson 21 €, 142×206 mm, 416 pages, imprimé France, 2021. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Passionnée de lecture depuis toujours, j’adore découvrir de nouvelles histoires et de nouveaux univers. J’aime échanger autour de ma passion, parler pendant des heures du dernier roman que j’ai lu, réarranger sans cesse ma bibliothèque et me balader en brocante à la recherche de petites pépites.