Tous les mercredis de juillet et août je vous propose de découvrir un métier grâce à deux personnes qui font ce métier-là. Vous découvrirez ainsi ceux qui travaillent autour du livre pour enfants : illustrateurs jeunesse, éditeurs de livres pour enfants, libraires jeunesse, blogueurs jeunesse, vous avez déjà découvert les auteurs jeunesse (avec Marie Aude Murail et Séverine Vidal), les attachés de presse dans une maison d’édition jeunesse (avec Myriam Benainous et Angela Léry) et les traducteurs de livres pour enfants (Rose-Marie Vassallo et Josette Chicheportiche), cette semaine je vous propose de découvrir les bibliothécaires jeunesse ! J’ai donc posé des questions, afin de mieux connaître leur profession, à deux bibliothécaires : Laurence Horvais (bibliothécaire à Trouville-sur-Mer) et Thierry Bonnety (bibliothécaire à Saint-Raphaël). Merci infiniment à eux d’avoir pris le temps de me répondre.
Dis c’est quoi ton métier… Laurence Horvais
– Qu’est ce qu’un bibliothécaire jeunesse ?
– C’est une personne chargée de promouvoir la lecture publique auprès des enfants, de la naissance (ou presque !) à l’adolescence. Cette personne est chargée d’acheter des livres, de les présenter, de les prêter… mais pas seulement des livres ! Des CD, des DVD parfois, des magazines, et des ressources numériques depuis quelques années.
– Comment devient-on « bibliothécaire jeunesse » ?
– On peut, après le baccalauréat, faire un DUT (Diplôme Universitaire de Technologie) Information et Communication option Métiers du livre. C’est un diplôme que l’on obtient en deux années d’études. C’est après que l’on peut choisir de se spécialiser en jeunesse, lorsque l’on recherche un emploi, il n’y a pas d’études particulières pour cela. (De mon temps (eh oui !) il existait le CAFB (certificat d’aptitude aux fonctions de bibliothécaire) et là il y avait une option « Jeunesse »).
– Quelle est la différence avec un bibliothécaire « adulte » ?
– J’ai envie de dire… aucune ! Les livres et le public diffèrent, mais nous nous occupons de gérer des collections, de mettre en place des animations, d’aller vers de nouveaux publics…
D’ailleurs souvent, dans les petites bibliothèques, les équipes sont polyvalentes et chacun doit être capable de travailler en section adulte ou jeunesse.
– Vous ne travaillez que quand la bibliothèque est ouverte au public ?
– Eh non, c’est une vieille croyance qui a la vie dure ! Nous travaillons à temps plein, et nous réalisons tout le travail interne (achats, équipement, classement des livres, tâches administratives, accueil des scolaires et de certains groupes, mise en place des animations…) quand la bibliothèque est fermée. C’est grâce aussi à toutes ces tâches qui ne sont pas visibles pour le public que les bibliothèques fonctionnent. L’accueil du public est la partie émergée de l’iceberg !
– Vous participez à des salons ?
– En tant que visiteuse professionnelle, oui, je vais au salon du livre de Paris, et au salon jeunesse de Montreuil, un endroit formidable où l’on fait plein de rencontres. Il m’arrive aussi d’aller dans des salons en régions, si je suis au bon endroit au bon moment.
Et dans mon travail, j’ai la chance d’organiser, avec mes collègues, deux salons par an, dont un salon de littérature jeunesse (« Trouville-sur-livres ») où nous accueillons une quarantaine d’auteurs et illustrateurs, fin mai – début juin.
– Vous organisez des rencontres avec les auteurs ?
– Oui, chaque année, dans le cadre de ce salon jeunesse, nous faisons venir une petite dizaine d’auteurs et illustrateurs dans toutes les classes de Trouville sur mer, de la maternelle au collège (6e et 5e).
Nous organisons aussi des lectures par des écrivains, des conférences, etc.
– Comment travaillez-vous ? Avec quel matériel ?
– Comme dans beaucoup de professions, nous travaillons beaucoup sur ordinateurs, le prêt est informatisé depuis longtemps maintenant. Et puis il y a le contact direct avec le livre, quand on aime ce métier on ne s’en lasse pas.
– Comment est faite la rémunération ?
– Pour ma part je travaille dans une bibliothèque municipale (ce qui est le plus fréquent pour ce métier) donc je suis fonctionnaire de collectivité territoriale. Je reçois un salaire fixe (pour les fonctionnaires on appelle cela un « traitement »). Le salaire est fixé en fonction du grade que l’on occupe, il y a pour ce métier des conservateurs, des bibliothécaires, des assistants de conservation et des agents du patrimoine.
– Choisissez-vous les livres qui sont dans la bibliothèque ou vous sont-ils imposés ?
– Heureusement, nous les choisissons ! Cela fait partie de notre travail, de gérer des collections cohérentes et légitimes dans notre bibliothèque. On appelle cela la politique documentaire. Mais il existe des endroits où les bibliothécaires ne sont pas maîtres des choix opérés.
– Comment les choisissez-vous ?
– On écoute les désirs des lecteurs (enfin, pas toujours !), on lit les revues professionnelles, on repère les critiques, on suit l’actualité du livre et du disque, etc.
– Êtes-vous démarchée par des auteurs ? Des éditeurs ?
– Oui, fréquemment, et de plus en plus souvent maintenant que l’on communique par e-mail. C’est bien plus facile que quand il fallait envoyer un courrier ou passer des coups de fil !
Certains veulent que nous achetions leur livre, d’autres veulent participer aux salons du livre, et les éditeurs font la promotion de leurs auteurs (les plus petits éditeurs car les très connus n’ont pas besoin de cela, évidemment…).
– Vous arrive-t-il de refuser de mettre un livre en rayon ?
– Oui, cela peut arriver. En principe non parce qu’on les choisit, mais si quelqu’un offre un livre, on vérifie qu’il nous paraît opportun de le mettre en rayon. Parfois le texte peut être litigieux, véhiculer des idées douteuses, ou tout simplement être vraiment médiocre, même si là on est dans un jugement très subjectif…
– Quelles sont les idées reçues qui vous énervent sur les bibliothécaires ?
– Que ce sont des femmes, avec des lunettes et un chignon !! (zut, je remplis déjà les deux premiers aspects).
Non, plus sérieusement, les gens croient que nous avons le temps de lire (pas plus qu’eux sur leur temps de travail, en gros. La lecture, c’est à la maison), et ils croient que nous ne travaillons pas quand la bibliothèque est fermée.
– Quels sont les plaisirs à être bibliothécaire jeunesse ?
– Le contact avec le jeune public, très ouvert à la découverte, très réceptif et enthousiaste. Un tout petit qui dévore un livre (au sens propre et au figuré) c’est toujours génial !
Et le contact avec les livres, souvent inventifs, esthétiques, étonnants, riches de plein de choses…
– Et quels sont les mauvais côtés ?
– Franchement ? Hormis peut-être les contraintes horaires (finir un peu tard le soir et travailler le samedi), je n’en vois pas.
Dis c’est quoi ton métier… Thierry Bonnety
– Qu’est-ce qu’un « bibliothécaire jeunesse » ?
– Un bibliothécaire jeunesse est avant tout un bibliothécaire, c’est-à-dire, un professionnel de la lecture publique. C’est aussi quelqu’un de passionné par la littérature de jeunesse. Celui qui fait de la médiation, qui développe des actions culturelles autour de la lecture et la littérature de jeunesse. Attentif aux évolutions du métier, de la production éditoriale, aux désirs des jeunes lecteurs en perpétuels mouvements ! Attentif aux attentes des adultes professionnels de l’enfance (enseignants, assistantes maternelles, bénévoles, éducateurs, etc.)
– Comment devient-on « bibliothécaire jeunesse » ?
– De diverses manières :
- En faisant des études « Métiers du livre » (IUT, aujourd’hui il existe un Master, avant il y avait le CAFB).
- En passant les concours.
- Sur le tas par des formations en interne.
- Par passion aussi !
– Quelle est la différence avec un bibliothécaire « adulte » ?
– Sur le fond, il n’y en a pas. Sur la forme, la différence c’est le public. Mais aussi le fait que la littérature de jeunesse soit encore, hélas, considérée par certains comme une sous-littérature. Par certains parents comme scolaire… Cela m’agace !
– Vous ne travaillez que quand la bibliothèque est ouverte au public ?
– NON !!! Il y a ce que nous appelons dans notre jargon le travail en interne de bibliothéconomie (le choix, les achats, le catalogage et la saisie sur ordinateur des ouvrages pour que le lecteur puisse les retrouver sur le catalogue, l’équipement, la reliure etc.). Il y également la préparation des réceptions de groupes, de classes (de la crèche au lycée), la conception et la réalisation d’actions culturelles, les ateliers à développer et à animer, les réunions (relations avec les collègues, la hiérarchie, l’Éducation Nationale, les partenaires). Il y a aussi les comités de lecture, les colloques, les formations et les journées professionnelles.
– Vous participez à des salons ?
– Pas souvent car les salons sont souvent organisés dans des villes assez éloignés de celle où je travaille et les frais de déplacements sont limités, il faut donc faire des choix.
– Vous organisez des rencontres avec les auteurs ?
– OUI. C’est la cerise sur le gâteau. A la fois pour nous, bibliothécaires et pour les jeunes lecteurs. C’est une parenthèse, une bulle de bonheur. Cela demande en amont, beaucoup de travail, d’investissement (parfois personnel comme aller chercher une illustratrice qui arrive par le train de 23h20 !!!) C’est tellement enrichissant sur le plan du lien entre l’invité(e), les jeunes lecteurs et l’équipe de la Médiathèque.
– Comment travaillez-vous ? (Sur ordinateur ?)
– Sur ordinateur pour les recherches, pour rédiger les rapports, les lettres d’invitations, le travail de recherche, les commandes, etc. Sur ordinateur en service public, pour les prêts, la recherche documentaire et aujourd’hui sur d’autres écrans avec le développement des espaces numériques dans les bibliothèques : ipad, arkos, androïd, liseuse etc. Il y a aussi tout le travail de lien humain et social. Le lien avec le tout-petit, l’ado, les grands-parents, les enseignants, les professionnels de l’enfance et de la petite-enfance, etc. Ce lien exige beaucoup de disponibilité, d’écoute et de partage en dehors de toutes machines…
– Comment est faite la rémunération ?
– La rémunération est calculée selon le grade et le cadre d’emploi d’après des critères de la fonction publique territoriale.
– Choisissez-vous les livres qui sont dans la bibliothèque ou vous sont-ils imposés ?
– Nous choisissons TOUS les livres et pas que les livres puisqu’il y a aussi la presse, les disques, les DVD et les applications numériques. Les critères de choix sont établis suivant la politique de lecture publique de la structure, les actions culturelles de l’année à venir et la qualité des documents proposés.
– Comment les choisissez-vous ?
– Pour le choix nous avons plusieurs outils : les revues et sites professionnels, les sites des éditeurs, les blogs des auteurs et illustrateurs, certains blogs professionnels, les offices de la librairie avec laquelle nous sommes en marché, les comités de lecture, et je dois peut-être en oublier.
– Êtes-vous démarché par des auteurs ? Des éditeurs ?
– Rarement.
– Vous arrive-t-il de refuser de mettre un livre en rayon ?
– Rares sont les fois où, avec l’équipe, nous avons eu des hésitations. Les livres que nous ne mettons pas en accès public sont soit fragiles (nous les prêtons sur demande), soit patrimoniaux. Les autres documents sont disponibles en accès libre et c’est là le rôle d’une bibliothèque de lecture publique.
– Quelles sont les idées reçues qui vous énervent sur les bibliothécaires ?
– Les principales c’est que nous ne travaillons que quand la bibliothèque est ouverte au public et que pour prêter des livres, il n’y a rien de très compliqué !!!
– Quels sont les plaisirs à être bibliothécaire jeunesse ?
– C’est un plaisir permanent, découvrir de nouveaux ouvrages, de nouveaux talents, le contact avec les jeunes lecteurs. Le lien social avec leurs parents, les enseignants, les professionnels de l’enfance et de la petite enfance. Rencontrer des artistes, des conteurs, des auteurs et illustrateurs. Ce qui m’est cher c’est de transmettre, le goût des illustrations pour les plus jeunes et le savoir-faire pour les adultes comme les bénévoles de l’association « Lire et Faire lire » ou les assistantes maternelles des crèches. Faire découvrir aux adultes la richesse et la diversité de la littérature de jeunesse, ses aspects méconnus et tenter (je dis bien tenter à un tout petit niveau) de faire changer son image.
– Et quels sont les mauvais côtés ?
– Il en existe comme dans tous les métiers, mais je ne peux pas terminer cet entretien par les « mauvais côtés » !!!
Vous pouvez retrouver Thierry Bonnety sur le blog Lecture Jeunesse 83
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !
Tres intéressant !
Un coucou au passage à ces deux bibliothécaires 🙂
Merci Séverine, coucou en retour !
Tres chouette Gabriel !!! Merci 😉
J’ai pris beaucoup de plaisir a lire cet article.
Benevole depuis seulement quelques mois et deja tellement enchantee par ce si beau metier !
Vive les livres ! Vive ceux qui les font, qui les lisent et ceux qui les conseillent 🙂
Depuis près de 25 ans que je pratique ce métier, je dois dire que je n’ai ni lunettes, ni jupe plissée et encore moins de chignon !
Ce qui m’agace aussi, ce sont ces mères de famille qui demandent comment faire pour prendre ma place en été, vu qu’elles ont trois enfants et qu’elles savent tout de même ce que c’est qu’un bouquin…
C’est vrai, quoi, faut pas être bien malin-malin pour lire “Petit Ours brun” à l’âge adulte !
Je vous laisse, j’ai le dernier “Tom Tom et Nana” qui m’attend…
Merci pour ce commentaire qui prouve aussi que les bibliothécaires ont de l’humour ! (ce dont je ne doutais pas personnellement)
Ah, ah, ah !! Véro je te reconnais bien là…. Excellent ton com, j’adoooore !
J’adore la photo de Laurence Horvais !!!
C’est bien ça de respecter le droit à l’image des chats !!!
Je suis entièrement d’accord avec mes “collègues” car oui les bibliothécaires ils s’aiment tous all over the world ! Bon par contre il faut savoir que l’on peut aussi, comme dans beaucoup de jobs, être précaire en bibliothèque (cumulations de CDD, ..). Mais comme je dis souvent : aimer les livres ne suffit pas, il faut surtout aimer les gens oui oui ! C’est un véritable métier couteau-suisse où l’on jongle entre différents taches qui rendent notre travail tout sauf monotone. Si t’es fière d’être bibliothécaire tape dans tes mains clap clap !
Sinon Gabriel, je suis déçue, à la question “êtes-vous humain ou robot ?”, j’ai répondu R2D2 il a pas voulu le monsieur 🙁
Super, les entretiens !
Un métier de dévouement, de passion… pour s’investir année après année comme le font certaines et certains, avoir le feu sacré est nécessaire !
Et puis savoir décompresser, aussi… à la plage, par exemple (Thierry, le bronzage : chapeau !)
amitiés à tous les deux
fred p
Bonjour !
merci pour ces deux entretiens ! Ca fait chaud au coeur de se dire qu’on apparteint à cette grande famille des bibliothécaires spécialisés en jeunesse ! Toute cette passion partagée, ça me donne des ailes ! De beaux témoignages ! :o)
Je crois que si je n’avais pas été instit, j’aurais adoré être bibliothécaire…j’y ai même songé un temps….
Merci pour ces interviews!
J’ai eu la chance d’être reçue dans le cadre du salon du livre de Trouville, 2012, par Laurence et son équipe,
et l’accueil qui m’a été réservé, fut particulièrement chaleureux. J’en garde un souvenir très heureux.
Ce fut court mais ce salon est précieux pour toutes les belles rencontres qu’il génère,
je sais le travail en amont, la passion qui anime l’équipe. J’espère aussi que de nouveaux locaux pourront enfin voir le jour pour accueillir le jeune public.Et le moins jeune aussi. Tous les publics.
Ces passerelles sont indispensables à la la transmission, au coeur de ce magnifique métier.
Je souhaite aussi des évènements plus fréquents pour la ville de Trouville qui devrait s’en donner les moyens …
et je passe ainsi le bonjour aux mouettes !
Juste un clin d’oeil, en tant que collègue biblio jeunesse: le salaire c’est vraiment TABOU dans ce métier. Comme si on percevait des salaires indécents… Alors moi j’ai juste envie de donner quelques chiffres pour éclairer les aspirants biblio (et leur rappeler à quel point il faut avoir la foi pour faire ce métier): à bac+4, sur un poste d’assistant de conservation, j’ai commencé avec le smic, et au bout de 6 ans je frôlais royalement les 1400 euros nets par mois. Aujourd’hui titulaire du concours d’assistant qualifié de conservation du patrimoine (oui, l’intitulé est barbare) je gagne 1800 euros par mois. Je travaille 3 samedi par mois, toute l’année (oui, même pendant les vacances scolaires, et même si la médiathèque a des horaires plus restreints au mois d’aout). Cela ne m’empêche pas de penser que j’ai de la chance: les places sont rares, et… ben c’est quand même un chouette métier pour qui aime les contacts humains (la base de notre métier), les petits monstres dévoreurs de livres, les belles histoires, les belles images, les belles musiques…
Merci pour ce complément d’informations !
Merci beaucoup je suis tres interessée par ce métier et grace à ces deux interviews j’en est encore plus envie.