Cet été, comme l’été dernier, vous pourrez lire, tous les mercredis, une question d’enfant et la réponse d’auteur-e-s, illustrateur-trice-s, éditeur-trice-s… Aujourd’hui, c’est une question de Raphaël, 12 ans : « Est-ce qu’on propose à un auteur de roman plusieurs choix d’illustrations pour la couverture ? ». Les auteur-e-s Bertrand Santini, Cathy Ytak, Stéphane Servant, Cécile Roumiguière, Annelise Heurtier, Clémentine Beauvais et Gaël Aymon et l’éditrice Mélanie Decourt ont accepté de lui répondre, vous découvrirez, en même temps que lui leurs réponses. Chacune des questions retenues fait en plus gagner un ouvrage à l’enfant qui l’a posée. Cette question permet donc à Raphaël d’avoir la chance de recevoir, grâce aux éditions Sarbacane, Le journal de Gurty, vacances en Provence de Bertrand Santini, un super roman qui nous a fait beaucoup rire ma fille et moi (et que nous avons chroniqué ici).
« Est-ce qu’on propose à un auteur de roman plusieurs choix d’illustrations pour la couverture ? » (Raphaël 12 ans)
Bertrand Santini :
Cela dépend des éditeurs. Certains auteurs – comme moi – ont la mauvaise habitude de fournir une couverture avec le texte, ce qui vire généralement en pugilat avec l’éditeur. D’autres auteurs, par contre, ont une manie pire encore, celle de se désintéresser tout à fait de cette question. Enfin, une majorité d’éditeur conçoivent la couverture sans demander l’avis de l’auteur. Celui-ci, généralement timide, la découvre en faisant “Oh, c’est formidable” alors qu’il la trouve parfaitement hideuse.
Bertrand Santini est auteur et illustrateur de romans et d’albums. Son dernier roman, Le journal de Gurty, vacances en Provence, est sorti il y a peu chez Sarbacane. Avant cela, il a sorti, entre autres, Le Yark et Jonas le requin mécanique chez Grasset Jeunesse.
Retrouver ici l’interview que nous avons réalisée de lui.
Cathy Ytak :
Ma réponse va sûrement te surprendre, Raphaël… En effet, la plupart du temps, les éditeurs choisissent les couvertures des romans sans même demander l’avis des auteurs !
Ce sont donc les éditeurs qui choisissent les illustrateurs, et décident avec eux ce qui figurera sur la couverture. Les illustrateurs font alors des projets qu’ils remettent à l’éditeur. À ce stade-là, certains éditeurs envoient un ou deux projets à l’auteur pour lui demander son avis et recueillir ses commentaires. Ces éditeurs sont à l’écoute des auteurs qui peuvent ainsi demander à corriger quelques « erreurs » sur l’illustration (un personnage qui ne correspond pas à la description qui en est faite dans le livre, par exemple).
D’autres éditeurs, au contraire, n’envoient aux auteurs que la couverture achevée et prête à être imprimée. Dans ce cas, l’auteur est obligé d’accepter une couverture qui peut ne pas lui plaire. Et c’est très dommage !
Cathy Ytak écrit non seulement des romans jeunesse mais aussi des livres de cuisine. Et quand elle n’écrit pas ses propres histoires, elle traduit celle des autres ! Son dernier roman vient tout juste de sortir chez Nathan et s’intitule La seule façon de parler.
Son site : http://www.cathy-ytak.net.
Stéphane Servant :
Oui Raphaël, effectivement, cela se passe généralement ainsi. L’éditeur propose une ou plusieurs couvertures et demande son avis à l’auteur. S’il y a des hésitations, c’est l’éditeur qui tranchera au final car c’est lui le maître d’œuvre : c’est lui qui va assurer la promotion du roman et il est donc important que l’image mette en valeur l’objet livre. Mais c’est évidemment un choix subjectif – l’auteur et l’éditeur peuvent avoir des points de vue très différents.
En ce qui me concerne, j’ai la chance d’avoir choisi les photos des couvertures de mes deux derniers romans. Comme j’aime beaucoup la photographie, je suis à l’affût du travail des jeunes créateurs. Je vais voir des expos, je furète sur Internet. Parfois, le travail de ces artistes résonne particulièrement avec des textes en cours d’écriture : ça a été le cas avec Louise Markise pour Le cœur des louves, et avec Laura Makabresku pour La langue des bêtes. Sylvie Gracia, mon éditrice aux éditions du Rouergue, a été sensible à leurs univers. Nous étions entièrement d’accord pour dire que ces photos feraient de ces livres de beaux objets. Et c’est ainsi que leurs images se sont retrouvées en couverture de mes romans !
Stéphane Servant alterne les romans et les albums. Son dernier roman Chat par ci/Par par là est sorti au Rouergue. À la rentrée on pourra découvrir son nouveau roman, La langue des bêtes, au Rouergue toujours et son nouvel album, Ma mère illustré par Emmanuelle Houdart, chez Thierry Magnier.
Retrouvez ici l’interview que nous avons réalisée de lui.
Cécile Roumiguière :
L’auteur peut recevoir les esquisses de la couverture, un peu comme des brouillons, des propositions. Et il peut dire celle qu’il préfère, mais c’est l’éditeur qui décide. Parfois même, l’auteur peut suggérer le nom d’un illustrateur pour réaliser la couverture. Chez d’autres éditeurs, l’auteur ne découvre que la couverture finale, il ne pourra rien y changer. Les couvertures de romans font partie d’un ensemble, d’une collection, il faut que le lecteur repère les livres de la collection au premier regard, c’est pour ça que souvent c’est l’éditeur qui choisit tout seul la couverture. Mais il est important que l’auteur soit fier de la couverture de son roman, il va vivre avec elle un certain temps…
Cécile Roumiguière est auteure. Elle alterne romans et albums, elle vient d’ailleurs de sortir un roman chez La joie de Lire (Lily) et un album chez À pas de loups (Sur un toit un chat). À la rentrée, on découvrira Mon chagrin éléphant (Thierry Magnier).
Le site de Cécile Roumiguière : http://www.cecileroumiguiere.com.
Annelise Heurtier :
Cela dépend des livres et des éditeurs.
Parfois, l’éditeur n’implique pas du tout l’auteur, qui découvre (avec bonheur ou pas !) la couverture au moment de vérifier le BAT (Bon à Tirer, il s’agit de la maquette du livre juste avant qu’il soit imprimé).
D’autres fois, l’éditeur (ou le directeur artistique s’il y en a un dans la maison d’édition) montre à l’auteur les différentes pistes proposées par la personne qui réalise la couverture : graphiste, illustrateur, ou photographe. Et le choix se fait de manière concertée !
Annelise Heurtier est auteure de romans et d’albums. Son dernier roman Refuges est sorti chez Casterman. Son dernier album, Combien de terre faut-il à un homme, chez Thierry Magnier.
Retrouver ici une interview que nous avions réalisée d’elle.
Le site d’Annelise Heurtier : http://histoiresdelison.blogspot.fr.
Clémentine Beauvais:
En général, non, on en propose un seul. L’auteur a vraiment très peu de marge de manœuvre sur la couverture – on peut parfois dire qu’on préfère tel ou tel choix de couleur, telle ou telle police d’écriture, mais ces décisions sont très largement faites par les éditeurs.
Clémentine Beauvais écrit des romans (le dernier : Les petites reines, sorti chez Sarbacane) et des albums (le dernier : Lettres de mon hélicoptêtre, chez Sarbacane également). À la rentrée, on découvrira Les bébés ça pue chez Hachette.
Retrouver ici l’interview que nous avions réalisée d’elle.
Le site de Clémentine Beauvais : http://www.clementinebeauvais.com.
Gaël Aymon :
J’ai rarement mon mot à dire sur quoi que ce soit, illustrations ou couverture ! Mais je pense que si je détestais un projet de couverture, l’éditeur essaierait de trouver autre chose. Ça ne m’est jamais arrivé. J’aime presque toutes les couvertures de mes livres, même si je ne les ai pas choisies.
Gaël Aymon alterne romans (Le conte des trois flocons, chez Bayard, et Aux portes de l’oubli, chez Actes Sud Junior, viennent de sortir) et albums (Perce-Neige et les trois ogresses, chez Talents Hauts est le dernier en date).
Retrouver ici l’interview que nous avions réalisée de lui.
Le site de Gaël Aymon : http://gaelaymon.com.
Mélanie Decourt :
La couverture (comme le titre) d’un roman sont du ressort de l’éditeur. C’est lui qui à la fois connaît le contenu du roman et sait à quel type de lecteurs-lectrices on le destine, dans quel type de librairies on va le vendre et donc à quoi le livre doit ressembler pour attirer son public. C’est l’éditeur ou l’éditrice qui, en accord avec toute l’équipe (auteur-e, illustrateur-trice, graphiste, directeur-trice artistique, fabricant-e, directeur-trice du marketing, cf. question de Madeleine) va décrire le type de couverture qu’il imagine :
– avec une photo, une illustration ou juste le titre ?
– avec un effet de fabrication : vernis sélectif, fer à dorer, embossage, encre pantone… ?
– le genre du livre : humour, peur, imaginaire, historique… ?
– l’âge des lecteurs-lectrices,
– ce que l’on doit mettre en avant sur la couverture : les personnages ? le décor ? le genre ?
Ensuite c’est le directeur artistique ou graphiste qui la réalise : il fait faire une illustration ou trouve une photographie, puis cherche une typographie pour le titre et place le tout ensemble. Il ou elle fait plusieurs propositions et il y a plusieurs étapes, on corrige, on recommence, on cherche… puis on trouve ! Quand on hésite entre deux projets, on demande son avis à l’auteur.
Mélanie Decourt est directrice éditoriale (albums et fictions) chez Nathan après avoir été éditrice chez Talents Hauts, maison qu’elle a co-fondée.
Retrouvez ici l’interview que nous avons réalisée d’elle.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !
Eh bien ça fait un moment que cette question me turlupinait… En tout cas, en ce qui me concerne, la couverture est déterminante dans mon envie ou pas de lire un livre, (j’avoue même honteuse et confuse qu’il y a des livres sans doute très bien que je n’ai pas envie de lire juste parce que la couverture est moche… c’est nul, mais c’est vrai…)
Le choix de la couverture est en effet déterminante dans le choix d’un livre, surtout que je ne lis jamais la 4è de couverture (trop peur qu’elle en dise trop).
Pour lire beaucoup de littérature jeunesse, je trouve que parfois les couvertures sont vraiment dures (mais je ne suis pas le public visé), parfois je les trouve trop bébé (les sandales de Rama dernièrement par exemple). ça ne doit pas être facile en effet de faire le bon choix. Mélanie Decourt explique bien tout ce qui doit être pris en compte.
En adulte, en polar notamment, je suis parfois surprise du choix des couvertures.