Cet été, comme l’été dernier, vous pourrez lire, tous les mercredis, une question d’enfant et la réponse d’auteur-e-s, illustrateur-trice-s, éditeur-trice-s… Aujourd’hui, c’est une question de Madeleine, 7 ans : « Dans certains livres, on trouve parfois après l’histoire des informations documentaires. Est-ce que c’est l’auteur qui écrit cette partie ? Si oui, est-ce qu’il doit faire des recherches pour savoir autant de choses ? ». Les auteur-e-s Sigrid Baffert, Mymi Doinet, Anne Ferrier, Lionel Larchevêque, Véronique Massenot et Isabelle Wlodarczyk et l’éditrice Galia Tapiero ont accepté de lui répondre, vous découvrirez, en même temps qu’elle leurs réponses. Chacune des questions retenues fait en plus gagner un ouvrage à l’enfant qui l’a posée. Cette question permet donc à Madeleine d’avoir la chance de recevoir, grâce aux éditions des éléphants, Igor et Souky à la tour Eiffel un album justement avec une partie documentaire écrit par Sigrid Baffert et illustré par Sandrine Bonini. Dans cet album (chroniqué ici), les deux héros récurrents visitent le célèbre monument parisien. Igor et Souky c’est une super série dont deux nouveaux tomes sortiront à la rentrée.
« Dans certains livres, on trouve parfois après l’histoire des informations documentaires. Est-ce que c’est l’auteur qui écrit cette partie ? Si oui, est-ce qu’il doit faire des recherches pour savoir autant de choses ? »
(Madeleine 7 ans)
Sigrid Baffert :
Bonjour Madeleine,
Plusieurs cas sont possibles : parfois, c’est l’auteur qui écrit cette partie, d’autres fois, il peut s’agir de l’éditeur, ou encore d’un « spécialiste » à qui l’éditeur fait appel lorsque le thème est très pointu.
L’intérêt de tels ajouts documentaires en fin de livre est d’élargir le sujet. Ça permet de donner à découvrir d’autres points importants que le récit n’a pas pu aborder, de préciser certains détails techniques, ou encore de nuancer un propos. Très souvent, ces recherches ont servi de tremplin en amont à l’auteur pour écrire l’histoire.
Car oui, la plupart du temps, l’auteur doit faire des recherches, il ne sait pas tout sur tout ! C’est justement ce qui est passionnant : il apprend des choses sur des sujets très variés qu’il n’aurait sans doute jamais abordés sans la nécessité de l’écriture, qu’il s’agisse ou non d’une commande.
Dans le cas des Mercredis d’Igor et Souky, une série d’albums de docu-fiction, c’est moi, l’auteur, qui effectue les recherches. Elles m’aident à aborder la partie fiction et sont écrites en premier, puis je me lance dans l’histoire. À la fin, on relit ensemble avec l’éditeur (les Éléphants), on affine. L’illustratrice de la série (Sandrine Bonini) dessine de petits cabochons pour aérer cette partie plus « aride ». Avec elle, tout devient digeste !
La première difficulté est qu’il faut faire des choix. « Qu’est-ce qui fait sens pour un enfant ? », il faut trouver des exemples imagés, percutants, insolites, amusants.
La seconde difficulté est qu’il faut sans cesse revérifier les sources et les données.
Il y a toujours la crainte de faire une erreur. On a beau relire cent fois, une information peut échapper ou évoluer, et une fois que le livre est imprimé, c’est trop tard ! Les chiffres et l’actualité se périment vite et certains sujets sont subjectifs.
Mais à vrai dire, les informations purement documentaires en fin d’ouvrage ne sont pas celles qui me posent le plus de difficultés. Les plus délicates sont celles qui sont distillées au sein même d’un récit de fiction. Quand on écrit un roman ou un album, il ne faut pas étouffer le lecteur avec un pudding de documentation, l’enjeu est de réussir à insérer les informations (techniques ou historiques) sans en avoir l’air, de les mêler à la narration de la manière la plus fluide et la plus naturelle possible, à travers l’action et les dialogues. Un bon auteur de fiction doit savoir coudre la technique dans l’ourlet de l’histoire avec du fil invisible.
Sigrid Baffert vient de sortir deux Igor et Souky aux éditions des éléphants (Igor et Souky à la tour Eiffel et Igor et Souky au zoo de Paris) côté albums et côté romans Juste à côté de moi (La joie de lire) et La fille qui avait deux ombres (l’école des loisirs). À la rentrée, on découvrira deux nouveaux Igor et Souky (Igor et Souky à l’Opéra et Igor et Souky dans les égouts). Retrouvez-la sur son site : www.sigrid-baffert.com.
Mymi Doinet :
Oui, j’aime tout particulièrement ce travail de documentaliste, une façon pour moi de devenir incollable sur bien des thèmes. Et puis je trouve qu’un mini documentaire venant compléter une fiction est une piste de découvertes interactives pour les p’tits loups qui font leurs premiers vrais grands pas dans la lecture.
J’ai ainsi tout spécialement créé une double d’infos documentaires pour Les animaux de Lou et désormais aussi pour la série mettant en scène la tour Eiffel (Premières lectures parues chez Nathan). Pour tout ce qui est des documentaires sur la faune par exemple, je demande une relecture attentive à des spécialistes animaliers et de Marc Giraud, « bestiologue » auteur naturaliste hors pair, qui connaît tout des animaux, du minus acarien à la giga baleine bleue.
Mymi Doinet est auteure. Elle a notamment écrit la série Les animaux de Lou et Les copains du CP (tous deux chez Nathan). Elle vient de sortir la suite de La tour Eiffel à des ailes, La tour Eiffel à New York, illustré par Mélanie Roubineau chez Nathan là encore.
Son site : http://mymidoinet.blogspot.fr.
Anne Ferrier :
En général, c’est l’auteur lui-même qui rédige la partie documentaire. On fait des recherches qui peuvent prendre du temps, c’est vrai, mais comme en général on a effectué ces recherches avant, pour écrire le roman lui-même (si on parle d’un personnage historique, ou d’un château qui existe vraiment, par exemple, il vaut mieux avoir fait des recherches avant d’écrire l’histoire, pour être sûr de ne pas raconter trop de bêtises), il n’y a plus qu’à récupérer les notes qui nous ont servi pour le roman, et hop ! le travail est déjà fait !
Et moi, j’adooooore effectuer des recherches, j’adore apprendre plein de choses qui ne me serviront sans doute jamais : par exemple, sais-tu que les tatouages existaient déjà à la préhistoire ? Et qu’en shimaore (la langue de Mayotte), un escargot est un kowa ? Bon, c’est vrai, c’est difficile à caser dans une conversation. 😉
Parfois, c’est l’éditeur qui se charge de la partie documentaire, parce qu’il souhaite quelque chose de très précis par exemple : dans la série sur l’enfance des héros arthuriens, à la fin de chaque album l’éditeur a souhaité insérer une petite BD qui reprend les éléments essentiels de l’histoire.
Anne Ferrier vient de sortir, avec Régine Joséphine, une nouvelle aventure des Chroniques étranges des enfants Trotter, Le dernier combat (Oskar) et un album chez Utopique, Mon extra grand frère.
Retrouvez-la sur son site : http://www.anne-ferrier.fr.
Lionel Larchevêque :
Bonjour Madeleine !
Dans les trois livres que j’ai faits pour la collection Le thé aux histoires, il y a d’abord une histoire et quelques pages documentaires sur le même thème. Pour le Graoully (un célèbre dragon qui vivait autrefois à Metz !), et La nuit du Kougelhopf c’est quelqu’un qui travaille au musée qui a aidé à écrire la deuxième partie du livre. Pour Mannele, c’est une pâtissière de talent qui a proposé une recette très gourmande !
Comme tu vois, ce sont à chaque fois des spécialistes de la question ! Je pense que c’est plus intéressant ainsi, car le lecteur peut apprendre davantage de choses, et moi aussi par la même occasion…
Car moi, pour écrire une histoire, j’ai souvent besoin de me documenter, et de lire beaucoup, mais je retiens peu de choses, je ne garde que des idées pour mon histoire. Chacun son métier ! 🙂
Lionel Larchevêque a sorti il y a peu Mannele (aux éditions Feuilles de menthe, avec Clotilde Perrin). À la rentrée, on découvrira Je voulais un chat (chez Alice) et Joe, roi du lasso avec Sylvie de Mathuisieulx (chez Samir Éditeur).
Retrouvez-le sur son site : http://lionellarcheveque.blogspot.fr.
Véronique Massenot :
Chère Madeleine,
je pense qu’il y a plusieurs réponses à ta question, car tous les éditeurs ne fonctionnent pas de la même façon. Je vais donc te parler de mon expérience à moi, celle que je connais le mieux !
Dans la collection Pont des Arts, pour laquelle j’écris régulièrement des histoires inspirées par l’œuvre de grands artistes, les deux cas se sont présentés.
Pour mes premiers livres (Chagall, Hokusai, Le Corbusier, Picasso…) c’est moi, l’auteure de l’album, qui ai aussi rédigé la double-page documentaire terminant le livre – celle qui raconte la vie de l’artiste, son époque, sa manière de créer… Mais pour les suivants (le facteur Cheval ou Matisse) la formule a changé : maintenant, c’est l’éditeur qui s’en occupe directement avec son partenaire spécialiste de l’enseignement (CANOPÉ).
J’avoue que j’aimais beaucoup le faire. Ce n’était pas compliqué parce que, pour inventer l’histoire du livre, de toutes façons, je fais beaucoup de recherches sur l’artiste, sa vie, son travail, ses idées… (Quand c’est possible, je vais voir l’œuvre « en vrai » au musée, par exemple.) Ce que j’invente ensuite y est forcément relié. C’est d’ailleurs le but de cette collection : faire un pont entre les arts !
Cela dit, je participe toujours à cette dernière double-page. Car une partie de celle-ci (La marmite des auteurs) est désormais réservée aux créateurs du livre (texte et images) qui peuvent expliquer ce qui les intéresse chez l’artiste choisi et comment ils ont travaillé chacun : pourquoi l’auteur a-t-il eu l’idée de tel ou tel personnage, pourquoi l’illustrateur a préféré peindre de telle ou telle manière… C’est drôle parce que, finalement, au lieu d’être rédacteur du documentaire comme avant, l’auteur en est presque devenu une partie du sujet !
Véronique Massenot a sorti cette année deux albums : Merci Facteur ! (illustré par Isabelle Charly, chez L’élan Vert, une petite vidéo pour le découvrir) et Le Vieux Tigre et le Petit Renard (illustré par Peggy Nille, toujours chez L’élan Vert).
Retrouvez-la sur son site : http://veroniquemassenot.net.
Isabelle Wlodarczyk :
Bonjour Madeleine,
En fait, ça dépend : parfois, ce sont des spécialistes qui écrivent la partie documentaire. Dans mes livres, je demande à la faire parce que pour gribouiller mes bouquins, je me documente beaucoup. J’aime bien ensuite raconter ce que j’ai lu, restituer les faits. Ça demande, comme tu le dis, de faire des recherches, un peu comme un détective : tu farfouilles dans les articles, les documents. Parfois, tu lis même des vieux papiers aux archives et tu te plonges dans le passé ! Il m’arrive de tomber sur des histoires incroyables, des disparitions étranges, des morts louches… C’est là que je puise mes idées de romans.
Isabelle Wlodarczyk est auteure. Elle vient de sortir Voltaire, écraser l’infâme chez Oskar et elle sortira prochainement deux ouvrages en rapport avec l’Odyssée d’Homère : L’odyssée d’Homère pour réfléchir (chez Oskar) et Pénélope d’après l’Odyssée d’Homère (chez Amaterra). Retrouvez-la lors de l’interview que nous avons fait d’elle et sur son site.
Galia Tapiero (Kilowatt) :
Bonjour Madeleine,
Parfois les informations documentaires sont écrites par l’auteur mais pas souvent. Cela dépend de l’auteur et aussi de la longueur et de la difficulté de la partie documentaire. Mais quelle que soit la personne qui écrit, il faut faire des recherches pour être sûr de ne pas se tromper, pour ne pas oublier des informations importantes, pour vérifier une date ou un nom. On fait des recherches sur internet et on va à la bibliothèque. C’est passionnant de découvrir un nouveau sujet et d’apprendre. Chez Kilowatt, la partie documentaire de l’histoire Les Beignets de ma mère a été écrite par l’auteur et l’éditrice. Marion le Hir de Fallois, l’auteur, avait déjà vécu en Louisiane et s’intéressait beaucoup au sujet de la ségrégation. C’est elle qui a eu l’idée de rajouter une recette de cuisine. D’autres auteurs ont envie d’écrire des histoires sans se soucier du documentaire. Chaque livre est unique.
Galia Tapiero est éditrice chez Kilowatt.
Le site de la maison d’édition : http://www.kilowatt.fr.
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !
C’est intéressant de voir que les auteurs prennent plaisir à écrire cette partie et cela permet de se rendre compte du travail de recherche préalable à l’écriture.
Madeleine adore toutes ces informations documentaires en fin de roman. Par contre elle n’aime pas (encore peut-être) lire des livres documentaires alors que son frère les dévorait dès qu’il a été lecteur.
Pour l’instant ça lui suffit d’apprendre à travers les romans.
Le livre offert va lui plaire car elle adore la Tour Eiffel et se pose justement des questions à son sujet (notamment comment on la nettoie).
Merci beaucoup pour elle.