Cet été, on vous propose encore une nouvelle rubrique pour nos invité.e.s du mercredi. Après les questions sur les métiers et les questions des enfants, on a proposé cet été à des auteur.e.s et des illustrateurs.trices de poser trois questions à un auteur.e ou une illustrateur.trice de leur choix. Puis à l’interviewé.e d’en poser une à son tour à son intervieweur.euse d’un jour. On commence ces mercredis de l’été avec Jean-Luc Englebert qui a choisi de poser des questions à Benjamin Chaud !
Jean-Luc Englebert : Tu vivais à Paris et tu travaillais en atelier collectif et maintenant tu vis à la campagne et tu travailles seul. Comment vis-tu ce changement ? Et quel univers préfères-tu ? Tu travailles en musique ?
Benjamin Chaud : j’ai toujours travaillé en atelier, à Marseille et à Paris, c’est très important pour moi de ne pas être seul chez moi pour dessiner. Alors quand je suis arrivé à Die j’ai pris un atelier avec d’autres personnes, il y a même Gaëtan Dorémus qui est illustrateur aussi qui travaille dans la même pièce que moi. J’ai besoin de cette ambiance de travail, de cette camaraderie. Et j’ai de la chance car nous avons presque les mêmes goûts en musique (je ne peux pas travailler dans le silence non plus) nous écoutons des vieux trucs : Tom Waits, Nick Cave, Léonard Cohen, PJ Harvey, Arcade Fire…
Et tous les matins je travaille aussi une heure au café pour l’inspiration, là j’ai besoin d’être seul (paradoxalement) et ça dans un village c’est pas gagné d’être tranquille sans personne qui vient discuter à ma table.
Jean-Luc Englebert : Tu travailles plusieurs techniques différentes, peinture, crayons de couleur, ordi… As-tu une préférence ou une technique que tu aimes plus que tout ?
Benjamin Chaud : Ce que j’aime plus que tout c’est le dessin au critérium, en noir et blanc que je fais dans mes carnets de croquis, la couleur à la gouache, au crayon de couleur ou à l’ordi c’est plus difficile pour moi mais la couleur a une place importante dans mon travail donc je me donne du mal et je le fais. C’est peut-être pour ça que je change souvent : après deux mois à faire de la gouache pour un album je n’en peux plus et je suis bien content de passer à l’ordi ou aux crayons de couleur. Chaque livre a son univers et pour chaque univers il y a une technique qui fonctionne mieux, s’il y a beaucoup de détails par exemple c’est plus facile à l’ordi, pour les matières j’ai plus de facilité à la gouache…
Jean-Luc Englebert : Tu as fait des livres avec des éditeurs étrangers (Suédois), vois-tu une différence d’approche entre ces éditeurs et ce que tu connais en France ?
Benjamin Chaud : Oui bien sûr, déjà les rapports sont plus facile en France car on peut se voir en vrai, discuter, avec les éditeurs étrangers je communique par email et en anglais, alors je suis dans une sorte de flou, j’ai déjà eu des idées de dessins très originales car je n’avais pas bien compris le texte, ce qui peut être une bonne chose : on en a gardé certaines. Ensuite il y a des cultures, des façons de travailler différentes. J’ai des corrections en Amérique que je n’aurais jamais en France et qui me font penser que je suis une sorte de dangereux punk (qui dessine de l’alcool, des femmes en maillot de bain…) il semble aussi qu’on y fait moins confiance au lecteur qu’en France, qu’il faut plus expliquer, moins suggérer. Au final quand même je préfère travailler en France car j’ai besoin que mes livres soient vus par des gens que je connais pour avoir des retours, autrement c’est un peu comme si j’avais fait le livre dans le vide. Et en France j’ai moins peur que mes dessins se perdent en route quand je les envoie aux éditeurs.
Benjamin Chaud : Je vois tes BD autobiographiques sur facebook, sont-elle éditées ou le seront-elle ? Comment envisages-tu la bande dessinée par rapport à l’album jeunesse ? Est-ce pour raconter d’autres choses à un autre public ?
Jean-Luc Englebert : Les petites BD autobiographiques sur Facebook, c’est une petite série que j’ai créée d’une manière très légère, comme un petit échauffement avant une journée de travail, mais aussi pour me remettre dans le bain de l’écriture. Quand j’ai commencé cette série de petites BD (K-way rouge) je n’avais plus écrit d’histoire depuis presque 4 ans. À aucun moment je n’ai pensé faire éditer le « K-Way ».
Et puis avec le temps, la question s’est posée. Un éditeur a montré son intérêt. Mais la difficulté est de faire passer quelque chose de très improvisé à un livre.
J’avais aussi créé une complicité avec mes amis sur Facebook. Cette complicité n’existera plus avec de futurs lecteurs d’un livre.
Facebook était un peu pour moi comme une parution hebdomadaire dans un journal. Les lecteurs avaient le temps de s’habituer aux personnages, finissaient par le connaître… un peu comme quand je lisais le journal de Spirou quand j’étais gamin.
Je laisse reposer le projet pour le moment.
Quant à ta question sur comment j’envisage la bande dessinée par rapport à l’album jeunesse, j’ai fait 3 albums de BD chez Dupuis. Mon erreur à l’époque a été de vouloir à tout prix faire « BD » dans le sens classique de la BD franco-belge. Maintenant je préférerais travailler comme je travaille mes albums jeunesse, graphiquement surtout.
C’est à dire, utiliser mon travail à l’aquarelle que je fais pour mes illus et transposer cet univers en BD.
Il y a aussi d’autres contraintes techniques (les cases, les bulles, pas de texte descriptif),
le temps de lecture sur chaque image est très court, ça oblige à plus de rigueur.
Le tout sera pour moi de garder le même plaisir de dessin.
Enfin, pour te répondre à la troisième partie de ta question, je crois que même si je fais de la BD jeunesse, ce sera pour un public un peu plus âgé que pour mes albums. Donc d’autres thèmes ou formes d’humour pourront être utilisés.
Au départ de ma BD « K-way » il y avait des souvenirs d’enfance. D’un enfant d’à peu près dix ans. Je peux créer des connivences, des clins d’œil… avec un lecteur de cet âge-là.
Dans mon projet, en plus du petit garçon au k-way, il y a aussi une fille. Est-ce son amoureuse, une amie, une sœur… ? J’aime bien jouer sur ces rapports fille-garçon.
Le garçon est un petit peu macho quand même. Mais très naïf aussi.
Je peux raconter ça sur la longueur, par petites touches. Faire évoluer les personnages. Ce qui est plus compliqué sur le format album illustré.
Bibliographie sélective de Benjamin Chaud
- Le pire anniversaire de ma vie, auteur et illustrateur, Hélium (sortira en août 2016).
- L’art à table, auteur et illustrateur, Hélium (2016).
- La vérité sur mes incroyables vacances, illustration d’un texte de Davide Cali, Hélium (2016).
- Le génie de la bouteille, illustration d’un texte d’Eva Susso, Albin Michel Jeunesse (2016).
- Pomelo et l’incroyable trésor, illustration d’un texte de Romana Badescu, Albin Michel Jeunesse (2015).
- Je suis en retard à l’école parce que…, illustration d’un texte de Davide Cali, Hélium (2015), que nous avons chroniqué ici.
- La fée Coquillette et la maison du bonheur, illustration d’un texte de Didier Lévy, Albin Michel Jeunesse (2014).
- Poupoupidours, texte et illustrations, Hélium (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Je n’ai pas fait mes devoirs parce que…, illustration d’un texte de Davide Cali, Hélium (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Le petit Roro : Mon tout premier dico, illustration d’un texte de Corinne Dreyfuss, Actes Sud Junior (2012).
- Coquillages et petit ours, texte et illustrations, Hélium (2011), que nous avons chroniqué ici.
- Une chanson d’ours, texte et illustrations, Hélium (2011), que nous avons chroniqué ici.
- Pomelo et les contraires, illustration d’un texte de Romana Badescu, Albin Michel Jeunesse (2011).
- Pomelo grandit, illustration d’un texte de Romana Badescu, Albin Michel Jeunesse (2010).
- Adieu chaussette, texte et illustrations, Actes Sud Junior (2010), que nous avons chroniqué ici.
- Le gros camion qui pue de mon papa, illustration d’un texte de Romana Badescu, Albin Michel Jeunesse (2006).
- Pomelo est bien sous son pissenlit, illustration d’un texte de Romana Badescu, Albin Michel Jeunesse (2002).
Retrouvez Benjamin Chaud sur le site de La charte.
Bibliographie sélective de Jean-Luc Englebert :
- La poule qui avait pondu un bœuf, illustration d’un texte de Christian Oster, l’école des loisirs (2016).
- Un ours à l’école, texte et illustrations, l’école des loisirs (2015).
- Ulysse 15, illustration d’un texte de Christine Avel, l’école des loisirs (2015).
- Donne-moi une histoire, texte et illustrations, l’école des loisirs (2015).
- C’est papy qui choisit, illustration d’un texte de Jean Leroy, l’école des loisirs (2014), que nous avons chroniqué ici.
- Les poupées c’est pour les filles, illustration d’un texte de Ludovic Flamant, l’école des loisirs (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Le jour du A, texte et illustrations, l’école des loisirs (2010).
- Série GusGus, illustrations de scénarios de Christian Durieux, Dupuis (2007-2009).
- La cabane de Loula, illustration d’un texte d’Andréa Neve, l’école des loisirs (2006).
- Petit roi crocodile, texte et illustrations, l’école des loisirs (2006).
- Trabakaloum !, texte et illustrations, l’école des loisirs (2005).
- Mon petit crocodile, texte et illustrations, l’école des loisirs (2004).
- Dessine-moi des lapins, texte et illustrations, l’école des loisirs (2004).
Retrouvez Jean-Luc Englebert sur son site : http://englebert.ultra-book.com.

Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !