Pour ce dernier jour de l’année, on eu envie de se prêter à un exercice pas si facile… chacun·e de nous a du choisir un et un seul livre parmi ceux qu’il ou elle a chroniqué dans l’année. Nous republions ici la chronique du livre que chacun·e d’entre nous a voulu mettre en avant pour cette sorte de best of. On a évidemment proposé à Amélie de se joindre à nous.
Dans les couloirs du Musée national du Brésil, à Rio, c’est l’heure : le gardien fait tinter sa cloche. Nós fechamos ! « On ferme ! » Edson Arantes fait le tour des salles pour s’assurer qu’il ne reste plus de visiteur·euse. Mais le musée semble déjà désert depuis longtemps, et hormis quelques habitué·es, il est surtout habité par les œuvres endormies, les toiles d’araignées, et le silence. Ce soir-là, les portes du palais se refermeront pour la dernière fois, car le musée ne fait plus recette. Que vont devenir les œuvres qui dorment derrière leurs vitrines ? Et que va devenir leur gardien ? Cette nuit-là, des visiteur·euses auront droit à une dernière visite très spéciale. Leur guide : Edson Arantes en personne. Objectif de la visite : sauver les œuvres de l’oubli.
Partant d’un fait réel (l’incendie du Musée national de Rio en 2018, qui causa la perte inestimable d’un patrimoine Brésilien colossal) Gilles Baum et Régis Lejonc nous en offrent une interprétation toute personnelle dans un album à la lisière de l’album de BD. Servi par l’illustration toujours aussi sublime, à la fois dépaysante et universelle de Régis Lejonc, le propos interroge et bouleverse lui aussi : la place des œuvres d’art est-elle dans les musées, figées derrière des vitres, s’éteignant à petit feu faute de regards posés sur elles ? Comment les faire perdurer, les maintenir vivantes, comment faire qu’un peuple soit fier de ces racines qui l’ont fondé ? Un questionnement universel et on ne peut plus contemporain magnifiquement porté par ce duo d’artistes.
Un jeune garçon se voit contraint de fuir. Il doit aller vivre ailleurs. Pour cela, il emprunte une barque, qui devra lui servir à traverser les mers. Ne l’accompagnent que deux ou trois effets personnels, mais surtout une tasse contenant une poignée de terre de son pays d’enfance. Durant ce voyage, la mer comme le ciel pourront se montrer des alliés ou apparaîtront comme des difficultés à surmonter. Mais l’enfant ne perdra jamais du regard la ligne d’horizon à la recherche d’un endroit merveilleux. Et puis, un jour, un petit quelque chose germe dans la tasse, le guidant vers de nouvelles aventures.
Voilà, une belle histoire, tant par le message qu’elle laisse entrevoir que par ses illustrations. D’où vient ce petit homme ? Où va-t-il ? Est-ce le réchauffement climatique ou la guerre qui le font fuir son pays ? Au final, peu importe. L’essentiel est ailleurs. Dans ce qu’il cherche : un monde meilleur ; dans ce qui le guide : l’espoir. Ses racines, ici représentées au sens propre, seront la base de sa nouvelle vie ; les trésors de la nature et l’amitié fourniront le terreau nécessaire à son épanouissement. Les illustrations sont époustouflantes. Les dégradés de bleu et de blanc pour représenter le ciel et la mer sont grandioses, de vrais tableaux, miroirs des émotions de l’enfant. Les petites touches de vert apportent l’espoir. Les changements de point de vue apportent du dynamisme à l’histoire. Ce livre est une vraie pépite.
Carole
Saviez-vous que les oiseaux d’une même espèce ont un accent différent selon l’endroit où ils vivent ? Que tous sont capables de voir les zones du spectre de la lumière ultraviolette, invisible à l’œil nu pour nous ? Ou encore que le Ménure superbe est capable d’imiter à la perfection presque tous les oiseaux et même des bruits parasites tels que le déclencheur d’un appareil photo ou une alarme de voiture ?
Eh oui, nous sommes loin d’être les seul·es à savoir parler ou construire des édifices compliqués, les oiseaux ne nous ont pas attendus
À travers un grand livre très coloré, Misha Maynerick Blaise nous propose de découvrir plein de choses incroyables sur les volatiles, des plus communs comme les pigeons aux plus étranges tels que les casoars. Découpé en sept grands chapitres, il aborde beaucoup d’informations aussi bien sur les méthodes de nidifications ou encore les parades amoureuses, bref les spécificités mais aussi les similarités de chaque espèce.
La mise en page dynamique intègre du texte explicatif, des références, des citations mais également les humeurs et les réflexions des oiseaux dessinés par l’artiste, qui semblent bien décidés à avoir leur petit mot à dire dans tout ça.
Le tout est rédigé de manière claire afin de ne pas alourdir la lecture et s’adresse ainsi à un public très large, la lecture pouvant se faire à deux (ou plus !) pour partager ses réactions autour de toutes ces découvertes.
Drôles d’oiseaux est bourré d’informations rythmées par des dessins très expressifs et chatoyants qui accrochent le regard. On apprend avec plaisir et amusement, tout en gardant en mémoire la fragilité de cet écosystème et la nécessité de le préserver.
J’ai vraiment adoré la touche d’humour, les dessins et les couleurs de Misha Maynerick Blaise et aussi l’intelligence de son propos : jamais moralisateur, toujours fascinant, la prise de conscience se faisant toute seule. Il s’agit d’une encyclopédie coup de cœur pour tous les curieux et toutes les curieuses mettant en avant l’incroyable diversité des oiseaux et les précieuses merveilles de la nature.
Caroline
À force de marcher au bord du précipice, un jour l’ours Kintsugi tomba de la montagne. Il n’atterrit pas dans des bras, comme il l’avait espéré pendant sa chute, mais sur un épais buisson où poussaient des roses. Les épines lacérèrent la peau du pauvre ours Kintsugi qui trouva refuge dans un ruisseau. Mais dans l’eau, le sang qui s’écoulait de ses blessures se transforma en longs serpents, des serpents qui nagèrent jusqu’à un village, où vivait Kaori…
Mais quelle merveille que cet album ! Quel petit bijou ! L’ours Kintsugi est le genre d’album qu’il est impossible d’oublier une fois que l’on l’a lu, le genre d’album si beau qu’on en a les larmes aux yeux, le genre d’album qu’on a envie d’offrir autour de soi. L’extrême poésie du texte (et de ce qu’il raconte), la beauté des illustrations (et de l’objet lui-même avec sa couverture non vernie et son papier épais) en font un album précieux, rare, bouleversant. Difficile de vous raconter l’histoire, tout ce qu’elle comporte, tout ce qu’elle raconte. Lisez-le, tout simplement.
Le plus bel album qu’il m’ait été donné de lire depuis un moment.
Arthur et Rose passent tous leurs étés chez Grand-père et cela, depuis qu’il et elle sont tout petit·es. Les années passant, il et elle vont délaisser leurs jeux au grand dam d’Arthur qui aimerait encore jouer avec Rose qui elle, reste collée à son portable ou avec la voisine plus âgée pour bavarder du collège. Mais Grand-père eut une excellente idée : vider le grenier pour en faire une salle de détente ! Nos jumeaux·elles vont devoir mettre la main à la pâte pour se créer un endroit personnel car il y a une tonne de cartons à trier et jeter ! En rangeant, ils vont tomber sur des souvenirs d’enfance et plus particulièrement sur des objets qui vont leur rappeler Groaar, ce royaume magique qu’il et elle avaient inventé de toute pièce pour vivre des aventures insolites. Mais était-ce vraiment le fruit de leur imagination ?… Car Grand-père mystérieusement disparu au milieu du grenier, sans laisser de trace…
Ce premier tome est un gros coup de cœur ! L’autrice nous plonge dans la vie de jeunes adolescent·es, Rose et Arthur, dont l’enfance s’éloigne petit à petit, les faisant perdre leur créativité et imagination au détriment de leurs jeux qu’il et elle aimaient tant… Groaar est le reflet de leurs passions, de leurs peurs mais aussi leur refuge où tout est permis ! Ces jumeaux·elles sont également très différent·es, Arthur est doux comme Rose est brute, il est patient comme elle est tête brulée, bref le yin et le yang pour se compléter à merveille ! Par conséquent, il et elle sont de redoutables adversaires pour leurs ennemis à Groaar, il et elle y vivent des aventures et des affrontements spectaculaires toujours en s’entraidant ! L’autrice a une imagination débordante, elle donne beaucoup de détails et de matière à l’univers qu’elle nous présente. Les illustrations viennent couronner le tout, pour enjoliver cette histoire. Si vous aussi vous voulez rugir sur le dos d’un dragon, embarquez pour cette aventure qu’est la découverture de Groaar !
Mathilde
Pour son service civique obligatoire entre la 3e et la seconde, Valentin Lemonnier a le choix : Culture, Défense, Voirie… Mais, provoquant la surprise et l’effarement de la France entière, la plateforme de vœux déraille ; Valentin, qui désirait travailler dans la Culture, non loin de chez lui dans le Sud, se retrouve propulsé dans une unité Mnémosyne des Hauts-de-France. Son rôle ? Participer au bien-être des pensionnaires de l’unité, des personnes âgées atteintes d’Alzheimer et qui se croient encore au temps de leur jeunesse. Au sein de cette ville de carton reconstituée pour ressembler à une bourgade des années 60, Valentin se voit attribuer une mission douloureuse : annoncer à l’une des pensionnaires qu’elle a perdu le concours organisé par Salut les Copains et que non, Françoise Hardy ne pourra pas venir lui chanter La maison où j’ai grandi. Mais, et si elle venait ? se dit Valentin. Commence alors pour lui un chemin dans les pas de Françoise Hardy !
Au risque de paraître catégorique, LISEZ CE LIVRE. Qui que vous soyez, où que vous viviez, si vous lisez ces lignes, alors LISEZ CE LIVRE.
Comment vous convaincre ?
Une écriture drôle et intelligente, un héros doux, ténébreux (un peu) et attachant, une bande-son immersive et fantastique, des personnes âgées tristes et parfois fantasques, un îlot des années 60 ancré dans la France des années à venir et du Françoise Hardy à tous les coins de page ;
Un rapport de stage de plus de 300 pages où s’emmêlent Biographie de Carrière et histoires d’amour romanesques, un voyage initiatique qui se déroule quasi-intégralement dans un décor en carton-pâte (littéralement) de Boulogne-Sur-Mer, plus incroyablement réel que la réalité, des femmes et des hommes chiant⋅es, sympathiques, bizarres, palpables ;
Françoise Hardy et sa voix pure, Françoise Hardy et sa douceur, Françoise Hardy, partout ;
et puis Sola, la tutrice de Valentin, rugueuse et fragile comme du papier-verre (ou des falaises).
Octavio, rond et réconfortant comme un chocolat chaud.
Et encore plein d’autres qui vivent en moi mais qui naîtront en vous quand vous LIREZ CE LIVRE.
Parce que vous le lirez.
Et vous l’aimerez.
Promis.
Morgan
Nous pourrions les nommer. Dresser des listes, cumuler les instants. Nous pourrions faire des colonnes de ce qui plait, de ce qui blesse, de ce qui égratigne, de ce qui grandit. Béatrice Alemagna en a fait des doubles pages entre lesquelles un calque s’est glissé. Entre la page de gauche et celle de droite, quelque chose aura changé, disparu. Quelques poux qui démangent les crânes chevelus, le sommeil qui nous quitte au petit matin, les petites bulles de savon qui éclatent, la fumée qui danse au-dessus d’une tasse de thé trop chaud…
Derrière ces petits riens consignés, des gestes anodins, des moments singuliers, des douleurs à dompter. Une fois la page tournée, les choses qui s’en vont offrent la possibilité d’aimer les après ou de regretter les avant. Si le ton se veut parfois léger, certaines pages nouent la gorge, griffent, et rappellent combien il peut être bon de profiter sans attendre de ce qui un jour, inévitablement, nous échappera. Et si les émotions nous gagent au fil des pages, elles nous disent également que ce qui s’éloigne ou disparaît, peut aussi trouver durablement une place au creux de nous. Poétiques à souhait, les images et les mots valsent harmonieusement sous notre regard attendri pour réveiller nos souvenirs et nos émotions enfouies. Un bijou de tendresse qui encourage à profiter aussi des choses ou des gens qui restent.
Un album doux comme du coton.
Mokamilla
Jojo et Jolie sont deux jeunes oies qui vivent paisiblement autour du Lac avec leurs parents. Leur quotidien n’est que jeux, rire et douceur… Jusqu’au jour où tout bascule… La rumeur enfle que les oiseaux de malheur s’approcheraient du lac. Il n’y a qu’une solution : la migration. Le problème, c’est que la migration habituelle par les plaines est impossible… Reste alors celle, beaucoup plus dangereuse, par les montagnes… Mais les parents de Jojo ne peuvent pas l’accompagner et surtout, il va falloir payer les outrepasseurs…
Les migrateurs est un grand album. Un album bouleversant et intense, une fable métaphorique sur les migrations. On suit le parcours de jeunes oies Jojo et Jolie contraints de fuir une menace politique (les oiseaux de malheur, un groupe de volatile souhaitant imposer leur hégémonie sur « le lac »). Malheureusement, nos chers oisillons sont obligés de tout laisser derrière eux et notamment leurs familles qui se sacrifient pour que les plus jeunes puissent partir. C’est un album qui oscille entre le tragique – on a les larmes aux yeux lorsque les parents de Jojo sont obligés de se « déplumer » littéralement pour payer les outrepasseurs – et un immense espoir. La migration est violente, difficile, mais dans l’adversité, Jojo et Jolie tentent de survivre en chantant des chansons et en se remémorant leur enfance joyeuse passée auprès du lac. Le texte est superbe, parfois dur, mais toujours touchant. Les illustrations de Karine Maincent nuancent le propos de Vincent Gaudin en offrant aux lecteurs et lectrices des petites saynètes colorées et vives débordantes d’humanité à l’instar de cet album.
Ce jardinier et cette petite fille ont plusieurs points communs, il et elle vivent loin des autres, différents, dérangent les villageois.es à cause… de leur amour des livres. Lui, vieux monsieur, aime tant les récits qu’il en cultive : des romans, des albums, des bandes dessinées, des livres d’aventure… Elle, petite fille sans parents, se nourrit de documentaires. C’est elle qui va lui souffler, tout en douceur, les petites astuces pour l’apprivoiser.
Dans le livre Le jardinier qui cultivait les livres, l’autrice nous prend la main pour la glisser entre celle du vieux jardinier et celle de la petite fille. Elle nous plonge merveilleusement dans les bienfaits de la lecture : l’ouverture sur la connaissance, sur les autres, sur soi-même, ses émotions… Son vocabulaire riche et varié offre un texte précis et poétique mais pas ardu. Il est caressé par les aquarelles aux délicates couleurs pastel de Claude K. Dubois. La complicité avec les personnages de cette si jolie histoire enrobe de tendresse le lecteur ou la lectrice. Et l’on lit et relit ce livre pour retrouver encore et encore la douce émotion de la première lecture !
Stéphanie
Fechamos Texte de Gilles Baum, illustré par Régis Lejonc Les Éditions des éléphants 15 €, 330 x 210 mm, 40 pages, imprimé au Portugal chez un imprimeur écoresponsable, 2020. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Là-bas Texte de Rebecca Young (traduit de l’américain par Rose-Marie Vassalo), illustré par Matt Ottley Kaléidoscope 13€, 256×289 mm, 36 pages, imprimé en Italie, 2020. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Drôles d’oiseaux de Misha Maynerick Blaise (traduit de l’anglais par Laurence Le Maire) Fei 19 €, 270×187 mm, 208 pages, imprimé en Italie, 2020. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
L’ours Kintsugi Texte de Victoire de Changy, illustré par Marine Schneider Cambourakis 16 €, 246×337 mm, 32 pages, imprimé en Lettonie, 2019. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Moi, Arthur, maître du royaume perdu — tome 1 Texte de Jenny McLachlan (traduit de l’anglais par Julie Lopez), illustré par Ben Mantle Auzou, dans la collection Grands formats 12,95 €, 140x195mm, 352 pages, imprimé en Serbie, 2019. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Âge tendre de Clémentine Beauvais Sarbacane, dans la collection Exprim’ 17 €, 136×215 mm, 378 pages, imprimé en France, 2020. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Les choses qui s’en vont de Béatrice Alemagna Hélium 15,90 €, 160 x 250 mm, 70 pages, imprimé en Belgique, 2019. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Les migrateurs Texte de Vincent Gaudin, illustré par Karine Maincent Kilowatt 16,50 €, 245×176 mm, 60 pages, imprimé en France, 2020. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Le jardinier qui cultivait les livres Texte de Nadine Poirier, illustré par Claude K. Dubois D’eux 13 €, 234×236 mm, 32 pages, imprimé en Chine, 2020. Achetez ce livre* via LesLibraires.fr, LaLibrairie.com ou Place des libraires. |
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !