Pour le dernier rendez-vous des invité·es du mercredi de l’année, je vous propose de rencontrer l’éditeur d’une maison d’édition qu’on aime beaucoup et de vous présenter un livre extrêmement important. Le premier, c’est Roland Stringer de La montagne Secrète, qui a accepté de répondre à nos questions. Ensuite, pour la rubrique Parlez-moi de…, j’ai proposé à l’autrice Florence Dutruc-Rosset, à l’illustratrice Julie Rouvière et à l’éditrice Marie-Claude Réau de nous parler de La princesse sans bouche, un conte qui parle avec beaucoup d’intelligence de l’inceste. Bon mercredi à vous.
L’interview du mercredi : Roland Stringer
Pouvez-vous nous parler de votre parcours
Après avoir complété un bac en arts et lettres, j’ai travaillé comme journaliste culturel pendant quelques années avant de devenir un tour manager pour un groupe musical : Hart-Rouge, formé de quatre membres de la même famille, tous des amis d’enfance. Pendant quinze ans, j’ai parcouru la planète avec eux — en Pologne, en Estonie, en Sicile et dans le fin fond du Canada et des États-Unis. Progressivement, en apprenant sur le tas, je suis devenu producteur, directeur de label indé et éditeur musical.
Durant cette période, j’ai aussi commencé à produire des disques pour une artiste inconnue qui voulait chanter exclusivement pour les enfants. Elle s’appelait Carmen Campagne et deviendrait à la fin des années 90 la « diva des garderies » au Québec. Avec elle, j’ai vécu une aventure extraordinaire… plus d’un million de disques et vidéos vendues, plusieurs passages à l’Olympia de Paris et des spectacles qui s’annonçaient complets plusieurs mois à l’avance.
En 2000, vous créez La Montagne secrète, comment est né ce projet ?
Durant les années 97 et 98, j’allais en France régulièrement pour représenter Carmen puisqu’elle était signée chez Polydor, qui la voyait devenir « l’Henri Dès de la prochaine génération ». À un moment donné, le PDG m’a demandé si je voulais rencontrer des représentants de Gallimard et Flammarion. Je vous avoue qu’à l’époque je ne voyais vraiment pas comment une chanteuse pour enfants pouvait intéresser une maison d’édition. Mais bon, j’étais tout de même curieux de savoir ce qu’on allait pouvoir me proposer.
Eh bien, j’ai été ébloui par l’approche de ces gens qui m’ont livré une vision cohérente, voire saine et rafraîchissante, de la diffusion à long terme de livres signés Carmen Campagne. Nous étions à mille lieues du discours habituel des label-managers qui carburaient aux Top 50 et aux émissions de variétés à TF1 ! Bref, je crois que c’est dans l’avion en rentrant à Montréal à la suite de ces rencontres que je me suis vu devenir éditeur de livres. Peu après, j’ai fondé La Montagne secrète !
Je devrais ajouter qu’à la fin des années 90, comme jeune père, j’avais constaté que la librairie et la bibliothèque étaient devenues les lieux de prédilection pour les jeunes familles à la recherche de livres de qualité, et aussi de musique, films et jeux. À l’inverse, les disquaires, surtout au Canada et aux États-Unis, avaient délaissé les nouveaux parents en ciblant plutôt les ados et les jeunes adultes. Il fallait parcourir des kilomètres dans le magasin de disques pour mettre la main sur un album musical pour enfants, qui se cachait généralement dans le rayon de musique de film. J’y voyais une opportunité pour lancer une entreprise hybride, à la fois label de musique et maison d’édition littéraire, qui ferait partie de la chaîne du livre tout en proposant des contenus multimédias.
D’où est venu le nom « La montagne secrète » ?
La réflexion sur le choix du nom a tourné autour du mot « secret » d’abord. Les enfants aiment les secrets. Qui n’a jamais demandé à son ami de « garder un secret » ? C’est une idée, une information, une expérience qui t’appartient, qui a été créée pour toi en quelque sorte. Paradoxalement, tout bon secret, en fin de compte, se répand et devient la propriété de tous. Notre maison d’édition, à mes yeux, c’est une machine à secrets !
Je voulais aussi un nom qui se rattache à mon chez-moi. Nous avons au cœur de l’île de Montréal une montagne, le Mont Royal. C’est un endroit magique où se rassemblent les familles pour des pique-niques et des barbecues l’été, pour faire du patin et du toboggan l’hiver.
Enfin, le choix du nom, c’est aussi un clin d’œil au roman La Montagne secrète de Gabrielle Roy, l’une de nos grandes écrivaines franco-canadiennes. Il s’agit d’un récit qui suit un peintre en voyage dans le Grand Nord québécois, qui se veut une réflexion sur la vie d’artiste et son besoin de se dépasser.
Quelle est votre ligne éditoriale, comment choisissez-vous les projets que vous éditez ?
L’audio compte pour beaucoup dans nos choix éditoriaux, bien entendu. Nous tenons à notre devise : « Petits trésors pour grandes oreilles ! ». Il nous faut des contenus qui proposent une expérience sonore à l’enfant, que cela soit par le biais des chansons dans une variété de styles (jazz, classique, pop…) ou des contes narrés avec bruitages et musiques de fond. En parallèle, nous croyons que l’enfant écoute avec ses yeux, que les illustrations et le design d’un livre forment une partie intégrale de l’œuvre. S’y ajoute, bien entendu, notre désir de publier des histoires originales en provenance des quatre coins de la planète en collaborant avec des auteurs de différentes cultures.
Je sais que la question n’est pas facile, mais si vous deviez me citer quelques albums qui ont marqué la maison…
Nous avons publié cinq livres-disques avec notre grand poète national, Gilles Vigneault (qui fêtait récemment ses 92 ans !) Chacun a marqué la petite histoire de notre maison et nous serons toujours très reconnaissants envers lui de nous avoir fait confiance, surtout au début. D’abord, il y a eu Un trésor dans mon jardin, notre toute première publication, qui annonçait notre naissance en grande pompe avec la participation de Lynda Lemay, Richard Desjardins, Michel Rivard et Daniel Lavoie, tous très connus et respectés au Québec. Il y a eu ensuite Un dimanche à Kyoto, avec une nouvelle génération d’interprètes (Martin Léon, Pierre Lapointe, Ariane Moffatt), qui a été un succès instantané. Suivi d’Un cadeau pour Sophie (avec Francis Cabrel et Térez Montcalm, entre autres), lauréat du Prix TD en 2014, la plus importante distinction en littérature pour la jeunesse au Canada. Et finalement, nous avons publié deux histoires « à compter dans la main », conçues pour être racontées à un enfant en suivant du doigt les lignes de sa main, soit Léo et les presqu’îles et Gaya et le petit désert.
20 ans après, comment la maison a évolué ?
Ce qui n’a pas changé, c’est notre approche, soit celle de rassembler des artistes de différentes disciplines — auteurs, conteurs, musiciens, comédiens, illustrateurs — en provenance des quatre coins de la planète autour d’un projet commun.
Au début, nos publications proposaient surtout un livre illustré contenant les paroles des chansons du CD (Un trésor dans mon jardin, Le chat musicien, Le tango des animaux). Par la suite, nous avons ouvert le cercle en publiant des contes musicaux (Le géant de la forêt, Un pique-nique au soleil), des contes avec des chansons qui complètent le conte (Un cadeau pour Sophie, Le petit ours gris de la Mauricie, Le loup de Noël), et des documentaires (Le chant des oiseaux, Belles bestioles, Animaux musiciens).
Nous avions au début toujours l’intention de publier aussi des titres en anglais, mais à un rythme moins élevé. Aujourd’hui, force de constater que les albums musicaux dans la langue de Leonard Cohen représentent la moitié de notre fonds ! Il y a eu plusieurs traductions d’albums originaux français (W is for Wapiti, A Gift for Sophie) ainsi que des productions originales avec des artistes canadiens et américains (My Name is Chicken Joe, Down at the Sea Hotel). Nous avons aussi acquis les droits anglais pour le marché nord-américain d’une dizaine de livres-disques publiés chez Didier Jeunesse qui initient les enfants aux musiques du monde, au jazz et à la musique classique.
Notre investissement dans les nouveaux médias a évidemment augmenté. Il faut savoir que nous avons toujours embrassé le numérique, tout en tenant obstinément à l’idée que les beaux livres en papier ne disparaîtront jamais. Nous étions parmi les premiers à proposer nos musiques en téléchargement (en 2003) et, plus tard, en diffusion en continu. Avec l’arrivée de la tablette, nous avons tout de suite commencé à créer des applications dans le but d’offrir une expérience multisensorielle à l’enfant. Et depuis cinq ans, en plus de proposer des audiolivres, nous publions des livres numériques enrichis.
Les choses ont changé aussi en 20 ans, les CD sont beaucoup moins utilisés aujourd’hui, comment gérez-vous cette évolution ?
Depuis trois ans, toutes nos nouveautés incluent, en plus du disque, un code unique pour le téléchargement de l’audio. Cela se fait à partir d’une plateforme que nous avons créée à l’interne. Nous sommes alors en mesure de suivre de près l’évolution de l’utilisation de ce service et de l’adapter rapidement en fonction des changements technologiques.
La montagne secrète est une maison d’édition québécoise, mais bien connue aussi en France. Est-ce qu’il y a une différence entre les deux publics, est-ce qu’une adaptation de certaines choses est nécessaire ?
Sans aucun doute, il y a des particularités françaises dont il faut tenir compte. L’intérêt pour le livre et la lecture en France, dans toutes ses régions, est impressionnant lorsqu’on compare avec le Québec. Les nombreuses initiatives, soit les foires, salons, festivals et rencontres en librairie ou à la bibliothèque, offrent à l’année longue à une petite maison d’édition comme la nôtre des outils promotionnels intéressants.
En revanche, l’offre en France est hallucinante, voire débile (au sens québécois du terme). Les grands groupes éditoriaux, en plus, prennent énormément de place et détiennent une grande influence sur toute la chaîne du livre. Cela n’a rien à voir avec le marché québécois qui compte seulement 7 millions d’habitants francophones.
Somme toute, il faut faire preuve de souplesse et être à l’écoute de ses partenaires en distribution et en librairie pour naviguer ces eaux. Dans notre cas, depuis plusieurs années maintenant, nous avons une personne en permanence qui nous représente en France. Sa présence nous permet d’ajuster nos stratégies de marketing afin de prendre en compte les différences qu’il peut y avoir.
Quelles étaient vos lectures d’enfant, d’adolescent ?
J’ai grandi dans l’Ouest canadien, à 3 000 kilomètres de Montréal dans une province où il n’y a que 3 % des habitants qui parlent le français. Nous avions accès à très peu de livres français à l’école primaire. Tout petit, je me suis abonné au club du Docteur Seuss, connu en France avant tout comme l’auteur de Comment le Grinch a volé Noël. Mon préféré, c’était Green Eggs and Ham (« Les œufs verts au jambon »)
2021 va être une année un peu spéciale pour vous, pouvez-vous nous parler des ouvrages que vous allez sortir cette année ?
Pour créer un livre-disque, de la préproduction à la publication, nous comptons généralement environ trois ans. En 2021, nous publierons une collection qui aura pris près de cinq ans !
Nous allons enfin lancer Petites histoires de grands compositeurs, de l’auteure mexicaine Ana Gerhard. Dans cette série, le jeune lecteur est invité à suivre une petite souris qui voyage dans le temps pour faire la rencontre de Vivaldi, Tchaïkovski, Mozart… Il y a 6 ouvrages en tout (3 paraîtront en mars et 3 en septembre). Je n’oublierai jamais les deux jours passés en présence de l’orchestre de chambre I Musici de Montréal pour les enregistrements, une expérience qui fut, franchement, exaltante. Cette série sera diffusée en France avec le concours de France Musique, ce qui est génial.
L’album musical Le vieillard et l’enfant est prévu pour mai 2021. Il s’agit d’un récit de Gabrielle Roy (présentée plus tôt dans cette entrevue), adapté par l’auteure Dominique Fortier qui vient tout juste de remporter le prix Renaudot Essais pour son ouvrage Villes de papier. Cette histoire intergénérationnelle se passe au bord du Lac Winnipeg, un endroit magnifique sur les prairies canadiennes, revu par l’illustrateur Rogé. C’est Daniel Lavoie, natif de cette région, qui a composé les chansons.
Il y aura le conte musical Une fête sous la lune, de Christiane Duchesne et Jérôme Minière, la suite à Un pique-nique au soleil, publié en 2019. C’est léger, drôle et entraînant.
La nouveauté Faites de la musique !, est destinée aux tout-petits. On y retrouve six chansons traditionnelles (Les crocodiles, Au clair de la lune…) interprétées par Carmen Campagne et illustrées par Marie-Ève Tremblay. Le livre à couverture rigide compte plus de 150 pages.
Et en juin, pour annoncer l’été, nous lancerons la collection Un livre, une chanson avec des récits pour écouter de la musique partout dans le monde. Le livre est accompagné d’un CD d’environ 10 minutes qui comprend la narration du conte et la chanson thème. De l’Espagne, il y a La musique autour de nous, de Gema Servant et Lucia Cobo et, de la Chine, Un concert d’été au clair de lune de Han Han.
Les livres sortis à La Montagne Secrète que l’on a chroniqué :
- Belles bestioles – Initiation à la musique classique, textes d’Ana Gerhard, illustrés par Mauricio Gomez Morin (2020), que nous avons chroniqué ici.
- Un pique-nique au soleil, texte de Christiane Duchesne et Jérôme Minière, illustré par Marianne Ferrer (2019), que nous avons chroniqué ici.
- La laine des moutons, texte illustré par Marie-Ève Tremblay (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Tam ti delam, initiation du jeune public au patrimoine de la chanson québécoise, collectif, illustré par Marie Lafrance (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Le colibri chante et danse, sélection musicale et illustrations de Mariana Ruiz Johnson, avec la participation de Grupo Cántaro (2018), que nous avons chroniqué ici.
- Grand Tintamarre !, collectif, illustré par Mathilde Cinq-Mars (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Gaya et le petit désert, conte de Gilles Vigneault, chansons de Gilles et Jessica Vigneault chantées par un collectif, illustrations de Stéphane Jorisch (2017), que nous avons chroniqué ici.
- Jeux d’eau, initiation à la musique classique, collectif, sélection musicale et textes explicatifs d’Ana Gerhard, illustrations de Margarita Sada (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Le loup de Noël, texte de Claude Aubry lu par Michel Faubert, illustré par Pierre Pratt, chansons de Bon Débarras (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Il pleut à boire debout !, collectif, illustré par Marie-Ève Tremblay (2016), que nous avons chroniqué ici.
- Un monde fantastique, sélection musicale et textes explicatifs d’Ana Gerhard, illustré par Claudia Legnazzi (2015), que nous avons chroniqué ici.
- Le petit ours gris de la Mauricie, texte de Félix Leclerc, illustré par Marie Lafrance, lu et chanté par Edgar Bori (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Le chant des oiseaux, collectif, textes d’Ana Gerhard (traduits par Caroline Déry), illustré par Cecilia Varela (2013), que nous avons chroniqué ici.
- Léo et les presqu’iles, texte de Gilles Vigneault, illustré par Stéphane Jorisch (2013) que nous avons chroniqué ici.
- J’ai un bouton sur le bout de la langue, interprété par Geneviève Bilodeau, Bïa, Gaële, Jorane et Florence K. illustré par Josée Bisaillon (2011), que nous avons chroniqué ici.
- Clo-clo-rico !, collectif, chansons de Claude Léveillée, illustrées par Manon Gauthier (2010), que nous avons chroniqué ici.
- Le géant de la forêt, texte d’Hélio Ziskind, illustré par Pierre Pratt (2007), que nous avons chroniqué ici.
- Un cadeau pour Sophie, texte de Gilles Vigneault, illustré par Stéphane Jorisch (2007), que nous avons chroniqué ici.
- Un canard à New York, collectif (2006), que nous avons chroniqué ici.
- Un dimanche à Kyoto, collectif (2004), que nous avons chroniqué ici.
- Le chat musicien, collectif (2003), que nous avons chroniqué ici.
Le site de La montagne Secrète : https://www.lamontagnesecrete.com.
Parlez-moi de… La princesse sans bouche
Régulièrement, on revient sur un livre qu’on a aimé avec son auteur·trice, son illustrateur·trice et son éditeur·trice. L’occasion d’en savoir un peu plus sur un livre qui nous a interpellé·e·s. Cette fois-ci, c’est sur La princesse sans bouche que nous revenons avec son autrice, Florence Dutruc-Rosset, son illustratrice, Julie Rouvière et son éditrice Marie-Claude Réau (Bayard).
Florence Dutruc-Rosset (autrice)
En tant qu’autrice et rédactrice en chef de magazines jeunesse depuis de nombreuses années, je suis très habitée par l’enfance…
Avec mon dernier album, La princesse sans bouche, j’ai voulu parler du sujet le plus grave, le plus incompréhensible et le plus destructeur parmi les maltraitances que les enfants peuvent subir : les violences sexuelles.
Les enfants sont bien plus victimes de ces violences que ce que l’on aimerait penser : 1 fille sur 5 et 1 garçon sur 13 selon l’OMS. Certes, les langues se délient depuis quelque temps, mais le tabou est encore puissant concernant l’inceste. Et pourtant, les chiffres sont là : 80% des violences sexuelles faites aux enfants sont commises par la famille et les proches. Et environ 61% sont le fait du père. Quel effroi !
Alors j’ai essayé d’expliquer l’inexplicable aux enfants, de les prévenir, de les consoler s’ils en ont besoin, de leur dire combien ils sont précieux quelles que soient les épreuves qu’ils rencontrent dans leur vie et de leur donner espoir et confiance en leurs forces…
Pour cela, j’ai choisi le conte parce qu’il offre des images symboliques fortes qui parlent au plus profond de soi, tout en permettant le petit recul nécessaire pour aborder ce sujet délicat.
J’aime penser que ce conte s’inscrit dans la tradition de Peau d’Âne. La princesse sans bouche porte cette aspiration universelle. Le père est un roi, aveuglé par son désir de toute-puissance, qui brise le corps et le cœur de sa fille.
Il est des vérités douloureuses dans le monde que l’humanité doit avoir le courage de voir en face pour pouvoir y mettre fin.
Cet album n’aurait pas vu le jour sans Marie-Claude Réau, mon éditrice à Bayard, qui a tout de suite cru en ce projet, et Julie Rouvière qui a magnifiquement incarné ma petite princesse sans bouche…
Julie Rouvière (illustratrice)
C’est en août 2019 que j’ai été contactée par Elsa Leduc, conceptrice-graphiste aux éditions Bayard jeunesse. J’avais déjà travaillé avec elle sur un projet de couverture de roman et la collaboration s’était très bien passée. Elle m’a ensuite mise en relation avec Marie-Claude Réau, l’éditrice, et Florence Dutruc-Rosset, l’autrice du projet La princesse sans bouche. Je me souviens qu’à ce moment-là, même si j’étais complétement débordée, je me suis dit que le projet était trop important pour passer à côté ! J’ai tout de suite beaucoup aimé ce conte car même s’il peut sembler dur dans un premier temps, il s’en dégage au final une très belle énergie et une douceur bienveillante. J’ai envoyé les premiers crayonnés de la princesse sur lesquels il m’a été demandé pas mal de retouches dont je n’ai pas saisi immédiatement la nécessité. Nous nous sommes alors appelées avec Florence et elle a pris le temps de me donner des clés pour renforcer le texte avec mes images. C’était vraiment agréable de pouvoir collaborer avec l’autrice directement.
Marie-Claude, Elsa et Florence ont vraiment été à l’écoute. Ça a été un vrai plaisir de travailler avec elles sur un sujet aussi délicat. Je suis fière d’avoir participé à ce projet et j’espère que notre petite princesse pourra aider et accompagner le plus d’enfants possible.
Marie-Claude Réau (éditrice)
La Princesse sans bouche c’est l’un des ouvrages de l’année dont je suis le plus fière… Quand Florence Dutruc-Rosset m’a proposé son texte, qui était quasi achevé, j’ai immédiatement accepté de le publier, tellement il m’avait touchée. Nous avons simplement décidé ensemble de rajouter une double-page documentaire à la fin, à l’attention des parents/adultes pour les aider dans leur lecture.
Cette thématique qui m’est chère, me paraît essentielle à aborder, or elle l’est peu en édition jeunesse car elle fait peur. C’est précisément parce que le sujet de l’inceste fait peur qu’on a tendance à ne pas le traiter… Mais le vrai réflexe de protection vis à vis des enfants, c’est au contraire d’en parler. Florence Dutruc-Rosset, spécialiste du conte, a choisi cette forme symbolique qui convient parfaitement à cette tranche d’âge… Julie Rouvière, l’illustratrice, a su à merveille s’approprier la délicatesse de l’histoire et lui donner encore plus de force.
Ce fut une grande leçon d’exigence et d’écoute que de travailler toutes ensemble… J’espère que ce livre deviendra un ouvrage de fond, et que de nombreuses bibliothèques le référenceront.
La princesse sans bouche Texte de Florence Dutruc-Rosset, illustré par Julie Rouvière sorti chez Bayard (2020). Chronique à venir. |
Aimait la littérature jeunesse bien avant d’avoir des enfants mais a attendu d’en avoir pour créer La mare aux mots. Goût particulier pour les livres pas gnangnan à l’humour qui pique !