Aujourd’hui, j’ai choisi pour vous deux grands albums à lire et relire inlassablement. Un premier qui se passe de mots et qui demande, de manière ludique, d’être très observateur·rice et un autre titre au goût d’été dont les mots et les illustrations ne sauraient vous laisser indifférent·es.
Sybille, Olivier, Angélique, Pedro, Anne et son fidèle Rezo, Misty et Petra l’amoureuse des livres. Ce ne sont que des prénoms et des visages au cœur d’une page blanche. Puis vient l’hiver et le ballet saisonnier peut enfin commencer. Le mouvement s’invite sur le papier cartonné, chaque personnage s’active dans ce petit théâtre illustré : une résidence, la route vers la ville, une gare périphérique, un centre commercial, le cœur de ville et ses commerces, le jardin public… À chaque saison sa course folle, ses animations et ses priorités. La vie qui passe et tout ce petit monde qui se mêle à la foule. Les lieux sont toujours les mêmes (et l’on adore y trouver une petite librairie qui nous rappelle évidemment la nôtre), les personnages — acteur·rices de ce va-et-vient quotidien — déambulant sous nos regards amusés de les chercher à chaque nouvelle page tournée.
Un album grand format et un immense plaisir pris à le feuilleter ou le regarder plus attentivement. Durant cette lecture, nous vivons au fil des saisons et l’on se plaît à voir ces personnages qui grouillent sur les pages nous devenir familiers. On s’habitue aux silhouettes croisées comme si nous vivions tous et toutes dans le même quartier. Les tomes publiés séparément avaient le goût de trop peu et d’envies d’encore. Voilà que la publication de cette intégrale comblera les lecteur·rices qui verront la balade ludique se prolonger pour leur plus grand plaisir. Avec un titre qui sonne comme un air de Vivaldi fusionnant avec un roman de Calvino, cet album muet grand format ne pouvait que devenir un classique incontournable, parfait pour éveiller l’œil et l’esprit non sans humour et drôlerie. Libre aux lecteur·rices de s’inventer les histoires qu’ils·elles voudront, de laisser s’échapper des pages les mille et une vies possibles des personnages. Et si le plaisir du jeu et le sens de l’observation sont là, l’imagination fera le reste.
Quelques petits morceaux de scotch et des fleurs séchées pour seul cadre. Deux silhouettes qui prennent la pose, suffisamment proches pour savoir que ce cliché sépia immortalise avec pudeur ce qu’ils partagent de tendresse. Puis la couleur surgit avec les coquelicots qui flottent dans les herbes hautes. Une femme et sa fille s’empressent de rejoindre, dans ce paradis rural, un barbu aux cheveux gris qui travaille dans une maisonnette isolée du monde et des hommes. C’est auprès de Pépé Léon que Louise passera l’été. Un de ces étés qui marquent l’enfance au point de forger l’adulte que vous deviendrez. Auprès de Léon, la vie est légère comme la brise, folle comme une conversation avec les oiseaux, palpitante comme un cœur qui bondit dans la poitrine. Et si ce grand-père préfère souvent le silence aux longs discours, ce qu’il va transmettre de son joli monde à sa petite fille sera le plus merveilleux et inestimable des présents.
Il est de ces albums qui dès la première page vous promettent d’être d’une beauté insolente. Le Parfum des grandes vacances est de ceux-là. Thibault Prugne a l’immense talent de nous livrer des pages dont les mots sont aussi saisissants que les illustrations qui leur font écho. Son récit, profondément nostalgique et poétique transforme joliment de petits instants partagés en moments inoubliables. Il en est ainsi de ceux et celles qui ont de l’or dans leurs crayons et pinceaux. Une lecture pleine de ces frissons qui ont plus à voir avec la beauté des mots et des images qu’avec le souffle du vent qui se lève dans ces pages gorgées d’ombres chaudes et de lumières douces. Un bijou — aussi beau que son écrin — que l’on referme, submergé par les émotions qui nous étreignent et dont le parfum s’imprègne en nous comme un souvenir durablement tatoué dans le cœur et sous la peau.
Quatre saisons et une nuit d’été   de Rotraut Susanne BernerLa Joie de lire dans la collection Livre-promenade 29,90 €, 220 x 290, 80 pages, imprimé en Pologne, 2020. |
Le Parfum des grandes vacances de Thibault Prugne Margot dans la collection Jeunesse 19,90 €, 380 x 250 mm, 40 pages, imprimé en Italie, 2019. |
J’aime les gens qui doutent, aller voir ailleurs si j’y suis, oublier le temps dans une librairie, boire du vin et du thé, entretenir mon goût démesuré pour les petites listes… Amoureuse du cinéma de Miyazaki, des chansons de Pierre Lapointe, des pinceaux de Mélanie Rutten, des BD de Renaud Dillies, de la poésie de Vinau, des livres illustrés et des romans qui bousculent avec de jolis mots.